Epilogue - Acte 5
Diane se saisit d'une chaise et la retourna avant de s'y asseoir de manière cavalière :
-Bon, c'est quoi le problème ce soir ?
Elle s'était faite rare ces derniers temps, la préparation du ballet de Noël occupant tout son temps et son esprit. Elle craignait aussi un peu la proximité qui se créait entre eux. Mais elle revenait parfois, et ce soir, Nate lui avait directement demandé de venir.
Il lui avait envoyé un sms. Son numéro s'était affiché, sans contact associé, pourtant, elle avait immédiatement su de qui il provenait. Il avait changé de numéro, car elle avait bloqué l'ancien. Mais lui avait conservé le sien. Cela avait provoqué en elle une drôle d'émotion, coktail doux-amer agrémenté de nostalgie.
Le jeune homme se détacha de la fenêtre, revenant vers elle. Il portait une chemise bleu clair, dont il avait remonté les manches, et il paraissait préoccupé.
-Je suis désolée de t'avoir fait venir, tu dois avoir des tas de choses plus intéressantes à faire.
Diane haussa un sourcil. Il s'excusait, c'était nouveau. Qu'allait-il lui demander ?
-Mais en fait, continua le brun, je ne sais pas si tu te souviens, mais cette année la compagnie organise un gala, pour présenter les danseurs aux donateurs et amis du National Ballet. Je ne vais pas garder le suspens plus longtemps, c'est moi qui me charge de l'organisation.
-J'avais complétement oublié ce truc, murmura-t-elle, son engouement disparu.
La jeune fille comprenait mieux à présent son air préoccupé. Elle savait bien sûr qu'un gala était organisé, c'était le cas tous les ans. Cela lui était simplement sorti de la tête. Elle avait des échéances un peu plus importantes cette année.
-Forcément, c'est à toi qu'ils ont demandé, se força-t-elle à dire.
Nate connaissait son aversion pour les évènements mondains. Il se demandait également si, comme lui, cette annonce faisait remonter les souvenirs des bals organisés au lycée.
-Effectivement, niveau organisation, c'est la course, mais je gère. Le truc, c'est qu'il y a un plan de table, et je ne connais pas aussi bien que toi les danseurs.
Elle le regarda d'un air absent. L'espace d'un instant, elle était de nouveau au Château, se revoyait décorer le gymnase pour le bal.
-Diane ? l'interpella le brun face à son manque de réaction.
-Ah oui, pas de problèmes, finit-elle par répondre.
La compagnie organisait un gala, pas un bal et elle était totalement capable de l'aider à le préparer. A nouveau.
Diane raya un nom sur sa liste. Elle avait presque terminé, il ne lui manquait plus que... Nate. Elle ne l'avait pas encore placé, gardant cela pour la fin. On y était. Elle reprit son crayon, hésita un instant, puis l'inscrivit.
Voila. Elle avait terminé. Elle se renfonça sur son siège, leva les bras pour s'étirer :
-C'est bon, j'ai fini.
Nate leva les yeux de son fichier, retira ses lunettes :
-Bien joué Delcourt. Merci.
-C'était un sacré casse-tête. Je comprends mieux pourquoi au lycée, on se contente de buffet dinatoire. Bien moins compliqué. Enfin, ça doit plaire à Leighton, ça s'annonce autrement plus classe.
Nate, les yeux de nouveau fixés sur son ordinateur, répondit lentement :
-Surement... Mais elle ne viendra pas.
Diane resta un instant interloquée, puis comprit.
-Ah, je suis désolée.
-Non, ne t'inquiète pas, ça fait longtemps que c'est fini.
Un long silence suivit ses paroles.
-Je t'ai fait plusieurs versions, selon les désistements, les +1... reprit de manière un peu maladroite la jeune fille. C'est du grand art.
-Je n'en doute pas.
Attrapant les feuilles qu'elle lui tendait, il se mit à les parcourir. Diane l'observait, silencieuse. Il avait remis ses lunettes, et un léger pli barrait son front, signe qu'il était concentré. Elle ne se souvenait pas qu'il avait des lunettes. Cela devait être récent. Mais cela lui allait bien. Leighton l'avait-elle connu avec ses lunettes ?
