Chapitre 7




TW : Gore








— T'as trois jours.

Je fronçai légèrement les sourcils à sa phrase, l'esprit encore vaseux.

— Pour ?

Un léger sourire.

— Pour me faire changer d'avis sur les flics.




















Je me relevai silencieusement du lit tout en m'habillant. J'enfilai un pull noir et un bas de la même couleur pour jeter un dernier regard vers lui. Taehyung s'était endormi plusieurs heures auparavant, me laissant seul avec ces angoisses d'un futur proche et certainement onéreux.

Debout dans la chambre, mes yeux balayèrent son corps jusqu'à la vitre et les lumières des bâtiments voisins. Tout en bouclant ma ceinture, je fis le tour du lit pour embrasser chastement son front en murmurant que je ne devrais pas en avoir pour longtemps. Une courte minute plus tard, la porte de l'appartement se referma derrière ma silhouette.

Un soupir.

Et je n'attendis pas plus pour descendre les escaliers de la bâtisse parisienne afin de me dégourdir les jambes. Après avoir poussé la lourde porte, le bruit de la voiture puis le claquement de la portière. Je réajustai le siège et les rétroviseurs avant de garder mes deux mains sur le volant, le regard rivé sur le jardin intérieur de l'immeuble.

— Fais chier. Laissai-je tomber.

Dans un mouvement brusque, la clé tourna et le moteur vrombit. J'embrayai la première et la voiture s'avança dans le parking privatif. J'ouvris la fenêtre pour passer le badge sur la borne de sortie à ma gauche avant de m'insérer aisément - heure tardive- dans la rue. J'embrayai la deuxième, troisième, et quatrième.

J'avais un plan. Mais il était trop bancal pour que je m'en sorte indemne. Ou peut-être eux. A vrai dire, je n'en savais rien. Trois jours n'étaient pas suffisants pour établir quelque chose dans lequel je ne nous mettais pas en danger, et Taehyung l'avait bien compris.

Parce qu'il ne voulait pas que je réussisse à déjouer le sien.

J'avais cogité toute la nuit et la journée d'avant. Il ne me restait que deux jours pour trouver une solution. Il ne me restait que deux jours avant que Taehyung ne tue les flics. Deux jours. 48 heures. Et sur 72 putain d'heures, et j'en avais déjà passé 24 à réfléchir. J'avais gaspillé un tiers du temps pour établir quelque chose de bancal, au point de me dire que c'était peut-être la dernière nuit que je passais vivant. C'était sans doute la dernière fois que j'avais passé un moment intime avec Taehyung. C'était la dernière fois que je l'avais embrassé lorsqu'il dormait.

Cela m'énervait. J'avais la rage. La colère faisait vibrer mes veines et cela me tuait de savoir que c'était lui qui me mettait dans cet état. Parce que Taehyung était la personne la plus affreuse que je connaissais. Il était la personne la plus toxique, la plus sournoise, la plus vicieuse. La plus horrible, la plus...

Mais putain, je...

Ma mâchoire s'était serrée.

Et pourtant, si je parlais d'amour, je parlerai de lui.

Je voulais crier, hurler, pleurer et recommencer. La colère qui m'habitait souhaitait que je me déchaîne et pourtant, je n'avais pas de raison de le faire.

Parce que je n'étais qu'une simple personne perdue et éperdument amoureuse.

Le crissement des pneus. Mes paupières étaient grandes ouvertes. Les deux personnes traversèrent la route en rigolant, et l'homme leva la main en ma direction pour me remercier de les avoir laissé passer. La fille, cachée derrière, me salua discrètement et ils m'avaient déjà oublié. A la seconde où leurs pieds s'étaient posés sur le trottoir d'en face, leurs rires s'accentuèrent jusqu'à traverser les vitres de la voiture, jusqu'à traverser mon cœur.

N'étions-nous pas destinés à être heureux, ensemble ?

Non, non. J'étais convaincu que c'était le cas, ou alors était-ce le restant d'alcool dans mon sang qui me rendait ainsi, aussi stupide, aussi mélancolique d'un passé qui n'avait pourtant jamais existé.

