Chapitre 8
La réaction des deux héros fut immédiate.
- « Le Grand Gardien ? », s'exclamèrent-ils aussitôt, les yeux brillant d'un nouvel espoir.
- « Oui », approuva sentencieusement Paneb. « C'est à la fois le chef de notre ordre, et le Grand Prêtre de Bastet. Mes connaissances sont très limitées par rapport aux siennes, surtout en ce qui concerne les miraculous autres que la bague du Chat Noir. Je ne vois pas qui serait mieux placé pour vous venir en aide. »
- « Et est-ce qu'on peut aller le voir tout de suite ? » demanda Ladybug avec un enthousiasme non dissimulé, tandis qu'à ses côtés, Chat Noir hochait vigoureusement la tête pour marquer son approbation.
Un sourire contrit se dessina sur le visage de Paneb, qui expliqua ensuite aux adolescents qu'ils allaient hélas devoir s'armer de patience.
En ces temps troublés de réforme religieuse, son supérieur hiérarchique croulait sous de nouvelles obligations. En tant que Grand Prêtre de Bastet, il avait pris la lourde décision de s'absenter de son temple afin d'aller plaider la cause de son culte auprès du Pharaon en personne.
Malheureusement pour les deux jeunes héros, le grand Akhenaton et sa cour avaient quitté Thèbes quelques années auparavant, et résidaient à présent dans la cité d'Akhetaton. Cette nouvelle capitale était située à plusieurs jours de voyage, rendant ainsi le Grand Gardien impossible à rencontrer dans l'immédiat.
En entendant ces contrariantes nouvelles, Chat Noir et Ladybug échangèrent un regard consterné.
Tout aussi pressés qu'ils soient de regagner leur époque, l'idée de devoir voyager dans cette Egypte des temps anciens les glaçaient d'appréhension, d'autant qu'ils n'avaient aucune garantie de pouvoir localiser le Grand Gardien avant que celui-ci n'entame son trajet de retour.
Ne manquant pas de noter le trouble des jeunes héros, Paneb leva une main apaisante. Le plus simple pour eux, leur suggéra-t-il, serait certainement d'attendre que le Grand Gardien revienne à Thèbes. De plus, si les deux héros le souhaitaient, ils seraient les bienvenus pour loger au temple en attendant.
Après une rapide concertation, Ladybug et Chat Noir remercièrent chaleureusement Paneb, mais déclinèrent néanmoins sa généreuse proposition. La jeune héroïne se sentait plus à l'aise à l'idée de résider dans la désormais familière chambre de son alter-ego du passé, et les deux adolescents préféraient éviter d'avoir à se séparer.
Tous deux s'installeraient donc chez la jeune fille, en attendant que Paneb ne dépêche un messager pour les prévenir du retour du Grand Gardien.
La conversation se poursuivit encore quelques instants, après quoi Chat Noir et Ladybug prirent finalement congé de Paneb. Ce dernier leur fit promettre de revenir le voir s'ils rencontraient le moindre problème, puis les salua une dernière fois avant de disparaitre dans les entrailles du temple.
- « Bon, les choses avancent lentement, mais elles avancent », soupira Ladybug, tandis que les deux héros s'éloignaient de l'édifice.
- « Oui, même si j'espérais qu'on aurait tout de suite une solution pour nous permettre de rentrer chez nous », répondit Chat Noir, d'un ton où l'espoir se mêlait à une pointe de déception qui n'échappa pas à sa partenaire. « Mais j'imagine qu'on peut déjà s'estimer heureux d'avoir une autre piste. »
- « Le Grand Gardien, ce n'est tout de même pas rien », rétorqua sa coéquipière avec un encourageant sourire, tout en lui donnant une réconfortante tape sur l'épaule. « On peut difficilement faire mieux comme allié ! »
- « Je suis d'accord avec toi », répliqua le jeune héros, avant de lancer un espiègle clin d'œil à sa partenaire. « C'est une chat-cré chance ! »
Ladybug tressaillit un instant de surprise, avant de tendre de nouveau la main vers Chat Noir. S'attendant à recevoir une pichenette sur le sommet du crâne, le jeune héros rentra théâtralement la tête dans les épaules.
Mais, à sa grande stupéfaction, sa coéquipière se contenta de passer affectueusement ses doigts dans ses blonds cheveux, avant d'éclater franchement de rire.
