Chapitre 54
Quelque temps plus tard, Diane reçut un sms. Expéditeur inconnu.
Elle l'ouvrit, intriguée et leva les yeux au ciel. La teneur du message ne laissait aucun doute sur l'identité de l'expéditeur.
Rapidement, elle tapa sa réponse.
A : Nate
Un sms. Je m'attendais à quelque chose de plus spectaculaire de ta part, le Prince.
A : Diane
Ils n'avaient plus de feux d'artifice en stock au magasin. La semaine prochaine peut-être ?
A : Nate
Du coup, à la place, tu t'es débrouillé pour avoir mon numéro ?
A : Diane
Personne ne résiste au prestige de l'insigne de préfet.
A : Nate
Permets-moi d'être le contre-exemple.
A : Diane
Toi, c'est à mon charme légendaire que tu ne peux pas résister.
Diane ne put s'empêcher de rire cette fois-ci. Ce n'était pas la modestie qui l'étouffait.
Elle avait cependant eu peur de ce qu'il lui préparait, après sa déclaration mystérieuse à la fin du cours de physique. Elle était maintenant rassurée, et plutôt flattée.
Ils se mirent à échanger des sms tout le temps, du matin au soir. Ils étaient conscients de l'ironie de la chose, vivant et étudiant dans le même lycée, en même temps qu'ils appréciaient cette manière de communiquer.
Garder le secret était à la fois essentiel, aucun des deux ne voulant révéler leur relation aux autres, et d'une certaine manière, un peu excitant. En effet, de cette façon, cela restait leur truc: ils s'étaient créés leur petite bulle, inaccessible à quiconque sinon eux.
La jeune fille était en cours de philosophie, assise à côté de Spark. Leur professeur avait commencé à radoter sur le bac qui arrivait et la rousse s'en était désintéressée, préférant lui raconter les derniers potins du lycée.
-Attends, tu n'as pas vu !
Elle semblait interloquée, et d'un geste agacé, elle remit en place ses cheveux couleur fauve.
-Mais c'est un scoop ! Leighton est en couple, je l'ai vu avec un mec, et ce n'était pas le Prince.
Diane avait haussé un sourcil face à la fin de la phrase. Heureusement que ce n'était pas avec Nate. Elle n'avait cependant qu'un intérêt limité pour la vie de Leighton et répondit platement:
-Tant mieux pour elle.
-C'est sûr qu'ils sortent ensemble, continua Spark, qui ne semblait pas découragée par le peu d'enthousiasme manifesté par son amie. Je les ai vu ensemble, et on m'a dit qu'ils s'étaient embrassés. Je ne pense pas qu'elle soit en manque de contact à ce point-là... Je me demandais quand elle passerait à autre chose.
Diane acquiesça vaguement, son attention attirée par la vibration de son portable, qui indiquait l'arrivée d'un message. Elle mit son code pour le déverrouiller.
-Qui est-ce qui t'écrit ? demanda la rousse, qui se penchait vers elle, intriguée.
-Mon frère. Il va venir me chercher, pour qu'on passe le week-end chez ma mère.
Diane avait eu de la chance. Si la perspective d'un week-end à Londres ne l'enchantait pas, elle se réjouissait que le sms vienne de son frère et non de Nate. Elle aurait eu du mal à cacher leur conversation au regard aiguisé de la rousse, et tout le lycée aurait été au courant en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Or c'était justement tout l'enjeu de converser par sms.
-Sympa, commenta son amie. Au moins tu vas quitter le château.
Elle aurait pu l'envisager sous cet angle. Mais elle ne voyait que le fait qu'elle n'aurais pas de tête-à-tête avec Nate durant le week-end.
-Génial...
-Tu n'es pas contente ?
-Moins je vois ma mère, mieux je me porte, conclut-elle en direction de Spark.
Avant le week-end et avant de revoir sa mère, Diane devait affronter les rendez-vous pédagogiques. Leur jour était finalement arrivé, et comme elle s'y attendait, plusieurs professeurs avaient demandé à la voir.
Tous lui tinrent le même discours. Ils étaient déçus, inquiets pour elle, et la menaçaient du pire si elle ne changeait pas de comportement rapidement. Chacun l'avait mis en garde, d'abord par rapport à leur matière, puis en évoquant son avenir.
