Chapitre 56

Hello!

Le chapitre de la semaine, bonne lecture :)

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Clac. D'un geste nerveux, Mademoiselle Duperez arrêta la musique. Une nouvelle fois.

-Non ! Vous m'écoutez parfois ? Ce n'est pas ça, le changement se fait sur le contretemps : un, etdeux, trois...

Il faisait chaud dans le studio, de la buée s'était formée sur les vitres. Diane essuya la sueur qui emperlait son front. Ils travaillaient dur depuis plus de deux heures maintenant, et la fatigue commençait à se faire ressentir. Pourtant, personne ne protesta quand leur professeure leur ordonna de se remettre en place pour recommencer.

La musique retentit de nouveau, et les danseuses s'élancèrent vers leur partenaire, tentant de suivre le compte.

-Non, non, NON !

Tous s'arrêtèrent de nouveau.

-Mais enfin, qu'est-ce que je viens de dire ? Miss...

Diane serra les dents. Elle pensait avoir réussi à suivre les consignes, mais s'attendait à ce que ce soit elle qui se fasse réprimander. Pourtant, les foudres de leur professeure tombèrent sur quelqu'un d'autre cette fois ci.

-J'ai dit sur le contretemps, pas à un autre moment. Mais cela marcherait mieux si vous ne vous trompiez pas sur le pas d'avant, un pas de bourré, ça ne se loupe pas normalement ! Soyez à ce que vous faites bon sang !

Elle soupira :

-On va s'arrêter là pour ce soir, cela ne sert plus à rien. Restez ici, les rappela-t-elle alors qu'ils se dirigeaient vers leurs vestiaires.

Le groupe se figea, redoutant ce qui allait suivre.

-Le mois de mars touche à sa fin. Vous l'avez remarqué, les cours se sont intensifiés. Nous allons entrer dans les phases finales, les auditions vont arriver très vite. Ce n'est pas le moment de se démobiliser, bien au contraire. Il va plutôt falloir redoubler d'efforts. Vous avez du talent, c'est pour ça que vous êtes là. Mais cela ne suffira pas. C'est le travail, surtout, qui vous mènera là où vous voulez aller. Et je suis là pour ça, pour vous faire travailler.

Diane observa les visages autour d'elle. Tous avaient le visage sérieux, écoutaient religieusement les paroles de Mlle Duperez. Exactement comme elle le faisait, réalisa-t-elle.

-La danse demande un investissement total. Il n'y a pas d'excuses, pas de tricherie. Si vous voulez en faire votre métier, vous devez en être conscient. C'est vous et la danse, tout le temps, pour toujours. Je ne demande rien de moins, mais ce n'est pas pour moi que vous devez le faire. C'est pour vous, et pour la danse. C'est à ce prix-là que vous aurez des résultats.

Merci à tous, bonne soirée.

Diane resta assise alors que ses camarades se levaient. Elle avait besoin de digérer les paroles qui venaient de leur être adressées. Elle commença à retirer ses pointes, massant ses orteils douloureux. Elle était consciente des efforts nécessaires depuis longtemps, mais les paroles de Mlle Duperez résonnaient en elle avec plus d'acuité que jamais. Elle était prête à tous les efforts, à tout le travail qu'il faudrait. Elle en était capable, elle le faisait déjà d'une certaine façon. Elle était satisfaite de voir qu'elle était sur la bonne voie. Il lui suffisait de poursuivre, d'intensifier son travail.

-Eh bien Delcourt, qu'est-ce que vous faites encore là ? Dépêchez-vous, je vais fermer.

-Excusez-moi.

Diane se leva précipitamment, et alla rassembler ses affaires, sans prendre la peine de se changer.

La professeure l'attendait à la porte, prête à partir. La jeune fille se glissa dehors.

-Je suis contente de vous Delcourt. Vous vous accrochez. Continuez comme cela.

Diane fut prise de court. Elle ne s'attendait pas à un tel encouragement. Elle réussit cependant à répondre :

-Je le ferai.

Elle regarda la silhouette fine s'éloigner du studio, résistant à l'envie de faire une danse de la joie. Mlle Duperez venait de l'encourager. Elle n'en revenait pas.

Alors qu'elle revenait vers le dortoir, Diane était toujours sur un nuage. Une voix la fit s'arrêter :

-Delcourt en tutu, si je m'y attendais.