- « Décidément, tu ne changeras jamais », s'esclaffa-t-elle joyeusement.
Un lumineux sourire se dessina aussitôt sur les traits de Chat Noir, tandis que ses yeux verts se mettaient à pétiller de satisfaction.
- « Pour les jeux de mots ? », répondit-il malicieusement. « Aucune chance, ma Lady ! »
Durant les jours qui suivirent, une confortable routine s'installa entre les deux adolescents.
La chambre de Ladybug était devenue leur refuge, après que Chat Noir se soit maintes fois assuré auprès de sa Lady que sa présence ne la dérangeait pas. Les deux héros y dormaient sous leurs héroïques apparences et se détransformaient le matin venu pour permettre à leurs kwamis de reprendre des forces, tout comme ils l'avaient fait durant leurs premiers moments passés ensemble.
La situation aisée de l'antique alter-ego de Ladybug leur évitait d'avoir à se soucier de leurs besoins matériels, leur laissant plus de temps libre qu'ils ne savaient quoi en faire. Parfois, ils profitaient de ces instants de liberté pour bavarder dans leur chambre, s'installant dos à dos pour permettre à leur kwamis de se joindre à la discussion. A d'autres moments, ils préféraient se lancer à la découverte de Thèbes, que ce soit en se baladant dans les ruelles ou en bondissant de toit en toit. Enfin, quand le sommeil les fuyait et qu'une nuit d'encre était tombée sur la ville, il leur arrivait d'abandonner leur refuge pour se balader discrètement dans les splendides jardins qui entouraient manoir de la Ladybug des temps anciens.
Dans l'ensemble, ces journées passées en Egypte antique étaient plus que paisibles.
Seules les promenades qu'effectuaient les deux adolescents dans les rues de Thèbes amenaient un semblant d'animation dans leur tranquille quotidien.
Afin de conserver le secret de leurs identités respectives, Chat Noir et Ladybug se voyaient en effet contraints de sortir sous leurs héroïques apparences, et passaient ainsi rarement inaperçus auprès de la population locale. Ce surcroit d'attention se vérifiait particulièrement pour Chat Noir, à qui la divine reconnaissance que Bastet accordait à son prédécesseur valait d'innombrables manifestations de sympathie.
Ainsi, alors que les adolescents progressaient à travers les ruelles du quartier marchand qu'ils avaient choisi d'explorer ce jour-ci, un homme qui croisait leur route les interpella pour clamer son admiration pour Chat Noir.
- « Et bien, Paneb ne mentait pas en disant que ton alter-ego était populaire ! », remarqua Ladybug avec un petit rire amusé, comptant mentalement le nombre de fois où des rencontres de ce type leur était arrivées depuis le début de cette belle matinée.
Les personnes s'enthousiasmant pour les exploits du Chat Noir du passé semblaient être légion, ce qui ne cessait de faire sourire la jeune fille.
A leur époque, bien que Chat Noir jouisse d'une indéniable popularité, c'était bien souvent Ladybug qui remportait l'adhésion générale. Paris tout entier s'était entiché de la courageuse héroïne et, à la grande contrariété de la principale intéressée, Ladybug était généralement considérée comme le principal élément du célèbre duo qu'elle formait avec Chat Noir.
L'adolescente savait que son partenaire n'en prenait pas ombrage, d'autant qu'il était le premier à clamer qu'elle méritait une large partie des honneurs. Elle n'en trouvait pas moins profondément injuste qu'il ne soit pas estimé comme étant son strict égal et considérait comme un juste retour des choses qu'il profite à présent d'une telle ferveur populaire.
- « Tu as l'air très connu ici », nota pensivement Ladybug, alors qu'un nouvel admirateur de Chat Noir le saluait avec une visible émotion. « C'est presque étrange que personne n'est remarqué que leur héros n'est plus tout à fait le même qu'avant. »
- « C'est sûrement une question de charisme », répliqua malicieusement Chat Noir, qui releva théâtralement le menton tout en se passant les doigts dans les cheveux. « On doit avoir le même charme magnétique. »
- « Ce n'est pas tout à fait le terme que j'aurais employé, chaton », pouffa aussitôt sa coéquipière.
Un espiègle sourire aux lèvres, Chat Noir inclina légèrement la tête en direction de la jeune fille.
- « Mon charme hypnotisant ? Ensorcelant ? Dévastateur ? », continua-t-il avec un scandaleux manque de modestie, tout en avançant d'un pas dansant aux côtés de sa partenaire.
