Chapitre 10 : Visite impromptue

Nicholas était un con, il le savait. Il le savait parfaitement. On lui avait répété suffisamment de fois pour qu'il l'intègre correctement. Il était un sacré con. Alors il ne devrait même pas être étonné de s'être autant attaché à ce foutu chat comme l'avait fait son colocataire. Et comme un con qui a promis quelque chose, il ne tient pas sa promesse. C'était bien pour cela qu'il se retrouvait régulièrement à s'occuper de la boule de poids, que ce soit ses repas ou sa litière.



Et le moment où il sut qu'il était un énorme con, c'est lorsqu'il se retrouva allongé sur le canapé, la tête reposant sur l'accoudoir et tournée vers la télé allumée diffusant une retransmission d'un vieil épisode de Total Wipeout. Vash était étalé sur lui, chatouillant sa bouche de ses doux cheveux blonds et ayant la main directement posé sur ce fichu chat qu'il caressait distraitement, essayant de lui tirer le plus de ronronnement possible, en compétition directe avec ledit blond.



Lorsqu'il se rendit compte du jeu (et du score, il était en train de perdre) ainsi que de la domesticité de la chose, Nicholas D. Wolfwood obstrua toute pensée cohérente qui pouvait atteindre son cerveau. A ce moment, ce n'était que du bruit blanc, plus rien ne lui parvenait. Si, il n'y avait plus que deux choses qui lui parvenaient. Le ronronnement de Kuroneko-sama, fruit des papouilles de Vash, les siennes s'étant arrêtées. Et le rire de l'ingénieur, qui gloussait aux chutes toutes plus invraisemblables des candidats. C'étaient les deux seuls bruits qui lui parvenaient.



Et Nicholas, Nicholas qui n'avait pas prié sérieusement depuis des années maintenant, depuis qu'il avait quitté l'orphelinat, se mit à faire un vœu pieux. L'un de ces vœux que l'on ne dit pas à voix haute pour ne pas l'annuler. L'un de ces vœux que l'on trouve un peu honteux et que l'on veut garder pour soi jusqu'à ce qu'il se réalise. L'un de ces vœux que l'on dit si bas qu'on se demande soi-même si on l'a prononcé. Et Nicholas, homme saint qui n'avait plus posé les pieds dans une église depuis des années, fit le vœu de faire durer ce moment pour l'éternité. Il fit le vœu de ne jamais connaitre autre chose. Il fit le vœu de rester pour toujours comme ça, reposant entre ses bras pécheurs l'homme le plus extraordinaire et gentil qui n'ait jamais existé avec ce chat à l'allure toujours si stoïque.



Et parce que Nicholas n'avait jamais demandé grand-chose au « Tout-puissant », ce fut la seule et unique chose, son seul et unique vœu qu'il voulait voir réaliser. Et putain de merde. Son vœu fait, le rire atteignant ses oreilles, Nicholas s'en rendit finalement compte. C'était un beau con. Comment avait-il été assez stupide pour ne pas se rendre compte qu'il était tombé raide dingue amoureux du frère jumeau de l'une des personnes qu'il exécrait le plus au monde ? Ses yeux étaient restés figés sur l'écran de télévision mais son esprit était à des kilomètres de là, essayant de retracer toutes leurs interactions depuis qu'ils vivaient ensemble pour essayer de déterminer le moment exact où il s'était laissé piéger dans le piège sucré de l'amour.



Mais il n'arrivait pas à trouver la réponse. Parce que c'était un tout. Vash Saverem, le typhon humanoïde, la catastrophe ambulante, l'attrape-malheur, était un tout et il était tombé amoureux de tout ce qui constituait l'homme. Autant de son intelligence et sa gentillesse hors du commun que de sa maladresse légendaire qui les avaient poussé à racheter cinq pots de fleurs en moins de deux mois. Il était foutu. Il était maintenant bien trop fou de l'autre pour prétendre que rien de tout ceci n'était vrai et enfouir ses sentiments plus profondément que ses frasques de jeunesse sur son casier juvénile.



Les jours passaient et alors que l'automne s'installait définitivement, poussant les étudiants à enfiler manteau et écharpe, en dépit du réchauffement climatique, Nicholas se trouvait, une nouvelle fois en cours. Assis à côté de Legato, encore, il luttait contre tout ce qui existait pour ne pas s'endormir. C'était déjà assez mauvais comme ça de s'endormir pendant un cours, mais il savait qu'en s'endormant, la seule chose qu'il ferait serait de rêver de Vash, encore. Depuis quand se rendre compte de ses sentiments pour quelqu'un signifiait rêver de cette personne absolument toutes les nuits ? Foutu subconscient.