Elle avait reconnu l'intonation trainante, mais se sentait invincible ce soir-là, et elle se retourna en souriant :

-Ta gueule River.

Son sourire se fana pourtant lorsqu'elle vit qu'à côté de Cameron se tenait Nate.

Le brun semblait mal à l'aise, incapable de réagir à cette situation insolite. Il finit par prendre son ami par l'épaule, pour l'entrainer ailleurs :

-Allez viens, c'est bon.

Ils la dépassèrent, Cameron s'arrangeant pour la bousculer. Elle l'entendit alors qu'ils s'éloignaient :

-C'est bon ? Mec, Delcourt en tutu, c'est une occasion en or.

-Laisse tomber je t'ai dit.

-Depuis quand tu ne vannes pas Delcourt ? Qu'est-ce que tu as le Prince, tu veux retenter de la pécho ?

Cameron avait une voix grave qui portait, et l'escalier faisant caisse de résonnance, Nate était sûr que la jeune fille l'avait entendu. Il ne s'était jamais senti aussi mal à l'aise. Le regard que Diane avait posé sur lui mêlait dégout et reproche.

Il maudissait son ami et sa grande bouche. Pourtant, une petite voix lui disait que ce n'était pas seulement la faute de Cameron. C'était aussi la sienne, c'était le revers de leur situation, mélange de lâcheté et volonté de ne pas s'exposer.

Heureusement, Cameron n'avait pas creusé le sujet, son esprit était passé à autre chose :

-En parlant de pécho, tu as vu ? Leighton a un nouveau mec ! Je me demandais pourquoi elle ne trainait plus autour de nous, tu avais dû remarquer aussi ?

Nate acquiesça vaguement.

-Pas trop déçu ? dit son ami, en lui lançant une grande claque dans le dos.

-Quoi ? Mais non, tant mieux pour elle. Cam', je dois y aller, désolé.

-Aller où ? Eh Nate !

Mais le jeune homme ne se retourna pas, il partit d'un pas pressé vers le dortoir.

Arrivé devant la porte de la chambre de Diane, il toqua sans prendre la peine de réfléchir plus longtemps.

Personne ne répondit. Pourtant, il était sûr qu'elle était là, il voyait de la lumière filtrer sous la porte. Il se décida à entrer.

La jeune fille était en effet dans sa chambre. Assise par terre, elle s'étirait.

-Tu t'es changé, dit un peu bêtement le brun.

-Bien vu Sherlock.

Son ton était glacial, elle aurait utilisé le même pour lui dire de dégager. Nate soupira.

-Diane, je suis désolé pour tout à l'heure.

-Oh ce n'est rien, je me suis fait insultée trois fois en une phrase, sous tes yeux, mais j'imagine que c'est ma faute, je n'avais qu'à pas être en « tutu ».

-Merde, non Diane, vraiment, je le pense, je te présente mes excuses, ce n'est pas toi, pas du tout. C'était stupide, Cameron est un peu...

-Primaire ? Bête ? ou juste con ?

-Lourd. Mais ça marche aussi. J'aurais dû réagir, je suis vraiment désolé.

Diane s'était relevée.

-J'imagine que c'est le prix à payer, de vouloir ne rien dire à personne.

-Je me suis dit la même chose.

Ils étaient face à face. La tension entre eux avait disparu.

-On est tout seul ? s'enquit Nate.

-Astrid est avec Zed.

Le brun haussa un sourcil.

-Oh ça va, M. le préfet, ils ne font rien de mal. Et tu serais mal placé pour dire quelque chose, où es-tu déjà ?

Nate sourit enfin :

-Avec toi, dit-il, en la prenant dans ses bras.

Diane se libéra de son étreinte, qui se prolongeait, et soupira :

-Astrid risque de rentrer bientôt.

-Mais tu lui as dit, non ?

-En quelque sorte. Mais c'est surtout si elle revient avec Zed...

Ce fut au tour de Nate de soupirer.

-Je vois, je m'en vais alors ?

Il lui tendit la main, protocolairement. Diane la serra, mais en même temps, le tira vers elle.

-Une bise plutôt pour se dire au revoir ? A la française.

Son ton était espiègle. Nate lui tendit la joue, mais au dernier moment, tourna son visage, de manière à ce que leurs lèvres se rencontrent.