- « J'aurais plutôt dit ex-chat-spérant », rétorqua Ladybug en levant les yeux au ciel.
Chat Noir se figea aussitôt, yeux exorbités et bouche ouverte. Il n'aurait probablement pas paru plus sonné si une demi-douzaine de brique lui étaient tombées sur le sommet du crâne, et il lui fallut plusieurs bonnes secondes pour retrouver ses esprits.
Ignorant royalement la stupéfaction qui paralysait son partenaire, Ladybug poursuivit sa route, se plongeant soudain dans la fascinante contemplation de l'étal d'un marchand.
- « E-Ex-chat-spérant ? Exaspérant ? », balbutia enfin Chat Noir, sortant de sa torpeur hébétée pour rattraper sa partenaire d'un pas vif. « Un jeu de mots ? Ma Lady ? Tu as fait un jeu de mots ? »
- « Non, j'ai tricoté des moufles », rétorqua malicieusement la jeune fille, tout en pivotant sur ses talons pour faire face au jeune homme.
- « C'était un JEU DE MOTS », s'exclama Chat Noir, l'air aussi heureux, choqué et ému que si Ladybug venait de lui demander sa main. « Tu. As. Fait. Un. Jeu. De. Mots. Je n'arrive pas à y croire ! »
- « Et un mauvais, en plus », confirma sa coéquipière avec un large sourire. « Courage, chaton », conclu-t-elle en lui donnant une affectueuse tape sur la joue. « Tu vas t'en remettre. »
- « Jamais, ma Lady », rétorqua Chat Noir en posant théâtralement ses mains sur son cœur. « C'est le plus beau jour de ma vie ! »
Ladybug éclata d'un cristallin rire, puis glissa familièrement son bras sous le sien pour l'encourager à poursuivre leur petite promenade.
Encore quelques semaines auparavant, jamais la jeune fille n'aurait été à l'initiative d'un geste tel que celui de saisir affectueusement son coéquipier par le coude. Au contraire, elle aurait gardé une distance rigoureusement professionnelle et aurait fui le moindre contact physique qui n'aurait pas été dictée par les impératifs du combat.
Cependant, au fil des jours, les deux adolescents étaient devenus coutumiers de ces manifestations d'amitié tactile, trouvant dans cette proximité physique un indéniable réconfort.
Bien qu'ils tentent généralement de faire bonne figure, Chat Noir et Ladybug ne pouvaient nier que la crainte de rester piégés dans cette Egypte des temps anciens se faisait chaque jour plus vivace, les torturant comme une brûlure qui les rongerait de l'intérieur.
Leur ville, leurs amis et leurs familles leur manquaient un peu plus à chaque instant.
Pour apaiser cette terrifiante détresse qui ne demandait qu'à les engloutir, les deux adolescents pouvaient heureusement compter sur le soutien qu'ils s'apportaient l'un à l'autre. Ils étaient déjà proches auparavant, mais cette épreuve n'avait fait que resserrer les profonds liens qui les unissaient.
Ils se découvraient l'un l'autre, s'encourageaient, se réconfortaient, devenant au fil des jours si inséparables que la présence de leur partenaire leur était devenue aussi vitale que l'oxygène qu'ils respiraient.
Au cours de la soirée qui suivit cette journée passée à explorer l'un des quartiers marchands de la ville, Ladybug insista brusquement pour préparer leur repas. Abandonnant Chat Noir dans leur chambre, elle descendit aux cuisines d'un pas vif, avec une idée bien précise en tête.
- « Alors voyons... », murmura-t-elle en déambulant parmi des serviteurs effarés, à la recherche des divers ingrédients dont elle avait besoin.
Dans un élan de nostalgie, la jeune fille avait décidé de se lancer dans la confection d'une pizza.
Cela pouvait sembler parfaitement absurde, mais elle ressentait parfois ce genre d'incontrôlable pulsion. Une envie, un besoin de renouer avec quelque chose qui soit de son époque. Tout ça pour avoir l'illusion, ne serait serait-ce que pendant une brève fraction de seconde, qu'au moins un élément de sa délirante situation était enfin normal.
Pour cette fois, Ladybug allait naturellement devoir composer avec les moyens du bord pour mener à bien son projet. Manifestement, les égyptiens ne connaissaient guère les tomates, et le seul fromage sur lequel elle réussit à mettre la main tenait plus de la feta que du traditionnel emmental. Elle réussit néanmoins à trouver de la viande de porc, ainsi qu'un four à pain de taille plus qu'honorable.
