Chapitre 3
Marinette avait trouvé refuge sur son lit, comme si ce simple meuble avait été un frêle radeau perdu au milieu d'une terrifiante tempête. Assise sur les draps de lin, l'adolescente ramena machinalement ses jambes contre son torse pour les entourer de ses bras.
- « Donc on part à la recherche du Chat Noir du passé ? Tu es vraiment sûre de toi ? », lança-t-elle à son kwami d'une voix légèrement hésitante.
- « Certaine », répliqua Tikki avec conviction. « C'est notre allié le plus sûr. »
Le petit kwami rouge voleta en direction de son amie pour se placer directement face à elle. Plongeant son regard d'un profond bleu violacé dans les yeux azurs de Marinette, Tikki adressa un sourire d'encouragement à la jeune fille.
- « Marinette, je sais que tu traverses une épreuve difficile », poursuivit-elle d'un ton qui se voulait clairement rassurant. « Que tu ne connais pas ce garçon et qu'il va falloir le chercher dans une ville et une époque qui te sont totalement étrangères. C'est normal que tu t'inquiètes. Mais c'est Chat Noir. Il fera tout ce qu'il peut pour nous aider. »
- « Je sais, je sais », répondit distraitement Marinette en se mordant nerveusement la lèvre inférieure.
Passant machinalement les doigts dans ses cheveux d'un noir bleuté, la jeune fille haussa doucement les épaules.
- « C'est... C'est juste que... ça ne sera pas mon Chat Noir... », laissa échapper l'adolescente avec un sourire triste.
- « Ohh, Marinette... », s'exclama Tikki avant de se précipiter vers son visage pour se frotter contre sa joue dans un geste de réconfort.
Un petit rire surprit passa les lèvres de l'adolescente, qui entoura instinctivement sa minuscule amie de ses doigts pour lui rendre son affectueuse étreinte. La jeune fille sentit son cœur se gonfler de reconnaissance en sentant la chaleur du petit corps de son kwami contre sa peau, mais l'adorable manifestation d'amitié de Tikki n'était cependant pas suffisante pour dissiper la grise mélancolie qui s'était emparée d'elle.
« Son » Chat Noir.
Oh, s'il l'avait entendue prononcer ces quelques mots...
A la pensée de son coéquipier, Marinette ressentit nouveau pincement de cœur au creux de sa poitrine. Une légère douleur, à peine palpable, mais cruellement persistante.
La jeune fille savait qu'elle n'aurait pas dû être étonnée. Chat Noir était son meilleur ami, dans un genre différent de la relation qu'elle avait avec Alya. Son fidèle partenaire, son allié le plus précieux. Il était normal qu'il lui manque.
Même si les choses étaient probablement plus compliquées que cela.
Marinette était amoureuse d'Adrien, c'était un fait indiscutable. Mais elle avait aussi parfaitement conscience qu'au fil des ans, son précieux coéquipier avait fini par trouver lui aussi une place particulière à ses yeux.
Ces sentiments avaient lentement fait leur apparition dans son cœur, pour y croitre de façon subtile, à peine perceptible, au point qu'elle s'en était à peine rendu compte. Même en y réfléchissant, Marinette avait été incapable de dire à quel moment exactement elle avait cessé de considérer Chat Noir comme un simple coéquipier. C'était comme avoir noté avec une certaine désinvolture l'apparition de quelques inoffensives nappes de brouillard, avant de se retrouver soudainement perdu dans la brume sans même réaliser comment les choses avaient fini par atteindre une telle intensité.
Est-ce que c'était de l'amitié ? De l'amour ? Un subtil mélange des deux ? Aujourd'hui encore, Marinette n'aurait pas su mettre exactement des mots sur ce qu'elle ressentait pour son partenaire, et elle n'était pas certaine de vouloir le savoir. Elle était amoureuse d'Adrien, et le fait que son coéquipier se glisse lentement mais sûrement dans son cœur ne faisait que compliquer les choses. La seule conviction qu'avait désormais la jeune fille, c'était que les sentiments qu'elle éprouvait pour Chat Noir avaient atteint une profondeur indéniable et que la présence de ce garçon dans sa vie lui était indispensable.
Malgré cela, l'intensité des regrets et de la tristesse que Marinette éprouvait à l'idée de ne pas avoir Chat Noir à ses côtés dans ces instants difficile l'avaient prise par surprise. Tout comme la pensée de devoir côtoyer un autre porteur de son miraculous écrasait son cœur sous une vague de nostalgie teintée d'amertume.
