Chapitre 14


Chat Noir et Ladybug se mirent instinctivement en garde tandis que les soldats poursuivaient leur rapide progression à travers la cour. La colonne de fantassins se divisa en deux au bout d'une dizaine de mètres, une partie des hommes allant se porter au secours d'Akhenaton tandis que l'autre continuait de se diriger vers les deux adolescents.

- « Tu crois qu'ils veulent se battre contre nous ? », lança Chat Noir à Ladybug.

- « Aucune idée », répliqua-t-elle en fronçant les sourcils, une main nerveusement crispée sur son yo-yo. « Mais on s'est opposés à leur pharaon alors c'est tout à fait possible. »

Sans dire un mot, les soldats se deployèrent, formant un cercle autour des héros. Ce n'est qu'à cet instant que Ladybug et Chat Noir réalisèrent que les fantassins n'étaient pas seuls, mais qu'ils avaient escorté jusqu'à eux un garçon âgé d'une dizaine d'années.

Comme beaucoup d'autres Egyptiens, ce nouveau venu avait le crâne rasé et ses yeux noirs étaient cernés de khôl. En revanche, la richesse de sa tenue sortait nettement de l'ordinaire et indiquait sans le moindre doute qu'il appartenait à une classe sociale d'un rang très élevé. En dépit de son jeune âge, le garçon affichait une assurance tranquille alors qu'il parcourait les derniers mètres le séparant des deux héros.

- « Surtout, ne me contredisez pas », leur ordonna-t-il à voix basse, avant de se placer juste devant eux et de se tourner vers la foule qui recommençait à remplir timidement la cour.

Les visiteurs du temple sortaient de leurs abris les uns après les autres, jetant des coups d'œil effarés aux alentours. La stupéfaction pouvait se lire sur absolument tous les visages. Au vu de la violence de l'affrontement qui venait d'avoir lieu, chacun s'attendait manifestement à ce que la cour garde de sévères traces du combat. Mais au lieu de cela, les habitants de Thèbes découvraient à présent que non seulement les deux héros avaient triomphé d'un adversaire redoutable, mais que le miraculeux pouvoir de Ladybug avait également parfaitement restauré l'endroit.

Alors qu'une partie des soldats évacuait le pharaon toujours inconscient, la foule commença à s'amasser autour des héros, du jeune garçon et de sa garde.

Soudain, Ladybug nota que presque tous les yeux étaient braqués sur elle.

Depuis qu'elle avait été brutalement projetée à Thèbes, la jeune fille s'était habituée au fait que son partenaire soit au centre de toutes les attentions. Quels qu'aient pu être les exploits de la Coccinelle dont elle avait pris la place, ceux-ci ne faisaient manifestement que pâle figure en comparaison de l'extraordinaire réputation du Chat Noir de cet époque. Ainsi, si les habitants de la cité la consideraient avec une certaine bienveillance, Ladybug était d'ordinaire bien loin de susciter le même enthousiasme que son compagnon.

Mais là, tous les regards étaient visiblement rivés sur elle, et elle seule.

- « Peuple de Thèbes ! », s'exclama soudain le garçon qui se tenait debout devant elle, l'arrachant à ses pensées. « Je suis Toutânkhaton, fils du grand Akhenaton, héritier du trône d'Égypte ! »

- « Toutânkhaton ? », murmura discrètement Ladybug en se penchant vers Chat Noir. « Tu crois que c'est ToutânkhaMon ? LE Toutânkhamon ? »

- « Possible », répliqua son coéquipier sur le même ton. « Leurs noms se ressemblent beaucoup. »

Ignorant ce bref échange, le jeune prince poursuivait son discours face à une foule de plus en plus nombreuse.

- « Aujourd'hui, l'abomination connue sous le nom de Khepp a été vaincue », continua-t-il d'une voix claire. « Rien de tout cela n'aurait été possible sans le courage et la force dont ont fait preuve le Chat et la Coccinelle, ni l'abnégation qui a été celle de votre pharaon. »

Chat Noir et Ladybug échangèrent un regard surprit en entendant cette tirade, sans pour autant interrompre l'héritier du trône.