Non, non. Taehyung et moi étions...

Mon front se posa contre le haut du volant.

Un silence.

Un long silence.

Je voulais juste qu'il m'aime. Je voulais juste que l'on vive ensemble. Je voulais le voir rire devant un film, pleurer devant un autre. Je voulais le voir émerveillé par les fleurs des cerisiers au printemps, je voulais le voir surpris lorsque je lui amènerais des roses après une longue journée.

Parce que je voulais juste qu'il soit heureux.

Et j'étais persuadé qu'il ne l'était pas.

Parce qu'au fond de moi, je savais que Taehyung était déjà mort. Et ce, plusieurs fois. Sa mère l'avait tué, son père l'avait tué, sa famille, la société, l'avenir, les études, la pression, et lui. Taehyung s'était suicidé un nombre incalculable de fois, si ce n'était qu'à chaque gorgée d'alcool ou bien à chaque fois qu'il tirait sur un pétard.

Comme si, même au travers d'un nombre incalculable d'univers, Taehyung était destiné à mourir.

Je haïssais le monde, je haïssais ce monde. Je voulais que tout s'arrête, que sa souffrance et la mienne s'arrête. L'enfer n'était pas un lieu. L'enfer était l'impuissance face à ce destin tragique, c'était cette oppression de toutes ces émotions et sentiments que seul l'Homme pouvait traverser sans pouvoir s'y défaire.

Non, l'enfer n'était pas un lieu.

L'enfer était être humain.

Parce que je voulais juste que l'on soit heureux.

Un klaxon me sortit de mes pensées. Je relevai la tête pour apercevoir une voiture au travers du rétroviseur intérieur, attendre que je bouge. Je repassai la première après m'être bêtement excusé d'un coup de feu de détresse. La voiture s'avança dans la rue et je repensai aux deux personnes que j'avais laissé passer, il y a plusieurs minutes, maintenant.

Pourquoi eux, et pas nous ?

Un souffle.

Parce que sur 8 milliards d'humains, j'étais tombé amoureux d'une personne dont le cœur ne battait déjà plus.

[...]

Le bruit de la portière. Le crissement de mes chaussures sur les cailloux.

Il était tard. Pourtant le ciel ne brillait pas des étoiles que j'avais l'habitude d'admirer dans les villages au sud de Séoul, cachées par le voile de pollution de la ville. Paris était ternie par le peu de lumière. Celle des quelques lampadaires au coin des rues étaient englouties par les néons infâmes des petites bicoques du quartier.

J'enfouis mes mains au fond des poches de mon pull noir, frôlant un flingue de mes doigts. Une idée m'avait poussé à revenir sur nos pas, dans cet endroit lugubre aux couleurs de rouille. Dans ce vieux bâtiment du parking qui, d'après moi, tomberait en ruine dans peu de temps, mais où une bande d'hommes avait décidé de s'y installer afin de semer la terreur dans les quartiers aux alentours.

Parce que les phrases qu'avait prononcé Taehyung me hantaient la nuit au point de ne plus pouvoir dormir, et tourmentaient mon esprit la journée. Son idée macabre rôdait autour de ma tête comme un monstre cauchemardesque accroché à mes épaules, comme ce que décrivaient les fous dans les hôpitaux psychiatriques.

Après tout, peut-être l'étais-je aussi.

Un rire.

Fou ?

J'avais donc pris une décision vis-à-vis de mon plan, certainement la pire, de me rendre auprès des types de la dernière fois. Je les estimais capables de pouvoir m'aider sur cette situation. Ou du moins, dans notre sens. Le plan bancal que j'avais établi était pourtant loin d'être stupide. Le seul problème, c'était eux. C'était leur réponse.

J'avais dû laisser mon téléphone à l'appartement pour éviter que les flics me tracent. J'étais prudent. Je savais pertinemment que leur connard de chef n'allait pas me lâcher une seule seconde, alors j'avais jugé la sûreté des autres au devant de la mienne.

