3. Décalage horaire
Gaëtane se levait avec les premiers rayons du soleil, enfilait son maillot de bain, s'armait de palmes, masque et tuba, attrapait le beau paddle aux motifs polynésiens de Simone et filait sur le lagon, juste au-delà de la pelouse d'un vert intense. Ce n'était pas le plus beau lagon du monde, mais quand le courant n'était pas trop fort, elle pouvait l'explorer en nageant, le paddle attaché à son pied. Elle s'y laissait porter par le courant dans un dédale de coraux où batifolaient les poissons tropicaux. A marée montante, elle pouvait sans risque plonger sur le petit tombant juste devant la passe et s'accrocher sur le récif au fond pour observer les carangues, les balistes et les diodons qui dérivaient dans l'eau oxygénée du courant. Parfois une raie aigle ou une tortue venait observer cet intrus.
Puis le soleil sifflait la fin de la partie : elle remontait sur le paddle et revenait vers la magnifique maison en bois posée sur un jardin harmonieux, avec sa rangée de cocotiers en guise de délimitation avec la plage. Vu du récif, l'île de Tahiti était magnifique à cette heure matinale : ses flancs pentus et foncés, ses vallées acérées, le détail des arbres et des cocotiers, au loin le ciel gris de la pluie et les rayons du soleil qui commençaient à filtrer à travers la canopée de la crête, puis qui inondaient de couleurs intenses la forêt verte ponctuée des points rouges des tulipiers de Virginie, arbres magnifiques mais néanmoins envahissants, ce qui faisait enrager Rambo.
Au retour de sa balade aquatique, une douche revigorante au tuyau d'arrosage au milieu des tiarés et un petit déjeuner autour d'un thé succulent servi dans la théière insolite de Simone sur la terrasse couverte dominant le lagon, ponctuaient sa première séquence matinale qui était suivie par un long moment dans le hamac bleu clair qui embrassait la mer. Là, bercée tant par le roulis des vagues s'écrasant sur le récif au loin que par le balancement imperceptible de son embarcation tendue entre deux arbres lui offrant une ombre rafraîchissante, elle réfléchissait, tentait de remettre ses idées en place et écrivait sur son cahier.
Rambo raillera plus tard à coup de clichés, qu'à cette étape de sa visite, qui s'avéra plus longue que prévue, elle soignait son décalage horaire en s'enroulant dans les pans en coton du hamac, la tête calée sur un petit oreiller, pour mieux dormir dans la plus pure discrétion, qui ne serait pas pour déplaire aux meilleurs d'entre tous les Corses, qui d'après lui, avaient érigé cette pratique en art .
Elle était tranquille donc. Et apaisée.
Enfin.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top