Chapitre 6
Plagg resta un instant muet de stupeur, avant de se mettre à hurler de rire.
- « Oh ! », s'exclama-t-il entre deux stridents gloussements, « C'est... C'est tellement... »
- « Tellement quoi ? », releva aussitôt Marinette, déconcertée par la réaction du kwami de son partenaire.
A la fois intriguée et quelque peu vexée, elle croisa les bras en un geste défensif tout en fronçant suspicieusement les sourcils.
- « J'ai quelque chose sur la figure ? », lança-t-elle avec méfiance, alors que le kwami redoublait d'éclats de rires.
- « C-C'est... Non, rien, rien du tout », répliqua Plagg, toujours hilare, alors que Tikki foudroyait son compère du regard.
Il écrasa une larme rieuse qui perlait au coin de ses yeux, avant de prendre de profondes inspirations pour tenter de retrouver son calme. Il essayait manifestement de faire de son mieux pour adresser un chaleureux sourire à Marinette, mais son visage se tordait de comique façon sous l'effet de son irrépressible fou-rire.
- « Ne t'inquiète pas », reprit-il en hoquetant péniblement. Enchanté de te rencontrer, je suis Plagg. »
- « Enchantée moi aussi...», répondit la jeune héroïne, toujours légèrement troublée par l'étrange attitude du kwami de Chat Noir. « Enfin, je crois ? »
- « Ne t'en fais pas, Plagg a toujours été un peu bizarre », renchérit Tikki en se frottant doucement contre la pommette de Marinette.
En réponse, Plagg laissa échapper un « Humpf » scandalisé, que Tikki choisit d'ignorer royalement pour voleter du côté d'Adrien.
Contrairement à Plagg, elle ne manifesta aucune surprise en croisant le regard inquiet du héros, qui se demandait avec curiosité quelle pouvait bien être la cause de l'hilarité de son kwami. Un timide sourire éclaira le visage du blond jeune homme à la vue du petit être rouge qui le dévisageait avec une visible bienveillance.
- « Bonjour Chat Noir ! », lui lança joyeusement le kwami de sa partenaire, avant de déposer un léger baiser sur sa joue. « Je suis le kwami de Ladybug et je m'appelle Tikki. C'est un plaisir de faire enfin ta connaissance. »
- « B-Bonjour Tikki », balbutia l'adolescent, surprit par ce chaleureux accueil qui le changeait drastiquement des éternels bougonnements de Plagg.
Puis, reprenant rapidement ses esprits, il adressa cette fois le plus solaire des sourires à la minuscule créature qui lui faisait face.
- « Je suis enchanté de te rencontrer », lui dit-il avec une profonde sincérité.
- « Oh, merci ! », s'enthousiasma Tikki, virevoltant dans les airs pour marquer son approbation. « C'est très gentil à toi ! »
- « Bon, et si on revenait à nos affaires », les interrompit brusquement Plagg, croisant les bras pour marquer son impatience. « Tu es enchantée, il est enchanté, nous sommes tous enchantés, mais ça ne nous aidera pas à regagner notre époque ! »
- « Je ne suis pas sûre d'être vraiment enchantée », marmonna Marinette en jetant un regard incisif au kwami de Chat Noir.
Ce dernier, décidant de passer outre la remarque de l'héroïne, se percha sur l'extrémité du lit qui faisait face à la jeune fille.
- « Reprenons », commença-t-il d'un ton supérieur. « Quelque chose nous a envoyé à la fois dans le passé et en Egypte, et maintenant, il faut retrouver le moyen de rentrer chez nous. Tikki », lança-t-il soudain, « Est-ce que tu as le moindre souvenir de cette époque ? »
- « Malheureusement non », répondit le kwami rouge en secouant tristement la tête. « C'est comme si ma mémoire avait été scellée. »
- « Humpf... », soupira Plagg en plissant les yeux d'un air contrarié. « Même chose pour moi. »
A ces mots, le cœur de Marinette se serra dans sa poitrine.
