Epilogue - Acte 4
Diane ramassait ses affaires, exténuée après une longue session de répétitions. Celles-ci se passaient bien, et la blonde se faisait petit à petit à son rôle de Juliette. Elle était en tout cas assez convaincante pour que le maitre de ballet lui fasse l'honneur de la prendre en exemple pendant les cours.
Ce qui ne manquait pas de l'étonner, étant donné qu'elle s'était rarement sentie aussi peu en phase avec un rôle. Le seul amour qu'elle acceptait dans sa vie était celui de la danse, il lui suffisait amplement. Elle était célibataire, et comptait bien le rester.
Elle sortit du studio, soupirant à la vue des couloirs bondés. Il était 16h, la journée touchait à sa fin et les lieux résonnaient des pas des danseurs et danseuses, de leurs conversations et éclats de rire. La jeune fille tentait se de frayer un passage dans la marée de tutus et de collants, souriant rapidement à tous ceux qui la saluait. Elle était maintenant connue dans la compagnie, son nouveau rôle dans le ballet de fin d'année avait mis son nom sur toutes les lèvres.
-Eh, new girl !
Enfin presque.
La blonde fit volte-face à la recherche de celui qui venait de l'interpeller. Son regard croisa celui, rieur, d'Adam, qui semblait très fier de lui et topa dans la main d'une fille. Diane, souriant, rebroussa chemin et traversa le couloir pour le rejoindre. Son sourire s'affaissa quand elle vit avec qui il était. Au sein du petit groupe, une tasse de café dans la main, se tenait Nate.
Le brun la regardait arriver avec curiosité, se demandant ce qui lui avait valu ce sobriquet. Diane détourna le regard et l'ignora, préférant répondre à son ami :
-Adam. Tu vois, on peut saluer les gens en utilisant leur prénom.
-Mais comme je l'avais parié, tu savais très bien que c'était toi que j'appelais. La preuve, tu es là.
-Parce que j'ai reconnu ta voix d'homme des cavernes !
Son ami roula des yeux, et se tourna vers Nate pour le prendre à témoin :
-Elle me traite si mal, tu es sûr que tu veux lui parler ?
-C'est bien elle que je cherche, effectivement, répondit tranquillement Nate.
Adam reprit la parole, s'adressant au brun et Diane laissa dériver ses pensées. Il n'avait pas fallu beaucoup de temps à Nate pour devenir populaire au sein de la compagnie. Pendant les intercours ou à la cafétéria, on était presque sûr de le trouver en train de discuter avec un groupe de danseur. Pour autant, il était resté à distance de la jeune fille, et elle avait fait de même. Ce qui c'était avéré être plus complexe qu'il n'y paraissait, car tout le monde paraissait ne parler que du nouvel administrateur, se vantant de lui avoir déjà adressé la parole. Diane ne l'aurait jamais avoué, mais elle trouvait impressionnant cette capacité qu'il avait de rapidement gagner l'adhésion de tous. Elle comprenait mieux l'aura qui semblait l'entourer au lycée. Elle, il lui avait fallu du temps avant de tisser des liens, et le petit surnom d'Adam lui rappelait régulièrement. Elle était maintenant reconnue, admirée par certains, mais pas aimée. Au contraire. Elle savait que son nouveau rôle ne plaisait pas à tout le monde. Et parfois, cela lui pesait.
Elle interrompit leur discussion :
-Excusez-moi, je vais devoir vous laisser.
-Quoi, déjà ? s'exclama Adam.
-J'ai une répétition, tu sais : le ballet, le premier rôle, ironisa la blonde.
Nate l'observa alors qu'elle s'éloignait, se frayant avec grâce un chemin dans le couloir bondé. Elle le fuyait, c'était évident. Il décida qu'il n'avait de toute façon pas réellement besoin d'elle, il parviendrait seul à résoudre son problème.
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Quelques jours plus tard, Diane venait de terminer une répétition. Celles-ci étaient toujours plus nombreuses, et toujours plus tardives. Il le fallait, car bientôt c'était tout le ballet qu'il faudrait répéter, pour coordonner l'ensemble des danseurs qui danseraient sur scène.
Elle sortait rarement des studios avant 20h, sans compter l'ensemble des séances de sport qu'elle s'imposait. Elle avait été choisie. Maintenant, elle devait briller.
Elle salua son partenaire qui s'en allait, et refit un tour.
Ils avaient répété dans l'un des studios du dernier étage, ce qui était assez inhabituel. Le National Ballet était installé dans un drôle de bâtiment : une construction moderne avait été rajouté à un ancien théâtre, créant des demi-étages et des couloirs à n'en plus finir. Le studio de ce soir était dans l'ancien théâtre : comme à l'époque, et comme c'était le cas à l'Opéra Garnier, son parquet était légèrement penché, et surtout, un immense velux laissait entrevoir tout Londres. Elle adorait cet endroit.