En ces instants où Marinette était dans la situation la plus périlleuse et la plus angoissante qu'elle n'avait jamais rencontrée, le nom de Chat Noir – son Chat Noir - brûlait dans son esprit comme une marque au fer rouge.
Elle avait besoin de lui.
- « Marinette... Marinette ! »
Sortant brusquement de ses pensées, la jeune fille leva les yeux vers Tikki, qui tentait manifestement d'attirer son attention depuis déjà de longues secondes.
- « Tu devrais essayer de dormir », lui conseilla son kwami de sa petite voix flûtée. « La journée a été rude, tu as besoin de repos. »
L'adolescente battit plusieurs fois des paupières, surprise. Absorbée par ses réflexions, elle n'avait même pas remarqué que sa tête avait commencé à dodeliner doucement, signe d'un implacable besoin de sommeil.
- « Moouuui, je suppose que tu as raison », répondit Marinette en étouffant un bâillement aussi soudain qu'irrépressible.
A présent qu'elle prêtait attention aux signaux désespérés que lui envoyaient son corps, ses paupières se faisaient lourdes, et elle se sentait tout à coup plus exténuée qu'elle ne l'avait jamais été après un combat.
C'était cependant moins une fatigue physique qu'un épuisement moral.
La tension, la peur, la tristesse qui s'étaient abattues sur la jeune fille s'entremêlaient comme de sombres nuages d'un ciel d'orage et tempêtaient au creux de son âme pour la laisser à bout de force. Sans sa force de caractère et sans le soutien de Tikki, nul doute que Marinette aurait été totalement anéantie par cette terrible tempête. Au lieu de cela, elle tenait bon, serrant poings et dents pour faire fermement face à la tourmente qui tentait de déchirer en morceaux sa volonté de fer, mais l'effort à fournir était tel qu'elle commençait à en payer durement le prix.
- « Laisse-moi juste une seconde », lança Marinette tout en se levant d'un mouvement souple.
La jeune héroïne fit silencieusement le tour de sa chambre, éteignant une à une les mèches des différentes sources de lumière, à l'exception d'une lampe à huile qu'elle posa au chevet de son lit.
- « Voilà », murmura-telle en se glissant lentement dans ses draps.
Tikki, adorable petite boule de réconfort et d'affection, se lova immédiatement dans le creux du cou de Marinette. Le kwami s'endormit rapidement pendant que l'adolescente gardait son regard rivé sur la chaleureuse et rassurante lueur que diffusait sa lampe, ignorant avec une volonté farouche les ombres qui dansaient au plafond.
En dépit du terrible épuisement qui semblait s'être insinué jusqu'au plus profond des os de Marinette, la nuit de la jeune fille fut bien moins reposante que ce qu'aurait souhaité cette dernière.
Autour d'elle, tout était nouveau.
L'absence des sons parisiens qui lui étaient si familier. Les rumeurs de la ville, bien différente de celles de sa chère capitale. L'apparition de ces bruits d'animaux qui lui étaient jusque-là inconnus. Ce ciel d'un noir d'encre, presque menaçant, qui se découpait par ses fenêtres. La moite chaleur de cette atmosphère d'un autre âge. Les odeurs d'épices, de fleurs, de terre.
Le moindre de ces détail maintenait son cerveau en éveil, la privant de ce repos réparateur dont elle avait tant besoin. Marinette ne sombra dans un sommeil agité que bien des heures plus tard, pour se réveiller dès que les rayons de l'aube naissante caressèrent sa silhouette endormie.
En dépit de cette courte nuit, l'adolescente se sentit cependant aussitôt d'attaque. De furieux torrents d'adrénaline courraient dans ses veines, mettant tous ses sens à vif.
Aujourd'hui, elle allait apprivoiser ce nouveau monde qui était pour un temps devenu le sien.
Faisant les cents pas dans sa chambre à présent baignée de soleil, Marinette tourna un regard préoccupé vers son kwami. La jeune fille était debout depuis maintenant une vingtaine de minutes, et il lui tardait de se mettre en action.
- « Et donc, par quoi on commence ? Je ne peux clairement pas me mettre à arrêter tous les garçons que je croise en leur disant 'Hey, salut, je suis une Ladybug du futur, est-ce que par hasard tu serais le Chat Noir de cette époque' », lança-t-elle alors que son visage se tordait de comiques grimaces pour appuyer le ridicule de ses propos.