Mais je m'étais rendu vulnérable, aussi. Parce que si je ne les persuadais pas de ce changement de plan, j'étais un homme mort.

Peut-être par la même personne qui avait failli avoir la raison de Taehyung.

Je m'arrêtais devant la vieille porte. Quelle idée de s'installer dans ce vieux bâtiment louche qui avait sûrement déjà attiré de nombreux flics. Cet endroit typique dans les films américains qui puait la criminalité. C'était évident qu'ils se logeaient ici.

Tellement évident que je restais sur mes gardes. Parce qu'ils le savaient. Et s'ils le savaient, ils avaient les moyens et la détermination de contrer les flics d'éventuelles arrestations.

Peut-être même qu'ils n'attendaient que ça. Qu'ils ne souhaitaient que voir du sang.

Mon poing se leva.

Peut-être étais-je le prochain.

Trois coups. Un silence s'en suivit. Plusieurs secondes. Une dizaine. Une vingtaine. Je recommençais. Rien.

J'ouvris la porte. Le noir m'accueillait. Un noir profond, un noir silencieux, envoûtant et déroutant.

Non. Ils étaient là. Je pouvais les sentir, onze flingues visaient ma tête. Cinq autres, mon cœur. Ou ce qu'il en restait. Je m'avançais et la porte se referma dans un bruit sourd. Les paupières closes, mes deux mains se levèrent en hauteur, proche de ma tête.

— Je viens sous l'ordre de Taehyung.

Silence.

Un cliquetis.

Merde.

Le code.

— La pluie s'arrête avant la nuit.

L'entrepôt fut soudainement éclairé par les lumières des néons. Mes yeux se plantèrent sur la silhouette du soi-disant chef qui visait sans gêne ma tête avec son flingue, un Beretta 92. Un 9 mm connu pour sa fiabilité et sa précision. Après un léger coup de tête, deux types agrippèrent mes bras et fouillèrent mes poches pour trouver, sans surprise, mon arme à feu.

— Que me vaut cette visite ?

— Information. Lançai-je sans attendre.

Il leva un sourcil. Son visage reflétait un mélange de surprise et de scepticisme. Il jongla son regard entre le mien et les deux hommes qui m'avaient fouillé.

— Quel type ?

— Urgente.

Un sourire. Il m'invita à le suivre d'un coup de tête. Le signe discret de ses doigts ne passa pas inaperçu à mes yeux. Sans doute devait-il se méfier et il l'avait fait comprendre aux autres.

— T'es venu seul ?

— A priori.

Deux hommes s'ajoutèrent à notre marche vers la porte au loin. Elle s'ouvrit dans un grincement strident et nous entrions à l'intérieur de la pièce faiblement éclairée par une ampoule ridicule, pendue au milieu de la pièce. Une table, quatre chaises, un tableau identique au nôtre, où plusieurs punaises étaient reliées par des fils rouges.

— Assis-toi.

Je n'attendis pas plus pour prendre place sur une chaise en ferraille. Mon visage se releva et mes yeux se plantèrent sur sa silhouette de dos. Il murmurait quelque chose au type qui avait frappé Miko.

Quelques secondes plus tard, il s'en alla et nous n'étions que deux.

— Alors ?

C'était à moi de jouer, maintenant.

— C'est demain.

Silence.

— Demain ? Il répéta, incertain.

Il ne me quittait pas du regard.

— Oui. Demain.

Un soupir. Son dos s'était reposé contre le dossier de la chaise dans un léger bruit. Il me dévisagea pendant quelques secondes avant d'ajouter.

— Pour quelle raison ?

— On doit rejoindre quelqu'un en Suisse. On part demain dans la soirée.

Il lâcha un rire.

— Tu te fous de moi, Jackie Chan ? T'es au courant que ça avance le plan de trois putain de jours ?

Je grinçais les dents. Cette remarque n'était pas passée.

— Si je pouvais, je te tirerais une balle en plein milieu de ton crâne, fils de pute.

Ses deux poings cognèrent violemment sur la table en métal.

