Chapitre 13 : Les mauvaises décisions

Nicholas D. Wolfwood savait qu'il était un professionnel des mauvaises décisions. La plupart des évènements de sa vie pouvaient en attester. Mais honnêtement ? Il connaissait maintenant quelqu'un de bien pire que lui. Vash Saverem était une catastrophe. Il le savait déjà. Il avait été prévenu avant même d'emménager avec lui, au détour de commentaires agacés de Knives sur le manque de préservation de soi de son jumeau. Il savait. Alors, pourquoi était-il toujours étonné maintenant ? Ils avaient fait plusieurs conneries ensemble depuis que Nicholas avait emménagé.



Mais c'était toujours les légères. Ils s'étaient faufilés dans le bureau d'un professeur pendant qu'il était parti en pause pour récupérer un cadre photo. Ils s'étaient retrouvés à trois heures du matin, bourrés, marchant -plutôt titubant- en plein milieu de la route et se faisant klaxonner à tour de bras. Ils avaient volé le bambou du voisin du dessous en passant par le balcon. La plupart du temps, Wolfwood devait avouer qu'ils étaient soit sous le coup de l'adrénaline, soit sous le coup de l'alcool. Parfois même les deux et cela faisait un cocktail aussi détonnant que dangereux.



Mais il semblerait que l'une des pires décisions de Vash ait été prise alors qu'il avait l'esprit totalement clair, au détour d'un silence et d'un café sur la terrasse. Vash regardait au loin, sans doute perdu dans ses pensées comme il lui arrivait souvent. Dans ce genre de cas, le théologue le laissait faire. Vash avait besoin de ces instants de silence sans personne pour perturber tout ce qui se passait et tournoyait là-haut, dans sa grande caboche. Nick ne cherchait pas à savoir, mais il devait avouer qu'il aurait bien aimé être prévenu que son colocataire lui lâche soudainement.



« Nico, viens, on monte sur le toit du bâtiment d'ingénierie mécanique. »



Nicholas devait avouer qu'il avait recraché son café d'une manière très peu sexy, s'en mettant plein la chemise. Mais il était tellement sous le choc qu'il ne pensa même pas au détergent qu'il allait devoir mettre dessus. Levant le regard, il essaya de confronter celui du blond. Mais celui-ci ne le regardait pas. Il regardait fixement au loin, plus loin que Nicholas ne pourrait jamais le faire. On ne le voyait pas d'où ils étaient mais le noiraud n'aurait pas été étonné que l'autre puisse voir à travers les bâtiments pour regarder l'objet de ses désirs. A savoir le toit du bâtiment d'ingénierie mécanique.



Il ne bougeait pas, il regardait. Il ne faisait que ça. Il ne s'était pas même tourné vers Nicholas pour le convaincre avec son grand regard de chien battu auquel Wolfwood avait appris qu'il ne pouvait pas résister. La chose intelligente qui sortit des lèvres de Nicholas fut un magnifique « Quoi ?! ». Il ne réussit à rien dire de plus. Les questions commençaient à déferler dans son esprit. Il savait que Vash avait un grain. Il en avait un aussi, il avait eu sa période d'addiction à l'adrénaline. Il aimait la sensation de faire quelque chose qu'il pourrait très bien ne plus jamais refaire de sa vie, parce qu'il n'aurait tout simplement plus de vie.



Nicholas était souvent considéré comme un délinquant, au grand malheur de son adorable petit frère Livio. Et en tant que bon délinquant, il s'était laissé entrainer dans un bon nombre de galères sans nom au lycée qui l'avait emmené à développer un joyeux casier juvénile. C'était une période remplie de découvertes qui le poussait à toujours aller plus loin. Était-ce ringard de dire que la religion l'avait sauvé en entamant des études de théologie ? Était-ce ringard de dire qu'il en revenait toujours à ses aspirations premières ? Un peu, oui. Parce qu'il n'était pas tant que ça attaché à la religion. Parce que sa planche de salut pouvait se briser à tout moment.



Nicholas aimait l'adrénaline et toutes les sensations qu'elle lui avait procurées, le genre de sensations qu'il n'aurait jamais pu connaitre en se cloitrant dans son église. Il avait déjà tellement de reproches à faire à l'église, alors autant en rajouter un peu plus. Et parce que Nicholas avait été un accro à l'adrénaline et parce qu'il savait qu'il ne pouvait rien refuser à celui qui se tenait en silence en face de lui, il se leva simplement, attrapa la main de l'autre et le tira.