- « Non effectivement, ça ne me parait pas très sage », rétorqua Tikki avec un petit rire amusé.
- « Sinon, je n'ai qu'à lancer un appel sur internet », lança la jeune fille avec ironie. « Ah, mais non, suis-je bête, on est dans le passé. Au 10 000ème siècle avant notre époque, ou quelque chose du genre. Ils n'ont probablement pas le wifi », reprit-elle en levant les yeux au ciel.
- « 4 000 ans au maximum », corrigea machinalement son kwami. « Personnellement, je pense qu'on doit être environ en l'an – 1 300. »
- « Oh. Les kwamis sont fournis avec une boussole temporelle ? » répliqua Marinette en haussant un sourcil intrigué.
Tikki éclata de nouveau de rire, avant de voleter vers l'adolescente pour déposer un affectueux baiser sur sa joue rose.
- « Je n'aurai pas présenté les choses comme ça », répondit-elle malicieusement, « mais j'ai effectivement certains sens dont vous autres humains êtes dépourvus. Je sais toujours où et quand je suis. C'est extrêmement pratique quand on est une créature qui peut passer des décennies entières endormie dans un bijou », précisa-t-elle avec un petit clin d'œil.
Stupéfaite, Marinette lui jeta un coup d'œil incisif, avant de hocher lentement la tête.
- « Effectivement, maintenant que tu le dis, ça me parait logique », murmura-t-elle. « Et donc tu sais où on est, précisément ? », reprit-elle d'une voix plus claire.
- « Nous sommes à Thèbes », répliqua Tikki sans la moindre hésitation. « Au bord du Nil, plusieurs centaines de kilomètres au sud de la Méditerranée », précisa-t-elle quand son amie lui adressa un regard désabusé qui lui indiquait sans le moindre doute que ce simple nom ne l'aidait en rien à mieux appréhender leur position géographique. « C'est une ville d'une grande importance à cette époque. »
- « Génial », grommela Marinette, levant les bras au ciel avec une exaspération palpable. « On n'aurait pas pu atterrir dans un village de quinze habitants ? Parce que là, trouver le Chat Noir du passé risque de prendre des semaines ! »
- « J'ai peut-être une suggestion », répondit doucement Tikki.
- « Je t'écoute », lança aussitôt son amie, ses yeux azurs brillant soudain d'une vive lueur d'espoir.
- « Tu vas manger », commença calmement le petit kwami. « Reprendre des forces, te balader un peu dans les environs, faire la sieste », poursuivit-elle, alors que la plus vive incompréhension se peignait sur les traits de l'adolescente.
Alors que cette dernière ouvrait la bouche pour protester avec indignation devant un plan aussi peu productif, Tikki leva un bras en signe d'apaisement.
- « ET », reprit-elle, « Cette nuit, quand tu seras en pleine forme, tu te transformera pour partir à la recherche de Chat Noir. »
Alors que Marinette était à présent muette de stupéfaction, le visage de Tikki se fendit d'un sourire confiant.
- « J'ignore si c'est l'influence de Plagg », lâcha-t-elle sur le ton de la confidence, « mais ses protégés ont toujours eu un certain goût pour les balades nocturnes. Quoique, maintenant que j'y pense, mes Ladybug aussi », ajouta-t-elle d'un ton pensif. « Le côté super-héros, je suppose. Les patrouilles nocturnes permettent généralement d'appréhender pas mal de vilains. Enfin bref », conclu-t-elle d'une voix convaincue, « Un héros qui se balade sur les toits d'une ville endormie sera bien plus facile à repérer qu'un garçon anonyme perdu dans la foule. »
- « Ce n'est pas bête », approuva doucement Marinette, un faible sourire aux lèvres. « C'est même une excellente idée. »
Rayonnante de fierté, Tikki laissa échapper un petit rire. L'adolescente lui jeta un regard indulgent, puis son visage se décomposa soudain.