Abandonnant à regret sa contemplation de la ville, Diane éteignit toutes les lumières, et attrapa son sac, fermant doucement la porte du studio.
Les couloirs restèrent plongés dans l'obscurité alors que la jeune fille les parcourait, la faisant pester. Il était trop tard, l'école était fermée. Elle allait devoir passer par la sortie de derrière.
Elle fit demi-tour et recommença à marcher. Heureusement, elle connaissait bien les lieux.
Nate était toujours assis à son bureau, face à son ordinateur. Il n'avançait pas, n'avançait plus, mais ne voulait pas s'avouer vaincu. Il avait organisé de nombreux évènements, depuis les bals du lycée jusqu'aux séminaires de sa dernière entreprise. Pourquoi un ballet lui posait tant de problèmes ?
Il essuya à nouveau les verres de ses lunettes, espérant ainsi voir enfin la solution dans ses tableurs Excel. Il allait les reprendre un par un, ça allait forcement fonctionner.
Soudain, alors qu'il se replongeait dans ses dossiers, on toqua à la porte.
Sur son chemin pour quitter la compagnie, Diane avait dû repasser par l'étage dédié à l'administratif. Dans les couloirs éteints, elle avait immédiatement repéré le rai de lumière qui filtrait sous l'une des portes.
Elle toqua et ouvrit la porte :
-Bonsoir, vous êtes au courant que le bâtiment a été fermé pour la nuit ?
Et ce fut à ce moment qu'elle réalisa à qui elle parlait.
Nate contempla la jeune fille qui venait de faire irruption dans son bureau. Il ne l'avait pas revu depuis leur brève interaction dans le couloir, avec ses amis. Il avait cependant maintenant la réponse à sa question. Son style n'avait pas changé depuis le lycée, en témoignait le gros sweat qu'elle portait sur un vieux legging.
La jeune fille fit un geste, le faisant revenir à la réalité. Il prit conscience qu'elle attendait une réponse, et marmonna :
-Bon bah il ne me reste plus qu'à rester dormir ici.
Personne ne l'attendait chez lui de toute manière. Au moins le travail lui permettait d'oublier la solitude qui l'étreignait régulièrement depuis son arrivée à Londres et que ne parvenait pas à combler ses échanges avec les danseurs.
Diane leva les yeux au ciel :
-Pas besoin d'être aussi dramatique. Je connais une autre sortie, si tu veux.
Elle n'avait pas revu le brun depuis leur brève interaction dans le couloir, avec ses amis. Il avait l'air fatigué, les joues recouvertes par une ombre de barbe et des cernes que faisait ressortir la lumière tamisée de sa lampe de bureau. Son bureau ressemblait à un champ de bataille, recouvert de pile de dossiers et autres classeurs.
Elle l'observa jauger son ordinateur et soupirer :
-Merci, mais je dois absolument finir ce truc.
-Pas de problèmes. Bon courage.
La jeune fille se dirigea vers la sortie, mais alors qu'elle allait saisir la poignée, elle se retourna :
-A moins que tu n'aies besoin d'aide ?
Nate leva les yeux, l'air surpris.
Diane ne savait pas ce qui l'avait pris. Le brun avait été assez clair devant le bureau du directeur, il n'avait pas envie d'avoir affaire à elle. Il avait bien dit la chercher, mais n'avait pas insisté. Elle-même avait passé les derniers jours à l'éviter. Elle s'attendait donc à se faire envoyer bouler.
-Eh bien, en fait, je pense que oui, tu pourrais m'aider.
Ce fut à son tour de le regarder d'un air surpris. Qu'est-ce qui lui prenait ? Et elle, comment pourrait-elle l'aider ? Mais elle se ressaisit, et alla le rejoindre derrière son bureau, se penchant sur son ordinateur :
-C'est quoi le problème ?
Deux heures plus tard, Diane baillait à s'en décrocher la mâchoire, et ils convinrent qu'ils ne parviendraient pas à tout régler en une soirée.
Nate accepta de s'arrêter, et il remercia la jeune fille pour son aide. Elle lui avait permis de débloquer certains points, il allait pouvoir avancer seul pour terminer.
Avancer seul. Nate secoua la tête. Une semaine était passée, mais il était de nouveau dans son bureau en train de travailler, Diane assise à côté de lui. Il se demandait parfois comment il aurait fait sans elle.
Une nouvelle routine s'était installée, il laissait maintenant sa porte entrouverte quand il travaillait tard le soir, dans le cas où Diane passerait. Cela s'était fait naturellement : les mots durs qu'ils avaient échangés s'étaient estompés, laissant place à quelque chose de nouveau.
