Chapitre 27
-Danser, s'exclama sans réfléchir la jeune fille.
Elle regretta son impulsivité devant le silence qui suivit sa déclaration.
-Enfin en soirée, j'adore danser pendant les soirées. Ça manque d'ailleurs, je rêve d'une bonne grosse soirée, pas vous ?
Tous approuvèrent, elle soupira, contente d'avoir réussi à détourner l'attention en voyant les discussions reprendre à propos de soirée. Loup s'approcha d'elle :
-Salut blondie.
-Mon vrai rêve, c'est que vous cessiez tous avec ce surnom, sourit faiblement la jeune fille.
-C'est beau de rêver.
Ils restèrent silencieux un instant, avant que Loup ne reprenne, comme souvent :
-Tu n'es pas très présente en ce moment.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? se défendit Diane. Je suis là tous les soirs.
-Sans être vraiment là, tu planes à chaque fois, ton corps est là mais pas ton esprit.
Comment pouvait-elle se justifier ? Elle avait beaucoup de choses dans la tête, réussir à trouver le temps pour danser, et le garder pour soi était une activité à plein temps, et elle ne voulait pas l'expliquer à Loup.
-Je suis juste fatiguée, désolé.
Le regard perçant qu'il lui adressa la mit mal à l'aise, mais il n'insista pas.
-Je suis là si tu as besoin de parler, dit-il simplement.
Diane le regarda s'éloigner. Octave avait un visage avenant, une voix chaude qui donnait envie de se confier, malgré sa carrure qui ne laissait pas présager une telle sagesse. Elle savait que si quelqu'un pouvait l'écouter sans la juger, c'était lui, mais c'était trop confus dans sa tête, seulement des sentiments diffus, une lassitude. Et le manque d'envie d'exposer son jardin secret. Elle savait qu'elle n'était plus vraiment présente ces derniers temps, qu'elle laissait de côté ses amis, sans qu'ils ne puissent comprendre pourquoi.
Malgré tout, le soir, elle ressortit. Comme souvent en ce moment, elle attendit qu'Astrid soit endormie, avant de se relever, de traverser la chambre le plus silencieusement possible, attrapant ses affaires de danse au passage. Elle aimait beaucoup Astrid, mais ce n'était pas vraiment compatible avec ses activités nocturnes. Elle empiétait beaucoup plus sur son sommeil, et le ressentait. C'était difficile de quitter son lit, mais plus encore de contenir sa frustration croissante face à son manque de régularité. Elle se rassura en se disant que le sommeil était pour les faibles.
Elle n'était pas constante, cependant les horaires inhabituels étaient devenus routinier. C'était au départ excitant, grisant de transgresser ainsi les règles, pour pratiquer sa passion, mais cela n'avait plus la saveur de la nouveauté. Peut-être que c'était mieux ainsi, elle atteignait sa phase préférée : la volonté de se perfectionner, encore et encore, qui la poussait à se dépasser. Par tous les moyens.
Si elle faisait pareil pour les cours... Sa mère ne ferait même plus attention à elle. Diane chassa ses pensées, se concentrant uniquement sur ce qu'elle avait l'intention de travailler durant sa séance. Elle se hâtait, ne voulant pas recevoir la pluie qui menaçait, pour ne pas arriver trempée.
Elle effectua machinalement son rituel : ouvrir, poser ses affaires, allumer les lumières et la musique, puis se changer. Elle aimait toujours s'habiller en tenue de danse classique, collant, justaucorps, cache-cœur. C'était ainsi qu'elle se sentait entière, en paix avec elle-même. Vivante. Envolé les soucis, la fatigue, il n'y avait plus qu'elle, et la Danse.
Elle se plaça à la barre, pour s'échauffer. Enchainer battements, attitudes et pliés. Aller au maximum de ses capacités, sans forcer sur son corps encore froid.
Seulement, cela n'allait pas cette nuit, elle ne parvenait pas à se surpasser comme à son habitude, atteindre ce qu'elle appelait son état de grâce. Agacée, elle décida de passer au milieu. Elle retourna nouer ses pointes, et s'avança dans le centre du studio. Elle fit le vide dans son esprit, se concentra et démarra. Pour s'arrêter peu après. Ses exercices de souplesse commençaient à porter leurs fruits, c'était indéniable, elle se sentait plus libre dans ses mouvements. Ce n'était pas cela, c'était plus profond que cela. Elle recommença, encore, répéta, finit par enlever ses pointes. Puis abandonna. Elle shoota rageusement dans ses chaussons, se laissa glisser le long du mur. Elle arrivait à ses limites, au bout de ce qu'elle voulait faire seule. Tous les exercices du monde ne remplaceraient pas les corrections d'un professeur, la saine émulation d'un groupe. C'était cela qui faisait progresser, et c'était cela dont elle avait besoin. Elle s'agaçait d'autant plus qu'elle voulait vraiment s'améliorer, elle ne voulait pas rester au même niveau, plus jamais elle ne voulait s'arrêter. Elle adorait ce sentiment de plénitude après une séance de danse intensive. Elle décida d'arrêter pour la nuit, qu'il était inutile de ressasser sa l'inutilité de cette session. Il valait mieux qu'elle aille dormir. Elle rangea, et repartit, c'était comme si elle n'était jamais venue alors qu'elle s'éloignait en direction de l'internat.
