Chapitre 9


Une dizaine de minutes plus tard, Chat Noir, Ladybug et leur jeune guide atteignaient les abords du temple de Bastet. Suivant toujours le garçon, les deux héros s'enfoncèrent dans les couloirs de l'édifice, jusqu'à atteindre une petite salle située à l'écart des principaux corridors. Ils y aperçurent aussitôt Paneb, qui se trouvait en grande conversation avec un homme vêtu de riches atours et de chatoyants bijoux.

Le contraste qu'offrait le physique des deux interlocuteurs était si frappant qu'il en devenait presque comique. Les maigres traits de l'inconnu semblaient avoir été taillés à coup de serpe là où le visage de Paneb avait gardé de poupines rondeurs, et la petite silhouette potelée du prêtre ne faisait qu'accentuer l'allure élancée de l'autre homme, dont la haute taille était sans le moindre doute remarquable pour les Egyptiens de l'époque.

Celui dont Ladybug et Chat ignoraient encore l'identité passa lentement ses doigts fins sur son crâne chauve, avant de tressaillir légèrement quand ses yeux noirs tombèrent sur les deux héros. Notant le changement d'attitude de son interlocuteur, Paneb se tourna à son tour vers l'entrée de la pièce.

- « Ah, vous voilà ! », s'exclama le prêtre en apercevant les adolescents, alors qu'un chaleureux sourire se dessinait aussitôt sur son visage. « Je suis heureux de vous revoir. Approchez, approchez », poursuivit-il avec un encourageant geste de la main.

Chat Noir et Ladybug échangèrent un bref coup d'œil, avant de s'avancer d'un pas décidé vers les deux hommes.

- « Je m'appelle Sénènmout », se présenta aussitôt l'inconnu, articulant soigneusement chacun des mots qu'il prononçait de sa riche voix de basse. « Grand prêtre de la divine Bastet et Grand Gardien. Je suis honoré de faire votre connaissance. »

- « T-Tout l'honneur est pour nous », balbutia nerveusement Ladybug, tout en inclinant respectueusement la tête en direction de l'homme.

Alors que Chat Noir imitait le geste de sa coéquipière, les commissures des lèvres de Sénènmout s'incurvèrent légèrement vers le haut.

- « Trèves de civilités, je propose que nous abordions tout de suite le sujet qui vous a amené ici », leur suggéra-t-il d'un ton affable. « J'ai eu l'occasion de discuter avec Paneb de votre situation », poursuivit-il en désignant son subalterne d'un geste de la main, « et je ne peux qu'être d'accord avec lui. Il est dans votre intérêt comme dans le nôtre que vous réussissiez à regagner votre époque, et que les héros dont vous avez pris la place puissent récupérer leur rôle. »

- « Donc vous pouvez nous aider ? », lui lança Ladybug d'une voix où l'anxiété était désormais palpable.

Le cœur de la jeune fille s'était si brusquement emballé que l'adolescente se sentait soudain presque nauséeuse. Les lourdes pulsations de ce vital organe résonnaient jusqu'au plus profond de ses os, tandis qu'une violente bouffée d'angoisse lui nouait implacablement les entrailles.

La présence de Chat Noir à ses côtés avait beau adoucir sa terrible situation, Ladybug n'ignorait pas que chaque jour qui passait rendait d'autant plus douloureuse l'absence de ses proches. Ses parents et ses amis lui manquaient atrocement, au point que cela en devenait presque physique.

Elle rêvait de pouvoir de nouveau serrer son père dans ses bras. De déposer une affectueuse bise sur la joue sa mère. De donner une amicale bourrade sur l'épaule d'Alya.

La jeune fille n'était pas certaine de réussir à s'en remettre si le Grand Gardien devait lui annoncer que leur situation était sans espoirs.

Ladybug sentit soudain la main de Chat Noir chercher la sienne. Son coéquipier entrelaça délicatement ses doigts avec les siens avant d'y exercer une réconfortante pression, faisant instantanément refluer la vague de panique qui menaçait de s'abattre sur la jeune fille.