— Parle pas chinois avec moi. Maugréa-t-il, l'air sérieux.

Je plissais les yeux en m'adossant contre le dossier en métal de la chaise, adoptant la même posture que la sienne. 

— Je disais que c'était soit demain, soit jamais. Si vous voulez votre part, c'est à vous de choisir. Taehyung a décidé et je le suis.

Il se leva bruyamment. Ses yeux jonglèrent entre les miens et les murs en béton de la pièce. Puis, il me tourna le dos en passant une main sur son crâne.

— Putain de chinois. Grinça-t-il. Qui me dit que ce n'est pas un piège, petit con ?

Je m'empêchai de sourire.

S'il savait.

— Quel serait l'intérêt de vous mentir ?

— T'as l'air trop sûr de toi pour ne pas cacher un truc. Répliqua-t-il. Ça fait 17 ans que je suis dans la bande qui n'a jamais échoué une seule fois.

Faux. Ils avaient échoué 8 fois.

— Alors tes coups de passe-passe, ça ne marchera pas.

Mon visage se pencha sur le côté.

— Vous doutez. Pour quelles raisons ?

Il me lança un autre regard mi-intéressé, mi-énervé.

— J'ai besoin d'une preuve de votre changement. Un engagement, si tu vois où je veux en venir.

Mon cœur s'emballa. C'était mauvais.

— Taehyung vous a fait passer un accord. Vous avez déjà notre engagement.

— Entre chef, oui. Pas entre un couillon et moi.

J'avais soufflé un léger rire. Ce type ne me prenait pas au sérieux, comme dans mes attentes. Parce qu'il avait vu, ce jour-là, que j'étais bien plus aux aguets que les autres. Sans doute avait-il discerné que je n'étais pas aussi déterminé que Taehyung, ni même que le reste de la bande.

Par conséquent, j'étais obligé de suivre ses ordres.

— Pose tes deux mains sur la table.

— Vous avez déjà mon arme. Lançai-je, perplexe.

— Je t'ai dit de poser tes putains de mains sur la table.

Après un léger silence et l'accélération des battements de mon cœur, mes deux paumes glissèrent sur le métal de la table tandis qu'il se tourna pour attraper quelque chose, derrière lui.

— Droite ou gauche ?

J'arquai un sourcil.

— Droite.

Un bruit strident. Mes paupières écarquillées.

Il m'avait...

Je retins un hurlement de douleur dans un grognement indiscret, attrapant aussitôt la dague qu'il venait d'enfoncer dans ma main. La douleur irradia instantanément mes membres et de multiples sueurs froides défilèrent le long de ma colonne.

Il avait enfoncé la lame dans ma main jusqu'à transpercer la table. Il ne restait que trois centimètres avant que le manche ne touche ma peau.

Putain de mer-...

— Maintenant, tu vas m'écouter.

Il releva mon visage vers lui avec le flingue sur mon front. Mes yeux tombèrent dans les siens, abrités par cette lueur fière et sournoise.





— Je te laisse le choix pour prouver ton engagement et la vérité sur le changement du plan.








Finalement, j'avais compris.

Bien trop tard.




















— Si t'enlèves la dague, on reste sur ce qu'on avait dit. Si tu retires ta main, alors on avance le plan à demain.


























[...]

Bonjour, j'espère que vous allez bien !

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Avez-vous compris quel était le plan de Jungkook ? J'ai laissé quelques indices même si je pense que c'est un peu compliqué à trouver. En tout cas, si vous l'avez compris, bravo !

Je suis désolée de ne pas avoir publié plus tôt. J'essaierai de reprendre un rythme plus régulier, au moins une fois par mois pour que l'histoire avance plus vite. Pourtant les idées et l'envie sont là, je manque crucialement de temps (pleure).

Petit TW pour le prochain chapitre, il y aura une scène assez sanglante et détaillée. Je pense que vous savez où je veux en venir...

Merci d'avoir lu ce chapitre, je vous dis à très vite pour la suite !


Prenez soin de vous !






<3
















[Money money money, must be funny, in the rich's man world]

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