Chapitre 61

-Merci jeunes gens. On va s'arrêter là pour aujourd'hui.

Mlle Duperez frappa dans ses mains, et tout le groupe souffla. Diane était épuisée, impatiente de voir ce cours se terminer. Les exigences de leur professeure étaient déjà élevées en temps normal : elles avaient encore augmenté en vue des auditions, faisant s'accroître la compétition entre eux. La jeune fille faisait également un effort supplémentaire pour masquer le fait qu'elle s'était blessée.

Sa cheville la lançait, comme depuis le début du stage. Cela faisait quatre jours qu'elle était revenue au Château et elle n'aurait pu en supporter un autre. Il lui fallait du repos. Et de la glace pour soulager sa blessure. Heureusement, le stage s'achevait et Mlle Duperez prit la parole :

-Dans un peu moins de deux semaines, vous passerez vos premières auditions. Ces derniers jours étaient les dernières leçons que je vous donnais. Vous avez maintenant toutes les cartes en main pour y arriver : c'est à vous de transformer l'essai. Reposez-vous, buvez de l'eau ce week-end. Laissez-vous du temps, trop danser ne vous servira pas. Cependant, le studio sera ouvert tous les après-midis et début de soirées, si vous ressentez le besoin de continuer à vous exercer. Je serais présente aux horaires de cours habituels, pour les dernières corrections.

Bon courage, et bonne soirée.

2 semaines. Diane avait senti son cœur rater un battement en entendant cela. Elle le savait, mais entendre quelqu'un d'autre le dire lui faisait prendre conscience de sa réalité. Dans deux semaines, elle passerait sa première audition. Un sentiment d'urgence monta en elle. Il lui restait si peu de temps. Et en même temps, elle avait envie de l'accélérer, pour y être déjà ou que cela soit derrière elle.

Elle massait frénétiquement sa cheville alors que ces pensées tournaient dans sa tête. Elle était bien préparée, elle pouvait le faire, tenta-t-elle de se rassurer.

Elle se leva quand elle se rendit compte qu'il ne restait qu'elle assise par terre.

Tout le monde croyait en elle. Même sa mère. C'était elle qui l'avait reconduite au Château. Elles n'avaient pas parlé beaucoup dans la voiture, mais en arrivant, sa mère avait pris la parole : « Je suis fière de toi Diane. Je suis sûre que tu feras une excellente danseuse professionnelle. Je te fais confiance, quand tu reviendras, tu auras réussi. »

Elle n'avait rien répondu, trop touchée pour parler. Sa mère croyait en elle. Elle n'avait pas le choix, elle devait réussir.

Malgré son intention de ne pas se laisser de repos, sa cheville se manifesta durement pendant tout le week-end. Elle éprouvait une douleur lancinante, qui la dissuada d'aller au studio. Elle se laissait deux jours pour reprendre des forces, et puis elle y retournerait.

Cependant en ce lundi matin, la danse occupait une place secondaire dans son esprit.

Elle était assise sur son lit, en tailleur. Astrid était en face d'elle. Diane jouait avec une mèche de cheveux échappée de sa tresse :

-Je ne veux pas le voir. Je n'ai pas peur ou quoi que ce soit, juste : je ne veux pas le voir.

Astrid soupira, et tenta à nouveau de la rassurer :

-C'est obligé, vous allez forcément vous croiser. Mais je vais rester avec toi, je ne le laisserais pas s'approcher si c'est ce que tu veux ! Je serais comme ton chien de garde.

-Merci Astrid, répondit la blonde, sincèrement touchée.

-Et comme je suis une très bonne pote et que tu me dois quelque chose – non ne proteste pas, je l'ai dit donc c'est vrai – tu vas m'accompagner à la cafétéria.

Diane maugréa, mais obtempéra.

Toute la bande était là et elles furent accueillis par des exclamations bruyantes. Diane restait prudemment en dehors des conversations, mangeant lentement un toast beurré. Zed remarqua son silence, et commença à lui poser des questions :

-Les auditions approchent alors ?

-Un peu. Dans moins de deux semaines.

Elle reposa son toast à peine entamé. Elle avait occulté ce sujet de son esprit pour se préoccuper de Nate, mais en évoquant le sujet à nouveau, il lui semblait que son estomac faisait des cabrioles. Elle ne pourrait plus rien avaler. Elle remarqua le regard concerné de la tressée et saisit sa tasse de café, pour donner le change. Le breuvage amer lui fit du bien. Il lui donnerait peut-être un peu d'énergie pour affronter sa journée.

