Scène 4
Quelqu'un frappe à la porte, Thomas s'empresse d'ouvrir et Laurine se lève. Adrien apparait, un sac à la main.
Thomas : Salut !
Adrien : Combien tu payes ton loyer pour avoir un ascenseur en panne ?
Thomas : Assez pour pouvoir faire des orgies chez moi alors arrête de te plaindre.
Thomas se pousse et laisse Adrien entrer, suivi d'Anna. Cette dernière est habillée de manière provocante, Thomas et Laurine la regarde d'un air étonné. Adrien, lui, examine l'endroit.
Adrien : Et binh ! Tu as un appart pareil et tu nous y invite seulement pour baiser ?
Laurine en regardant Anna : Finalement, Alice avait raison, c'est pas une orgie, c'est une partouze.
Thomas sèchement : C'est quoi ça ?
Adrien : Oh, c'est une bouteille de vodka et quelques...
Thomas : Je ne parlais pas de ça.
Adrien : Oh, ça ? C'est une amie, Lana...
Anna : Anna, en fait.
Adrien : Comme tu veux.
Thomas : C'est une soirée entre amis, Adrien.
Adrien : Justement, c'est mon amie !
Thomas : Certes, mais ce n'est pas la nôtre.
Anna : Très bien, heureuse de faire votre connaissance !
Thomas : Désolé, rien de personnel.
Anna : Oh, ouai, bien sûr.
Thomas : Mais si vous pouviez partir...
Laurine : Tu ne vas quand même pas la mettre dehors, l'ascenseur est en panne !
Thomas ironique : Et bien, c'est sûr que c'est un argument qui fait réfléchir !
Anna : Si je gène, je peux m'en aller, c'est pas grave.
Laurine : Tu ne gènes personne !
Thomas : Elle a raison, y a aucun problème, mais quand même...
Laurine : Tu ne dis rien, Adrien ?
Adrien : Que veux-tu que je dise ?
Laurine : C'est ton amie, non ?
Adrien : Ouai, mais vous aussi. Donc démerdez-vous.
Thomas : Adrien, ou l'étonnante faculté de créer des problèmes mais de ne jamais les régler...
Anna : Non, je vais partir, ça vaut mieux. J'ai été bête d'accepter.
Laurine : Oh, pour ça, t'inquiète pas, on a tous été bêtes d'accepter. Mais reste au moins boire un coup. Il n'est pas encore vingt-et-une heure de toute façon !
Thomas : Bien. Si ce n'est qu'un coup à boire. Adrien, vient m'aider à déboucher des bouteilles.
Anna va s'assoir à côté de Laurine sur le canapé alors qu'Adrien accompagne Thomas dans la cuisine, à l'écart.
Adrien : Elle est pas mal en plus !
Thomas agacé : Je crois que tu n'as pas très bien compris ce qui va se passer ce soir.
Adrien rieur : La fin du monde ?
Thomas : Du monde entier, peut-être pas, mais du notre, certainement. C'est dangereux ce qu'on est en train de faire. J'ai tout organisé de la manière la plus saine possible, et tu viens tout foutre en l'air !
Adrien : Tu ne dramatises pas un peu là ?
Thomas : Non, c'est toi qui es inconscient. On n'est pas en train de jouer à la poupée, Adrien. Ce sont des vraies personnes. Et si on les casse, on ne peut pas les remplacer.
Adrien : D'accord, tu fais de belles métaphores, mais c'est incompréhensible.
Thomas : Ce que je veux dire, c'est que le sexe, c'est important. Nous sommes un groupe d'amis génial, mais il peut suffire d'un orgasme pour tout détruire. D'un orgasme, ou d'une inconnue. Tu as l'air de prendre ça comme une énorme farce, mais si tu continues à te foutre de notre sexe, tu peux être sûr que c'est la dernière soirée qu'on passe tous ensembles.
Adrien : Et le plaisir alors ? Quand est-ce qu'on l'assume, notre plaisir ? Parce que c'est bien beau, tout ce charabia sur la délicatesse à avoir sur les sentiments, les désirs, les liens sociaux, mais tout ce qu'on veut ce soir, c'est seulement jouir, non ?
Thomas : Tu ne comprends vraiment pas.
Adrien : Non, c'est toi qui ne veux pas comprendre. Tu fuis tes propres désirs en te réfugiant derrière un discours horriblement sérieux, tu préfères étudier ceux qui t'entourent plutôt de t'y confronter. Mais à la fin, tu ne fais que te mentir.
Thomas : Ne dis pas ça, tu sais que je hais le mensonge.
Adrien : Oui, seulement chez les autres. En attendant, je sais pourquoi tu as voulu mettre Lana dehors...
Thomas : Elle s'appelle Anna, Adrien.
Adrien : C'est parce qu'elle te plait. Dès la première seconde où tu l'as vue, ton cerveau l'a détestée mais ton entrejambe l'a désirée, et t'en as honte !
Thomas : Peut-être, et alors ?
Adrien : Alors couche avec elle !
Thomas : C'est insensé, je ne la connais même pas !
Adrien : Ça n'a jamais freiné personne.
Thomas : Et ensuite ?
Adrien : Quoi ensuite ?
Thomas : Je peux enfin la foutre à la porte ?
Adrien : Oui, si tu veux !
