24. PERDUE
Perdue : maîtresse sympathique quoiqu'un peu triste, taille moyenne, le poil très long couleur feu, le museau fin, et les oreilles petites.
Contact : Réglisse. A gauche après les poubelles, boite aux lettres rouge à côté du grand pin, paillasson en crin, panier bleu. Laissez vos messages olfactifs au pied du pin (crotte néanmoins interdite).
Parce qu'en fait, ma maîtresse, elle n'est plus réapparue depuis quelques jours ! Je commence à me dire qu'elle est partie. J'aurais dû me douter quand je l'ai vu mettre des affaires dans un grand sac. Il était tellement grand que j'ai eu peur qu'elle soit partie pour toujours. J'ai bien fait de lui voler une chaussette, comme ça elle sera obligée de revenir.
Je l'aimais bien ma maîtresse, même si elle ne rayonnait pas le bonheur.
J'aurais dû sortir de mon panier douillé quand je l'ai vue s'agiter en plein milieu de la nuit. J'ai vaguement senti la bonne odeur du pain grillé, mais je n'y ai pas prêté attention. J'aurais dû. Ce n'était pas son heure. Je n'entendais aucun oiseau chanter derrière le volet. Quand j'ai rouvert un œil, elle avait le museau très proche de moi. Elle m'a parlé avec une voix triste qu'elle voulait rassurante. J'avoue que ça m'a un peu alarmé sur le coup, surtout qu'elle m'a fait un gros câlin après. Elle s'est levée, elle est allée vers la porte, m'a regardé, et est allée dans le couloir d'entrée. J'ai entendu des roulettes sur le sol, le grincement de la porte et les odeurs de la nuit sont entrées. Je n'ai pas senti le chat du voisin, alors je ne me suis pas mis en alerte. Elle a refermé la porte, je me suis dit que j'allais pouvoir faire une grasse matinée. J'ai ensuite entendu le bruit de cette boite magique qui est capable de nous transporter sans aucun effort, juste affalé sur la banquette arrière. Et puis, plus rien.
C'est la dernière fois que je l'ai vue.
Ce matin-là, j'ai attendu, je me suis rendormi, je me suis réveillé parce que j'entendais le chat du voisin qui me narguais sur la terrasse derrière les volets, j'ai grogné, j'ai aboyé et je crois qu'il est parti. Du coup, je me suis rendormi.
C'est mon ancien maître qui m'a délivré de cette attente (celui qui partage ses tartines avec moi, celui qui était là, au tout début quand je suis arrivé). Il m'a fait un gros câlin, m'a donné un biscrok et a joué avec moi à la balle. Il n'est pas mauvais, je dois avouer. Après, il est allé jusqu'à sa boite magique, a ouvert le coffre et en a sorti un gros sac. Là j'ai eu peur qu'il me quitte lui aussi, alors je ne l'ai pas lâché d'un coussinet. Mais non, il a porté le gros sac jusque dans la maison, l'a posé dans la chambre, en a sorti un gros livre et il s'est installé sur le canapé avec. Je me suis mis au pied et tout de suite, il m'a caressé. Et quand je me suis réveillé, il était encore là.
J'ai l'impression qu'encore une fois, je change d'humain. Mais ça va, celui-là, je l'aime bien. On va courir très souvent sur la plage, enfin moi je cours et lui, il roule sur sa machine toute fine à deux roues. Il va presque aussi vite que moi quand le sable est dur, mais il ne va jamais dans l'eau. Je ne vous comprends pas vous les humains : quel est l'intérêt de vous promener sur la plage si vous ne profitez pas de la mer ? L'eau est tellement bonne, juste un peu rafraîchissante, mais c'est si bon, après un sprint !
En fait, je me demande si vous les humains vous n'êtes pas nomades. Peut-être avez vous besoin de bouger, avec les saisons ? Sinon, pourquoi serait-elle partie, ma maîtresse ? Mais moi, je ne veux plus partir. Je suis bien dans cette maison, et grâce à moi, il n'y a plus un seul chat qui rôde. Et puis, je maîtrise toutes les odeurs du coin, je peux savoir quand le fils du voisin sort de chez lui et même s'il est de bonne humeur. J'ai aussi deux copains, un grand un peu fougueux et un tout petit un peu flegmatique. On part de temps en temps jusqu'à la plage. On passe par le maquis, je connais un raccourci. Et puis, avec le fils du voisin, des fois, on joue au foot. Je l'entraîne un peu, parce que le pauvre, il n'est pas très doué. Des fois, je fais exprès de laisser passer le ballon dans le filet derrière moi. Et la petite vieille, de l'autre côté de la rue, elle m'aime bien aussi. L'autre jour, elle m'a donné un os gigantesque ! Ca m'a occupé toute la journée. Heureusement, parce que j'étais tout seul. Oui, parce que mon maître, il ne reste pas souvent avec moi. C'est pour ça que je préférais ma maîtresse. Lui, il part après les tartines du matin (pain beurre confiture, c'est vraiment bon), il revient au milieu de la journée pour manger (là il partage sa tartine de fromage, miam). Il se pose un peu sur le canapé, pendant que moi je joue un peu avec ses chaussures qui sentent aussi bon le fromage, et il repart, pour revenir en fin de journée, jouer avec moi à la balle et me donner mes délicieuses croquettes qui croquent sous la dent. Sauf hier et avant-hier. Il n'est pas parti, mais m'a amené faire un tour au bord de la falaise. Je ne comprends pas pourquoi on ne va pas se promener plus souvent.
Bref, il est sympa et il s'occupe bien de moi, mais je m'ennuie tout seul toute la journée. Mais maîtresse, au moins, elle ne me quittait jamais. Enfin, jusqu'à l'apparition de son gros sac. Je me demande si j'ai bien fait de lui prendre cette chaussette. Et si c'était pas sa préférée ? Et si elle ne revenait pas nous chercher ?
Dites, si l'un d'entre vous la voit, vous lui dites que je l'attends (avec sa chaussette) ?
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