- « Du coup il faut attendre ce soir ? », lança la jeune fille avec affolement. « Et moi ? Je vais faire quoi en attendant ? »
- « Exactement ce que je t'ai dit il y a trente secondes », répliqua Tikki en souriant. « Sors de ta chambre. Va manger. Va te promener. La situation est effrayante, je le sais, mais regarde le bon côté des choses : c'est aussi une expérience très enrichissante. Tu as l'occasion de découvrir l'Egypte antique ! Tu aurais tort de ne pas en profiter », poursuivi-t-elle avec un indéfectible optimiste qu'était loin de partager Marinette. « Ai confiance en toi, tout va bien se passer. »
Marinette enfoui sa tête entre ses doigts tout en laissant échapper un grognement peu convaincu.
- « Je sens que ça va être un désastre... » maugréa-t-elle.
Contrairement aux profondes craintes de Marinette, sa première journée dans cette Egypte des temps anciens se passa sans le moindre incident.
Au contraire.
Tout d'abord, la jeune fille découvrit avec un palpable soulagement qu'elle était capable de comprendre la langue qui était parlée à cette époque. Tout comme elle s'avérait être instinctivement en mesure de s'exprimer parfaitement dans ce langage.
L'une des principales sources d'inquiétude de l'adolescente avait également été la rencontre avec les habitants de ce qui s'avérait être une riche et vaste demeure. Cependant, c'est avec une certaine compassion pour son alter-ego du passé qu'elle avait réalisé que la Ladybug d'Egypte antique vivait seule dans ce superbe palais. Tout du moins, aussi seule qu'il était possible de l'être lorsque l'on est entouré par une véritable armée de serviteurs, mais ceux-ci ne semblait guère prêter d'attention au soudain changement de personnalité de leur jeune maîtresse, se contentant d'accomplir leur tâches avec le plus strict professionnalisme.
Profitant de l'occasion, l'adolescente avait pu interroger les serviteurs en question sans que ces derniers ne fassent qu'hausser un suspicieux sourcil. Manifestement, la fille dont Marinette avait pris –emprunté- la place était la dernière-née d'une très riche famille. Indépendante, fortunée et libre d'obligations sociales qu'avaient déjà eus à remplir ses ainés à sa place, cette Ladybug avait pris la décision de quitter son foyer familial quelques mois plus tôt pour s'installer dans cette fastueuse demeure en plein cœur de Thèbes.
Dans son malheur, Marinette avait manifestement eu énormément de chance.
L'absence d'entourage proche de son alter-ego d'un autre temps et l'indifférence qu'avaient ses serviteurs quant à son comportement la prévenaient de toute remarque indiscrète, tandis que son statut social et financier la mettait à l'abri du besoin, lui laissant le champ libre pour ses investigations.
Suivant les sages conseils que lui avaient prodigués Tikki, Marinette avait ensuite cherché de quoi se nourrir. Elle n'avait pas eu le courage de goûter le pain qui lui avait été proposé, trop peu sûre de ne pas fondre en larmes si le goût de cet aliment familier s'avérait lui rappeler ne serait-ce qu'un peu les produits que vendait son père. En revanche, elle s'était fait un plaisir de déguster les plus succulentes des dattes, les plus juteuses des grenades qu'il lui avait jamais été donné de manger. Tikki, quant à elle, n'avait eu aucun problème à troquer ses habituels cookies pour de délicieuses pâtisseries au miel ou aux raisins sec.
Marinette avait ensuite profité du reste de la journée pour se balader dans le quartier.
Tikki bien à l'abri dans une bourse en cuir qu'elle portait à la hanche, la jeune fille avait déambulé à travers les rues, ne sachant où poser les yeux tant tout lui était nouveau. La ville était vivante, vibrante. Devant son regard émerveillé, des égyptiens de toute classe et de tout âge vaquaient à leurs occupations, discutant, marchandant, ou encore se hâtant vers de mystérieuses tâches. Les bâtiments étaient par ailleurs tout aussi intrigants. Que ce soient les maisons de briques crues ou les temples aux chatoyantes couleurs, chaque édifice la stupéfiait.
Mais ce qui avait le plus fasciné Marinette, au-delà des sons, des odeurs, de l'architecture, avait bien naturellement été les tenues que portaient toutes ces personnes d'un autre âge. Son regard acéré de styliste en herbe s'était arrêté sur la moindre robe, le moindre pagne, le moindre bijou, la moindre sandale, cherchant instinctivement à décrypter les codes de cette mode antique. Sans qu'elle le veuille, une profusion de nouveaux designs naissait dans son esprit à la chaque seconde, nettement inspirés par les vêtements et ornements que portaient les égyptiens qui passaient sous ses yeux.