Avec l'étrange amnésie qui avait frappé son kwami, retrouver le Chat Noir du passé avait été jusque-là sa seule piste sérieuse pour chercher un moyen de se sortir du terrible piège dans lequel elle était emprisonnée. Et si elle avait été infiniment soulagée de retrouver son coéquipier en lieu et place de son alter-ego des temps anciens, la présence de son Chat Noir signifiait qu'elle se trouvait privée de tout allié ayant une connaissance de cette époque.
Elle avait alors espéré que, contrairement à Tikki, Plagg aurait quant à lui des souvenirs de ces temps immémoriaux. Mais les mots du sombre kwami avaient sonné le glas de ce vœu pieux, et à présent, la jeune fille se trouvait désespérément à court de plans.
Combien de temps allaient-ils donc rester prisonniers ici ?, se demanda-t-elle avec une croissante détresse.
Loin de leur ville, de leur époque, et loin des leurs.
- « Donc... On n'a... On n'a aucune idée de comment on pourrait faire pour s'en sortir ? Ou au moins, de qui pourrait nous aider ici ? », balbutia l'héroïne d'une voix blanche, qui brisa le cœur de Chat Noir.
D'ordinaire, Ladybug était l'optimisme incarné. La personnification même de la combativité et de l'espoir.
Jamais elle ne manquait d'idées ou d'astuces, et son inébranlable volonté leur permettait de se tirer brillamment de toutes les périlleuses situations qu'ils rencontraient. Le jeune homme était habitué à ce qu'elle ne laisse jamais transparaitre la moindre faiblesse.
Là, c'était bien la première fois qu'il entendait un tel abattement dans sa voix.
Tendant aveuglément la main vers celle de sa Lady, Adrien saisit ses doigts dans les siens avant d'y imprimer une légère pression. Aussitôt, il sentit son visage s'empourprer. Il réalisait soudain que, s'il avait déjà eu maintes occasions de saisir sa partenaire par le bras, l'épaule ou quoi que ce soit qui lui permette de la mettre hors de portée d'un coup, c'était en revanche la première fois qu'il touchait directement sa peau. La main de Ladybug était bien plus petite que la sienne, chaude, et infiniment, infiniment plus douce que ce qu'il n'aurait jamais cru.
Le cœur d'Adrien bondissait d'allégresse autant que de nervosité.
Cependant, si le geste de l'adolescent était tendre, il n'avait pour une fois rien d'amoureux. C'était une manifestation d'affectueux réconfort, de profond soutien, qui tentait de faire comprendre à la jeune fille que son partenaire serait toujours là pour elle
Le message sembla passer, et Adrien sentit la main de sa Lady serrer la sienne en retour. Un sourire de soulagement se dessina sur les lèvres du garçon, qui laissa ensuite échapper une quinte de toux pour s'éclaircir machinalement la voix.
- « En fait », commença-t-il en exerçant de nouveau une douce pression sur les doigts de Ladybug, « J'ai rencontré quelqu'un qui pourrait nous être utile. »
En entendant les paroles de son coéquipier, l'adolescente sursauta violement de surprise, arrachant sans le vouloir ses doigts à ceux du jeune homme.
L'étonnement de Marinette était tel que, par un malencontreux reflexe, elle manqua de peu de se retourner en direction de Chat Noir. Le cœur battant à tout rompre, elle réussit à interrompre au dernier instant la dangereuse rotation que commençait à effectuer sa tête, son regard stupéfait saisissant à peine quelques mèches dorées avant de se fixer de nouveau droit devant elle.
- « Ma Lady ? », lança aussitôt Adrien, à qui la vive réaction de sa coéquipière n'avait pas échappé un instant.
Il sentit de nouveaux changements de pression sur le matelas alors que la jeune fille se replaçait dans sa position initiale, puis la voix de sa partenaire s'éleva de nouveau.
- « Mais que... Mais comment ? », demanda-t-elle d'une voix stupéfaite.
- « Oh, et bien, c'est tout bête, », commença nerveusement Adrien, tout en passant machinalement sa main derrière sa tête pour se gratter la nuque.
Ce faisant, il effleura sans le vouloir quelques soyeuses mèches de cheveux de sa coéquipière, qui tressaillit de nouveau à ce contact imprévu. Surpris, Adrien retira vivement ses doigts, tandis qu'une vive onde de chaleur gagnait soudain ses joues.