Après de longues minutes de dur labeur, le résultat de des efforts de Ladybug s'avéra n'être probablement qu'une version très alternative des pizzas qui faisaient d'ordinaire son bonheur. L'ensemble restait néanmoins plus qu'acceptable, et lorsqu'elle regagna sa chambre, le visage joyeusement surpris de Chat Noir lui confirma que son absurde impulsion avait été une excellente idée.
- « Ma Lady, je pense que je ne te répète pas assez à quel point tu es merveilleuse », s'exclama-t-il joyeusement, tout en s'emparant avec avidité d'une part de sa presque-pizza. « C'est exactement ce dont j'avais envie ! »
- « Ravie que ça te plaise », approuva-t-elle avec un petit rire, avant de se servir à son tour.
Ce plat d'un autre temps à présent achevé, les deux adolescents avaient trouvé refuge sur la large terrasse qui bordait leur chambre.
La nuit était tombée plusieurs heures auparavant, et le ciel d'obsidienne était moucheté d'une infinité d'étoiles qui scintillaient doucement au-dessus des jeunes héros.
Ladybug et Chat Noir s'étaient assis à même le sol, dos appuyés contre le mur, et mettaient un point final à leur repas en dégustant des figues à la chair tendre et sucrée. Le confortable silence qui régnait entre eux n'était troublé que par les bruits étouffés de la ville, qui sombrait lentement dans un paisible sommeil.
Une fois son dessert terminé, Ladybug se pencha légèrement sur le côté pour appuyer sa tête contre l'épaule de Chat Noir, avant de fermer les yeux pour savourer ce moment de sérénité. Au bout de quelques instants, elle entendit le jeune homme se mettre à fredonner une chanson à voix basse. Elle pouvait sentir son torse vibrer doucement au rythme de cette mélodie qui lui semblait curieusement familière, et elle rouvrit lentement les paupières.
Machinalement, elle saisit la main de Chat Noir dans la sienne, comme elle l'avait déjà fait à maintes reprises depuis qu'ils avaient été envoyés dans cette Egypte d'un autre âge.
- « Jagged Stone ? » demanda-t-elle à voix basse, reconnaissant enfin l'une des rares balades du répertoire du célèbre rockeur.
- « Mmm », approuva Chat Noir, laissant doucement mourir la mélodie. « C'est mon chanteur préféré. »
- « C'est le mien aussi », répliqua Ladybug avec l'un de ces petits rires qui faisaient joyeusement pirouetter le cœur de son partenaire.
- « Tu as d'excellents goûts, ma Lady », approuva le jeune homme d'une voix rauque, avant de se mettre à fredonner une nouvelle chanson de leur artiste favori.
Fermant de nouveau les paupières, Ladybug se laissa un instant bercer par le doux timbre de son coéquipier.
Perdue dans cette Egypte d'un autre temps où les rumeurs de la ville se mêlaient à présent à du Jagged Stone, et où les odeurs de fleurs exotiques se superposaient au parfum de Chat Noir, la jeune fille se sentait étrangement déconnectée de la réalité.
Tandis que le héros continuait à chantonner doucement, Ladybug entrelaça délicatement ses doigts avec les siens.
Elle sentit Chat Noir tressaillir, sans qu'il n'interrompe sa mélodie pour autant. Cependant, il serra presque imperceptiblement la main de Ladybug dans la sienne, et l'adolescente eut l'impression que son cœur allait exploser dans sa poitrine.
Les choses étaient inexorablement en train de changer entre son coéquipier et elle.
Peut-être étaient-ce les hautes et moites températures d'Egypte.
Peut-être était-ce un inhabituel trop-plein d'oxygène qui faisait que le cerveau de la jeune héroïne ne fonctionnait plus correctement.
Ou peut-être était-il simplement temps pour Ladybug de s'avouer que cela faisait désormais des mois que son esprit semblait montrer ce genre d'écarts, et que les temps où elle souhaitait maintenir une relation strictement platonique avec Chat Noir étaient désormais révolus. La jeune fille savait qu'elle garderait probablement toujours une indéfectible tendresse pour Adrien, mais elle ne pouvait plus nier son fantasque coéquipier s'était indéniablement emparé de son cœur.