- « Avant de vous répondre, j'aurais quelques questions à vous poser », répondit posément Sénènmout, dont le ton calme et encourageant acheva d'aider la jeune héroïne à reprendre la maitrise de ses nerfs. « J'ai besoin de savoir comment vous avez été amenés ici. »

- « Pour être honnête, je ne suis pas certain de savoir ce qui s'est passé exactement », soupira Chat Noir, tout en passant sa main libre sur l'arrière de son crâne. « Nous étions de combattre à notre époque, et à un moment, notre adversaire a balancé une sorte de... de rayon vert dans notre direction. Nous avons été pris dedans tous les deux, puis l'instant d'après, je me suis retrouvée en Egypte. Des milliers d'années dans le passé », conclut le jeune héros d'une voix faible, tandis que Ladybug hochait machinalement la tête pour confirmer les paroles de son partenaire.

- « Cet adversaire », demanda le Grand Gardien en haussant un sourcil intéressé. « Est-ce qu'il avait quelque chose d'inhabituel ? »

- « Oui ! », répondirent en cœur les deux héros, avant de s'interrompre et de se consulter brièvement du regard.

Ladybug laissa échapper une légère quinte de toux, puis reprit la parole.

- « Oui », répéta-t-elle avec un calme remarquable au vu de la fugace mais intense tempête d'émotions qui s'était abattue sur elle à peine un instant plus tôt. « Il n'avait aucun point commun avec les ennemis que nous avions combattus jusque-là. D'habitude, nos adversaires sont d'autres personnes qui ont été envoûtées par le Pap-... par un super-vilain que nous essayons d'arrêter depuis plusieurs années. Mais celui-là ressemblait à peine à un être humain. Et il dégageait cette espèce d'aura... »

- « ...Une aura maléfique », renchérit Chat Noir, prenant machinalement la suite des explications que fournissait sa partenaire. « J'en avais presque la chair de poule, je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Il n'avait même pas de visage ! C'était juste une silhouette humanoïde, d'un vert extrêmement foncé... »

- « ...Presque noir », compléta à son tour sa coéquipière. « A part au niveau de sa poitrine, où il y avait une espèce de tache vert émeraude d'une dizaine de centimètres... »

- « ...Et qui brillait », reprit enfin Chat Noir. « On n'avait jamais vu quoi que ce soit de semblable », conclut-il en jetant un coup d'œil à sa partenaire, qui approuva d'un bref hochement de tête.

Sénènmout et Paneb échangèrent un bref regard, assorti de froncements de sourcils et de discrets signes de connivences qui n'échappèrent guère aux deux héros.

- « Est-ce... est ce que vous avez une idée de ce que ça pourrait être ? », demanda Chat Noir avec une indéniable note d'espoir dans la voix.

- « J'aurais d'abord besoin d'autres informations », répliqua immédiatement le Grand Gardien. « Comprenez-moi », poursuivit-il en levant une main apaisante, voyant que Ladybug ouvrait la bouche pour protester. « Je ne voudrais pas que nous partions sur une fausse piste. »

La jeune héroïne tressaillit légèrement, puis laissa échapper un soupir résigné.

Tout impatiente qu'elle soit d'obtenir enfin des pistes sur un moyen de regagner sa ville et son époque, elle allait manifestement devoir apprendre à composer avec les exigences de son hôte. D'autant qu'elle devait bien admettre ce dernier n'avait pas nécessairement tort. Il valait mieux que Sénènmout ait toutes les cartes en mains pour les aider à sortir au plus vite du terrible piège dans lequel son partenaire et elle se trouvaient coincés, plutôt qu'ils ne perdent tous leur temps pour s'être trop vite précipités dans de mauvaises directions.

- « Très bien », répondit-elle en serrant machinalement la main de Chat Noir dans la sienne. « Qu'est-ce que vous voulez savoir ? »

- « Est-ce que le nom de 'Khepp' vous dit quelque chose ? » lança immédiatement le Grand Gardien aux deux adolescents, tout en les dévisageant avec une intensité presque dérangeante.

Déconcertés, les jeunes héros échangèrent un regard perplexe avant de secouer la tête de droite à gauche.