L'espace d'un instant, il avait presque oublié à quel point elle était proche de lui.
Une dizaine de centimètre, à peine.
- « J-Je... J-Je... En f-fait », balbutia-t-il péniblement, alors que son cœur se mettait à bondir de plus belle dans sa cage thoracique.
Fermant les yeux, Adrien prit une profonde inspiration, avant de rouvrir lentement les paupières une fois qu'il eut retrouvé son calme.
- « J-Je... Je ne sais pas comment s'est passée pour ton arrivée ici », reprit-il enfin, « S'il y a des gens qui se sont rendue compte que la Ladybug de cette époque n'était plus la même. Mais de mon côté j'ai été démasqué presque tout de suite. »
Marinette laissa échapper un hoquet effrayé, tout sursautant une fois de plus – décidément, ses nerfs allaient avoir raison d'elle avant la fin de la soirée, songea-t-elle avec désespoir. Résistant à l'envie de se retourner pour jeter un regard interrogateur à Chat Noir, elle crispa furieusement ses poings autour de ses genoux.
- « Démasqué ? », répéta-t-elle dans un souffle. « Comment ça ? »
- « Quand je me suis retrouvé ici », répondit son partenaire avec un sourire contrit, « j'étais dans un recoin d'un temple. J'ai pu me détransformer et y passer tranquillement la nuit. Mais ce matin, quand je me suis retransformé et que j'ai voulu sortir pour explorer les environs, j'ai croisé un vieux prêtre. Il m'a regardé, il a froncé les sourcils, et il m'a tout de suite dit quelque chose comme 'Je te salue, toi qui a pris la place de mon apprenti' ».
- « Mais, tu es sûr qu'il sait ?», répliqua Marinette avec un scepticisme manifeste. « Si ça se trouve », poursuivit-elle en agitant machinalement la main, « le Chat Noir de cette époque est un garçon qui repris le travail de son apprenti précédent, ou quelque chose comme ça. »
- « Non, il sait », intervint Plagg d'un ton bourru. « Truc de prêtre, je suppose. Il a tout de suite compris qu'A-... Que CHAT NOIR n'était pas de cette époque », se reprit-il précipitamment, tandis que par-dessus l'épaule de Marinette, Tikki lui jetait un regard courroucé.
Alors que le petit kwami rouge secouait la tête d'un air navré, Plagg laissa échapper un reniflement indigné signifiant qu'il n'avait guère eu besoin de son avertissement pour se reprendre.
- « Donc, tu disais qu'il pourrait nous aider ? », reprit Marinette, ignorant les muets échanges que partageaient les deux kwamis.
- « C'est ce qu'il prétend », répliqua son coéquipier avec un léger soupir. « Et sincèrement, je n'ai pas de meilleure piste pour l'instant. »
- « Et ce prêtre, est-ce qu'il t'a dit comment il comptait faire ? » l'interrogea Tikki, devançant sans le vouloir la question qui brûlait les lèvres de la jeune héroïne de Paris.
Les yeux du kwami de Ladybug étincelaient d'espoir, mais Adrien ne put lui répondre que d'un regard d'excuse.
- « Non », lâcha-t-il en secouant doucement la tête. « Il était attendu quelque part et il m'a demandé de revenir le voir demain pour en parler. Je ne sais pas ce qu'il se passe au temple », reprit-il d'une voix où Marinette cru déceler une légère inquiétude, « mais l'atmosphère était très... tendue. »
Poussant un soupir alors qu'il tentait de mettre des mots sur ce qui n'était pour l'instant que de furtives impressions, Adrien se passa machinalement la main sur le visage.
- « Je ne sais pas trop comment expliquer ça », reprit-il en choisissant soigneusement ses paroles. « Beaucoup de gens avaient l'air inquiets. Nerveux. Il y avait énormément d'activité, mais je n'ai pas l'impression que c'était pour quelque chose d'habituel. Tout le monde était vraiment très, très fébrile. J'ai cru comprendre que les prêtres devaient se réunir en urgence aujourd'hui -ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle celui qui m'a démasqué n'a pas pu me parler plus longtemps », conclut-il enfin. « Mais je n'en sais pas plus. »
- « Et de toute façon, on s'en fiche », lança Plagg en levant les yeux au ciel, dans un geste qui rappelait tellement les manifestations d'exaspération de Ladybug que Tikki ne put retenir un léger rire.