- « Le glorieux Akhenaton en personne s'est allié aux héros de Thèbes afin de triompher de son ennemi », déclara Toutânkhaton avec emphase. « Il leur a généreusement offert son aide, trompant Khepp et feignant d'approuver ses desseins maléfiques afin de l'attirer dans le piège qui lui avait été tendu ici. »

- « Hum, Ce n'est pas tout à fait comme ça que les choses se sont passés », murmura Chat Noir à l'oreille de Ladybug tandis que la foule buvait les propos du jeune homme.

Il avait parlé à voix basse, mais manifestement pas assez pour que sa remarque échappe à Toutânkhaton. Tournant la tête, ce dernier jeta un coup d'œil incisif à Chat Noir. Alors que le héros s'empourprait légèrement sous son masque, un faible sourire se dessina brièvement sur les lèvres du prince.

- « Vous avez tous été témoins de la suite », poursuivit le garçon en reportant son attention sur les visiteurs du temple. « Comme l'avait prédit le grand Akhenaton, Khepp a révélé son visage malfaisant en tentant de mettre en place un terrible rituel. Le Chat et la Coccinelle ont combattu ce redoutable ennemi en faisant preuve d'une bravoure exemplaire et d'un dévouement dont nous devons tous leur être reconnaissant. Mais la victoire n'aurait pas été possible sans le courageux sacrifice qu'a fait votre pharaon ! », lança-t-il avec un geste théâtral en direction l'endroit où son père s'était écroulé quelques instants plus tôt.

Toutânkhaton marqua une légère pause pour laisser à son auditoire le temps de s'imprégner de ses paroles, tandis que Chat Noir et Ladybug réalisaient petit à petit ce que le jeune prince était en train de faire.

Evidement.

Ils auraient dû se douter qu'il n'y avait que peu de chances qu'un membre de la royauté soit présenté comme un ennemi du peuple, et encore moins lorsqu'il s'agissait du souverain d'Egypte en personne. A contraire, Akhenaton allait à présent être glorifié comme si rien n'avait pu être possible sans lui alors qu'il était en réalité l'un des principaux instigateurs du rituel qui avait failli plonger le pays dans le chaos.

Mais au final, cette réappropriation de l'histoire ne perturbait guère les adolescents qui avaient bien d'autres préoccupations en tête. Peu importait ce qui se passait à cette époque, leur priorité restait avant tout de rentrer chez eux. De plus, le fait qu'ils soient ainsi présentés tous deux comme des héros leur apportait l'indéniable avantage d'éviter un nouvel affrontement avec des soldats du pharaon.

Et plus vite ils seraient en mesure de quitter le temple, plus vite ils pourraient rejoindre les prêtres de Bastet pour essayer de regagner leur foyer.

- « Feignant d'être toujours aux côtés de Khepp, l'illustre Akhenaton a marché de son plein gré sur le champ de bataille », reprit enfin Toutânkhaton, manifestement jamais à court de glorieux superlatifs pour qualifier son prestigieux père. « Il a transmis une partie de son essence divine à la Coccinelle afin de lui permettre de vaincre son ennemi », continua-t-il en désignant Ladybug d'un petit geste de la main. « Ce geste extraordinaire l'a provisoirement privé de ses forces, mais son sacrifice n'a pas été vain ! Grâce à lui, le dieu soleil en personne a répondu aux prières de la Coccinelle et lui a confié sa lumière divine afin qu'elle puisse terrasser son adversaire. Et l'abomination qui défiait les dieux eux-mêmes a pu être vaincue », conclut-il théâtralement.

Toutânkhaton se tourna vers Chat Noir et Ladybug, leur faisant signe d'avancer à ses côtés.

- « En mon nom et en celui de mon père, je vous remercie pour tout ce que vous avez fait », lança-t-il avec un large sourire. « L'Egypte et ses enfants vous seront à jamais reconnaissants. Peuple de Thèbes ! », s'exclama-t-il en levant les bras vers la foule. « Faites un triomphe au Fils de Bastet et à la Déesse Coccinelle ! »

Les deux héros eurent aussitôt l'impression qu'une explosion venait de se produire dans l'enceinte de la cour tant le volume sonore augmenta de façon brusque et puissante. Sous l'impulsion de Toutânkhaton, des vivats enthousiastes s'élevèrent dans les airs, se répercutant contre les murs pour former un vacarme presque assourdissant.