- « Non, rien du tout », répliqua Chat Noir. « Pourquoi, est-ce que- »

- « Ce n'est pas grave », éluda Sénènmout avec un petit geste de la main. « De façon plus générale, j'aurais une question concernant la période d'où vous venez. Durant ces derniers temps, est-ce qu'il y a eu le moindre incident surnaturel qui aurait pu avoir un lien avec notre époque ? N'importe quoi, même l'évènement le plus insignifiant ? »

Chat Noir fronça légèrement les sourcils, avant de se tourner vers sa coéquipière.

- « Quelque chose en rapport avec l'Egypte Antique ? » reformula-t-il machinalement. « Pour ce qui est du surnaturel, je ne vois rien d'autre que le Papillon et ses victimes... Et la mauvaise foi d'une de mes amies d'enfance, mais ça c'est un autre sujet », rajouta-t-il d'un ton faussement léger qui lui valut un coup d'œil incisif de la part de Ladybug.

Cette dernière ne se formalisa cependant pas outre mesure devant cet apparent manque de sérieux. Elle connaissait trop bien son coéquipier pour ne pas deviner que cette apparente bravade n'était pour lui qu'un moyen de dissimuler sa nervosité, et que le jeune homme était en réalité bien plus fébrile qu'il ne tentait de le faire croire.

Pour en avoir longuement discuté avec Chat Noir, Ladybug savait que la situation dans laquelle ils se trouvaient le rongeait lui aussi, lui mettant les nerfs à vif au point que cela tenait du miracle que les deux héros réussissent à garder un tel calme dans de pareilles circonstances.

Leurs familles et leurs amis leurs manquaient à tous les deux, et ils avaient hâte de pouvoir enfin retrouver leurs proches.

- « Les victimes du Papillon... Les victimes du Papillon... » répéta pensivement la jeune fille, tentant désespérément de se focaliser sur leur conversation. « Ah ! » s'exclama-t-elle en claquant des doigts, tandis qu'une lueur triomphale traversait les vertes prunelles de Chat Noir.

Un sourire complice éclaira aussitôt le visage des deux héros, alors qu'un souvenir précis leur revenait en mémoire à l'exact même instant.

- « Le Pharaon ! », s'écrièrent-ils en cœur, avant de porter de nouveau leur attention sur Paneb et Sénènmout.

Ces derniers les dévisageaient avec attention, attendant manifestement plus de précisions de leur part.

- « Nous avons eu à combattre un vilain qui se faisait appeler le Pharaon », leur expliqua brièvement Ladybug. « Il voulait sacrifier une jeune fille afin de faire revivre sa princesse disparue, et pour ça il avait ouvert un gigantesque portail dans le ciel de Par-... De la ville où nous vivons », se reprit-elle rapidement.

- « Si je me rappelle bien, il avait utilisé un sceptre magique, ou quelque chose du même genre », rajouta Chat Noir.

- « Oui, c'est tout à fait ça », approuva sa partenaire. « Je me souviens très bien de cette journée. »

Notamment parce que j'ai été à deux doigts d'être démasquée par ma meilleure amie, et que la meilleure amie en question a bien failli finir sacrifiée par ce fou furieux, se retint-elle d'ajouter.

- « La victime du Papillon était le fils du conservateur du musée », reprit-elle. « Il se prenait pour la réincarnation de... »

La jeune fille s'interrompit soudain, avant de pâlir tout aussi brusquement. Ses immenses yeux bleus s'étaient écarquillés sous l'effet de la brusque révélation qui venait de la frapper, tandis que ses lèvres roses s'arrondissaient à présent en un muet « O » de stupéfaction.

Alarmé par le teint livide de sa coéquipière, Chat Noir lâcha aussitôt la main de la jeune fille pour passer un bras protecteur autour de ses épaules.

- « Ma Lady ? », murmura-t-il avec une visible inquiétude.

- « Oh, je savais que j'avais déjà entendu ce nom ailleurs qu'en cours », répliqua-elle d'une voix blanche. « Le vilain que nous avons combattu se prenait pour Akhenaton. Pour le pharaon de CETTE époque », lança-t-elle avec un fébrile geste de la main. « Ce n'est certainement pas une coïncidence ! »

- « Je ne pense pas, effectivement », intervint soudainement Sénènmout.