Diane les avait écoutés, du moins en apparence. Car elle ne croyait pas un mot de ce qu'ils disaient. Ils ne s'inquiétaient pas réellement pour elle, seulement pour leurs résultats. Elle les empêchait de pouvoir se congratuler sur leur enseignement, sur combien, grâce à eux, leurs élèves progressaient et se garantissaient un avenir glorieux. Surtout, son avenir ne dépendait pas de leur bon vouloir, mais uniquement de son travail en danse. C'était au studio qu'elle donnait tout, car c'était là que c'était nécessaire.
Heureusement, la soirée touchait à sa fin, et il ne lui restait plus qu'à voir M. Verneuil, le professeur de mathématiques.
Arrivée devant sa porte, elle prit une grande inspiration. Elle sentait que cela allait lui demander beaucoup de self-control.
-Ah, Miss Delcourt. Je vous attendais.
-Bonsoir.
-Prenez-place. On va commencer tout de suite, j'ai beaucoup de choses à vous dire.
Diane n'en avait aucun doute, mais elle ne fit pas de commentaires, attendant la suite.
Elle ne fut pas déçue. Cette-fois, le laïus concernait surtout son attitude.
Il aurait de toute manière eut du mal à l'attaquer sur ses notes, qui restaient excellentes, bien qu'il essayât par tous les moyens de diminuer ses résultats. Il parla effectivement pendant longtemps, déroulant une longue liste de récriminations.
Finalement, il s'arrêta, et changea de sujet :
-J'ai cru comprendre que vous vouliez faire de la danse votre métier ?
Diane était étonnée, il était le premier à lui en parler.
-Vous prenez réellement mon cas à cœur, pour vous renseigner autant sur moi.
-C'est écrit dans votre dossier, vous suivez les cours de danse dispensés par le lycée, répliqua-t-il d'un ton sec. Je voulais vous avertir, le secteur artistique, et la danse en particulier, demande une certaine attitude, une rigueur ainsi qu'une grande capacité de travail. Ce sont des aptitudes dont vous n'avez pas vraiment fait preuve au cours de l'année durant mon cours.
Diane était restée calme pendant tout leur entretien, consciente que cela n'en valait pas la peine. La direction que prenait la conversation ne lui plaisait cependant pas du tout et elle sentait la colère monter en elle. De quel droit osait-il préjuger de ses capacités en se basant sur son cours de mathématiques!
-La sélection est rude, vous serez scrutée, votre comportement analysé, et que se passera-t-il pour vous si vous n'êtes pas prise ? Vu vos résultats, les plans b sont réduits, de nombreuses portes vous seront fermées...
-Je sais ce que je fais, le coupa Diane. Je serais danseuse, quoi qu'il arrive.
Son professeur laissa échapper un petit rire incrédule.
-Vous n'avez aucune idée...
-Excusez-moi, parce que vous oui ? Où sont vos chaussons, monsieur, si vous êtes un tel connaisseur de la danse ? Vous ne savez rien d'autre de ce milieu que ce qu'on en raconte. Moi je le vis au quotidien, depuis mon enfance. Vous ne savez rien de mon comportement en dehors de votre salle de cours.
-Vous ne viendrez pas vous plaindre, après, persifla le professeur, dont le visage était devenu rouge sous l'affront.
-Surement pas, je n'ai pas prévu d'échouer.
Diane s'était levée :
-Nous en avons fini, je crois ?
-Sortez immédiatement !
La jeune fille ne se fit pas prier, et quitta les lieux prestement.
Refermant la porte, elle s'appuya dessus, et ferma les yeux, laissant redescendre le sang qui lui battait toujours les tempes. Elle avait presque réussi à rester calme. Presque. Elle voulait croire que cela ne s'était pas si mal passé.
Elle rouvrit les yeux, sentant qu'on l'observait.
-Mauvais moment avec Verneuil ? lui demanda avec compassion Loup.
-Pas pire que d'habitude.
Le jeune homme, arrivant à sa hauteur, sourit et la prit par les épaules :
-T'as vraiment la tête dure toi. Zed m'a envoyé un message, on se retrouve au château ce soir, s'exclama-t-il, changeant de sujet.
-En quel honneur ?
-Décompresser. Et pour que tout le monde entende ce que tu as dit à Verneuil, je suis sûr que c'était intéressant.
Diane lui donna une bourrade, mais elle ne pouvait lui donner tout à fait tort. Ils se mirent en route.