Le noir kwami lui jeta un regard courroucé, avant d'abandonner son perchoir pour voleter en direction de Marinette. S'installant sans la moindre gêne sur l'une de ses épaules laiteuses, il poursuivit sa tirade.
- « Leurs problèmes ne nous concernent pas », poursuivit-il d'un ton qui ne souffrait pas la moindre réplique.
- « Et si justement ça nous concernait ? », lui demanda fébrilement Marinette, sans oser tourner la tête vers Plagg de peur d'entrapercevoir le visage de son coéquipier. « Si jamais toute cette agitation était à cause de nous ? Et si on avait raté une occasion d'en savoir plus sur notre raison de notre présence ici, et que- »
- « Alors on ne serait certainement pas ici à en discuter, mais là-bas avec eux », la coupa Plagg avec suffisance. « Ils ne nous auraient pas laissé filer comme ça. »
Alors que Marinette ouvrait la bouche pour demander au kwami noir comment il pouvait être certain d'un tel fait, ce dernier se tourna vers elle pour lui tapoter doucement la joue. En débit de son insociabilité légendaire, peut-être avait-il noté la détresse de la jeune fille, car son geste se voulait curieusement apaisant.
- « Notre seul objectif, c'est de regagner notre époque », reprit-il avec un rassurant stoïcisme. « Si ce prêtre peut nous aider, tant mieux. Si non, on trouvera un autre moyen, et tant pis pour ce qu'il se passe au temple. Sans compter que si jamais il y a vraiment besoin d'intervenir, les Chat Noir et Ladybug du passé pourront très bien s'en occuper une fois qu'on sera partis. C'est leur rôle, après tout. Et nous, on ne peut pas se permettre de se disperser. »
Les deux adolescents restèrent un instant silencieux, méditant sur les paroles de Plagg. Pour tout aussi dures qu'elles soient, elles n'en étaient pas moins pleines de bon sens. Ce temps et ces lieux n'étaient pas les leurs, et ils devaient consacrer toute leur énergie à tenter de retourner chez eux.
- « Donc notre prochaine étape, c'est d'aller voir ce prêtre ! », pépia Tikki d'une voix encourageante. « Allons, courage », lança-t-elle avec un optimisme que lui enviaient Adrien et Marinette. « Je suis certaine qu'on va trouver le moyen de rentrer chez nous ! »
La jeune héroïne se mordit pensivement la lèvre inférieure.
Sa minuscule amie avait raison.
- « Tu es d'accord je t'accompagne ? », lança enfin Marinette à son coéquipier. « Je pense que c'est mieux si on reste ensemble. »
Adrien hocha machinalement la tête, avant de se rappeler soudain que sa partenaire ne pouvait pas voir son visage.
- « Je serais ravi que tu m'honores de ta présence, ma Lady », répondit-il malicieusement. « C'est toujours un plaisir de pouvoir être à tes côtés. »
- « Idiot de Chat », entendit-il murmurer sa partenaire en réponse à sa pompeuse déclaration.
Mais il y avait un indéniable sourire dans la voix de la jeune fille, et ce simple fait suffit à faire bondir d'allégresse le cœur d'Adrien.
Quelques minutes s'écoulèrent encore, avant que Plagg et Tikki n'abandonnent les porteurs de leurs miraculous pour partir à la découverte de la chambre dans laquelle ils avaient trouvé refuge.
Pendant ce temps, les deux adolescents se tenaient toujours assis dos à dos, en tailleur pour Adrien, et bras croisés autour des genoux pour Marinette. Ils bavardaient doucement, tout en suivant distraitement leurs kwamis du regard quand ces derniers passaient dans leur champ de vision.