Il la tira de ses pensées :
-Et toi, où tu es ?
Grillée.
Diane ne s'était pas inclus dans le plan de table. Elle savait qu'elle aurait dû, son nom était inscrit sur les listes données par le brun. Mais elle n'en avait aucune envie, et elle comptait bien utiliser l'excuse du ballet pour sécher cette obligation. Il lui suffisait juste d'éviter le directeur au cours des prochaines semaines.
-Je n'y vais pas.
Nate l'observa un long moment, mais ne dit rien. Diane, que cela finit par mettre mal à l'aise, décida qu'il était temps de partir.
Elle rassembla ses affaires, remit sa veste en cuir, ajusta son écharpe. Pendant ce temps, Nate resta silencieux, plongé à nouveau dans son ordinateur.
Alors qu'elle allait sortir, sa voix s'éleva :
-Si jamais tu changes d'avis... Tu peux toujours être ma cavalière.
Diane, pour toute réponse, ferma la porte.
--
Deux semaines plus tard, le jour du gala était arrivé.
Diane avait du mal à croire qu'elle y participait. Elle était en retard, comme à son habitude, et remontait en courant l'avenue, pestant contre l'obstacle que constituait sa robe. Finalement, elle atteint l'hôtel particulier où avait lieu l'évènement. Elle reprit son souffle, remit de l'ordre dans sa coiffure. Heureusement qu'il ne pleuvait pas ce soir.
Elle monta les quelques marches, en haut desquelles elle était attendue :
-Diane. Tu es magnifique.
Nate l'accueillit chaleureusement, les yeux pétillants de malice. Il lui tendit le bras, qu'elle accepta :
-Je sais, je suis en retard.
-Je n'ai rien dit.
-Tes yeux l'ont fait pour toi, maugréa la jeune fille.
Nate étouffa un rire.
L'endroit était splendide. Parquet de bois sombre, lustres pendus aux hauts plafonds, le lieu respirait une discrète opulence. Un orchestre jouait doucement, presque recouvert par les conversations et de nombreux éclats de rires retentissaient. L'heure était à la fête, tout le monde ou presque était là.
Diane n'avait finalement pas eu le choix. Le directeur l'avait coincée lors d'une répétition, prenant à témoin son partenaire ainsi que le maitre de ballet qui la faisait répéter. Elle n'avait pas eu d'autre choix que d'abdiquer.
-Alors ? s'enquit Nate.
-C'est très beau. Tu as fait un travail incroyable.
-Attends de voir le plan de table.
Diane lui donna une petite tape sur le bras.
-New girl ! la héla Adam, de l'autre bout de la pièce.
Il lui faisait des grands signes pour qu'elle le rejoigne.
-Je crois qu'on devrait le rejoindre. Il est capable de tout.
-Tu crois qu'un jour il connaitra ton prénom ?
-J'en doute, soupira-t-elle exagérément.
La soirée se passait bien, Diane se surprit à apprécier discuter avec ses collègues dans un autre cadre que les couloirs et studios de la compagnie. L'alcool l'aidait, et après quelques verres elle se sentait d'humeur plus détendue. Nate et elle s'étaient séparés, pris dans le tourbillon des conversations. Soudain, il fut de nouveau à ses côtés :
-M'accorderais-tu cette danse ?
La jeune fille réalisa que l'ambiance avait changé, l'orchestre jouait plus fort.
Elle sourit :
-Avec plaisir.
Elle suivit Nate vers la piste de danse. L'orchestre entama un rythme de valse. La musique s'élevait, entrainante, séduisante. Ils n'avaient plus besoin de mots. Nate posa sa main sur sa hanche, elle posa la sienne sur son épaule. D'un geste assuré, il la rapprocha de lui. Et ils mirent à tourbillonner, évoluant avec aisance, hors du temps. Plus rien n'avait d'importance, Diane se laissait emporter par le rythme de la musique, guidée par la poigne ferme de Nate. Ils ne parlaient pas, n'en avaient pas besoin. Leurs yeux parlaient pour eux, se disaient tout. Leur joie d'être ensemble, durant cette soirée, de danser à nouveau l'un contre l'autre.