Thomas en s'emportant : Tu vois, c'est ce que je disais ! On dirait un enfant avec ses jouets : tu les trimballes à droite, à gauche, tu en fais ce que tu veux, puis tu les laisses brisés au fond de ton jardin. Tu prends, tu jettes. Tu reprends, puis tu rejettes. Mais moi je refuse de faire les poubelles de l'amour !
Adrien : Thomas, arrête ton hypocrisie intellectuelle ! C'est comme ça que marche le monde : on prend, on jette, puis on recycle. On coupe du bois, puis on le jette au feu. On achète un blouson, puis on l'abandonne dans notre armoire. A peine avons-nous fini de le manger que notre repas finit aux toilettes. Rien n'est fait pour durer, que ça soit amis, amours ou amants. Nous aussi, on finit par nous jeter au feu. Alors pourquoi avoir des scrupules ? Pourquoi se flageller, s'enfermer dans des ceintures de chasteté, si ce n'est que pour soulager notre bonne conscience ?
Thomas : Il ne s'agit pas de punition mais de respect ! Nous sommes amis, tu ne peux pas nous traiter comme une de tes aventures d'un soir dont tu ne connais même pas le prénom ! Tu ne peux pas te permettre de nous utiliser comme ça, avec comme seule justification le fait que tu assumes pleinement d'être un connard !
Adrien en restant calme : Et toi ? Qu'est-ce qui te fait penser que tu peux dicter nos choix de vie avec comme seule justification le fait que tu confondes ton orgueil avec de l'intelligence ?
Thomas énervé : Franchement, Adrien, sache que s'il arrive quoi que ce soit de mauvais à l'issue de cette soirée, t'auras des comptes à nous rendre.
Pendant ce temps, Anna s'est assise avec Laurine sur le canapé. Elle n'arrête pas de toucher à son portable.
Laurine : Alors comme ça, tu es amie avec Adrien ?
Anna : Si c'est ce qu'il dit.
Laurine : Et quand est-ce que vous vous êtes rencontrés ?
Anna : Il y a deux heures.
Laurine : Wow, il devait avoir de bons arguments pour que tu retrouves ici, finalement.
Anna : Pour le coup, il a été très convaincant !
Elle s'occupe de son téléphone puis le pose à côté d'elle.
Anna : Désolé si je t'ai parue impolie mais je devais répondre à quelques messages importants.
Laurine : Pas de problème.
Le vent souffle dehors, la pluie commence à tomber, le tonnerre résonne. Laurine tourne la tête vers la fenêtre.
Laurine : Il commence à pleuvoir, il parait qu'une tempête se prépare.
Anna : Le soir de cette orgie ? C'est plutôt beau comme coïncidence.
Laurine : Tu trouves ?
Anna : Oui, une tempête extérieure pour répondre à une tempête intérieure. Une tempête de foudre pour une tempête de passion.
Laurine : Je ne te pensais pas aussi poétique.
Silence.
Anna : Mais du coup, nous sommes chez ce garçon, c'est bien ça ?
Laurine : Oui, et il y a aussi sa petite amie partie s'habiller.
Anna : Ah ? Pourquoi faire ?
Laurine rieuse : C'est sûr que toi, tu ne t'es pas donnée cette peine.
Anna : J'ai arrêté de m'habiller quand j'ai compris que les vêtements étaient là pour nous emprisonner. S'il fait chaud, à quoi bon enfermer nos corps dans des mètres de tissu ?
Laurine : Il ne fait pas vraiment chaud ce soir.
Anna : Ce n'était qu'un exemple.
Laurine : Et tu n'as pas peur d'être vulgaire ?
Anna : Non, au contraire, j'adore la vulgarité ! C'est l'essence même du désir ! Qu'est-ce que c'est que ce sexe délicat dont vous me parlez ? « Partie fine », comme s'il y avait quelque chose de fin dans la baise ! L'érotisme est une vaste fumisterie, seule la pornographie est sincère.
Laurine : Et le charme ?
Anna : Le charme, comme tu dis, c'est recouvrir un morceau de viande de miel. Ca le rend plus sucré mais ça reste un tas de chair encore saignant. Et le sexe, c'est exactement ça : de la viande écorchée, encore fraîche, presque vive, palpitante.
Laurine : Je ne t'ai pas prévenue mais j'ai un peu envie de vomir, donc si tu pouvais éviter ce genre de description...
Anna : Moi, je ne trouve pas ça désagréable. Je veux dire, le sexe, ça tâche, ça coule, ça dégouline, mais quel serait son intérêt si ça n'avait été le cas ? Il faut se rendre à l'évidence : le sexe est sale, et c'est pour ça qu'on l'aime.
Laurine : J'ose pas imaginer l'état de l'appartement après cette soirée, alors.
Anna : Après, peut-être que vous allez effectivement faire une « partie fine » tout en retenue et élégance, mais putain, qu'est-ce que ça va être chiant !
Laurine : Je suis chiante alors ?
Anna : Oh, non, tu es charmante.
Laurine : Donc je suis le miel qui recouvre le morceau de viande ?
Anna : J'adore le miel. Bien plus que la viande.
Dans une pulsion, Laurine embrasse Anna.
Laurine : Ca y est, je crois que je t'aime.
Anna déroutée et un peu amusée : On ne se connait pas !
Laurine : Justement.
Le téléphone d'Anna résonne.
Anna : Désolée.
Elle décroche et va s'isoler. Thomas et Adrien viennent avec les coupes de champagne dans le salon.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top