Alors que la foule scandait les noms de leurs alter-egos avec allégresse, Chat Noir se pencha vers Ladybug, un léger sourire aux lèvres. Si de multiples « Fils de Bastet » résonnaient dans la cour, ils étaient indubitablement surpassés en nombre par une extraordinaire quantité de « Déesse Coccinelle », preuve que sa coéquipière semblait s'être définitivement emparé du cœur des habitants de Thèbes.

- « Hey, on dirait que tu viens de gagner tes galons de déesse », lança-t-il à Ladybug avec un clin d'œil malicieux.





Alors que les acclamations se poursuivaient avec un indéfectible enthousiasme, Toutânkhaton se rapprocha légèrement des deux héros.

- « Je suis désolée », s'excusa-t-il aussitôt, parlant à voix suffisamment basse pour n'être entendu de personne d'autre qu'eux. « J'ai parfaitement conscience d'avoir quelque peu... enjolivé les faits. Mais cette version sera désormais l'histoire officielle et je vous demanderai de vous y tenir », poursuivit-il d'un ton sans réplique. « Le peuple d'Egypte doit continuer à croire que son pharaon agit en son bien et c'est mon devoir de soutenir officiellement mon souverain. »

Le jeune garçon s'interrompit un instant, cherchant manifestement ses mots.

- « Cependant, à titre personnel, je tiens à vous exprimer ma plus profonde gratitude », confia-t-il finalement, d'une voix qui laissait transparaître une profonde sincérité. « Mon père... »

Toutânkhaton laissa échapper un profond soupir et l'espace d'un instant, la carapace de maturité qu'il s'efforçait de maintenir se fendilla légèrement pour laisser transparaitre le jeune garçon qui se cachait derrière l'héritier du trône.

- « Mon père n'est plus le même depuis que sa reine a disparu et je doute qu'il s'en remette un jour... », laissa-t-il échapper dans un souffle, tout en jetant un regard lourd de regret dans la direction dans laquelle avait été emmené Akhenaton.

Chat Noir sentit son cœur se serrer en voyant l'expression mélancolique qui s'était peinte sur les traits de Toutânkhaton. Cette situation lui était terriblement familière et il ne comprenait que trop bien ce que ressentait le jeune garçon en cet instant.

Devinant certainement ce qui traversait l'esprit de son coéquipier maintenant qu'elle savait qu'Adrien était celui qui se cachait derrière son masque, Ladybug posa une main sur son bras en signe de réconfort. Chat Noir la remercia d'un petit signe de tête avant de reporter son attention sur Toutânkhaton.

- « Il s'est laissé aveugler par la douleur et il a failli causer notre perte à tous », poursuivit ce dernier avec un nouveau soupir. « Je ne devrais pas vous dire ça », se reprit-il avec un sourire penaud. « Je ne devrais même pas penser ça. Le pharaon est un dieu vivant parmi les hommes, sa volonté a force de loi. Mais... Mon père s'est égaré, j'en ai la certitude. Et sans vous, j'ignore s'il aurait été possible de l'arrêter. Merci », conclut-il en inclinant respectueusement la tête vers les deux héros. « Merci pour tout. »

- « D-De rien », balbutia Ladybug, stupéfaite par la tournure des évènements. « Nous n'avons fait que notre devoir. »

- « Et vous nous avez tous sauvés », répliqua Toutânkhaton avec un chaleureux sourire. « Thèbes et l'Egypte entière ont une dette envers vous. J'ignore si mon père se remettra suffisamment pour pouvoir remonter un jour sur le trône et je suis probablement trop jeune pour régner immédiatement, mais quoi qu'il en soit, je n'oublierai pas ce que vous avez fait. A compter de ce jour, vous avez un allié parmi la famille royale », leur assura-t-il d'une voix convaincue.

Sur ces paroles, Toutânkhaton annonça aux deux héros sa volonté d'aller se rendre immédiatement au chevet de son père. Il les remercia chaleureusement une fois de plus et les salua avant de tourner les talons. Les adolescents eurent à peine le temps de balbutier quelques mots d'adieu que le jeune garçon s'éloignait déjà, escorté par ses gardes.





