Chapitre 18 : Les adolescents me foutent la trouille

Roberto De Niro ne dirait pas qu'il détestait son travail, enfin, son deuxième. Il ne dirait pas non plus qu'il détestait les enfants. Et il ne dirait pas qu'il détestait l'administration de la faculté. C'était simplement que des fois, il aimerait rester tranquille chez lui, devant sa télévision avec un bon verre de scotch et son chat qui paresserait à ses côtés. Mais voilà, comme on ne fait pas toujours ce que l'on veut dans la vie, on se retrouve souvent dans des situations qui peuvent parfois nous dépasser. Est-ce que corriger des copies faisait partie de ces situations qui peuvent nous dépasser ? Oui, totalement.



Il arrive très régulièrement que l'on remette en question tous ses choix de vie, d'un seul coup, car il nous arrive quelque chose d'imprévu ou parce qu'on est sous la douche, sans rien d'autre à penser. Actuellement, c'était ce qui arrivait à ce professeur de journalisme reconverti qui n'avait d'ailleurs jamais voulu jouer les profs. Les gamins, peu importe leurs âges d'ailleurs, ça n'avait jamais été son truc. Ils braillaient toujours, n'écoutaient jamais et même quand ils essayaient de prêter attention, ladite attention ne durait jamais bien longtemps. Et s'il détestait bien quelque chose, c'était se répéter, encore plus que de parler fort.



Il avait été dans le journalisme d'investigation pendant 25 ans, 25 putains de longues années à dormir dans des hôtels miteux et à faire la planque dans des bagnoles tout aussi miteuses. Il avait aimé son boulot, ne lui faites pas dire ce qu'il n'avait pas dit. C'était gratifiant de voir son article publié après des mois de recherche et de travail acharné. Et il devait dire qu'il aimait plutôt bien les privilèges qui accompagnaient ses remises de prix en tout genre. Mais déjà qu'il aimait pas quand on lui collait des stagiaires dans les pattes. Ces mômes le regardait avec des étoiles plein les yeux, comme s'il était un messager divin alors qu'il passait la plupart de son temps à vider sa flasque en interrogeant des gens.



Il n'avait jamais été marié. Il n'avait -certes- jamais voulu de ce modèle de famille traditionnelle avec la femme à la popote et le mari au travail à cravacher tout le temps du monde et à ne jamais voir ses enfants. Il n'avait même jamais voulu d'enfants. Il devait bien avouer que la tête de sa mère avait été impayable le jour où il lui avait finalement dit qu'il ne se marierait pas et qu'il n'aurait pas d'enfants. Bourreau de travail qu'on l'appelait. En vrai, pas tant que ça. Oui, il s'investissait dans son travail mais il était hors de question qu'il se ruine la santé pour lui. Il tenait à rester en bonne santé, merci bien. Bien qu'un regard vers les montagnes de bouteilles d'alcool vides puisse dire le contraire. Mais il suffisait de planquer tout ça sous le tapis et ça ne se voyait même pas. Il enchainait les conquêtes. Il fallait le voir, dans sa belle jeunesse, enchainant les femmes comme les verres. Toujours dans le respect et le consentement, évidemment.



Il avait fait un bon paquet de pays et s'était tapé un bon paquet de nanas. Il aurait même pu faire un classement des femmes les mieux baisables par pays s'il était un bon misogyne de service (ou un marin navigant de port en port, au choix). Il aimait les relations sans lendemain. Ne rien connaitre de la personne pour ne rien lui devoir. Rester attaché trop longtemps n'était jamais une bonne chose. Il avait déjà failli se faire attraper par la police militaire de l'un des pays dans lequel il était pour un article. Roberto se considérait comme un prudent, jamais un geste plus haut que l'autre. Si la situation est trop dangereuse, au revoir. C'était bien pour ça qu'il s'était retrouvé dans les pires pays, dans les pires conditions et qu'il n'avait jamais été capturé en otage.



Roberto avait vu énormément de choses. Et en vieillissant, il devait avouer qu'il en avait un peu marre. Rentrer au bercail et faire désormais des articles pépouze sans prendre plus aucun risque. Il avait trop donné. Et même s'il emballait toujours autant de femmes même en vieillissant (il vieillissait comme un vieux vin après tout, de mieux en mieux avec l'âge), il en avait assez des matelas bon marché et des sièges de voitures qui font mal au cul. Et la plupart, elles n'avaient ni la clim, ni le chauffage. Ce n'était plus de son âge, merci beaucoup.



Alors, quand il avait annoncé qu'il prenait sa retraite de journaliste international et qu'il se concentrerait sur les affaires intérieures, les facultés et écoles en tout genre avaient sautées sur l'occasion. C'était trop beau pour être vrai. Roberto De Niro resterait dans le pays et en plus il était encore assez jeune suivant les moyennes des profs en fac pour faire cours à une nouvelle génération de journalistes en herbe, impatients de refaire le monde. Sa boîte aux lettres avait été saturée. Tout le monde savait qu'il n'avait pas de mail. Il avait eu une immense envie de tout jeter dans la poubelle ou même carrément de tout cramer pour ne plus être importuné. Du combustible gratis pour son poêle, que demander de plus ?