La musique prit fin cependant, et ils ralentirent doucement, une douce euphorie se répandant dans leurs veines, ivresse de la danse et de leurs si nombreux tours.
Nate avait toujours le regard rivé au sien. Mais dans ses yeux passait quelque chose de nouveau. Quelque chose qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Il se rapprocha d'elle, rendant plus explicite ce qu'elle craignait de comprendre. Nate voulut parler, mais il fut interrompu par le directeur :
-Nathanaël, enfin je vous trouve. J'ai besoin de vous, il y a un problème en cuisine.
Le moment se brisa, et alors qu'il répondait qu'il venait de suite au directeur, Diane en profita pour s'éclipser, se greffant à la conversation d'un groupe plus loin.
Ils étaient sympathiques, et elle discuta quelques temps avec eux, jusqu'à ce que la soif la rattrape. Elle les quitta, partant à la recherche du bar. Elle ne le trouva pas pourtant, stoppée dans sa quête par une conversation qui provenait de derrière les colonnes :
-Je croyais qu'elle ne venait pas, la blondasse.
-Eh si. Demandée par le directeur lui-même. Elle aime qu'on lui coure après.
-Une vraie princesse, j'en ai marre de ses grands airs.
-Comme pour le rôle. Ce n'était tellement pas mérité.
Diane avait reconnu la dernière voix. Sofia. Elle n'avait pas besoin d'entendre plus, elle avait compris qu'il s'agissait d'elle.
Elle avait pensé que cela s'arrêterait après le lycée, les persiflages et autres rumeurs sur son dos. Apparemment, ces choses-là n'avaient pas d'âge. Elle hésita sur la conduite à tenir. Elle pouvait simplement passer sa route. Elle n'avait pas besoin de nouvelles histoires ici, à la compagnie. Elle était plus mature que cela. Et alors même qu'elle se disait cela, elle avança dans la lumière, dépassant la première colonne.
L'une des amies de Sofia l'aperçut, lui donna un coup de coude. La brune se tut et la dévisagea, l'air pincé.
-Bonsoir Sofia, dit Diane, d'un ton presque joyeux. Dommage, je passais par là et je t'ai entendu. Je ne mérite pas mon rôle ? Tu aurais pu l'avoir, ce premier rôle. Enfin pour cela, il aurait fallu que tu passes autant de temps à t'entrainer qu'à parader derrière les caméras.
Détournant le regard, elle aperçut Nate, qui l'avait rejointe et avait vu toute la scène. Elle n'attendit pas de voir sa réaction, elle tourna les talons, traversant tout le hall d'un pas égal, la tête haute. Elle trouva la sortie, et quitta les lieux.
Sa poitrine tambourinait à grand coup dans sa poitrine, elle avait les tempes qui bourdonnaient après la chaleur et son coup d'éclat, là-bas dans le hall. Voilà pourquoi elle détestait les réceptions. Cela ne se passait jamais bien. Elle n'aurait pas dû répondre à Sofia. Elle avait une nouvelle fois laisser sa nature impulsive prendre le dessus. Et Nate avait assisté à ça. Il était toujours là dans ses meilleurs moments.
Il n'y avait personne devant l'hôtel, tout le monde était encore à l'intérieur. Pas un seul taxi en vue. Elle soupira, se frotta les bras pour lutter contre le froid de la nuit. Un peu d'air frais, voilà ce qui lui remettrait les idées en place. Elle trouverait ensuite un moyen de rentrer chez elle. A pieds s'il le fallait.
Elle perçut plus qu'elle n'entendit quelqu'un dévaler les marches, derrière elle, et s'arrêter à ses côtés.
-Diane, tout va bien ?
-A ton avis, répliqua la blonde.
Une cigarette. Pourquoi n'avait-elle jamais de cigarettes au bon moment ? Elle aurait dû aller récupérer son manteau, il y avait un paquet neuf dans sa poche.
-Non Diane, je viens pour savoir si tu vas bien, si tu as besoin d'aide.