Les deux adolescents sursautèrent légèrement, avant de braquer un regard perçant sur le Grand Gardien. Ce dernier avait parlé avec une paisible assurance, qui donnait la sensation que les propos des jeunes héros n'avaient fait que confirmer des soupçons qu'il nourrissait déjà auparavant.

- « Comment ça ? », rétorqua immédiatement Chat Noir, dont le cœur battait à présent à grand coups fébriles. « Quel est le rapport entre le vilain que nous avons combattu et le Akhenaton de cette époque ? »

- « Est-ce qu'il y a un lien avec ce Khepp dont vous nous avez parlé ? », renchérit Ladybug, notant à peine le mouvement de tête approbateur qui échappa machinalement à Paneb. « Qui est-ce ? »

Les épaules de Sénènmout se voûtèrent presque imperceptiblement, comme si ce dernier venait soudainement de se rappeler d'un lourd poids qui y pèserait. Un fugace mélange de vifs regrets mêlés d'une cuisante impuissance traversa le visage du Grand Gardien, avant que l'homme ne retrouve un air grave et ne se redresse enfin.

- « Il serait plus juste de dire 'Qu'est-ce que c'est ?' », rectifia Sénènmout avec un soupir désolé. « Khepp est... Ou plutôt, Khepp était un kwami. Celui de l'Amulette du Scarabée. Et j'ai la certitude que c'est contre lui que vous avez combattu. »





Les deux héros restèrent un instant paralysés de stupéfaction, peinant à en croire leurs oreilles.

Un kwami ?

Ils auraient été envoyés dans le passé par un être semblable à Plagg et Tikki, leurs plus précieux et fidèles alliés ? Par une mystique créature qui aurait dû se dresser aux côtés des héros qu'ils étaient plutôt que de s'en prendre à eux ?

Non.

Ils avaient certainement dû mal comprendre.

- « Un... Un kwami ? », répéta Ladybug d'une voix incrédule. « Mais ce... Mais ce n'est... C'est impossible ! »

- « La chose que nous avons combattu ne ressemblait absolument pas à un kwami ! » renchérit immédiatement Chat Noir, dont les yeux verts étaient toujours écarquillés de stupeur.

Un lourd soupir s'échappa de nouveau des lèvres du Grand Gardien. D'un geste las, il passa ses longs doigts sur son visage maquillé de khôl, avant de lever de nouveau son regard sur les deux héros qui lui faisait face.

- « Vous vous êtes battus contre ce qui était autrefois un kwami et le porteur de son miraculous, dont les esprits ont été définitivement pervertis », lâcha-t-il sombrement.

A ces paroles, un frisson d'horreur traversa aussitôt la colonne vertébrale de Ladybug. La jeune fille se sentit prise d'un soudain vertige, tandis que le sol semblait se dérober inexorablement sous ses pieds.

Un kwami et un héros, corrompus pour ne former qu'une seule entité maléfique ?

Jamais elle n'aurait cru qu'une telle abomination était possible, et cette simple pensée lui donnait une nausée telle qu'elle dû faire un violent effort pour réfréner les brutaux soubresauts qui tordaient à présent ses entrailles.

A ses côtés, Chat Noir faisait preuve de la même stupéfaction horrifiée.

Le jeune homme se sentait aussi hébété que s'il venait de recevoir un terrible coup sur le crâne, tandis qu'une expression de dégoût mêlé de peur se peignait lentement sur ses traits.

Comment ? Comment une telle atrocité avait-elle été possible ? Comment un duo comme celui qu'il formait avec son certes capricieux mais néanmoins fidèle Plagg avait-il pu se transformer en un indescriptible monstre ?

