26. Escale à Moorea
Gaëtane était donc sortie de son hamac pour aller retrouver Péné et Astou à Moorea. Cela faisait moins d'un mois qu'elle les connaissait et à peine deux semaines qu'elles s'étaient quittées, pourtant, elle eut l'impression de retrouver de vieilles copines après de longues années. C'est que le temps s'était étiré, pour Gaëtane comme pour « ces deux-là », comme on dit en français de Polynésie. Elles furent donc ravies de se retrouver et se raconter leurs péripéties depuis son départ pour Fakarava.
La pension de Gwen avait été correctement gérée en son absence (y compris le ramassage des feuilles, ce qui étonna Gaëtane au plus haut point étant donné la futilité de l'exercice) et un brin de folie semblait avoir élu domicile sous le faré, qui avait accueilli une quantité de nouveaux amis qu'elles s'étaient faits au gré des excursions et des apéros-coucher de soleil devant les sauts de dauphins. Pendant que Péné préparait l'omelette qui les nourrirait ce soir dans la petite cuisine en plein air de leur logement à Moorea, Astou racontait, avec emphase et malice, la fin de leurs aventures à Rangiroa et leurs rencontres, tout en spécifiant qu'elle n'en aurait pas laissé certaines dormir dans la baignoire si celles-ci avaient eu besoin d'un logement (ce qui ne fut malheureusement pas le cas, bien que la pension de Gwen ne comptât aucune baignoire).
Revenues dans l'archipel de la Société, les deux amies avaient élu domicile dans une petite pension qui venait de se monter à l'est de Moorea et, devant leur ... (peut-on résumer l'exubérance, la gentillesse, la débrouille, la joie de vivre et la force de travail de ces deux filles en un simple mot ?), devant ce qu'on pourrait donc pudiquement appeler leur charme, Vaitiare et Moana, leurs hôtes, avaient accepté de les loger gratuitement en échange du ménage quotidien des deux chambres restantes. Leur banquier, s'il avait été tenu au courant, les aurait certainement rappelés à leur business plan, mais que voulez-vous, il semble que sur les îles, la richesse ne se mesure pas nécessairement en euros ou en francs pacifiques, mais en sourires échangés et en franches rigolades. Et comment expliquer à un banquier qu'être riche ne se résume pas à la possession d'un ou plusieurs comptes en banque bien fournis (avec accessoirement actions, obligations, lingots d'or et autres Ferrari), mais que cet attribut peut désigner à la fois le nombre de potes qui viennent, tout sourire, t'aider à déménager ton piano dans ton nouveau studio au quatrième étage sans ascenseur, tout comme il quantifie le nombre de calories dans la tartiflette de notre mère, très souvent suivie par un tiramisu préparé la veille avec amour et double dose de mascarpone (validant en cela la théorie de Léa que le bonheur se mesure à la quantité de fromage fondu sur les patates).
Vaitiare avait tout naturellement prêté un matelas et la chambre des filles avait été squattée par une fille de plus, fut-ellebeaucoup plus âgée. Pour se déplacer, Moana avait demandé à un vieux copain de lui prêter une moto, en plus du scooter de sa compagne que Péné et Astou utilisaient. Le casque fut déniché en moins de deux, grâce au grand sourire de Péné, qui charma sans aucune difficulté le loueur de deux roues du coin. Ne restait que les bons plans pour visiter l'île, ce qui n'était pas très compliqué en compilant les infos glanées lors de l'apéro.
Ce court séjour fut donc une très belle parenthèse dans le déjà magnifique voyage de Gaëtane, le mot belle englobant à la fois la splendeur des paysages de cette petite île, la convivialité de ses hôtes et le délire que ces trois-là arrivaient à générer ensemble. Notons toutefois qu'il n'inclut pas la qualité gustative du séjour, tant la quiche aux légumes d'Astou eut la fâcheuse caractéristique de combiner à la fois la dureté d'une pâte trop cuite et mal dosée et la flaccidité d'aubergines non dégorgées et ayant traîné trop longtemps dans les rayons du magasin.
Au bout de trois jours de tours de l'île, plages, petites balades (au regard de ce qui allait arriver, bien que les pentes des sentiers de Moorea, comme toutes celles des île polynésienne, sont fortes), bonne humeur et discussions endiablées, le week-end approchant, et avec lui , la randonnée prévue avec Rambo et Simone, c'est une Gaëtane pleine de vitalité qui reprit le bateau en sens inverse et arriva, sous une pluie battante à Papeete, où l'attendait Simone, accompagnée de son large sourire et d'une liste de courses qui affichait boites de ravioli, barres de céréales, café soluble et autres sandwichs aux frites. Quelques dizaines de minutes et de kilomètres plus loin, ce fut au tour de Rambo de préparer la suite des évènements, en commençant par l'essayage d'une paire de sandales de plage en plastique, apparemment le must pour les vadrouilles dans la montagne tahitienne et son climat pour le moins incertain et humide, ainsi qu'une paire de gants, pour s'agripper aux fougères coupantes. S'ensuivit le remplissage d'un sac à dos avec une quinzaine de kilo de matériel de bivouac, duvet inclus (« les nuits sont fraiches à cette altitude » lui avait-il précisé). Ainsi accoutrée, Gaëtane était parée pour attaquer les contreforts de l'Orofero par le flan ouest, par un chemin qui apparemment n'était pas tracé jusqu'au bout, ce qui ravissait au plus haut point Rambo, qui avait prévu d'y amener des amis botanistes, en « résidence » pendant trois jours. Gaëtane qui avait alors une idée toute idyllique de la montagne tahitienne, ne regretta finalement pas d'avoir, sur l'insistance de Rambo, ajouté, au poids déjà excessif de son sac à dos, une veste gore-tex, une polaire et surtout une bâche, qui évita que l'eau n'inonde sa tente pourtant certifiée waterproof. Comme quoi, on peut avoir vadrouillé partout dans le monde, essuyé (ou subi, l'essuyage voire l'essorage ayant toujours lieu après !) des pluies diluviennes en bateau, en camping ou à scooter, rien ne vaut les conseils avisés d'un régional de l'étape pour rappeler les caprices de la météo tropicale.
La randonnée fut joyeuse, éprouvante et mémorable, mais, unefois n'est pas coutume, c'est encore Gaëtane qui la raconte le mieux (malgré ses sempiternelles élucubrations).
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