D'autant plus qu'il imaginait parfaitement l'ironie de la situation en rêvant de l'homme dont il était amoureux en plein cours de théologie où la moitié de la classe le considérait déjà comme un hérétique. Nicholas avait depuis longtemps accepté sa bisexualité. Mais sa phase de culpabilité religieuse avait été l'une des pires qu'il ait connu de sa vie, alors qu'il n'était même pas si croyant que ça. Il avait remis en question l'intégralité de ce dont il croyait. Et encore, il avait eu de la chance de grandir dans un orphelinat, certes religieux, mais qui ne pensait pas à l'homosexualité comme un péché et qui poussait les enfants à être simplement qui ils étaient.



Mais le pasteur de l'église où ils allaient n'était pas du même avis et hurlait à qui voulait l'entendre que les homosexuels, ces « enculés » au sens propre allaient tous finir aux enfers ayant bafoué la sainte parole de Dieu. Maman Mélanie n'était pas d'accord, pour elle, la seule chose qui comptait était d'aimer son prochain, peu importe qui et comment il était. Mais le pasteur leur avait bien fait comprendre qu'il ne fallait pas penser comme ça, frappant maman Mélanie à coup de Bible. Dieu que cet homme était fou. Mais c'était à cause de cet homme que Nicholas avait renié pendant si longtemps qui il était.



Il grimaça en repensant à sa période « fuckboy » où il avait couché avec absolument n'importe qui, principalement des filles pour se prouver qu'il n'était pas attiré par les garçons et qu'il était strictement hétéro. Mais il avait bel et bien couché avec un homme et il avait aimé ça, bien plus qu'il n'aurait dû faire. Et c'était maintenant sa période d'opposition à l'autorité de l'église et de ses paroles qui s'ajoutait pour Wolfwood. Alors, il avait continué d'enchainer les conquêtes et les coups d'un soir en ajoutant à son tableau de chasse tous les beaux mecs qui passaient dans le coin.



Et lorsque cela s'était su, la seule chose que sa classe de coincés du cul avait retenu était l'étiquette de « pd ». Mais au cours de ses expérimentations, Nicholas s'était rendu compte qu'il n'avait pas à rejeter l'un ou l'autre, que les femmes autant que les hommes avaient quelque chose à lui apporter et qu'il n'avait pas à choisir entre la religion ou sa sexualité. Et l'anecdote amusante étant qu'il s'en était rendu compte et avait fait ce constat alors qu'il était au plus profond du vagin d'une fille anonyme en train d'embrasser à pleine bouche un mec au hasard qui lui, la mettait dans l'anus de cette même fille. Pas la meilleure situation mais une situation tout de même.



La tête plongée entre ses bras, il ricana à voix basse à l'absurdité de sa vie en général. Mais alors qu'il allait se replonger dans ses pensées tortueuses, un cri aigu le sortit de ses tergiversations. Levant la tête sans grande conviction, il se retrouva à regarder une fille, debout sur sa table, pointant quelque chose à ses pieds. Cette fille faisait partie des plus virulentes quant à ses « choix de vie » et rien qu'à voir sa gueule, il n'était pas difficile d'imaginer où, comment et par qui elle avait été élevée. Il tourna la tête pour interroger Legato du regard mais il semblerait que même lui ne sache pas ce qu'il se passe. Ils se levèrent alors pour voir quel était le problème de cette fille. Un cafard ou une araignée était entré ?



Oh mais aux yeux de cette fille, ce devait être bien pire que ces vulgaires insectes. Car ce qui se tenait tranquillement sur le sol et le regardait d'un air interrogateur était un simple chat noir. Et même plus que ça, c'était Kuroneko-sama, son chat en garde partagée avec le type dont Nicholas était follement amoureux. Mais comment avait-il fait pour le retrouver jusque dans sa salle sur l'immensité du campus ? L'odeur ? Si c'était le cas, il devrait vraiment avoir la main moins lourde sur le parfum. Soupirant, il allait simplement dire que l'intrus à quatre pattes était à lui mais il se ravisa lorsque cette fille, toujours debout sur sa table et visiblement statufiée lança son plus beau cri de désespoir.



« Éloignez cette créature du diable de moi. Emmenez-le hors de ma vue. Il va tous nous salir sans qu'on ne s'en rende compte. Qui a de l'eau bénite sur lui ? Donnez-en-moi, vite. »



Wolfwood était stupéfait des paroles que venait de tenir sa camarade. Il savait qu'elle était plus croyante que le pape lui-même et qu'elle croyait encore en toutes ces théories fumeuses de l'inquisition mais là, c'était vraiment le pompon. Ce n'était qu'un chat bordel. Ce chat n'avait rien fait de plus qu'exister et être rentré dans cette salle de cours et le voilà désormais fustigé de tous les crimes de l'humanité. Et d'autant plus que ce chat appartenait à Vash alors il était hors de question qu'il la laisse le calomnier davantage.