Cette distrayante activité n'était certes d'aucune utilité pour l'aider à regagner son époque, mais elle avait néanmoins eu le mérite de lui changer les idées, la sortant quelque peu de la grise mélancolie dans laquelle elle menaçait sans cesses de glisser.
Puis, alors que la chaleur du milieu de journée commençait à se faire accablante, la jeune fille avait regagné la fraîcheur de sa luxueuse demeure. S'enfermant dans sa vaste chambre, elle s'était allongée sur son lit avant de tomber dans un profond et réparateur sommeil.
A présent, le soleil avait disparu à l'horizon depuis plus d'une heure déjà, et Marinette se préparait à se lancer à la recherche du Chat Noir du passé.
- « Et qu'est-ce que je fais si je ne le trouve pas ? », demanda-t-elle avec angoisse à Tikki.
- « Alors, tu recommencera demain », lui répondit sa minuscule amie avec une expression encourageante. « Ne t'inquiètes pas, Marinette », poursuivit-t-elle. « Tout va finir par s'arranger. »
- « J'aimerai partager ton optimisme », répliqua la jeune fille avec un faible sourire.
- « Mais tu es optimiste », rétorqua le petit kwami rouge d'un ton convaincu. « Tu es courageuse et volontaire. Tu ne te laisse pas abattre. Sinon tu aurais déjà baissé les bras au lieu de partir à la recherche du Chat Noir de cette époque. »
Un sourire plus franc que le précédent éclaira le pâle visage de l'adolescente, qui se pencha pour déposer un léger baiser sur le front de son amie.
- « Merci, Tikki », murmura-t-elle doucement. « Bon, allons-y », lança-t-elle en serrant machinalement les poings pour se donner du courage.
Elle n'était toujours pas certaine d'être aussi optimiste que son kwami concernant les résultats de ces expéditions nocturnes, mais Tikki avait foi en elle, et elle ne pouvait pas la décevoir. Par ailleurs, cette idée était de loin la meilleure à laquelle elles avaient pensé jusque-là.
Il fallait qu'elle trouve le Chat Noir du passé, et qu'elle réussisse à établir un contact amical avec lui. Hors de question qu'il la prenne pour un quelconque monstre qui aurait pris possession de sa coéquipière.
Même si, techniquement, elle avait bel et bien pris possession de sa coéquipière. Mais ça, c'était une autre histoire.
Elle aurait tout le temps de s'inquiéter de cet embarrassant détail quand elle aurait trouvé ce garçon.
- « Tikki », s'écria Marinette d'une voix claire. « Transforme-moi ! »
Durant de nombreuses heures, la fine silhouette de Ladybug erra sur les toits des bâtiments de Thèbes. La jeune fille s'élançait inlassablement dans les airs, bondissant avec grâce, passant souplement d'une maison à une autre, lançant son yo-yo vers un obélisque pour gagner les hauteurs d'un temple, avant de recommencer, encore et encore.
Au-dessus d'elle, le ciel était de nouveau d'un profond noir que n'aurait pas réussi concurrencer la plus sombre des encres, tandis que la pâle lumière de la lune nimbait l'adolescente d'une douce aura argentée. Au loin, ondulant paresseusement à travers la ville, le Nil étincelait avec tant d'éclat sous les rayons de l'astre nocturne qu'il ressemblait à présent à une hypnotisante rivière de métal liquide.
Le paysage était absolument superbe, mais Ladybug n'avait pas le cœur à s'émerveiller devant cette vue d'un autre âge.
La jeune fille commençait à se sentir sérieusement découragée. Ses recherches du Chat Noir des temps anciens n'avaient pour l'instant hélas guère rencontré de succès, et en dépit de sa réparatrice sieste de l'après-midi, l'héroïne sentait une implacable lassitude s'emparer d'elle. Elle avait certes croisé des promeneurs nocturnes, des fêtards, des gardes, mais n'avait trouvé nulle trace du héros dont elle cherchait l'aide.
A présent, ses pieds la lançaient, ses muscles lui criaient grâce, et tout son corps lui hurlait de rentrer se reposer.
- « Bon, un dernier tour », murmura-t-elle pour s'encourager.
Lançant son yo-yo en direction d'un haut palmier voisin, elle se projeta sur le toit d'une petite maison de brique avant de poursuivre sa route.
