-        Ecoute, je sais que tu peux y arriver. Tu es en vie. Ca va prendre du temps, ça va être dur, mais tu y arriveras. Et peut-être que dans deux ans, tu préféreras ta nouvelle vie. Mais pour ça, il faut se battre. Se battre, tu m'entends ?

-        Oui, je réponds, larmoyante.

-        Tu sais, quand on m'a annoncé mon cancer, mon monde aussi s'est écroulé. C'est pas pareil, je sais. Mais tu vois, tout le monde me disait « tu as été forte », mais non, je n'ai pas été forte, je me suis battue. Parce que je me suis dit que j'avais envie de vivre. Alors tu vois, ça va pas être facile, mais tu vas relever la tête et tu vas te battre. Et tu vas utiliser toutes les perches qu'on te tend : la sophro, l'hypnose, les potes, tout ce que tu as à disposition. Tu vas te battre, tu m'entends, parce que tu es en bonne santé et que je sais que tu en es capable.

Je suis assise sur le pouf qui désormais recueille mes pleurs, le long de la baie vitrée. Le soleil tape dans mon dos, j'ai hésité à sortir tellement j'ai chaud. Cet automne est encore plus clément que les autres années, pourtant mon moral est au plus bas. Je n'arrive pas à travailler. Dès que je me pose devant l'ordinateur, un vertige m'envahit. Oui, je peux classer les mails, surtout supprimer tous ceux qui ne servent à rien. Mais justement, à quoi cela va-t-il servir ?

Je me sens inutile.

Perdue.

Je voudrais faire le rapport de la réunion du début de la semaine, mais je n'arrive qu'à recopier les notes. Pas à les intégrer dans le plan de gestion que je dois rédiger. Mon cerveau est une compote. Et pour couronner le tout, le serveur qui me fournit les bases de calcul, rame comme jamais il ne l'a encore fait.

C'est pour ça que lorsque ma sœur a appelé, j'ai tout lâché.

Et maintenant, j'oscille entre l'angoisse et l'optimisme. Enfin non, quand même pas, mais elle m'a reboostée. En me remettant les pieds sur terre. En relativisant : après tout, ce n'est qu'une rupture. Une énorme rupture, une trahison gigantesque, des mensonges, une grosse dose de naïveté mais ce n'est pas mortel. Même si elle a ajouté :

-       Hey Gaë, ne te méprends pas, je ne suis pas là pour comparer la gravité de nos cas. Le tien aussi est grave. Il faut le prendre au sérieux. Mais par les temps qui courent, ce n'est pas le moment de te laisser abattre. Une dépression, ça réduit les forces et si tu croises le CoVid, tu as besoin de toute ton énergie. Alors fais-moi plaisir, ressaisis-toi. Et dis-toi qu'il n'en vaut pas la peine.

-        ...

-        Oui je sais, pour l'instant tu as du mal à te dire ça. Mais tu verras, quand le temps aura fait son œuvre, tu seras plus clairvoyante. Et tu seras fière d'être l'héroïne de mon prochain roman ! Je suis sûre que ta vie va être passionnante, maintenant que tu es célibataire.

-        Rigole pas avec ça !

-        Je vais me gêner !