« Eh, connasse !!! Ce chat est à moi et il a un nom, je te ferais dire. Elle va se calmer fissa l'inquisitrice avant que je me m'occupe moi-même de son cas. T'as cru que t'étais encore au Moyen-Age pour lâcher des conneries aussi grosses que toi ?! Tu veux bien m'expliquer ce que mon chat a fait pour que tu t'acharnes sur lui comme ça ?! La créature du diable ici c'est toi pour avoir calomnié mon pauvre chat qui vient me rendre visite en cours. Alors tu vas redescendre de ta table, tu vas laisser ce cours reprendre pour qu'on puisse tous avancer et tu vas laisser mon chat, qui s'appelle Kuroneko-sama au passage, salope, me rejoindre et assister au cours avec nous. Okay ?! »



Lorsque Nicholas avait osé suggérer que c'était elle la créature du diable, elle s'offusqua tellement qu'il crut qu'elle allait bientôt perdre l'esprit et leur faire une syncope. Cela le fit doucement ricaner, l'ayant suffisamment outré pour qu'elle demande son bannissement express aux enfers. Personne n'avait rien dit de plus, certains ne voulant pas intervenir et jeter de l'huile sur le feu et d'autres appréciant simplement le spectacle (ce lutin bleu de Legato Bluesummers). La seule autre personne qui intervint fut leur professeur, qui ne voulait effectivement pas laisser son cours être dérangé à cause d'un malheureux chat.



« Wolfwood a raison. Rassis-toi, ce n'est qu'un simple chat. Il ne va pas t'emmener en enfer. La seule chose qui le fera, ce sont tes actions, notamment envers ... Kuroneko-sama, tu as dit, non ? Bref, on a pas toute la journée non plus. Wolfwood, viens chercher ton matou, garde le avec toi mais je te préviens, c'est la seule fois que ça arrive, c'est exceptionnel, c'est uniquement parce qu'il est rentré de lui-même. Mon cours n'est pas un refuge pour animaux ne supportant pas d'être loin de leurs maitres, compris ? *rire de la classe* »



Suite à ces paroles, Nicholas descendit rapidement et prit doucement dans ses bras l'objet de la discorde qui n'avait pas bougé depuis le début de sa place initiale et se blottit contre lui, ronronnant et amusant la classe lorsqu'il lui gratta le haut de la tête, narguant l'inquisitrice de service. Il put alors se rassoir et continuer à suivre, cette fois-ci avec plus de diligence, le cours rapidement interrompu par un pauvre chat noir qui n'avait rien demandé à personne.









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Dixième chapitre !


ET PARCE QUE QUI DIT VASHWOOD ET NICHOLAS D. WOLFWOOD DIT BIEN ÉVIDEMMENT CULPABILITÉ RELIGIEUSE !!!

Oui, à mes yeux (et ceux de Ludivine), la culpabilité religieuse est indissociable de vashwood donc je me devais forcément de rajouter cet élément même si c'était censé être une fic fluff à la base. C'était donc ça la partie angst que j'évoquais au chapitre précédent.

Je n'ai pas poussé très loin cette partie parce que je ne savais pas trop comment l'expliquer. N'étant pas croyante pour un sou, je n'ai pas ressenti cette culpabilité religieuse vis-à-vis de mon orientation sexuelle et romantique. Et même si c'est indissociable, j'avais du mal à explorer profondément cette histoire. Je crois que je fais aussi quelques références dans certains chapitres suivants mais ce n'est pas aussi profond que ce que j'aurais voulu par exemple.


On remarquera que Kuroneko n'a strictement rien demandé et se fait prendre en tenaille dans une guerre d'idées d'une classe de théologie. Pauvre chat.


J'avais déjà utilisé ce surnom dans un chapitre précédent mais j'ai oublié d'expliquer pourquoi j'appelle Legato un lutin. En fait, ce surnom est survenu naturellement quand j'écrivais je sais pas pourquoi et je l'ai gardé parce que je le trouvais vraiment bien. Pour moi un lutin est une créature sournoise et un peu rusé, mais ça reste un connard la plupart du temps alors au final je trouve ça un peu approprié parce que Legato est souvent un connard.



Sinon, en espérant que vous avez aimé ^^

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