- « Tous deux se sont écartés du chemin des héros », reprit implacablement le Grand Gardien. « Khepp et son porteur se sont laissés posséder par leurs propres ambitions et ont utilisés leurs pouvoirs à des fins maléfiques. Leur corruption était telle qu'elle a fini par dévorer leurs consciences, et à présent, ils ne forment plus qu'une seule entité indissociable. Une chose malfaisante, une aberration qui n'aurait jamais dû voir le jour. Un être qui n'est plus ni homme, ni kwami, et qui se sert de sa magie pour semer le chaos. »

Toujours sous le choc de cette terrifiante révélation, Chat Noir sentit soudain ses veines se glacer d'effroi, tandis qu'une épouvantable pensée s'incrustait implacablement dans son esprit.

Un kwami utilisé à des fins maléfiques.

Un homme dévoré par l'absence de scrupules et par une effroyable ambition.

Ce terrible scénario lui semblait monstrueusement familier.

- « M-Mais... » bredouilla Chat Noir, échangeant un regard affolé avec Ladybug.

Au vu des couleurs cadavériques qu'avaient prises les joues de sa partenaire, la jeune fille venait d'arriver à l'exacte même conclusion que lui.

Le Papillon.

Non seulement leur effroyable adversaire faisait courir des dangers inconsidérés aux habitants de Paris, mais dans sa quête de mettre la main miraculous du Chat Noir et de la Coccinelle, cet homme risquait manifestement de perdre à jamais son humanité.

Et d'infliger par la même occasion un sort pire que la mort à son malheureux kwami.

- « J-Je... N-Nous », balbutia Ladybug, peinant à retrouver le fil de ses pensées. « L'homme que nous combattons à notre époque, celui qui transforme toutes ces personnes innocentes en supers-vilains, nous savons qu'il utilise un kwami pour arriver à ses fins. Est-ce que... Est-ce qu'ils vont se transformer de la même façon ? Est-ce que son kwami risque d'être... corrompu, lui aussi ? »

- « Je ne crois pas », lui répondit Sénènmout avec un rassurant sourire. « Ici, les kwamis ont beau être plus âgés qu'aucun des hommes qui foulent cette terre, ils n'en restent pas moins des créatures encore jeunes. Ils se découvrent, apprennent à maitriser leurs pouvoirs et à prendre conscience de leurs limites. Ils sont beaucoup plus vulnérables qu'ils ne le sont certainement à votre époque. »

A peine rassérénés, les deux héros restèrent un instant silencieux, digérant péniblement les paroles de leur hôte.

Cependant, pour tout inquiétante que soit cette nouvelle information, elle ne modifiait en rien le principal objectif qu'ils s'étaient fixés en tant que héros de Paris. Le pauvre kwami Nooroo se trouvait entre les mains malfaisantes du Papillon, et ils devraient impérativement trouver un moyen pour lui rendre sa liberté quand ils rentreraient chez eux.

S'ils rentraient chez eux.

- « Par contre, je ne vois toujours pas quel est le rapport avec nous », reprit Ladybug, revenant à son principal sujet d'inquiétude. « Qu'est- ce que ce... cette chose faisait à notre époque, et comment est-ce qu'il a fait pour nous envoyer ici ? Et comment rentrer chez nous ? »

- « Je pense qu'il vaut mieux reprendre l'histoire dès le début », soupira doucement Sénènmout.

Patiemment, le Grand Gardien confia aux deux héros ce qu'il savait, ainsi que les conclusions auxquelles Paneb et lui étaient parvenus.

L'homme à qui avait été confié l'amulette du Scarabée était l'un proche du pharaon Akhenaton. Autrefois, il avait fait la fierté des Gardiens, accomplissant son devoir avec la rigueur et l'abnégation qu'on attendait de lui.

Mais peu à peu, enivré par l'ambition, il s'était laissé corrompre.

Lentement, insidieusement, lui et son kwami s'étaient laissés tenter et avaient commencé à utiliser leurs pouvoirs pour satisfaire leurs intérêts personnels plutôt que pour faire le bien. Avant de se laisser aller à commettre des actes maléfiques. Rendus ivres par la puissance que leur accordaient les miraculous, ils n'avaient même pas réalisé que leur magie pervertie les transformait tous deux lentement, jusqu'à les changer en un être hybride qui n'avait plus rien de l'homme et du kwami qu'ils étaient auparavant.