La conversation était aussi légère qu'elle pouvait l'être en de pareilles circonstances, mais en dépit de leurs efforts, les jeunes héros n'arrivaient pas à se départir d'une certaine mélancolie. Voyager dans l'Ancienne Egypte aurait pu être excitant s'ils avaient eu la moindre garantie qu'ils pourraient un jour regagner leur époque. Mais malheureusement, c'était loin d'être le cas.
Cependant, le fait d'être ensemble avait un effet aussi indéniable que bénéfique sur leur moral.
Certes, ils étaient tous deux perdus, anxieux, et n'avaient pas la moindre idée de ce qu'ils allaient devenir. Mais leurs petites conversations maintenaient un semblant de normalité qui leur réchauffait profondément le cœur et les empêchait de sombrer dans le plus profond désespoir.
Marinette se pencha légèrement en arrière, jusqu'à ce que ses épaules entrent en contact avec celles de son partenaire. Elle ne put s'empêcher de sourire en le sentant tressaillir, avant qu'une légère accentuation de pression ne lui indique qu'il s'appuyait à son tour contre elle.
- « Je suis heureuse que tu sois là », lui confia-t-elle dans un souffle. « Qu'on soit tous les deux là. »
Le cœur battant à tout rompre, Adrien déglutit péniblement. Les fois où sa Lady initiait un contact physique étaient rarissimes, et jamais il n'avait eu une conscience aussi aiguë de ses omoplates.
Ou plus précisément, de la faible de surface de son dos qui était en contact avec celui de Ladybug.
- « Je suis content que tu sois là, ma Lady », répondit-il d'une voix que la nervosité rendait légèrement rauque. « Enfin, ce n'est pas comme si je te souhaitais te retrouver coincée des milliers d'années en arrière, mais, comment dire... »
Le jeune homme déglutit, cherchant péniblement ses mots pendant que sa coéquipière l'écoutait avec attention.
- « Je veux dire », reprit-il avec un instant de silence, « Par exemple, si j'avais dû choisir UNE personne avec qui je me serais retrouvé coincé sur une île déserte, c'est toi que j'aurais choisi. Pour le plaisir de ta compagnie, bien sûr », lança-t-il d'une voix malicieuse, avant de sourire quand son espiègle remarque fut récompensée par un éclat de rire étouffé. « Mais surtout parce que je sais qu'à nous deux, on arrivera toujours à s'en sortir. »
Adrien s'interrompit de nouveau, levant le regard au plafond. Les superbes fresques, les magnifiques entrelacs de peintures lui rappelaient à quel point il était loin de chez lui. A son époque, toutes ces merveilles n'étaient certainement plus que poussière.
- « Et ici », poursuivit-il enfin, « c'est un peu comme être coincé sur une île déserte. Mais en pire, parce qu'on ne peut même pas espérer attendre le passage d'un paquebot. On ne peut s'en sortir que par nous-même. Alors je suis soulagé que tu sois là », conclut-il avec une infinie tendresse.
Ladybug resta muette un long moment, au point qu'Adrien cru qu'elle allait laisser la conversation mourir ici. Mais au bout d'un instant, il l'entendit prendre une profonde inspiration.
- « Moi aussi », murmura-t-elle d'une voix à peine audible. « Je suis vraiment soulagée. Merci, chaton. »
Alors qu'un confortable silence s'installait entre les deux héros, l'ouïe d'Adrien captura soudain un furtif bâillement, péniblement étouffé par sa coéquipière. Manifestant soudain des velléités d'indépendance, les muscles de sa propre mâchoire décidèrent à leur tour d'imiter le contagieux geste de Ladybug, et le jeune homme réalisa tout à coup à quel point sa partenaire et lui avaient désespérément besoin de sommeil.
La journée avait été longue, éprouvante, et le lendemain promettait de l'être plus encore.
Ils devaient impérativement se reposer.
Adrien poussa un profond soupir, avant de passer nerveusement la main dans ses cheveux.
- « Je... Je devrais repartir... », articula-t-il d'une voix hésitante.
Marinette tressaillit légèrement.
En théorie, c'était une sage décision. Elle-même se sentait à présent à deux doigts de s'écrouler. Elle avait la tête lourde, ses yeux la picotaient, et ses paupières ne demandait qu'à se clore. Tout son corps hurlait de fatigue, la suppliant d'enfin dormir.