Chat Noir s'était à présent tu, laissant un calme silence s'installer entre les deux adolescents.
Le pouce du héros caressait doucement la main de Ladybug, qui pivota lentement sur elle-même. Sans lâcher un seul instant les doigts de Chat Noir, elle s'installa face à lui, son regard saphir rivé aux yeux d'émeraude du jeune homme.
- « Chaton... », murmura Ladybug d'une voix tremblante, avant de s'interrompre.
Les mots avaient du mal à franchir ses lèvres, tandis que sa gorge était soudain étranglée par une nuée d'émotions qu'elle aurait eu toutes les peines du monde à démêler.
- « Ma Lady... », répondit le jeune homme d'une voix aussi peu assurée que celle de sa partenaire.
Ladybug posa sa main libre sur la surface rugueuse de la terrasse, s'en servant comme d'un point d'appui pour se pencher lentement en avant. Centimètre par centimètre, elle avança son visage vers celui de Chat Noir, jusqu'à appuyer son front contre le sien.
La chaleur qui émanait des joues rougies de la jeune fille était si intense que Chat Noir pouvait la sentir malgré la faible distance qui les séparaient encore, et le jeune homme se senti lui-même s'empourprer comme jamais.
Tandis que son cœur battait à tout rompre, le héros n'osait pas plus respirer qu'esquisser le plus infime mouvement. Comme si le moindre geste, le moindre souffle risquait de faire disparaitre le précieux instant qui était en train de se dessiner devant lui.
Les yeux étincelant d'un indicible espoir, il gardait son regard rivé sur le visage de l'amour de sa vie. Sa partenaire tenait son cœur entre ses mains, et quoi qu'elle veuille, quoi qu'elle décide de faire, il la suivrait sans hésiter.
Elle n'avait qu'un mot à dire. Qu'un geste à esquisser.
Au bout de ce qui parut être une éternité à Chat Noir, Ladybug lâcha un enfin léger soupir, dont le souffle chaud et humide vint aussitôt caresser la bouche entrouverte du jeune homme.
L'adolescente bougea légèrement, et les nez des deux héros se frôlèrent.
Chat Noir déglutit péniblement, totalement captivé par l'héroïne qui se tenait à quelques centimètres de lui à peine.
Elle était forte, belle, intelligente.
Tout l'univers du héros tournait autour de cette fascinante jeune fille, et Chat Noir aurait pu jurer en cet instant que toutes les étoiles du ciel n'auraient pas pu briller avec autant d'intensité que ses yeux bleus.
- « J-Je voulais te demander... », chuchota finalement Ladybug d'une voix presque rauque, qui fit frissonner Chat Noir d'émotion. « E-Est-ce... Est-ce que je peux t-te... »
La jeune fille s'interrompit, et son regard s'attarda un instant sur les lèvres de son coéquipier.
Juste le temps le temps d'allumer un violent et incontrôlable brasier dans la poitrine de Chat Noir.
- « Oui », réussi à articuler le héros. « Mille fois oui. »
Les pupilles de Ladybug se dilatèrent de surprise, avant que la jeune fille n'esquisse un tendre sourire.
- « Tu ne sais même pas ce que je voulais dire, chaton », répliqua-t-elle affectueusement.
- « Oui quand même », répondit l'adolescent d'une voix émue, tout en levant la main pour effleurer doucement la joue de sa coéquipière du bout des doigts.
- « Idiot de Chat », chuchota doucement Ladybug, si proche à présent que la tendre chair de sa bouche effleurera celle de son partenaire.
Fermant les paupières, la jeune fille effaça avec une infinie lenteur la minuscule distance qui séparait sa bouche de celle de Chat Noir, avant de poser délicatement ses lèvres sur les siennes.
Les deux héros restèrent un instant immobiles, tandis que le temps semblait soudain suspendu autour d'eux.
En cet fraction de seconde, Ladybug aurait pu jurer que tout avait soudainement disparu.
Plus rien n'existait. Le chaud vent d'Egypte qui balayait leur balcon, les rumeurs de la ville endormie, leurs peurs de ne plus jamais retrouver leur époque et leurs foyers, tout s'était brusquement évanoui.
L'adolescente n'avait plus conscience de rien, si ce n'était de la douce et chaude sensation des lèvres de Chat Noir pressées contre les siennes, du goût sucré des figues qui s'y attardait encore, et de l'enivrante odeur de la peau du jeune homme.