-Nate ! rit Diane.

-Oups, j'ai encore besoin d'entrainement.

La malice illuminait son regard et Diane sentit son cœur bondir.

-Bonne nuit princesse. Oh, et réserve ta journée de dimanche.

-Comment ça ?

-Tu verras bien.

-Et si j'avais prévu de réviser ?

Nate, déjà dans le couloir, se retourna.

-C'est DS de maths lundi, ne me fait pas croire que tu as besoin de réviser.

Diane ne révisa en effet pas beaucoup durant la semaine. Appliquant les conseils de Mlle Duperez, elle préféra se rendre au studio tous les soirs, s'entrainant encore et encore. Elle se demandait ce que Nate pouvait avoir prévu et en avait parlé avec Astrid, mais aucune d'elles n'avaient proposé une hypothèse satisfaisante.

Finalement, le dimanche matin, il toqua à sa porte.

-Hello beauté, la salua-t-il. Parfait, tu as mis des chaussures tout terrain.

Diane regarda à son tour ses pieds. Elle avait mis ses Doc martens neuve, cadeau de son frère pour Noël.

-Où est-ce que tu m'emmènes ? lui demanda-t-elle, soupçonneuse.

-Surprise ! Je ne peux rien te dire.

Il ajouta, d'un ton plus sérieux :

-Tu as peur ? Tu ne me fais pas confiance ?

Diane sentit l'inquiétude véritable qui perçait dans sa voix, et fut parfaitement sincère dans sa réponse :

-Bien sûr que si, j'ai confiance en toi. Depuis le Château. Mais moins en tes idées géniales.

Il acquiesça et rit :

-Je prends, c'est toujours ça ! Allez, en route !

Le ciel était gris, mais il avait arrêté de pleuvoir. Ils verraient peut-être le soleil, si les nuages daignaient s'éloigner.

Suivant le jeune homme, Diane n'eut pas beaucoup de temps pour réfléchir à leur destination. Passant derrière l'internat, ils arrivèrent rapidement aux limites du domaine, face à ce que Zed avait qualifié de « passage secret ».

Nate se tourna vers elle, un sourire fier éclairant son visage.

-Alors ?

-Tu connais ce passage ?

On n'aurait su dire lequel des deux étaient le plus surpris, et ils éclatèrent de rire.

-Bien sûr que je le connais ! C'est plutôt à toi que je devrais poser la question, c'est toi la nouvelle.

-Je suis pleine de ressources.

Le regard suspicieux du brun indiquait qu'il n'était pas dupe, mais il n'insista pas.

Ils discutèrent joyeusement sur le chemin, se moquant l'un de l'autre, se chamaillant gentiment.

Arrivés à la route, Diane lança un regard au jeune homme :

-Premier arrivé au village ?

-Prépare toi à perdre Delcourt, répondit-il, démarrant immédiatement.

-Tricheur, hurla-t-elle en s'élançant à sa suite.

Ils arrivèrent en même temps aux premières maisons, échevelés et riant de toutes leurs forces.

Nate reprit son masque de jeune homme de bonne famille et proposa son bras à Diane : par ici, mademoiselle.

Diane accepta, et se laissa guider.

Le jeune homme la conduisit jusqu'à un petit salon de thé caché dans une petite ruelle.

L'endroit était calme, occupé par des groupes divers. Jeunes et moins jeunes se mélangeaient dans ce lieu chaleureux, qui donnait envie de s'asseoir et de prendre son temps.

Nate fit un signe à la dame derrière le comptoir, et alla directement s'installer.

-Qu'est-ce que tu veux boire ? Un thé ? Non, tu es plutôt café ?

-Tu t'en souviens ? dit Diane, en enlevant sa veste.

Ils avaient passé un certain nombre de repas ensemble après qu'il se fut blessé, mais elle ne pensait pas qu'il s'était intéressé à ses goûts.

-Je suis plein de ressources, répondit-il, reprenant ses mots.

Diane sourit :

-Un thé, comme toi, ce sera très bien.

Nate sourit à son tour :

-Et tu joues l'étonnée.

La gérante arriva à leur table :

-Tiens Nathanaël, comment vas-tu mon garçon ? C'est bientôt les examens ?

-Pas tout de suite quand même, donc ça va, merci Mathilda.

-Vous avez choisi ?