Une fois Toutânkhaton parti, Chat Noir et Ladybug ne tardèrent guère à s'éclipser eux aussi. Ils saluèrent une dernière fois la foule avant de s'élancer vers les toits sous les ovations de leurs admirateurs.

A la grande surprise des deux adolescents, la nouvelle de leur victoire contre Khepp semblait s'être répandue dans la ville comme une trainée de poudre. Alors qu'ils se dirigeaient vers le temple de Bastet, les passants ne cessaient de les interpeller pour les féliciter et chanter leurs louanges. Trop pressés pour interrompre leur route, Chat Noir et Ladybug répondait à ces marques de reconnaissances par de petits gestes amicaux tout en continuant à bondir de toit en toit.

Néanmoins, la jeune fille ne manqua pas de noter que la large majorité des congratulations s'adressaient uniquement à elle. Chat Noir avait beau avoir été celui qui avait porté l'ultime coup à leur adversaire, chacun semblait considérer que cette victoire éclatante était celle de Ladybug. Sa puissante lampe torche se trouvait associée à une bénédiction du dieu soleil en personne, et la miraculeuse reconstruction du temple lui assurait manifestement un statut quasi-divin qui faisait l'admiration de tous.

- « Ce n'est pas juste », maugréa-t-elle tandis qu'un passant la félicitait une fois de plus pour « sa » victoire. « Je n'aurai rien pu faire sans toi. »

- « Laisse-les dire », répliqua Chat Noir avec un sourire encourageant. « ça ne me dérange pas de te laisser tous les honneurs. Et entre nous, je comprends qu'ils aient été impressionnés. Tu as restauré un temple à toi toute seule grâce à ton pouvoir ! Ils ne doivent pas voir ça tous les jours ! »

- « Peut-être, mais ce n'est pas juste », répéta Ladybug avec une moue boudeuse qui arracha un petit éclat de rire à son coéquipier.





Quelques minutes plus tard, les adolescents atterrissaient directement dans l'enceinte du temple de Bastet. Bondissant depuis le toit d'un bâtiment, ils se propulsèrent en direction d'une petite cour bordée de palmier pour toucher terre au beau milieu d'un groupe de prêtres. Si ces derniers restèrent un instant stupéfaits par cette arrivée soudaine, ils se reprirent rapidement et amenèrent les héros dans une salle annexe où ils pourraient attendre tranquillement Paneb et Sénènmout.

A présent que Chat Noir et elle étaient de nouveau seuls, Ladybug laissa échapper un profond soupir.

La tension du terrible combat contre Khepp et des évènements qui l'avaient suivi se dissipaient enfin, la laissant vidée de toute énergie. L'adolescente était dans un tel état d'épuisement que seule sa volonté lui permettait de tenir encore debout au lieu de s'effondrer dans un coin de la pièce comme une poupée de chiffon. Ses muscles étaient tellement contractés par les efforts qu'ils avaient eu à fournir que Ladybug avait la certitude qu'il lui faudrait plusieurs jours pour que cette pénible crispation ne se dissipe, tandis que la lancinante douleur qui pulsait toujours au bas de son dos lui rappelait encore l'attaque qu'elle avait subi.

La jeune fille passa une main tremblante sur son visage, tentant de mettre de l'ordre dans les pensées qui tourbillonnaient maintenant sous son crâne.

L'affrontement contre Khepp avait été particulièrement éprouvant, pour Chat Noir comme pour elle. Mais ils avaient malgré tout réussi à le vaincre, et à présent, ils pouvaient enfin caresser l'espoir de rentrer chez eux. Ladybug n'osait pas penser à ce qu'elle pourrait ressentir si les dieux revenaient sur leur parole ou si leur tentative de renvoyer les adolescents à leur époque venait à échouer. Cette situation était moralement épuisante et elle avait désormais hâte de se retrouver de nouveau face à Bastet pour en finir une bonne fois pour toutes.

Soudain, l'adolescente réalisa que Chat Noir était étrangement calme.

Se tournant vers son coéquipier, Ladybug remarqua qu'il s'était adossé à un mur et qu'il avait à présent la tête baissée, regard rivé à l'amulette du Scarabée qu'il tenait toujours entre ses doigts.

- « Hey, ça va ? », lui demanda-t-elle d'une voix inquiète, tout en s'approchant de lui pour poser doucement une main sur son bras.