- « Oui, je suppose... », répondit finalement la jeune fille, avec tout autant d'indécision.
- « Je... », commença son coéquipier, avant de s'interrompre brusquement.
En entendant Chat Noir hésiter une fois de plus, la jeune héroïne se mordit nerveusement la joue.
Elle avait été si soulagée de retrouver enfin son partenaire qu'elle ressentait à présent un profond désarroi à l'idée qu'il allait devoir l'abandonner. A l'exception de Tikki, il était la seule personne qu'elle connaissait dans ce nouveau monde, et elle n'avait pas les mots pour dire à quel point le fait qu'il soit à ses côtés comptait pour elle. N'en déplaise à son propre orgueil, elle se raccrochait à la présence de son coéquipier comme un naufragé à une bouée de secours.
Et manifestement, Chat Noir avait tout aussi peu envie de quitter sa chambre qu'elle ne souhaitait le voir partir.
Soudain, les émotions de la jeune fille semblèrent prendre le contrôle de son corps et de son cerveau, la faisant agir avant même que sa raison n'ait quoi que ce soit à objecter.
- « Tu pourrais rester », s'entendit brusquement dire Ladybug.
- « Quoi ? », sursauta vivement Chat Noir.
Ses pupilles étaient dilatées de surprise, et il se demandait avec une sincère incrédulité si ses oreilles ne lui jouaient pas des tours.
- « O-Oui... », confirma sa partenaire, bredouillant péniblement à présent que son bon sens reprenait enfin le contrôle de ses cordes vocales. « Je... Le lit est suffisamment grand pour qu'on ait chacun notre côté », poursuivit-elle en rougissant, « Alors s-si tu veux... Si tu préfères... Tu peux rester... »
- « Oui ! », s'exclama Chat Noir d'une voix plus tendue -et plus aigüe- que ce qu'il n'aurait souhaité. « Enfin, j-je... « Oui, je préfèrerai », reprit-il avec chaleur. « Merci, ma Lady »
Après avoir obtenu l'assurance de la part de leur kami qu'ils ne quitteraient pas leurs héroïques apparences durant leur sommeil, les deux adolescents se transformèrent. Comme l'avait noté Ladybug, le lit était large, suffisamment pour qu'ils puissent se le partager sans se gêner ou manquer d'espace.
Il y eu encore un instant de flottement, tous deux étant aussi embarrassés l'un que l'autre face à l'idée de dormir en étant si proches. Puis, sous l'impulsion de Ladybug, les jeunes héros finirent par prendre place dans le lit.
Chat Noir et Ladybug s'installèrent chacun de part et d'autre du matelas, s'allongeant instinctivement sur le côté pour pouvoir se faire face. Ils avaient tous deux replié un de leurs bras au-dessous de leur-tête pour s'en servir comme d'un oreiller, et leurs yeux restaient pour l'instant rivés l'un à l'autre. La jeune héroïne n'avait laissé qu'une lampe à huile allumée, et dans la semi-pénombre qui régnait à présent dans la chambre, l'hypnotisant regard de son coéquipier étincelait d'une façon surnaturelle.
L'atmosphère était désormais d'un calme presque irréel.
Et malgré cela, Ladybug avait l'impression que sa poitrine allait exploser. Elle ne regrettait pas un instant d'avoir proposé à Chat Noir de rester, mais elle avait clairement sous-estimé l'impact qu'aurait une telle proximité sur son malheureux corps. Son cœur battait avec tant de force qu'elle sentait ses pulsations résonner jusque sous son crâne, et elle avait la sensation que chaque goulée d'air ne parvenait que très péniblement jusqu'à ses poumons.
Devinant peut-être sa nervosité, Chat Noir lui adressa un timide mais chaleureux sourire, et Ladybug sentit les commissures de ses lèvres s'incurver malgré elle vers le haut.
Peut-être son partenaire était-il tout aussi intimidé qu'elle, car il lui semblait percevoir une inhabituelle teinte de rouge sur les quelques centimètres carrés d'épiderme que dévoilaient le masque du jeune homme. Cette simple constatation suffit à apaiser Ladybug, et elle sentit les pulsations de son cœur reprendre peu à peu un rythme normal.