Zed continuait de lui poser des questions :

-Donc c'était tes derniers cours la semaine dernière. La dernière ligne droite... Et ta cheville ?

Le basané s'était décidé à aborder tous les sujets sensibles. S'il parlait de Nate, Diane ne savait pas ce qu'elle ferait.

-Ca va mieux, répondit-elle évasivement.

-Tu nous as fait tellement peur, renchérit Spark. On ne te trouvait pas dans cette forêt, et il y avait la pluie, la nuit...

Diane n'aimait pas non plus ces souvenirs-là. Heureusement, Astrid lui offrit une échappatoire. Elle farfouillait dans son sac, et s'exclama soudain :

-Mince, j'ai oublié l'un de mes livres ! Il doit être dans notre chambre, Diane tu m'accompagnes ?

La blonde se levait déjà. Elle attrapa sa veste, et elles quittèrent le réfectoire.

-Tu dors Astrid ? Le dortoir est par là, indiqua Diane à son amie qui s'éloignait dans la direction opposée.

-Je n'ai pas vraiment oublié mon livre, lui avoua son amie. J'ai pensé que tu avais besoin de partir.

Diane ne put cacher sa surprise :

-Ca se voyait tant que ça ?

-Je suis observatrice.

-Plus que les deux autres, dit d'un ton un peu acide la blonde.

-Ils veulent bien faire, tout le monde est un peu inquiet...

-Je vais très bien ! s'exclama Diane.

-Tellement bien que tu voudrais rester sous ta couette toute la journée, répliqua Astrid sans se laisser impressionner.

-Non, pas sous ma couette, bougonna Diane.

Astrid lui sourit :

-En train de danser alors.

-Tu ne vas pas à Yale pour rien toi, lui sourit à son tour la blonde.

Astrid avait en effet passé ses SATs, et ses excellents résultats lui avaient permis d'être admissible à Yale. Elle devait encore passer un oral, mais pour Diane, c'est comme si elle était déjà prise. Elle était si fière de son amie, si heureuse pour elle. Yale était son premier choix, la fac dont elle rêvait depuis toujours. Le succès d'Astrid lui faisait simplement espérer que tout se passerait bien pour elle également. Elle aussi avait travaillé dur, et elle voulait intégrer le Royal Ballet. C'était l'opportunité de sa vie.

Elles étaient finalement arrivées devant la salle de classe de Diane. Il était encore tôt : la salle était ouverte, mais personne n'était encore arrivé. Elle put donc s'installer au fond de la classe et éviter le flot des élèves. Elle sut pourtant quand Nate entra. Elle avait le nez penché sur sa feuille, gribouillant des petits personnages, quand elle sentit le poids d'un regard fixé sur elle. Elle savait que c'était Nate, mais elle ne releva pas la tête. Elle ne voulait pas lui donner ne serait-ce que la satisfaction de croiser son regard, elle ne voulait qu'il voie combien elle était touchée. Il finit par abandonner, et alla reprendre sa place habituelle.

Zed arriva au même moment. Il avait remarqué son manège et lui fit une remarque, à laquelle Diane coupa court :

-Je ne veux pas en parler Zed.

A son ton, son ami comprit qu'il valait mieux changer de sujet.

Nate était désespéré. Tout au long de la journée, Diane l'avait évité. Comme depuis les deux dernières semaines. Il avait fini par cesser d'essayer de la joindre à distance, en pensant qu'à leur retour au Château, il pourrait finalement lui parler, mais elle semblait déterminée à éviter tout contact. Il ne pouvait pas le supporter. Il se sentait tellement coupable, et son silence ajoutait à sa culpabilité. Il devait faire quelque chose, ou il allait exploser. Cessant de tourner en rond dans sa chambre, il attrapa ses clés et claqua sa porte. Ils habitaient le même bâtiment, il pouvait aller la voir, et cette fois ci, elle ne pourrait pas éviter la confrontation. Il gravit l'escalier, les jambes tremblantes sous l'adrénaline. Face à la porte de sa chambre, il prit le temps d'inspirer, remet en place le col de sa chemise. Puis il toqua. Il entendit des bruits sourds, une voix distinctement qui jurait. Les bruits se précisèrent, les pas se rapprochaient de la porte. La poignée tourna.