- « Hein ? », sursauta Chat Noir, visiblement arraché de ses pensées par son intervention. « Oui, oui, ça va... C'est juste... »

Le jeune homme ferma un instant les yeux, cherchant manifestement comment formuler ce qu'il ressentait en cet instant. Il rouvrit enfin les paupières au bout de plusieurs secondes de silence pour croiser le regard limpide de Ladybug.

- « Je n'avais jamais utilisé directement Cataclysme sur un de nos ennemis », lâcha-t-il dans un souffle. « Je sais bien qu'on n'avait pas le choix et que cette chose n'était même pas un être humain, mais... Je ne sais pas. J'espère juste que je n'aurai plus jamais à faire quelque chose comme ça », conclut-il en baissant de nouveau les yeux sur le bijou qui reposait dans sa paume.

Le cœur serré, Ladybug déglutit péniblement alors que sa gorge lui semblait se dessécher sous l'effet de l'émotion. Chat Noir avait porté le coup fatal à Khepp et bien que ce dernier n'ait été rien d'autre qu'un monstre, elle aurait dû deviner qu'un geste d'une telle violence aurait affecté son partenaire.

Sur le coup, il n'avait pas paru particulièrement touché. Mais à présent que les flots d'adrénaline qui avaient déferlé dans ses veines lors du combat se dissipaient enfin, le jeune homme semblait se trouver face à une vague de culpabilité que ni lui ni sa partenaire n'avaient vu venir.

Ladybug se rapprocha un peu plus de Chat Noir et passa délicatement sa main sur sa joue, tentant par ce geste affectueux de lui transmettre autant de réconfort que possible.

- « Le véritable Khepp était mort depuis déjà bien longtemps », lui rappela-t-elle d'une voix douce. « On ne pouvait rien y faire, les dieux eux-mêmes nous l'ont dit. Et ce que tu as fait... C'était ma décision aussi. On savait tous les deux que ce geste serait inévitable si on devait combattre Khepp et on a tous les deux décidé de continuer malgré tout. »

Ladybug glissa précautionneusement ses doigts sous le menton de son coéquipier, le priant silencieusement de relever la tête vers elle. Le jeune homme s'exécuta, plongeant ses yeux verts dans le regard résolu de sa partenaire.

- « Tu nous as tous sauvés, Adrien », murmura-t-elle avec ferveur. « Tu n'as rien à te reprocher. Absolument rien. »

Un faible sourire se dessina sur les lèvres de Chat Noir, qui posa à son tour sa main libre sur la joue de sa coéquipière avant de se pencher pour l'embrasser tendrement.

- « Oui », répondit-il dans un souffle, tandis que le cœur de Ladybug se mettait à battre à tout rompre dans sa poitrine. « Merci, ma Lady. »





A peine une minute plus tard, Paneb et Sénènmout pénétraient enfin dans la pièce. Bras grand ouverts, Paneb se précipita aussitôt vers les deux héros pour les étreindre chaleureusement contre lui. Ignorant les glapissements de surprise des adolescents, il leur donna tour à tour de vigoureuses claques sur les épaules tout en leur adressant des félicitations émues. A quelques pas de lui, Sénènmout contemplait la scène avec un air amusé, mais son regard brillant de fierté ne laissait pas planer le moindre doute quant aux sentiments que lui inspirait la victoire de Ladybug et de Chat Noir.

Une fois ces effusions finies, le Grand Gardien porta son attention sur le miraculous que Chat Noir tenait toujours en main.

- « C'est l'amulette du Scarabée ? », lança-t-il d'une voix tendue. « Celle de Khepp ? »

- « Oui », confirma le jeune homme en hochant la tête. « Je... Elle est fendue », précisa-t-il en tendant le bijou au Grand Gardien, qui s'en empara avec précaution. « Je pense que ça s'est produit lorsque j'ai attaqué Khepp, mais... »

- « Ce n'est pas grave », le coupa Sénènmout avec un chaleureux sourire, tout posant sa main sur son épaule pour y imprimer une pression réconfortante. « Vous avez tous les deux fait ce qu'il fallait faire. Je vous remercie profondément. »

Sur ces paroles, les deux prêtres invitèrent les héros à les suivre dans les entrailles du temple. Ils parcoururent rapidement le chemin qui menait jusqu'au sanctuaire de Bastet, après quoi Sénènmout se plia au rituel nécessaire à l'invocation de la déesse.