De longues et tranquilles minutes s'écoulèrent encore, avant que Chat Noir ne rompe brusquement le silence.
- « Ma Lady ? », demanda-t-il d'une voix hésitante.
- « Oui ? », répliqua-t-elle immédiatement.
Elle vit son partenaire ouvrir la bouche, pour la refermer presque aussitôt.
- « Non, oublie », se ravisa-t-il soudain. « Ce n'est pas grave. »
- « Chaton... », lui répondit-elle avec un encourageant sourire. « Si tu as quelque chose à me dire, n'hésite pas. »
- « Tu vas me trouver ridicule... », soupira son coéquipier, rechignant manifestement à aller jusqu'au bout de sa phrase.
- « Je suis à peu près certaine que tu auras déjà fait bien pire », répliqua la jeune fille en posant un tendre mais espiègle regard sur son partenaire. « Comme cette fois où tu es resté accroché par ta ceinture à l'antenne de la Tour Eiffel. Ou celle où tu as pris un artiste de rue pour un akuma et que tu lui as donné un coup de bâton... »
- « Je te remercie de me rappeler tous ces moments de gloire passée... », maugréa Chat Noir en levant les yeux au ciel d'une façon très ladybugesque.
Cependant, les commissures de ses lèvres s'incurvèrent légèrement vers le haut, trahissant le fait que le jeune homme était bien plus qu'amusé que contrarié par les remarques de sa coéquipière.
- « De rien, chaton », rétorqua Ladybug avec un malicieux sourire.
- « Ok, donc... », reprit laborieusement le jeune héros. « En fait, j-je... Tu n'es pas obligée si tu n'as pas envie, surtout pas, mais j-je... Je voulais savoir si tu voulais bien me donner la main ? Juste le temps qu'on s'endorme ? »
A son grand désarrois, Chat Noir se sentit douloureusement rougir. Aussitôt, il se mit à souhaiter de tout cœur que son masque recouvre suffisamment son visage pour dissimuler cette nouvelle teinte qui parait désormais ses joues.
- C-C'est... C'est idiot », reprit-il, « Mais je me sens vraiment très seul ici... La première nuit, Plagg a dormi sur moi. Je ne peux décemment pas te demander de dormir pelotonnée contre moi », poursuivit-il dans une piètre tentative d'alléger la tension qui le paralysait presque. « Mais j'aimerai bien te tenir la main. Si tu veux b-»
- « C'est d'accord », le coupa vivement Ladybug.
Les pupilles de Chat Noir se dilatèrent de surprise, et le jeune homme eut clairement la sensation que son cœur venait d'effectuer un virevoltant looping au creux de sa poitrine.
- « C-C'est d'accord... », répéta timidement sa coéquipière. « Je me sens seule ici moi aussi, et je... Je pense que ça irait mieux si je te tenais la main. Donc je veux bien. Vraiment. »
- « O-Ok », répondit Chat Noir dans un souffle.
- « Ok », murmura Ladybug.
Ses immenses yeux plus brillants que jamais, la jeune fille tendit lentement la main en direction de son coéquipier. Elle n'arrêta son geste que quand ladite main eut atteint l'exact milieu de la distance qui séparait leurs deux corps, et la laissa reposer sur le matelas.
Comme hypnotisé, Chat Noir fixa un instant les doigts de Ladybug, avant de relever son regard vers le sien dans une ultime quête d'approbation. La jeune fille hocha doucement la tête, et le visage de son partenaire s'éclaira aussitôt du plus lumineux des sourires.
Tendant à son tour la main pour s'emparer de celle de Ladybug, Chat Noir poussa un profond soupir de contentement.
- « Bonne nuit, chaton », murmura Ladybug en serrant doucement ses doigts dans les siens.
- « Bonne nuit, ma Lady », répondit l'adolescent, tandis que son pouce traçait de lents cercles sur le dos de la main de sa coéquipière.
Un tendre sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille, puis, sans même s'en rendre compte, les deux héros glissèrent lentement dans un profond sommeil.
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