Il ne chercha pas à se changer, il ne chercha pas à s'habiller chaudement alors que la nuit et les températures étaient tombées. Il ne chercha pas à comprendre. Il enfila ses horribles chaussures qui avaient maintenant un trou sur le côté et qu'il devait bientôt changer. Du coin de l'œil, il vit Vash le suivre dans ses mouvements, mettant également ses chaussures. Mais il était plus intelligent que lui, c'était pour ça qu'il avait attrapé son fidèle manteau rouge fluo à la volée. Nicholas avait toujours son téléphone dans sa poche, et il savait que celui de Vash était dans son manteau. Ils étaient joignables en cas de souci. Bien qu'ils étaient certains qu'il n'y en aurait pas.



Fermant la porte à clé rapidement et les fourrant à la va-vite dans l'autre poche de son pantalon, ils se dirigèrent toujours sans un mot vers la sortie. Leurs pas s'étaient légèrement accélérés. Et sans qu'aucun des deux ne sache pourquoi, à partir du moment où ils furent à l'extérieur de leur immeuble, la porte fermée et l'air frais leur frappant le visage et balayant leurs cheveux, ils se mirent à courir. Ils ne s'étaient pas concertés, ils continuaient de se murer dans le silence. Mais ils couraient. Comme si leur vie en dépendait. Ils couraient, faisant flotter leurs vêtements et leurs doutes. Ils couraient pour ne pas avoir à revenir en arrière. Ils monteraient sur ce toit, peu importe pourquoi.



Aucun des deux n'avait couru depuis longtemps, ils se fatiguèrent rapidement. Leurs respirations étaient haletantes. Nicholas sentait son point de côté lui broyer la respiration. Vash sentait ses jambes brûler. Mais ils continuaient de courir. Et ne s'arrêteraient que lorsqu'ils auraient atteint le bâtiment. Ce fut au bout de quinze à vingt minutes de course épuisante, dans le froid et le silence, n'ayant croisé absolument personne en ces 22h38 du soir. S'appuyant sur le mur le plus proche, ils prirent chacun de grande bouffées d'air, essayant de stabiliser le plus possible et le plus rapidement possible leurs respirations.



Nicholas ne bougeait plus. Il ne savait même pas comment monter sur ce foutu toit. Mais visiblement, Vash le savait. Bien sûr qu'il le savait. C'était Brad qui le lui avait montré, lui montrant tous les petits passages secrets, tous les endroits en dehors des caméras et les sécurités défaillantes. Suivant le parcours de Brad, ils se faufilèrent dans tout le bâtiment jusqu'à finalement arriver à l'endroit de leur convoitise. Ouvrant la porte en grand, se prenant une rafale qui les décoiffèrent encore plus si c'était possible, ils se retrouvèrent sur un petit toit plat. Lieu des expérimentations en tout genre de Brad. La partie plate était exigüe, tout le reste était en pente. Ils pouvaient grimper dessus, ils étaient déjà allés tellement loin qu'un peu d'escalade et de funambulisme ne serait pas grand-chose pour eux.



Mais à la place, Vash sortit son téléphone. Nicholas resta à côté de la porte qu'ils avaient refermée, laissant l'ingénieur se balader sur la terrasse en trafiquant dieu savait quoi sur son téléphone. Wolfwood eut sa réponse lorsqu'il entendit des notes se dégager de l'enceinte du téléphone. Cet idiot de balai-brosse, dont les cheveux avaient l'air encore pire que d'habitude, avait tout simplement mis de la musique. Et puisqu'ils étaient seuls, il n'avait pas hésité à mettre le volume au maximum. Personne ne pouvait les entendre de toute façon alors pourquoi pas.