Son cœur tambourinait dans sa poitrine, il avait l'impression qu'il allait devenir sourd. Il allait enfin pouvoir lui parler. Il ne savait pas ce qu'il lui dirait, il n'avait rien préparé, mais enfin, il la verrait. Elle lui avait tellement manqué.

La porte s'ouvrit. Sur les tresses d'Astrid. La jeune fille se tenait dans l'encadrement de la porte, l'air désolé. Nate eut l'impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. Il se recomposa rapidement une figure :

-Salut Astrid. Je cherche Diane.

Il avait repris une voix polie et était digne comme à son habitude, mais Astrid perçut l'effort que cela représentait pour lui. Il jetait des coups d'œil par-dessus son épaule.

Le préfet avait une tête affreuse. Exactement comme Diane. Des cernes violacés sous les yeux, les joues un peu creuses de ceux qui ne parviennent plus à manger. Il lui faisait de la peine.

-Désolée, elle n'est pas là.

-Astrid, je veux juste lui parler.

Son ton était suppliant, même lui le perçut. Il était pathétique. Il se détestait.

-Elle n'est pas là. Je suis vraiment désolée Nathanaël, je ne peux pas te laisser entrer.

Le brun avait encore assez de fierté pour comprendre qu'il devait croire la jeune fille qui se tenait devant lui, qu'il ne pouvait pas entrer en force. Cela n'arrangerait certainement pas les choses en sa faveur. Son éducation reprit le dessus, et il s'inclina :

-Dis-lui que je suis passé, au moins. Je pense à elle.

-Je le ferai.

Astrid le suivit du regard tandis qu'il s'éloignait, les épaules basses. Il avait l'air tellement malheureux.

Diane n'allait pas beaucoup mieux. Elle se rendait tous les soirs au studio, qu'elle ne quittait qu'une fois mise dehors par sa professeure. Ses nuits étaient agitées. Ses cauchemars étaient revenus, elle voyait son père toutes les nuits et se réveillait, tremblante, pleine de sueur. Astrid tentait de la rassurer du mieux qu'elle pouvait, mais Diane savait que ce n'était pas rationnel, que c'était ses traumatismes les mieux enfouis qui ressurgissaient. Cela irait mieux une fois que les auditions seraient passées. Diane se répétait cela en boucle, comme un mantra, pour le faire advenir. Cela irait mieux, après. Et en attendant, il fallait tenir.

Son esprit était un champ de mine, elle essayait de ne penser à rien. Ni à son père, ni à la danse, ni à Nate. Elle tentait de l'éviter, mais ce n'était pas facile.

Elle avait l'impression de le voir partout et ne supportait pas la vision de son état. Le jeune homme trainait sa peine dans tout le lycée, aussi malheureux qu'elle. Or il n'en avait pas le droit pour Diane, c'était à cause de lui qu'elle allait si mal, il ne pouvait donc pas aller mal lui aussi.

Un jour, alors qu'elles étaient à la cafétéria, Astrid tenta de lui parler. Nate venait de passer avec son plateau, et Diane avait ostensiblement détourner la tête.

-Il a vraiment l'air mal.

-Ah, tu es de son côté maintenant ?

Le ton de la blonde était sec, presque agressif. Astrid se rembrunit :

-C'était une remarque. Tu n'es pas obligé de m'agresser, j'essaie de t'aider !

Zed qui était à côté, passa un bras autour de ses épaules. Il jeta un drôle de regard à la blonde.

Diane soupira, se passa la main sur le visage :

-Excuse-moi. Je suis sur les nerfs, je ne le pensais pas. Merci d'être là.

Astrid lui sourit, pas rancunière.

Elle ne serait cependant pas à ses côtés durant la semaine qui s'annonçait. Elle partait sur la Côte Est pour passer son oral et Diane passerait sa première audition. Cela s'annonçait intense, et Diane n'avait jamais autant stressé.

Elle touchait du doigt son rêve. 


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Hello! Je suis désolée pour celles qui espéraient un retour de Nate, ce n'est pas pour ce chapitre, mais il est là quand même!

Je vous souhaite un bon weekend, à la semaine prochaine!

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