Hélas, l'abomination que Khepp et son porteur étaient devenus avait malgré tout réussi à garder une indéniable influence sur le grand Akhenaton.

Rôdant autour du dirigeant de l'Egypte comme une ombre pernicieuse, Khepp avait répandu ses venimeuses paroles autour de lui. Progressivement, il avait coupé le pharaon de son entourage, raffermissant implacablement son contrôle sur les décisions de cet homme qui lui vouait une totale confiance.

Il avait semé les graines de la réforme religieuse qui déchirait à présent le pays, écartant ainsi les plus importants prêtres de la cour. Ensuite, il avait persuadé Akhenaton de quitter la ville de Thèbes pour fonder sa propre capitale, profitant de cette occasion pour mettre à l'écart les derniers membres de l'entourage du pharaon qui lui étaient encore hostiles.

Et lorsque Néfertiti, la bien-aimée du pharaon, avait disparu, le pharaon avait définitivement basculé sous la coupe de Khepp.

Ivre de rage et de chagrin, Akhenaton s'était juré de faire revenir son grand amour à la vie, quitte à braver les interdis les plus sacrés.

Quitte à défier la mort.

Isolé dans son palais, le pharaon s'était réfugié dans les doucereuses promesses de Khepp et tentait depuis à présent des mois de trouver un moyen pour ressusciter Néfertiti.

La suite du récit de Sénènmout tenait entièrement de l'hypothèse.

Selon lui, les mésaventures que traversaient actuellement Chat Noir et Ladybug trouvaient leur origine dans leur affrontement avec le super-vilain prénommé « Pharaon ».

Lorsqu'il avait ouvert le portail qui allait lui permettre de ramener la Néfertiti des temps anciens à la vie, cet homme qui incarnait l'esprit d'Akhenaton avait sans le vouloir créé un pont entre les deux époques. Le sortilège que le super-vilain avait tenté d'utiliser avait été mis au point par le maléfique Khepp, et sans que quiconque n'ait pu le prévoir, ce dernier avait été aspiré par ce passage qui s'était ouvert bien des millénaires après sa propre naissance.

A l'insu de tous et contre sa volonté manifeste, Khepp avait ainsi été propulsé à un lieu et une époque bien différent de ceux qui étaient les siens.

- « Mais... On l'aurait forcément vu, non ? », s'exclama Ladybug, stupéfaite. « Et c'était il y a tellement longtemps ! Je veux dire, ça s'est passé environ deux ans avant que nous soyons envoyés ici. Pourquoi est-ce qu'il aurait mis autant de temps avant de nous attaquer ? »

- « Oh, croyez-nous, Khepp sait se faire très discret quand il le veut », intervint sombrement Paneb. « Il sème l'anarchie ici depuis bien trop longtemps, et impossible de mettre la main sur lui. »

- « Je pense qu'il lui a fallu du temps pour reprendre des forces, et plus encore pour trouver un moyen pour revenir », compléta Sénènmout. « Khepp est un grand magicien, un spécialiste des sortilèges. Paneb et moi supposons qu'il a réussi à mettre au point un sort pour revenir ici, mais que pour cela, il lui fallait un élément qui fasse le lien entre les deux époques. »

Voyant Ladybug et Chat Noir hausser un sourcil perplexe, le Grand Gardien poursuivit ses explications.

- « Il avait besoin d'une créature qui lui servirait de point d'encrage pour regagner le bon lieu et le bon moment », continua-t-il patiemment. « Un être qui existait dans votre temps et dans le nôtre, qu'il pourrait renvoyer dans le passé et qu'il pourrait suivre. Comme s'il était un passager clandestin. »

- « Tikki et Plagg... », murmura faiblement Ladybug, comprenant soudainement où son hôte voulait en venir. « Nos kwamis... »

- « Exactement », approuva sentencieusement le Grand Gardien. « Il a tissé un sortilège qu'il a jeté sur vos kwamis, et il les a utilisés pour regagner son époque. Ce sont eux qui étaient visés. »

- « Et comme on était transformés, on a été emmenés nous aussi », conclut la jeune fille dans un souffle. « Chat Noir et moi sommes juste des dégâts collatéraux. »

La jeune fille ne savait plus s'il fallait rire ou pleurer devant tant d'absurdité.

