Je fais mon sac pour le départ demain vers Fakarava et, posé sur mes affaires en vrac dans sa chambre, je tombe sur son monoï aux fleurs de tiaré du jardin. Celui que je voulais lui acheter, mais qu'il n'avait plus en stock soi-disant. Ma gorge se serre et mes larmes montent devant ce petit cadeau tout en discrétion. Je suis devenue une chialeuse professionnelle. « Tristesse ou Joie : j'accompagne vos émotions par des pleurs » pourrait être mon slogan !

Sauf que pour les crises d'angoisse, je m'améliore. J'ai toujours la boule coincée dans la gorge, mais cette nuit, j'ai réussi à la calmer. Est-ce le flacon de fleurs de Bach qu'Astou m'a filé ou le bercement des feuilles du cocotier que je n'ai pas quitté du regard pendant plusieurs minutes qui a vaincu cette crise ? Ou est-ce tout simplement la chaleur et l'intensité de Gwen tout contre moi qui m'ont apaisée ? Il est à la fois la cause et le remède.

Car il faut que je quitte quelqu'un que j'aime. Car oui, je crois que je l'aime. Je n'aime pas ce mot, « aimer ». Trop absolu. Mais je l'aime quand il me sourit, quand il me prend la main, quand il me masse, quand on fait l'amour. Pas quand il a son air sérieux, quand il est définitif, borné, exigeant. Je l'aime, mais je sais que je ne pourrai pas vivre avec lui. Nos caractères sont trop semblables. Ses réactions trop prévisibles me renvoient une image de moi que je n'aime pas. Que je voudrais changer, chez lui et chez moi.

Et puis, vivre ici... Même si ces derniers jours m'ont montré qu'on pouvait s'éclater sur cet atoll, entre wake et snorkeling dans la profusion de coraux et de poissons de la passe que je découvre seulement maintenant.

Alors je pars, on se quitte dans moins de trois jours. Avant que ce ne soit trop dur, que ce ne soit impossible. Ou que la magie ne retombe. Pour me rappeler son sourire et sa gentillesse, je n'aurai qu'à ouvrir le flacon de monoï et humer son odeur.

Oh Gwen, merci pour tout ce que tu as fait. Non seulement tu m'as redonné l'envie de vivre, mais en plus tu m'as fait oublier Sté et montré qu'une autre façon de vivre était possible, entouré d'une belle humanité.