*
La jeune fille était heureuse d'avoir pu profiter de la bande pendant cette soirée. Dans la fraicheur du soir qui tombait, elle attendait son frère, et repenser à la veille lui évitait de penser au fait qu'elle allait revoir sa mère.
Un coup de klaxon la sortit de ses pensées. Son frère était là.
-Salut terreur ! Tu vas bien ? s'exclama-t-il joyeusement, alors qu'elle montait dans la voiture.
-Je suis contente de te voir, on va dire.
-Diane..., soupira Lucas.
Son sourire s'était affaissé, et elle comprit qu'il avait espéré que son attitude la convaincrait.
-Quoi ? Tu m'emmènes voir maman, excuse-moi de ne pas sauter au plafond.
-Je te sors aussi du lycée ! Je n'en reviens pas que tu y sois resté pour les vacances.
-Tu n'es pas le seul, marmonna la blonde. Qu'est-ce que ça a de si dingue, c'est un internat, pas la prison !
-Certes. Mais donc, un week-end en famille, ça ne peut pas te faire de mal. La fuite n'est pas une solution.
-Je ne me suis pas enfuie, je suis restée au château.
-Tu t'es cachée alors. Le mot diffère, le résultat est le même.
Diane détestait quand il prenait ce ton, qu'il jouait la carte du grand frère plus savant et expérimenté.
-Allez, ça va bien se passer.
Malheureusement, le vœu de son frère ne se réalisa pas vraiment.
Ils avaient fait bonne figure le vendredi soir, chacun faisant des efforts pour s'entendre. Diane avait la grasse matinée le samedi matin.
Mais le midi, tout avait volé en éclats.
Lucas avait amené la conversation sur le terrain de ses cours, et Diane avait rebondi :
-Oh, on a vu un truc comme ça, au lycée.
-Parlant du lycée, dit sa mère, s'immisçant dans la conversation, tu ne m'avais pas dit que les rendez-vous pédagogiques avaient lieu cette semaine.
Diane se ferma :
-Il n'y avait rien à dire, ils avaient lieu cette semaine, c'est tout. Comment tu le sais ?
-J'ai reçu un mail. Heureusement que le lycée nous informe, tu ne me dis jamais rien !
-Je ne pensais pas que ça t'intéresserait.
-Bien sûr que ça m'intéresse Diane, on parle de ton avenir !
Bingo, la jeune fille attendait que le sujet arrive depuis que sa mère avait pris la parole. « Son avenir », c'était tout ce qu'ils avaient à la bouche. Ils en parlaient sans même lui demander ce qu'elle voulait en faire, de ce futur.
Sa mère continua :
-Tes notes Diane... J'ai vu ton bulletin, ce n'est pas suffisant. On va regarder ton dossier, il doit être excellent pour entrer dans le supérieur.
-Je sais, ils me l'ont tous dit, marmonna Diane.
-Il faut travailler dur, tu peux t'améliorer, j'en suis sûre.
-J'ai des bonnes notes en maths.
-C'est la seule matière. Et les commentaires sont moins... élogieux.
-Mon prof est un con fini, trancha la jeune fille, qui commençait à être agacée.
-Diane !
-Écoute maman, j'ai de bonnes notes en maths, ça suffira pour entrer en fac de maths. On cherche des professeurs de maths en France, j'ai vu passer ça aux infos. Hop, mon avenir est assuré.
Sur ces mots, Diane, se leva et partit à la cuisine.
Son frère la rejoint :
-Maman t'envoie pour calmer le jeu ? l'agressa Diane.
Mais son frère lui jeta un drôle de regard, et lui répondit à son tour par une question :
-La fac de maths, sérieusement ?
-Lucas.
-Non, toi, écoutes-moi. C'est vraiment ça que tu veux, devenir prof ? Ça ne te ressemble pas, ça ne te plairait même pas ! Tu irais jusque-là juste pour emmerder maman ?
-Non.
-Alors pourquoi ?
Son frère paraissait exaspéré, elle ne lui avait jamais vu cet air. Il ressemblait à sa mère.
-Parce que je n'irais jamais là-bas Lucas. J'ai repris la danse, je suis un cours préparatoire, pour intégrer les compagnies. Je vais passer les auditions, j'ai déjà commencé à me préparer. Ce que je veux, c'est devenir danseuse.
Le regard de Lucas s'était éclairé au fur et à mesure qu'elle parlait. Soudain, elle le vit se figer, son regard fixé vers un point derrière elle et la voix de sa mère retentit :
-Tu veux quoi ?