Après quelques minutes d'angoisse, cette dernière daigna enfin apparaitre devant ses quatre visiteurs. Sa présence écrasante coupa une fois de plus le souffle à Ladybug et Chat Noir, qui ne purent s'empêcher de ressentir ce même élan primitif d'adoration mêlée d'effroi que Bastet leur avait inspiré lors de leur première rencontre.

Cependant, les deux héros savaient cette fois-ci à quoi s'attendre. Certes, la déesse leur inspirait toujours la même terreur respectueuse. Certes, leurs esprits se cabraient encore devant l'idée qu'une créature d'une telle puissance se tienne face à eux et la moindre pensée leur demandait toujours une concentration prodigieuse pour être formulée. Mais à présent qu'ils connaissaient l'effet que Bastet aurait sur eux, l'élan de panique qu'ils avaient ressenti la voyant apparaître fut bien moindre que celui qu'ils avaient expérimenté la première fois.

Ils s'agenouillèrent face à la déesse avec déférence, tandis que Sénènmout prononçait des salutations d'usage.

- « Soyez les bienvenus », leur répondit Bastet d'une voix chaleureuse, tandis que la silhouette verdâtre d'Osiris apparaissait à son tour à ses côtés.

Le Grand Gardien accueilli l'arrivée du dieu des morts en se prosternant pieusement devant lui, avant de reporter son attention sur la déesse à laquelle il vouait un culte.

- « Ô, Grande Bastet ! », s'exclama Sénènmout en s'inclinant une fois de plus vers elle. « Comme tu l'as ordonné, Khepp a été vaincu. »

- « Je sais », répliqua la déesse en posant son regard doré sur Chat Noir et Ladybug, qui sentirent aussitôt un violent frisson traverser leurs colonnes vertébrales.

Un frisson d'appréhension. D'espoir. Ou des deux peut-être.

Ils n'auraient pas su le dire avec certitude tant la présence de Bastet exacerbait leurs sentiments et éveillait en eux les émotions les plus contradictoires.

- « Je vous avais promis mon aide et je tiendrais ma parole », reprit la déesse avec un sourire encourageant. « Approche », poursuivit-elle avec un geste à l'attention de Ladybug.

La jeune fille resta un instant paralysée de surprise avant de se relever péniblement, jambes tremblantes. S'approcher d'une aussi puissante créature mettait à l'épreuve ses plus primaires instincts de survie et elle dû faire appel à toute sa volonté pour s'approcher de la déité tant son esprit lui hurlait de faire demi-tour et de partir en courant.

Elle s'avança d'un pas hésitant, son cœur battant avec tant de force qu'il semblait être sur le point de jaillir de sa poitrine. Lorsqu'elle fut suffisamment proche, Bastet tendit lentement la main vers elle. Ladybug sentit aussitôt un spasme de terreur parcourir son corps de la tête aux pieds.

Fuis, lui ordonnait son cerveau. Fuis.

Ladybug se mordit violement l'intérieur de la joue pour se forcer à garder son sang-froid et à rester sur place. Alors qu'un goût ferreux de sang commençait à se répandre dans sa bouche, les doigts de Bastet effleurèrent légèrement ses boucles d'oreille. Ces dernières se mirent à scintiller d'une douce lueur rouge, avant que la déesse ne retire enfin sa main.

- « Voilà », lança-t-elle d'une voix satisfaite.

Avant que Ladybug ne puisse articuler le moindre mot, Osiris fit signe à Chat Noir de s'approcher à son tour. Livide, le jeune homme obtempéra, se plaçant machinalement aux côtés de sa coéquipière. Le souverain du royaume des morts tendit à son tour les doigts vers le miraculous de Chat Noir, y insufflant une énergie qui fit briller la bague d'une lumière verdâtre.