Le fait de savoir que Chat Noir et elle avait été piégés dans le passée parce qu'ils se trouvaient sous la mauvaise apparence au mauvais moment ne faisait que rendre leur situation encore plus cruelle. Jamais Ladybug n'avait ressenti un tel sentiment d'injustice, et cette découverte ne faisait que raviver la sourde détresse qui refusait de la quitter totalement depuis que son partenaire et elle s'étaient retrouvés propulsés au fond de cette Egypte d'un autre âge.

Prenant une profonde inspiration pour retrouver son calme, Ladybug jeta un bref regard à Chat Noir. A en juger de la façon dont les muscles de sa mâchoire étaient à présent contractés et de la manière dont il serrait rageusement le poing, son partenaire était tout manifestement aussi bouleversé qu'elle par cette découverte inattendue.

Instinctivement, Ladybug tendit les doigts vers le visage de Chat Noir pour effleurer délicatement la joue du jeune homme. Ce dernier tressaillit légèrement, avant que ses lèvres ne s'incurvent en un reconnaissant sourire. Saisissant la main de Ladybug dans la sienne, il y déposa un furtif baiser avant de tourner de nouveau ses yeux verts vers Paneb et Sénènmout.

- « Maintenant qu'on sait tout ça, comment est-ce qu'on va faire pour rentrer chez nous ? » demanda-t-il aux deux hommes, tout en gardant les doigts de Ladybug précieusement serrés entre les siens. « Vous connaissez une façon d'inverser le sort ? »

- « C'est la partie... épineuse du problème », répliqua précautionneusement le Grand Gardien.

- « Je ne vois pas ce qui pourrait être plus épineux qu'être coincés des millénaires dans le passé, dans un pays qui n'est même pas le sien », maugréa machinalement Ladybug, avant de se mettre à rougir quand le regard perçant du Grand Prêtre de Bastet se posa sur elle.

- « Sachez tout d'abord que la solution que j'envisage n'offre absolument aucune garantie, bien au contraire », poursuivit ce dernier, décidant manifestement d'ignorer l'intervention de l'héroïne. « Ce que je vous propose risque d'être extrêmement risqué.

Chat Noir et Ladybug se consultèrent rapidement du regard, avant de hocher fermement la tête.

Tous deux se connaissaient à présent si bien qu'ils n'avaient guère besoin de mots pour savoir ce qu'ils pensaient en cet instant présent. Quels que soient les risques, ils avaient parfaitement conscience qu'ils n'avaient pas grand-chose à perdre, tout comme ils savaient pertinemment qu'ils ne pouvaient ignorer la moindre chance de regagner enfin leurs foyers.

La décision était facile à prendre.

- « Nous sommes d'accord », répondit Ladybug d'une voix assurée. « Que faut-il faire ? »

Un léger sourire éclaira les traits acérés de Sénènmout, qui inclina machinalement la tête en direction de ce qui devait être le cœur du temple.

- « Il va falloir implorer l'aide des Dieux. »







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Note



Youpi, voici enfin le chapitre 9 et plus d'explications sur la présence de Chat Noir et Ladybug en Egypte Antique. Je m'amuse à tricoter ensemble l'épisode de miraculous sur Pharaon, ma petite histoire et la grande Histoire, j'espère que ça vous plait

Pour information, le nom de « Khepp » est directement inspiré de « Khépri », une entité de la mythologie égyptienne représentée par un homme à tête de scarabée ;)

Sinon, dans un autre registre, en ce moment j'ai certains impératifs côté vie privée qui me prennent pas mal de temps. Du coup je m'en excuse d'avance mais ne vous étonnez pas si je mets un temps monstrueux à répondre à vos messages, et il est également possible que mon rythme de publication ralentisse dans les prochaines semaines (même si j'essayerai de faire au mieux ! ).

Merci de m'avoir lue et à la prochaine ! 

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