Nate ne dormait pas non plus, et ses pensées étaient dirigées vers la blonde. Comment lui faire payer l'affront de l'épisode du pantalon ? Il n'y pensait pas continuellement, mais son esprit lui rappelait souvent cet épisode humiliant. Il n'avait d'ailleurs pas récupéré le bas qu'elle portait sur elle ce jour-là, bien qu'à la réflexion, il ne voulait pas forcément le récupérer. Calant sa tête au creux de son coude, il cherchait surtout une vengeance, à la hauteur de ce qu'elle avait fait. Et il désespérait de ne pas avoir d'idée. Il finit cependant par s'endormir, en même temps que Diane. Celle-ci n'eut qu'à toucher l'oreiller pour tomber dans les bras de Morphée.
La nuit fut courte, et elle se leva avec l'impression de ne s'être endormie que 5 minutes auparavant. Astrid la chambra, déjà prête à partir :
-Eh, hier t'étais prête aux aurores, debout marmotte !
Diane hésita à lui lancer son coussin, mais choisit plutôt de renfoncer sa tête à l'intérieur. Elle n'avait aucune motivation pour affronter la journée. Rien que l'idée de se lever requérait toute son énergie. Elle passa dans la salle de bain, espérant que se passer de l'eau sur le visage la réveillerait. Elle n'avait plus le temps pour la douche, juste celui d'enfiler son uniforme. Elle sortit, attrapa sa veste en cuir, fourra des feuilles et une trousse dans son sac :
-C'est bon, je suis prête, souffla-t-elle à Astrid, qui l'attendait, amusée.
La journée promettait d'être longue.
***
Diane avait lutté de toute ses forces, mais elle fut vaincue par le cours de philosophie. Ses yeux se fermaient tous seuls, les lignes de sa feuille dansaient. Elle ferma les yeux, se disant que ce n'était que pour quelques instants, mais ne les rouvrit pas.
Elle était comme à son habitude au fond de la classe, cela aurait dû passer inaperçu. Mais Nate la surprit, et trouva enfin une occasion de se venger. Il attendit que le prof passe près de lui, pour dire assez fort à Cameron :
-Regarde, Delcourt s'est endormie !
Pour plus d'effet, il accompagna ses paroles d'un signe de la tête en direction du fond de la classe, son ami ne put que se retourner. Tout comme le professeur, qui n'avait pas pu éviter d'entendre, et qui constata la véracité des paroles du brun.
Diane était calmement avachie sur sa table, la tête nichée dans son coude. Le prof, sans dire un mot, se dirigea vers le fond de la classe, sous le regard satisfait de Nate.
-Mlle Delcourt ! tonna le professeur, réveillant par l'éclat de sa voix la moitié de la classe somnolente.
La blonde sursauta, brutalement réveillée. Elle mit un temps avant de resituer, et de reconnaitre le prof en face d'elle. Alors elle n'eut plus qu'une envie, fermer les yeux de nouveau.
-Mon cours vous ennuie ? Vous vous permettez de vous endormir ?
-Je...
-Je ne veux rien entendre : dehors !
Diane renonça à protester, rassembla ses affaires et sortit sans attendre. Elle passa devant Nate pour rejoindre la porte :
-La nuit c'est fait pour dormir princesse, lui murmura-t-il.
Diane lui jeta un rapide coup d'œil, vit à son sourire que c'était lui le responsable. Mais ce qui l'inquiétait le plus était sa phrase : Que savait-il de ses activités nocturnes ?
Heureusement pour elle, c'était le dernier cours de la matinée, et de la journée également : l'après-midi avait été banalisé pour une rencontre de foot inter lycées. Tous les élèves étaient conviés. La jeune fille pensait que la bande n'irait pas, et elle retourna dans sa chambre, poursuivre sa sieste.
La vibration insistante de son portable la sortit du sommeil dans lequel elle était plongée. Elle tendit la main et regarda l'écran, c'était Zed.
-Blondie, tu fous quoi ? On t'attends pour le match !
-Quoi ? Je pensais qu'on n'y allait pas.
-Si, bien sûr, c'est bien plus marrant de se foutre de la gueule des joueurs que de boycotter le truc.
-Ok, j'arrive, approuva Diane. Elle avait toujours apprécié le foot.
-T'es où encore ?
-J'arrive je te dis.
Diane raccrocha à ses mots, se leva et repartit en direction du stade. Elle retrouva la bande sur la route, remballa Zed qui insistait sur son caractère fantomatique, et discutait avec Alice. Ils s'étaient installés dans les derniers gradins, entre Spark et Zed. Elle remarqua donc Nate arriver, avec sa démarche particulière. Diane aurait pourtant parié qu'il faisait partie de l'équipe, Cameron faisait partie de l'équipe.
Elle se pencha vers Zed :
-Je pensais que quand on était préfet, on était obligatoire dans l'équipe de foot ?
-Ah mais non, c'est normal.
-Explique toi, je suis nouvelle je te rappelle.
-T'es la depuis 2 mois bientôt quand même. Non, en fait il...
Le basané s'interrompit brutalement, et se leva de son siège.
-Et buuuuut !! Ouais, on va les niquer !
Il interpréta quelques mouvements de danse, sous le regard blasé de la blonde.
La discussion dériva en moquerie à propos de l'enthousiasme du jeune homme, que Spark résuma à Diane :
-Il déteste profondément le lycée adverse, c'est pas tant pour le château qu'il en content en fait.
Il avait oublié la réponse qu'il était en train de donner, trop occuper à se défendre, et la blonde resta seule avec ses interrogations.
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