Le pouls de Ladybug était à présent si fort, si impérieux, que la jeune fille n'entendait plus rien d'autre que le martellement de son propre cœur dans ses tempes. Elle avait l'impression de se consumer de l'intérieur, comme si son corps était à présent incapable de contenir le raz-de -marrée de sentiments qui déferlaient en elle. Appréhension, avidité, triomphante allégresse et douce euphorie se mêlaient dans son esprit, occultant toute pensée cohérente.
Au milieu de ce brûlant chaos, seul surnageait un seul et unique fait.
Elle était enfin, enfin en train d'embrasser Chat Noir.
Et rien d'autre n'avait d'importance.
Tout aussi ensorcelé par ce baiser que sa partenaire, Chat Noir avait quant à lui gardé les yeux ouverts, refusant de perdre quoi que ce soit de cet instant dont il avait tant rêvé. Il pouvait respirer le doux parfum de Ladybug, entendre le bruit étouffé de sa respiration, sentir la tendre texture et le goût fruité de ses lèvres sous les siennes, mais il voulait aussi la voir.
Ses pupilles dilatées par l'émotions scrutaient avec intensité chaque tache de rousseur de Ladybug, chaque cil, chaque surface de peau rougie tandis, que son cerveau tentait fiévreusement d'imprimer chaque facette de ce merveilleux instant dans sa mémoire.
Perdu dans sa contemplation autant que dans cette amoureuse étreinte, Chat Noir ne songeait même plus à respirer, ignorant l'appel désespéré de ses poumons pour profiter un instant de plus de la douceur des lèvres de Ladybug.
Tout ceci lui semblait tellement irréel que le jeune héros avait encore du mal à croire que ses sens ne lui jouaient pas des tours.
Ce premier baiser qu'il échangeait enfin avec l'amour de sa vie avait lieu des milliers d'années avant leurs naissances, des dizaines de siècles avant leur première rencontre. C'était fou, incroyable, et prodigieusement, extraordinairement, parfaitement merveilleux.
Au bout d'un instant qui leur sembla à la fois aussi long qu'une éternité entière et aussi fugace qu'un battement de cœur, les adolescents s'écartèrent enfin l'un de l'autre. Le souffle court, les joues rougies et les yeux brillants, les deux héros de Paris échangèrent un regard chargé d'une émotion difficilement contenue.
- « Hey », souffla Chat Noir, tandis qu'un sourire de bonheur incrédule illuminait son visage.
- « Hey », répondit Ladybug d'une voix tremblante.
Se sentant incapable de prononcer la moindre parole supplémentaire, l'héroïne effleura doucement la joue de Chat Noir du bout des doigts, avant de se pencher en avant pour déposer un nouveau et tendre baiser sur les lèvres du jeune homme.
Le premier d'une longue et miraculeuse série.
Le lendemain, les deux héros restèrent réfugiés dans leur chambre durant une très large partie de la journée.
Le matin même, ils s'étaient réveillés avec l'appréhension de ceux qui craignent que leurs enchanteurs souvenirs n'aient été qu'un fugitif rêve, avant de réaliser avec bonheur que leurs envoûtants échanges de la veille n'avaient rien d'irréel. Peinant toujours à y croire, ils étaient restés pelotonnés dans les bras l'un de l'autre durant de longues heures, à échanger d'amoureuses paroles et de doux baisers.
Ce n'est que quand les accablantes chaleurs de l'après-midi commencèrent à se dissiper que ces intimes instants à appréhender leur nouvelle relation furent finalement interrompu.
Un serviteur de la Ladybug des temps passés frappa sèchement à la porte des adolescents, avant d'annoncer à la jeune fille qu'un messager demandait à la voir. Il ne fallut qu'une fraction de seconde aux deux héros pour reprendre brutalement contact avec la réalité, et pour se ruer à la rencontre de leur visiteur.
Les adolescents rejoignirent les portes de la vaste demeure, où les attendait un garçon d'une dizaine d'années. Apercevant Chat Noir et Ladybug, il se fendit d'une respectueuse courbette, tandis que ses lèvres s'étiraient d'un sourire édenté.
- « Bonjour ! », s'exclama-t-il avec enthousiasme. « J'arrive du temple de Bastet. Je vous apporte un message de la part de Paneb. Il vous fait savoir que le Grand Prêtre est de retour à Thèbes, et qu'il vous attend. »
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