Ladybug avait repris son chemin depuis à peine une poignée de minutes qu'un mouvement sur sa droite attira brusquement son attention. Tournant si vivement la tête qu'elle aurait pu jurer qu'une de ses vertèbres avait émis un craquement de protestation au passage, la jeune fille braqua un regard intense sur une forme qui se déplaçait au loin.
Une silhouette humaine, manifestement masculine, qui se détachait clairement sous la douce lueur de la lune.
Et qui avançait en bondissant souplement de toit en toit.
Ladybug sentit son cœur rater un battement, puis, sans perdre un instant, elle prit le nouveau venu en chasse. Alors qu'elle se rapprochait, elle remarqua une paire d'oreilles qui se détachaient nettement sur la tête de l'inconnu, tandis qu'une queue lui servant manifestement de balancier oscillait derrière lui à chacun de ses sauts.
Une bouffée d'excitation envahit soudain la poitrine de Ladybug.
C'était lui. Le Chat Noir de cette époque.
Accélérant le pas, Ladybug poursuivit sa course en direction du héros, qui n'avait visiblement toujours pas remarqué qu'il était suivit. Il ne semblait par ailleurs guère pressé, et la jeune fille le rattrapa alors qu'il atterrissait gracieusement sur une terrasse perdue dans l'ombre d'un immense temple.
- « Attends ! » lança-t-elle d'un ton pressant.
Dos tourné à elle, le garçon se figea brusquement, et ses oreilles tressaillirent légèrement tandis qu'il se redressait d'un geste fluide. Ce mouvement, sa façon souple se mouvoir rappelaient tellement à Ladybug les manières de son Chat Noir qu'elle eut l'impression que son cœur allait se briser.
Se mordant vivement l'intérieur de la joue, la jeune fille secoua brièvement la tête.
Ce n'était pas le moment.
- « J'ai quelque chose à te dire », poursuivit-elle d'une voix tendue, sans laisser au héros toujours dissimulé par l'obscurité le temps de prononcer le moindre mot. « Je suis Ladybug », annonça-t-elle en posant sa main sur sa poitrine. « Enfin, non. Enfin si. Je veux dire, je suis une Ladybug, mais je ne suis pas LA Ladybug que tu connais. Je sais que ça parait fou mais je suis une Ladybug du futur. D'au moins 3 000 ans dans le futur. J'étais en train d'affronter un super vilain et tout d'un coup il y a eu ce rayon vert et je me suis retrouvée projetée ici mais je t'assure que je n'ai jamais voulu ça », débita-t-elle d'une traite, la nervosité la rendant bien plus loquace qu'il n'aurait été nécessaire pour être compréhensible. « Il faudrait que je puisse retourner dans mon époque, mais je n'ai aucune idée de comment faire et en attendant je suis coincée ici. Je sais que ça peut paraitre complètement absurde, mais là d'où je viens j'ai un coéquipier qui porte le même miraculous que toi et je lui confierai ma vie sans hésiter, alors je... J'ai pensé à te demander de l'aide. Je ne sais pas vers qui d'autre me tourner, mais il faut que je trouve le moyen de rentrer chez moi », conclut-elle, le souffle court. « S'il te plait. »
Un long silence lui répondit, si lourd et si intense qu'il en devenait presque palpable.
L'adolescente se demanda nerveusement si elle n'avait pas commis un quelconque impair avec sa longue tirade, quand le jeune homme qui lui faisait maintenant face effectua soudain quelques pas pour sortir des ombres.
Ladybug le suivit du regard, avant de laisser échapper un hoquet de stupeur.
Quelques instants plus tôt, elle eut la poignante impression que les mouvements de ce garçon lui étaient familiers.
Mais à présent, elle découvrait que sa silhouette l'était tout autant. Sa taille, sa carrure, le dessin de ses épaules, la courbe parfaitement ciselée de sa mâchoire...
Et la lueur de la lune caressait délicatement le sommet son crâne, nimbant ses cheveux d'une douce lumière argentée.
Une chevelure claire.
Une chevelure blonde.
Alors qu'il avançait d'un pas hésitant, osant visiblement à peine croire à ce qu'il voyait, le jeune homme leva une main tremblante dans sa direction. Sa peau paraissait dangereusement livide sous la pâle lueur de l'astre nocturne, tandis que ses yeux d'un vert extraordinairement lumineux étaient tellement écarquillés de surprise qu'ils semblaient à présent prêts à jaillir hors de leurs orbites.
- « Ma Lady... ? »
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