-Une théière pour deux, le thé du jour s'il te plait.

Elle referma son carnet.

-Je reviens vite.

Diane avait suivi l'échange avec intérêt, et elle attendit qu'elle se soit éloignée pour lancer les hostilités :

-Tu amènes beaucoup de filles ici ?

-Tu es la première.

Il jeta un regard à la gérante.

-Je la connais bien, je viens souvent ici le week-end. Je préfère rester au château que rentrer chez moi, mais c'était un peu triste le lycée tout vide. J'ai découvert cet endroit en seconde et j'y allais souvent. Ça fait longtemps que je ne suis pas venu, maintenant que le château n'est plus aussi désert le week-end.

Il la regarda en disant cela.

-Je vois, répondit simplement la blonde.

-Diane, je ne joue pas avec toi. C'est la vérité.

Quelque chose céda en elle. Pourtant, si elle appréciait la franchise de Nate, sa capacité à lui dire les choses, elle n'en était pas capable, pas encore.

-J'aime beaucoup nos week-ends aussi, dit-elle doucement, en serrant ses mains autour de la tasse de thé qu'on venait de leur servir.

Le jeune homme secoua la tête :

-Le truc, c'est que...

Il s'agita sur sa chaise, l'air hésitant, et puis il se lança :

-Moi aussi, j'adore nos week-ends, mais ça me tue de faire comme si de rien était le reste du temps. Ça me rend dingue de te voir, dans les couloirs, en classe, et d'agir normalement. On a vu ce que ça a donné, avec Cameron, et je ne veux plus de ça.

Il avait haussé le ton au fur et à mesure qu'il parlait, et lui-même semblait stupéfait de tout ce qu'il venait de dire.

-Tu me plais vraiment Diane, depuis longtemps, depuis le premier jour je crois bien. Et j'en ai marre de me cacher.

La jeune fille ne cachait pas sa surprise qu'avait provoqué chez elle les paroles de Nate. Elle ne s'attendait pas à cela, mais pendant qu'il parlait, elle avait senti comme une douce chaleur s'installer en elle et faire fondre ses doutes. Un grand sourire naquit sur ses lèvres. C'était donc vrai, il le lui disait, il l'aimait. Ses mots, ses gestes, tout criait qu'elle comptait pour lui.

Elle prit sa main, et la serra dans la sienne :

-Moi aussi Nate, j'en ai marre.

Le regard que lui lança le brun fit naitre de nouveaux papillons dans son ventre. Elle aurait pu se perdre dans ses yeux, et c'est ce qu'elle décida de faire.

Quelques heures plus tard, alors qu'ils sortaient du salon, Nate attrapa la main de la blonde, pour l'attirer contre lui dans un geste protecteur. Il plaça ses mains de part et d'autre de son visage, et dit d'une voix un peu rauque :

-Je rêve de faire ça depuis tout à l'heure.

Et il plaqua avec force ses lèvres sur celle de Diane. La jeune fille lui rendit son baiser avec autant de fougue, se collant à lui. Elle entrouvrit la bouche, laissant leurs langues aller à la rencontre l'une de l'autre. Leur baiser était passionné, Diane sentit tout son corps s'embraser.

-Eh dites donc les amoureux, on peut passer ?

Nate et Diane se séparèrent, les joues rouges, un peu gênés de se donner en spectacle. Un couple les regardait en souriant d'un air indulgent.

-Excusez-nous, dit Nate, reprenant ses esprits.

Il prit la main de Diane, et tous deux repartirent vers le château.

Ils se tenaient toujours la main lorsqu'ils arrivèrent au dortoir, et Nate insista pour raccompagner Diane jusque sa chambre. Ils riaient, heureux, en arrivant au 2èmeétage.

-Blondie ! T'étais où ?

La voix de Zed fit exploser la bulle que cette journée avait créé autour de Diane. Le jeune homme se tenait devant la porte de sa chambre, et à sa tête, elle devinait qu'il l'attendait depuis quelque temps.

Son regard passa de la blonde à Nate, avant de se poser sur leurs mains jointes. Un éclair d'incompréhension et de douleur passa sur son visage. Il ne dit rien, il partit, sans un mot, sans un cri, les bousculant sur son passage.

Diane lâcha la main de Nate comme si elle la brulait, et se mit à crier après son ami :

-Zed, attends !


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