11. WANTED
Je m'appelle Réglisse, c'est comme ça que ma maîtresse m'a baptisé. Personne n'a dû lui dire que mon vrai nom, c'est Confinement. Je suis un joli petit chien tout blanc, blanc, un peu comme un Jack Russel a dit Marie-Do, mais sans la tâche de couleur autour de l'œil. J'ai six mois. « Peut-être un peu plus » d'après ce qu'a dit le Véto qui a ausculté mes dents. Moi je ne me souviens plus. Je sais juste que quand je suis né, mes premiers maîtres n'avaient qu'une envie : me promener. Ils me criaient souvent dessus, ils ne me caressaient jamais, ils me tapaient un peu aussi, mais ils étaient toujours content d'aller marcher avec moi. Ils ne sortaient d'ailleurs jamais sans moi. Et on faisait des grandes promenades, toujours au même endroit, autour de leur appartement. C'était bizarre : ils ne voulaient jamais aller plus loin. Ils flânaient, s'arrêtaient devant toutes les nouvelles fleurs, saluaient tout le monde, mais au bout d'un moment, toujours la même durée, ils tiraient sur ma laisse et rentraient vite dans leur maison toute fermée. Ca n'a duré qu'un mois, après, ils sont sortis tout seuls et m'ont oublié : plus de promenades, plus de caresses, plus de croquettes, mais des remontrances, ça oui ! Si bien que quand je suis parti, quand j'ai quitté ma tanière, ils n'ont pas cherché à me retrouver. A la place, c'est Marie-Do, une gentille dame qui m'a recueilli. C'est un vieux chien du coin qui m'avait indiqué l'adresse. J'étais bien chez elle, mais c'est vrai qu'on était vraiment beaucoup. Un dizaine de chiens, peut-être autant de chats. C'était sympa, on jouait tout le temps, mais c'était la bataille quand elle remplissait une gamelle. Et puis, son vieux teckel était un peu trop jaloux. Alors, elle m'a confié à la copine de sa copine, Gaëtane. Après les présentations, Marie-Do s'est agenouillée à ma hauteur, a mis ses mains sur mes joues et m'a regardé bien droit dans les yeux, avec son regard sérieux. Elle m'a assuré que je pouvais faire confiance à ma nouvelle maitresse, qu'elle prendrait bien soin de moi et qu'il ne fallait pas que je sois triste, parce que j'étais une petite boule de joie. Elle a ajouté que je tombais à pic. Je n'ai pas compris ce qu'elle voulait dire, mais les humains, ils ont parfois des expressions compliquées.
Je t'écris, à toi, humain, pour que tu sauves ma nouvelle maîtresse. Parce que moi, je n'y arrive pas. Et je n'ai pas envie qu'elle m'envoie ailleurs : je suis bien chez elle, le canapé est confortable, les croquettes savoureuses et le jardin agréable. Et elle passe presque tout son temps avec moi, sans jamais me taper avec la laisse. Mais j'ai beau lui réclamer des caresses, lui lécher la main, m'asseoir quand elle me le demande, être sage et surtout venir auprès d'elle quand elle pleure, je n'arrive pas à lui remonter le moral. Si tant est qu'elle ait déjà eu le moral, avant. Quand je regarde les photos aux murs, je me dis qu'elle a dû être heureuse. Ou alors les sourires sont feints : vous les humains, vous m'avez l'air assez doués pour l'hypocrisie.
Depuis que je la connais, ce n'est pas la joie. Faut dire que je ne suis pas arrivé au meilleur moment. Ou peut-être si, justement : je suis arrivé au moment où elle avait le plus besoin de moi. Se sentir utile, c'est agréable, surtout pour nous les chiens, mais une maîtresse heureuse, qui prendrait du temps à jouer avec moi au lieu de m'enlacer pour étouffer ses pleurs, ce n'est pas mieux ? Surtout que j'ai réussi à dénicher une balle de tennis chez les voisins. Elle rebondit super bien. Je ne comprends pas pourquoi elle ne veut pas jouer avec cette balle. Ce n'est pas faute de la lui lancer. Vous les humains, il faut toujours que vous soyez sérieux. Sans nous, êtes-vous capables de jouer ?
Bref, ma maîtresse à moi, elle vient de se faire plaquer. Son mec, je l'ai à peine connu. Juste trois jours. Il m'avait l'air sympa, pourtant. On a vite accroché tous les deux. Un mec qui aime les chiens et qui donne un morceau de sa tartine au petit déjeuner, je comprends qu'elle ait du mal à se remettre de son départ !
Quand je suis arrivé dans la vie de ma maîtresse, les dés étaient déjà jetés : il avait décidé de partir depuis un mois.
En fait, c'est plus compliqué que ça. A force de distiller des bribes de son histoire à ses copines (venues pour me voir évidemment et profiter de mon poil doux), j'ai reconstitué tous les événements. Ou presque. Parce qu'elle a encore beaucoup d'interrogations et si j'ai bien compris, ce type ne parlait jamais de ses problèmes. Ah les humains, que vous êtes compliqués ! Nous, nos problèmes on les règle en un coup d'œil en fonction de la position des babines, des oreilles et de la queue.
Mais ce n'est pas à moi de te raconter les détails : un gentledog ne fait pas de sensationnel ni de voyeurisme. Moi, même si je ne trouve pas ça classe, ce qu'ils lui ont fait (et surtout parce que c'est à ma maîtresse qu'ils l'ont fait), je n'ai pas à les juger. Surtout que son mec, il me donnait des morceaux de tartine au petit déjeuner les quelques jours où il habitait encore sa maison. Et un biscrock à l'heure du goûter.
J'en ai parlé à Marie-Do, un jour qu'elle est passée me voir avec un os gigantesque en guise de cadeau, mais je ne suis pas certain qu'elle ait compris mon propos : vous les humains, vous n'êtes pas très doués pour nous comprendre. Alors que nous, on nous dis « assis » et on se pose à vos pieds. C'est pas bien compliqué de bien communiquer.
Bref, comme je ne suis pas non plus certain que Marie-Do connaisse tous les humains, je m'adresse à toi.
Si je te sollicite, c'est pour que tu lui viennes en aide, à ma maîtresse. Idéalement, si tu es un homme bien sous tous rapports, sympa, drôle, beau, sportif, avec une jolie petite chienne affective et qui aime jouer à la balle (parce que moi aussi j'en ai marre d'être seul). Et surtout (j'allais oublier) célibataire, tu peux venir me voir pour une présélection (n'oublie pas que je suis gourmand !). Sache quand même que c'est elle qui finalise le casting. Enfin, ça c'est si elle décide de lâcher cette idée stupide que son mec va revenir.
Et si tu ne corresponds pas aux critères, ou qu'elle ne te retient pas comme nouveau mec, tu peux toujours l'aider par ton amitié, ta présence (et celle de ta chienne), ta compréhension, ton empathie ou ton biscuit croquant aux noix (j'adore les noix). Bref, vu l'état dans lequel elle est, tout est bon ! (Dépressif s'abstenir, il ne s'agirait pas de la faire sombrer encore plus).
Ah et si tu as un chat, donne le à un cousin avant de venir t'installer chez moi, ça lui évitera de passer son temps dans les arbres.
A bientôt alors ?
Réglisse
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