6. Brève échéance

Elle ne savait plus quoi faire, se sentait perdue, voyait le trou noir progresser devant elle. La fin du monde, la fin de son monde arrivait dans quelques jours. Et elle savait ce que cela signifiait. Elle avait déjà expérimenté cette affreuse sensation de solitude, de n'exister pour personne, de ne plus servir à rien. Il était déjà parti, tenter de vivre avec sa maîtresse. Parti deux longues semaines en plein confinement, lorsqu'il n'était plus possible de voir personne, à part ses voisins qu'elle connaissait à peine. Les deux pires semaines de sa vie. Les deux pires semaines du printemps. La météo s'était calquée sur sa douleur : un déluge et du froid en plein mois d'avril.

Elle avait essayé de faire face mais seule dans sa maison devenue triste, c'était trop pour elle. Et moi j'étais si loin, beaucoup plus loin que ce putain de kilomètre autorisé, beaucoup plus loin que les 150 km suivants, j'étais au-delà des mers, sur le continent comme on dit chez elle. Ironie de l'histoire, lui était dans le kilomètre réglementaire, sa maîtresse, ayant poussé le vice quelques mois auparavant jusqu'à choisir un appart bien près de chez eux, de chez lui, en l'occurrence, pour pouvoir profiter de tous les instants où Gaëtane était sortie pour lui sauter dessus

Et réciproquement.


Bref, pas la meilleure configuration pour se faire plaquer après 15 ans de bons et loyaux services.

Elle avait tenté les anti-dépresseurs, mais avait senti des effets secondaires même pas indiqués sur la notice, et les antivomitifs qui finalement l'empêchaient de tout expulser. La mort dans l'âme, elle avait décidé d'aller squatter chez des amis communs. Une petite parenthèse de réconfort, ponctuée par des crises d'angoisses, de froid, de larmes. Des déluges de larmes. Et cette impression de ne pas être à sa place, d'être de trop, d'envahir, malgré l'extrême gentillesse de ses hôtes. Et ce sentiment d'être une loque, inutile et sans énergie. Un zombi sans but.

Elle savait donc ce que signifiait le futur départ de Sté. Elle savait que ce serait dur et que la seule chose qui lui avait permis de retrouver la joie de vivre, c'était son retour à lui. Instantanément, la vie avait repris son cours et sa saveur. Finalement, il ne fallait pas grand chose pour passer du noir au rose.

Et réciproquement.


Mais cette fois, il ne reviendrait pas. Il lui avait bien dit, et il faisait toujours ce qu'il disait.

-       Prends-toi un chien, je lui avais conseillé.

-       Un chien ?

-       Oui je sais, ça ne remplace pas un mec. Mais au moins tu auras de la compagnie. Et un chien c'est fidèle. Et doux. Et ça t'obligera à sortir.

-       Mais il n'y a pas de SPA ici.

-       Ben demande autour de toi, je suis sûre qu'il y a ton bonheur quelque part. Allez, bouge toi !

Elle avait fini par envoyer un SMS à Lesia.

Lesia, c'était une copine d'une copine. Elles se voyaient rarement, mais s'entendaient assez bien. Elles n'avaient juste pas trop pris le temps de devenir amies. Faut dire que les triplés de Lesia l'occupaient à temps plus que plein.

Mais Lesia, c'était un bottin à elle toute seule. Elle connaissait tellement de gens dans le coin, qu'elle avait toujours une anecdote sur l'un ou l'autre. C'est donc tout naturellement qu'elle lui trouva la perle : un joli petit minois tout blanc, qui débarqua dans sa vie, tout frétillant, tout sautant, avec sa petite langue rose qui voulait lécher la main qui le caressait derrière les oreilles.

Son nouveau compagnon débarqua le 14 octobre, à 20h. Un peu plus de deux jours avant le premier jour du reste de sa vie.

Un nouveau compagnon pour amortir la chute. Pour rester vivante. Pour partager un peu d'amour. Restait plus qu'à l'apprivoiser.

Et réciproquement.

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