- « J'ai une requête à vous faire », lâcha-t-il d'une voix caverneuse. « Ces évènements ne doivent pas se reproduire. Je viens de vous donner le pouvoir de neutraliser la magie résiduelle de Khepp qui était encore prisonnière dans le sceptre d'Akhenaton. Une fois de retour à votre époque, occupez-vous-en afin que ses sortilèges ne puissent plus jamais nuire à personne. »

N'osant guère contredire le dieu, Chat Noir hocha timidement la tête en signe d'approbation. Après un instant de silence, Ladybug leva lentement les yeux vers Bastet.

- « En... En parlant de rentrer à notre époque », balbutia-t-elle d'une voix tremblante. « Comment fait-on ? »

- « J'ai insufflé un peu de ma puissance dans tes boucles d'oreilles », répondit la déesse avec un sourire. « Tout ce qu'il te reste à faire est de déclencher ton pouvoir, et tout sera remis en ordre. Vous rentrerez chez vous. »

Avant que quiconque n'ait le temps de rajouter quoi que ce soit, les silhouettes de Bastet et d'Osiris s'évanouirent dans le néant, laissant seuls les prêtres et les héros.





Encore tremblants d'émotion, Chat Noir et Ladybug firent leurs adieux à Paneb et Sénènmout, les remerciant chaleureusement pour leur aide. Ces derniers leur assurèrent que cela avait été pour eux un plaisir et un honneur de faire leur connaissance. Ils leur souhaitèrent bonne chance, avant de s'écarter de quelques pas pour leur laisser suffisamment d'espace.

Les deux héros échangèrent un regard, puis Ladybug se saisit nerveusement de son yo-yo. Ce dernier brillait d'une lueur semblable à celle qui entourait ses boucles d'oreilles, marque du pouvoir de Bastet.

- « Bon, on y est », souffla-t-elle d'une voix tremblante.

Le cœur de la jeune fille battait à tout rompre, comme s'il cherchait à s'extirper de sa cage thoracique sous l'effet d'une peur indescriptible. Jamais, jamais Ladybug n'avait été aussi fébrile, ni aussi effrayée. Elle saisit les doigts de Chat Noir de sa main libre, ressentant instinctivement le besoin de se raccrocher physiquement au garçon qui était devenu le centre de son univers.

Elle fut presque rassurée de sentir qu'il tremblait autant qu'elle, preuve qu'elle n'était pas la seule à appréhender ce démentiel saut dans le temps qu'ils s'apprêtaient à tenter mais qui était pourtant leur seul espoir.

C'était de la folie.

Elle plongea une dernière fois son regard dans celui de Chat Noir, cherchant à puiser dans sa présence le courage qui lui faisait presque défaut. Son partenaire lui répondit d'un sourire nerveux, accompagné d'une légère pression sur sa main qui lui réchauffa le cœur bien plus qu'elle ne l'aurait espéré. L'adolescente hocha machinalement la tête, tandis qu'une lueur résolue s'allumait dans ses yeux.

Chat Noir et elle s'apprêtaient tous deux à accomplir l'impossible, mais quoi qu'il advienne, ils étaient ensemble.

- « Miraculous Ladybug ! », s'exclama la jeune fille d'une voix claire, tout en lançant son yo-yo dans les airs.

L'objet s'éleva rapidement, atteignant presque le plafond de la salle. Au moment où la gravité aurait dû commencer à le faire redescendre vers le sol, il s'immobilisa brusquement, flottant à environ trois mètres du sol. Ladybug le fixa avec un regard plein d'espoir, s'attendant à ce qu'il disparaisse dans son habituelle nuée d'étincelles roses pour les envelopper Chat Noir et elle, et les ramener enfin chez eux.

Une seconde s'écoula. Puis une deuxième.

Et rien ne se produisit. 





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Note : 

Hello ! Pour le petit point "Histoire" : Toutânkhaton est effectivement bien le nom de naissance du célèbre Toutânkhamon, qui a changé de nom par la suite. Et a priori, il est bien le fils du pharaon Akhénaton (en revanche, sa mère n'est pas Nefertiti, c'est pourquoi je lui fait parler d'elle en l'appelant la reine d'Akhénaton et pas "sa mère").

A part ça, j'espère que ce chapitre vous a plu :) . Les dieux font leur petit retour ici, à voir si ça aura été utile ;) .

Merci pour vos commentaires et merci de m'avoir lue jusqu'ici ^^ ! A la prochaine pour la suite :) 




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