La première musique qui passa fut l'une des plus ringardes que Nicholas n'avait jamais entendu. « Careless Whisper » de George Michael. Il pouffa discrètement, regardant le balai-brosse entamer de petits pas de danse. Cela ne ressemblait à rien de construit. Mais il dansait tout de même. Il dansait, les yeux fermés, Nicholas l'admirant une fois de plus, sans pouvoir rien faire. La suivante fut tout aussi ringarde « Sarà perché ti amo » de Ricchi e Poveri. Et il continuait de danser sans rien regarder autour. L'homme en noir se demandait bien à quoi pouvait penser celui en rouge alors qu'il tournait sur lui-même comme s'il avait fait l'opéra. Le destin se moqua définitivement de lui lorsque la chanson d'après fut « Lap danse » de Ycare.



Les chansons défilaient, passant par tous les styles musicaux différents que Nicholas pouvait identifier. Il y avait même des chants grégoriens, bon sang de bois. Nicholas ne faisait que le regarder, enchainant cigarette sur cigarette, les laissant toutes tomber à ses pieds, les abandonnant lorsqu'elles étaient finies. Et puis, d'un coup, alors que « Still Loving you » de Scorpion se lançait (Nicholas la connaissait bien, c'était l'une des préférées de maman Mélanie), il vit une main se tendre vers lui et un sourire pour lequel il savait qu'il se damnerait.



Il n'avait même pas besoin de dire le moindre mot. Cette main, ce regard, ce sourire. Ça lui suffisait. Il quitta son mur pourtant si accueillant pour se rapprocher. Il posa sa main dans celle de l'autre. Ils étaient devenus très tactiles. Ils avaient désormais l'habitude du contact physique, ils se touchaient régulièrement. Mais cette simple touche, une que l'on croirait faite par deux collégiens à la boum du village, leur envoya à tous les deux une décharge électrique comme ils n'en avaient jamais ressenti.



Ils ne parlaient toujours pas. A la place, ils se dévoraient du regard. Ils se placèrent l'un contre l'autre, ils s'emboitèrent l'un dans l'autre comme s'ils l'avaient fait des milliers de fois, comme s'ils dansaient ensemble depuis des décennies. Ils commencèrent doucement. Ils n'allaient de toute façon pas aller vite pour un slow. Vash posa rapidement sa tête sur l'épaule de Nicholas. Nicholas, qui, lui, se contenta de le rapprocher un peu plus, la main sur la taille, ne voulant pas le lâcher. Ils tournoyaient sans but. Ils ne savaient même pas ce qu'ils faisaient sur ce putain de toit, à danser comme s'ils fêtaient leurs noces d'émeraude. Nicholas fit tournoyer Vash et pour la première fois depuis le début de leur aventure, Nicholas entendit un son de Vash, son rire.



« Still Loving you » se finit. Mais ils ne se séparèrent pas. Les chansons continuaient de défiler. Et ils firent face à « Stolen Dance » de Milky Chance. Ils continuèrent de danser. Vash continuait de reposer sa tête sur l'épaule de Nicholas. Nicholas respirait le parfum de Vash, son nez enfoui dans ses cheveux. Le temps n'avait plus d'importance. La température n'avait pas d'importance. Les autres, les devoirs, plus n'avait d'importance. Parce qu'ils étaient en train de danser, sur un toit de l'université, collés l'un à l'autre et que tant que la musique continuerait de défiler, ils continueraient de danser.









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Treizième chapitre !


Que puis-je dire, je suis obsédée par le fait de faire danser mes otp (même si j'y connais strictement rien en danse).


C'est l'un de mes chapitres préférés et je suis en train de le publier avec dans les oreilles "Carpe Diem" de Joker Out, la chanson de la Slovénie pour l'eurovision 2023 (oui, je suis fan de l'eurovision). Et bon sang, ça correspond parfaitement à l'ambiance du chapitre je dois dire. Un peu pop, feel good en rythme avec deux débiles qui courent comme des dératés en pleine nuit pour atteindre un toit et danser dessus.


Est-ce que ça étonne réellement quelqu'un que j'ai fait de Wolfwood un accro à l'adrénaline ? Non, je ne pense pas. Ce gars est évidemment shooté à l'adrénaline, ça se voit tout du long du manga et de l'anime.


Je ne sais pas si je peux dire que ce chapitre a de l'importance. Quand même un peu, vous le verrez par la suite mais c'était encore une fois juste une excuse pour les faire danser parce que dans un ua où ils ne risquent pas de mourir la seconde suivante, les faire danser de manière insouciante et légère était important pour moi.


Sinon, en espérant que vous avez aimé ^^


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