Montée de violons

Océane connaît sa porte par cœur : actionnée doucement, le ressort de la poignée ne fait qu'un minuscule crrrouirk et, si elle ne l'ouvre pas trop, elle ne couine pas. Elle se glisse donc, aussi furtive qu'un souffle d'air, hors de sa chambre. Les volets du salon sont à moitié fermés comme d'habitude (« pour éviter que des personnes mal intentionnées traversent le jardin et entrent par la baie vitrée »), ils créent une frontière très nette entre l'obscurité et l'éclat orangé du lampadaire de la rue, dont la lueur se répand sur le parquet en suivant une diagonale qui lèche les pieds de la grande table.

Océane retient son souffle et balaie la pièce à vivre. Son regard se pose sur le canapé, la télé (hypothèse cambrioleur(s) rejetée), la table, la cuisine. Rien d'inhabituel dans cette vue qu'elle connaît parfaitement – elle repère même que sa grande sœur a encore oublié de ranger sa chaise et que son père est le dernier à être allé aux toilettes – il laisse toujours la porte ouverte. Et pourtant, Océane perçoit faiblement, comme une lampe qui clignote à la lisière de l'horizon, qu'un élément n'est pas à sa place : appel d'air. L'impression tiède et duveteuse du familier est fissurée quelque part. Inconsciemment, elle retient sa respiration et reste la plus immobile possible. Espoir que si sa présence disparaît, quelque chose se produira.

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À la limite de son champ de vision, ça s'agite. Océane n'ose ne serait-ce que bouger les yeux. Le mur s'épluche façon orange, non, pas si rond, plutôt plaque de peau morte après un coup de soleil. Oui, c'est ça : le mur à sa droite pèle. Tout son corps se hérisse et perd quelques dizaines de degrés. Elle ne bouge pas parce qu'elle est pétrifiée : horreur et fascination.

Très précautionneusement, émergent du mur trois formes rectangulaires, très fines. Celle centrale est reliée aux deux autres par un pavé plus petit qui semble étrangement télescopique : un par ersatz de membre. En bas, des sortes de languettes s'agitent en rythme (son léger de crépitement) et ont l'air de permettre à la créature de s'écarter du mur et de tourner, très lentement. À présent qu'elle s'est bien détachée de la cloison, il apparaît qu'elle dépasse aisément les deux mètres. Et qu'elle et Océane vont se retrouver face à face.


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