Chacun appréciait ces moments suspendus, où ils n'étaient rien d'autres qu'eux-mêmes, débarrassés de leur job, de leur position et surtout de leur passé.
-Je n'aurais jamais cru que cela demanderait une telle préparation ce spectacle, marmonna Nate en s'étirant.
Diane se tourna vers lui, moqueuse :
-Je pensais que tu t'y connaissais, niveau organisation de soirées ?
Le brun ouvrit la bouche pour répliquer, mais la referma. Elle n'avait pas totalement tort. Déjà aux lycées, avec les bals, puis c'était devenu une part importante de son travail.
Diane se méprit sur son silence et reprit :
-Pardon, soirée c'est peut-être trop prolétaire, on dit quoi, évènements mondains, M. je-passe-dans-le-journal ?
Nate sut aussitôt à quoi elle faisait référence.
-Tu as lu l'article ? s'exclama-t-il.
-Difficile de passer à côté.
La jeune fille avait dit cela d'un ton neutre. Cela avait fait beaucoup de bruit à l'époque, le fait qu'il accède aussi jeune au club de la British National Society. Il avait, contre son gré, fait la couverture de nombreux tabloïds anglais, qui avaient livré une bataille féroce sur sa légitimité à un tel poste. Il avait ainsi appris à ses dépens à quel point la célébrité était un fardeau et avait été grandement soulagé quand toute cette agitation s'était apaisée. Leighton avait adoré cette période. Elle vivait pour le faste et les paillettes, et quand elle avait compris que lui ne cherchait qu'à retourner à l'anonymat, elle l'avait quitté pour un influenceur en vogue. Il ne l'avait pas pleuré très longtemps, goutant le retour d'une vie solitaire et tranquille.
Ils continuèrent de travailler, concentrés sur leur ordinateur, quand Nate brisa le silence :
-Moi aussi j'ai suivi ton évolution.
Diane leva la tête, haussant un sourcil :
-Ah bon ? Comment ?
-J'ai mes sources, répondit Nate, faussement nonchalant.
-Astrid ?
Le brun perdit de sa superbe, et Diane ricana intérieurement.
-Elle te l'a dit ?
-Non, mais entre Zed et elle, je pense qu'Astrid est la plus probable.
Nate grimaça. Il ne s'était jamais beaucoup entendu avec le basané.
-Au départ, j'avais des questions à lui poser, en tant que préfet, et puis petit à petit, on s'est mis à discuter de manière plus perso. Elle me donnait parfois un peu de tes nouvelles. C'est une chouette fille.
-Elle est très chouette.
Diane s'efforça de rester détachée, alors que son cerveau carburait. Ainsi Nate avait continué de s'intéresser à elle. .
-Ne t'inquiète pas, elle ne disait rien de compromettant ! De simples updates de ton parcours de danseuse.
La jeune fille eut un petit rire :
-Je n'en doute pas.
Le reste de la soirée se passa dans le silence, ponctué de demandes insignifiantes, comme « passe-moi le classeur bleu » ou « il reste du thé ? ».
L'atmosphère avait changé cependant. Quand ils quittèrent le bureau de Nate, alors qu'habituellement ils discutaient, le silence perdura. Chacun était plongé dans ses pensées, qui tournaient autour de l'autre.
Ils étaient arrivés devant la sortie de secours, et Nate s'avança pour lui ouvrir :
-Quel gentleman, ne put s'empêcher de se moquer Diane.
-Tu es la seule à ne pas croire en ma galanterie.
Diane ne fut pas dupe de son ton sérieux, et se retourna vers lui, lui jetant un regard par en dessous. Ils se mirent à rire, et ce rire fit s'envoler les derniers restes de malaise entre eux.
Ils sortirent et furent immédiatement enveloppés dans un épais brouillard. Le célèbre fog londonien avait envahi les rues, les faisant évoluer dans une atmosphère irréelle. Les lumières des lampadaires étaient à peine visibles, faibles halo orangés embrumés.
Diane enfouit les mains au fond ses poches, retenant un frisson. Nate se tourna vers elle, l'air concerné :
-Je te raccompagne jusqu'au métro ?
-Je crois en ta galanterie, mais ça ira.
-Un taxi ? continua-t-il, fouillant ses poches à la recherche de son téléphone.
-Je ne suis pas une demoiselle en détresse, sourit la blonde. A demain !
Quand Nate releva la tête, elle avait disparu dans le brouillard. Il esquissa un sourire. Diane restait telle qu'il la connaissait. Insaisissable.
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Bonsoir!
Avant-dernier update, la semaine prochaine, ce sera les derniers moments entre Diane et Nate... Ça me rend un peu nostalgique, mais en même temps, j'ai hâte que vous lisiez la fin!
Bon week-end et bonnes vacances si c'est votre cas!
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