L'hôpital se réveille comme une bête fatiguée. Dès l'aube, les couloirs sont envahis de bruits : le claquement des chaussures, les murmures pressés, le chariot métallique qui grince à chaque virage.

Edward Blaze arrive dans l'unité de médecine d'urgence avec un café tiède dans une main et un carnet dans l'autre. Il déteste être en retard, mais cette fois, il a dû faire un détour pour aider un collègue à déplacer un patient. Ses cheveux, un peu en bataille, trahissent une nuit courte.

Le poste infirmier est déjà en effervescence. Des appels, des alarmes, des questions qui fusent dans tous les sens. Les infirmiers se croisent sans se regarder, chacun concentré sur sa mission. Edward pose son carnet sur le comptoir et soupire.

— Blaze, t'étais où ? On a besoin de toi en salle 3 !, lui lance un collègue en lui tendant un dossier.
— J'arrive, répond Edward, essuyant la fatigue de son visage.

Mais avant qu'il ne puisse bouger, la porte battante s'ouvre violemment, laissant apparaître Elyna Hemfield. En blouse blanche impeccable, le regard perçant, elle rayonne de cette autorité naturelle qui impose le silence sans effort.

— On a un patient instable en salle 5. Je veux que ça bouge vite. Blaze, vous m'accompagnez, ordonne-t-elle sans préambule.

Edward hésite une seconde, mais son corps réagit avant lui. Il emboîte le pas à Elyna, sa tête bouillonnant de pensées. Il est rare qu'elle lui adresse la parole directement. La plupart du temps, elle se contente de distribuer des instructions générales.

En salle 5, un homme d'une quarantaine d'années, intubé, est entouré de machines. Sa tension chute rapidement. Elyna enfile des gants et commence à donner des ordres précis :
— Préparez-moi un pousse-seringue. Je veux un ECG dans les trois prochaines minutes. Blaze, surveillez la saturation.

Edward obéit, concentré. Pourtant, il sent son cœur battre plus fort que d'habitude. Ce n'est pas la première fois qu'il travaille sous pression, mais la présence d'Elyna change tout. Elle est à la fois intimidante et fascinante.

— Blaze, tout va bien ? demande-t-elle en lui lançant un coup d'œil rapide.

Pris de court, il relève la tête et croise son regard. Il y lit un mélange de professionnalisme et de curiosité.
— Oui, docteur, répond-il rapidement.

Elle ne dit rien de plus, mais un léger sourire effleure ses lèvres avant qu'elle ne se replonge dans l'urgence.

Après une heure de tension, le patient est stabilisé. Edward retire ses gants et s'appuie contre le mur, le souffle court. Elyna, elle, reste droite, comme si rien ne pouvait l'atteindre.

— Bon travail, Blaze, dit-elle simplement avant de quitter la pièce.

Il reste figé quelques secondes, surpris. C'est la première fois qu'elle le complimente directement.

À la cafétéria, plus tard, Edward retrouve ses collègues. La conversation tourne autour des mêmes sujets habituels : les horaires infernaux, les salaires décevants, les patients difficiles. Mais Edward, lui, est ailleurs.

Il repense à ce sourire furtif, à ce regard qui semblait en dire plus qu'elle ne voudrait admettre.

Dans cette mécanique bien huilée qu'est l'hôpital, une étincelle s'est allumée. Mais est-ce une lumière ou un feu à éviter ? Edward n'a pas encore la réponse.