A ce moment-là, Diane comprit qu'elle venait de s'attirer de gros, de très gros ennuis.
La discussion qui suivit n'en fut pas vraiment une. Plutôt une longue suite de récriminations, et de reproches du côté de sa mère, de cris et d'arguments du côté de Diane.
-Ce n'est pas un métier stable, tu ne sais pas dans quoi tu t'engages.
-Tu n'en sais rien, tu ne t'es même pas renseigné !
- Je refuse que tu danses !
-Tu ne peux pas dire ça ! Tu n'as pas le droit, hurla Diane. Qu'est-ce que tu disais ? Tu t'inquiètes pour mon avenir, comment tu veux que je te croie ? Tu ne m'écoutes pas, tu veux décider pour moi, depuis le début.
-Moi je veux danser, et tu le sais. Tu as fait comme si ça allait passer, mais non, moi je veux être danseuse, depuis toujours. Tu le sais, mais tu t'en fiches. Tu t'en fiches de moi.
-C'est de la faute de ton père, toujours à t'encourager...
-Ne mêles pas papa à ça ! cria Diane. Merde, je prends mes propres décisions ! Lui au moins, il me soutenait.
-Ce sont des chimères, un rêve d'enfant qu'il ne cautionnerait plus aujourd'hui.
Diane avait l'impression qu'elle allait étouffer. Elle suffoquait, effarée par les paroles de sa mère. Ses oreilles bourdonnaient, elle ne pouvait pas supporter ça plus longtemps.
-Lucas, je veux partir.
-Attends, Diane...
-Je veux partir, répéta Diane, haussant la voix. Je ne vais pas rester ici, à la laisser m'insulter, moi et la mémoire de mon père. Je m'en vais, et si tu ne veux pas m'aider, je partirais à pieds, je n'en ai rien à faire!
Faisant volte-face, elle monta rageusement les escaliers. Elle collecta les quelques affaires qu'elle avait sorties, avant de refermer avec fracas sa valise.
Quand elle redescendit, son frère l'attendait, le visage fermé.
Ils ne prononcèrent pas un mot pendant tout le trajet de retour.
Finalement, Diane poussa la porte de son dortoir. Nate était installé dans la salle commune, confortablement enfoncé dans un fauteuil.
Il se leva en la voyant entrer :
-Diane ? Qu'est-ce que tu fais ici ? A cette heure-ci ? Je croyais que tu passais le week-end dans ta famille ?
-C'est ce que je croyais aussi, dit-elle en s'asseyant dans un fauteuil.
Elle ferma les yeux quelques secondes, submergée par une vague d'émotions qu'elle laissait enfin s'exprimer.
-Pourquoi tout le monde s'entête à me parler de mon avenir, de mes possibilités, sans jamais me demander ce que moi, j'en pense ? Ce que je veux, moi ?
Nate se rapprocha d'elle :
-Les rendez-vous pédagogiques ont fait des dégâts ?
-Pire, soupira la blonde. Ma mère a finalement découvert que j'avais repris la danse. Et que, accessoirement, je voulais en faire mon métier. Je crois qu'on ne s'était jamais disputé à ce point. Elle a dit des trucs horribles, elle a même remis en cause mon père !
Sa voix était montée dans les aigues, témoignant de son agitation.
-Calme toi, Diane, c'est fini, dit Nate en l'attirant à lui. Enfin non, tu peux hurler si tu veux, si ça te fait du bien. Je t'accompagnerais.
Elle rit :
-Ça va. Je suis énervée, en colère, mais ça va passer. On va marcher un peu ? Je ne pourrais jamais dormir.
-Ça roule princesse, j'attrape ma veste et let's go.
Alors qu'ils sortaient, Nate reprit la parole :
-Tu as raison tu sais. De te défendre. Tu fais le bon choix. Tu es une danseuse, tout le monde devrait pouvoir le voir. Personne ne devrait se mettre en travers de ton chemin.
-Merci Nate.
Elle saisit sa main, et ils sortirent dans la nuit. C'était exactement ce qu'elle avait besoin d'entendre. Elle faisait le bon choix. Rien ne l'empêcherait de danser.
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Hello! Ce chapitre est assez long, j'espère qu'il vous a plu!
Diane n'a rien perdu de sa verve et heureusement, elle doit se défendre durement! Mais Nate est toujours là pour elle :)
Bon week-end, à la semaine prochaine!
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