-Et tu me demandes ça sous quelle casquette ? Celle de l'administrateur ? Tu viens me faire la morale, me dire que je n'aurais pas dû répliquer, qu'elle avait tort, mais que, pour la compagnie, il faut qu'on soit tous amis ?
Nate soupira. Elle n'allait pas lui faciliter la tâche.
-Je vais devoir aller lui demander pardon et lui serrer la main ?
Elle éclata d'un rire sans joie.
-Non, enfin Diane, arrête...
-Non c'est toi qui arrêtes.
La blonde se tourna enfin vers lui, planta son regarde dans le sien. Il était brillant de colère.
-C'est toi qui es là, toi qui es revenu, toi qui viens à nouveau foutre le bordel dans ma vie. Tout allait bien pour moi, j'ai obtenu le premier rôle merde ! Et regarde, ça recommence, les histoires, tout ce bordel. C'est de ta faute !
Elle avait les larmes aux yeux maintenant. C'était l'alcool qui faisait ça, se disait-elle, elle n'était pas triste, seulement en colère. Contre Nate.
Mais il ne partait pas. Au contraire, il se rapprocha d'elle :
-Tu n'as pas compris ? Je n'ai pas besoin de toi, pas besoin de ton aide ! Barre-toi !
Il lui ouvrit les bras, et la serra contre lui. Diane tenta de résister, mais rapidement, elle céda, et accepta son étreinte. Elle fourra sa tête contre sa chemise, trouvant un certain réconfort à respirer l'odeur familière de son parfum.
-Pourquoi tu es toujours là dans mes pires moments ? finit-elle par dire, se séparant de lui.
La voir dans ces états-là lui serrait toujours le cœur. Avant, il n'aurait pas su quoi lui répondre. Mais depuis ce soir, il savait. Il avait compris.
-Diane, je...
-Je veux dire, je pleure, je te hurle dessus...
-Laisse- moi finir
-Tu devrais partir en courant, je ne suis que des problèmes, qu'est-ce que tu fais encore là ?
-J'ai dit laisse-moi finir.
Nate avait haussé le ton, faisant cesser de parler la jeune fille. Il reprit :
-Ça m'a pris du temps, mais ça y est. J'ai enfin compris. Tu as peur Diane. Ce n'est pas moi, ça n'a jamais été moi le problème. C'est toi.
-Merci bien, marmonna Diane.
Nate continua comme s'il ne l'avait pas entendu :
-C'est toi qui a peur, qui avait peur de ce que je te faisais ressentir, de la faiblesse dans laquelle ça te mettait. Mais ce n'est pas de la faiblesse, oh non. Ça demande une putain de force, un grand courage que d'aimer. Regarde-toi. Tu as réussi, tu es devenue une grande danseuse. On s'en fiche de ce que dises et penses les autres, tu les emmerdes. Tu as affronté ta peur, tu l'as vaincu. Qu'est-ce qui t'empêches de le refaire ? Moi je suis là, et je vais rester là. Je vais attendre, je vais t'attendre.
Il passa la main dans ses cheveux, les décoiffant d'un geste rapide.
-J'ai cru qu'il te fallait du temps, que je devais te laisser de l'espace. Mais c'est fini. Je ne te lâcherai plus. Parce que je t'aime Diane. Ça fait 5 ans, et c'est pour toujours.
Diane avait la bouche sèche, son cœur battait à toute allure et au même rythme que les papillons dans son ventre.
-Moi j'ai peur ?
Alors qu'elle prononçait ces mots, toute peur s'envola. Seul subsistait en elle, brulant comme une flamme dans la nuit, un amour brulant.
Nate expira bruyamment, laissa échapper un rire :
-C'est ça que tu retiens ?
-Moi aussi je t'aime Nate.
Elle s'avança vers lui, de ses deux mains attrapa son visage, et plaqua ses lèvres sur les siennes, en un baiser fougueux.
Ils avaient beaucoup de temps à rattraper.
---
J'espère que cela vous satisfait, voila, ils sont enfin réunis!
Pour fêter ça, il reste un dernier petit chapitre, l'épilogue de l'épilogue et on se retrouve ensuite pour quelques mots, c'est un peu émouvant de terminer enfin cette histoire!
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