Mais se disant que, quand même, ils ont parfois la belle vie les profs, ne serait-ce que pour les vacances, il ne jeta pas les lettres. Et il se mit à les étudier. Plus sérieusement qu'il ne l'aurait pensé au départ. Foutu réflexe de journaleux. Et il y avait une fac, qui se renouvelait, qui n'avait pas que des vieux croutons en profs et qui faisait tout pour aider les étudiants et leur promettre de belles années d'études. Aller, pourquoi pas. Il se pointa finalement à la fac, sans prévenir. Il voulait voir par lui-même comment tout se passait. Et pas uniquement ce que la fac voulait lui montrer en lui cachant les désagréments.



Il s'était fondu dans la masse, comme le bon journaliste d'investigation qu'il était. Il assistait à certains cours et se baladait un peu partout. Les profs et les étudiants avaient tous l'air motivé. Les bâtiments avaient été rénovés, il y avait beaucoup de zones vertes, des magasins n'étaient pas loin et les logements étudiants également, ce qui facilitait la vie de beaucoup. Ouais, ça avait l'air pas mal. Cherchant le bureau du directeur, il se pointa tranquillement, passa devant la secrétaire affolée et ouvrit la porte du bureau en grand. Il savait qu'il n'y avait pas de rendez-vous, il n'y avait pas de bruit.



Ce à quoi il ne s'attendait pas, par contre, c'était le directeur debout, un mini club en main essayant de réussir son parcours de mini-golf, les lunettes sur le point de tomber à cause de la sueur de la concentration. En passant et en fouillant, il avait entendu d'énormément de personnes que l'administration laissait à désirer. Mais si le reste allait, alors il pouvait faire avec. Il avait connu pire après tout. Avec nonchalance, il s'était assis dans le fauteuil en face du bureau et balança tranquillement ses pieds sur le bureau, sortant sa flasque pour une petite lampée. Ils n'avaient pas mis longtemps avant de trouver un accord. Et un avantageux salaire pour Roberto. Il était Roberto De Niro tout de même.



Tout au long de ces cinq années d'enseignement en tant que prof, il en avait vu des vertes et des pas mûres. Et au fur et à mesure, il commençait à considérer le travail de professeur comme bien pire que celui de journaliste en zone de guerre. Et il avait fait les deux. En dehors des étudiants, il pensait que le pire devait bien être les copies à corriger. Oui, il confessait maintenant avoir mis des notes un peu au hasard au début mais tout le monde fait des erreurs au début voyons.



Pour en revenir aux faits, c'est-à-dire les étudiants qui lui ont tout fait et la remise en question de sa vie et sa carrière, pour Roberto De Niro, ce fut le moment où, las d'une cession de correction de copie dans la salle des profs, il ouvrit la porte de sa salle de cours pour se préparer à un nouveau cours magistral. Et qu'il se retrouva devant les quatre pires étudiants qu'il connaisse, à savoir : Milly Thompson, Meryl Stryfe, Vash Saverem et (le récent ajout) Nicholas D. Wolfwood, les trois derniers debout sur une des tables de l'amphi, dansant -très mal- et chantant -très mal- pendant que la première les filmait, accroupit depuis le sol pour un effet en contre-plongée.



Et alors que le bruit de la porte d'entrée raclant sur le sol les alertèrent et les figèrent, dans des poses dignes de un, deux, trois soleil, le fixant. Roberto De Niro les regardèrent et sans un mot, sans même un soupir referma la porte, entendant simplement ses étudiants (amis ?) essayer de descendre le plus rapidement des tables sans se ramasser (échec de la mission) tout en criant au plus âgé que non, ce n'était pas ce qu'il croyait et qu'il devait revenir.










--------------------------------------

Dix-huitième chapitre !


Aimez Roberto, il est incroyable.


D'ailleurs, je viens de me rendre compte d'une grosse incohérence. Dans le chapitre 6, il dit que sa femme l'a quitté mais ici, il dit qu'il n'a jamais été marié. Est-ce que je m'en suis rendue compte pendant mes premières corrections ? Non. Est-ce que je viens de m'en rendre tout juste compte ? Oui.  Est-ce que je vais arranger les choses ? Non. De une j'ai la flemme, de deux c'est plus drôle comme ça.


J'avais tellement en tête cette scène des quatre en train de danser sur un bureau et de se filmer et Roberto qui arrive et qui repart en mode "j'ai rien vu" alors je me devais de l'inclure. J'espère que la lassitude de Roberto se ressent parce que c'est que je voulais un Roberto en mode "j'ai vu trop de choses dans ma vie, je vais laisser couler".


Et pour les plus attentifs d'entre vous, vous avez dû remarquer que le titre est une référence à la chanson "Teenagers" de My Cheminal Romance où l'une des phrases du refrain est "They said all teenagers scare the living shit out of me" donc "ils disent tous les adolescents me foutent la trouille" (merci à La coccinelle pour cette traduction). J'aime beaucoup cette chanson et je trouve que l'ambiance colle particulièrement à la situation. Alors le titre était tout trouvé.


Sinon, en espérant que vous avez aimé ^^

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top