Chapitre 11


Encore sous le choc de leur rencontre avec deux puissants dieux, Chat Noir et Ladybug décidèrent d'un commun accord de se reposer tranquillement pour le reste de la journée. Juste le temps de reprendre leurs esprits et de respirer à nouveau librement, loin de la présence écrasante de Bastet.

Ils choisirent de reporter leurs repérages du temple d'Amon au lendemain, se contentant pour l'heure de se promener le long du Nil. Les abords du fleuve étaient extraordinairement paisibles, contrastant avec les pensées en ébullition des deux héros. Les vols d'ibis au-dessus de leur tête, le passage des embarcations descendant paresseusement le cours d'eau, les doux clapotis des vagues, tout contribuait à leur donner une impression de sérénité presque irréelle.

Mais Chat Noir et Ladybug savaient pertinemment que ce calme n'était que le prélude à une terrible tempête, dans laquelle ils allaient devoir se jeter sans hésiter une seconde.

Deux jours.

D'ici deux jours à peine, ils auraient l'opportunité de se défaire de Khepp et de peut-être rentrer chez eux.





Le lendemain, Chat Noir et Ladybug se réveillèrent dès l'aube et se mirent rapidement en route pour le temple d'Amon. Paneb avait pris un soin particulier à leur expliquer le chemin à suivre, tout en leur assurant avec un petit rire qu'ils ne risquaient pas de passer à côté de l'endroit par inadvertance.

En dépit de l'heure matinale, les températures étaient déjà étonnamment élevées et les adolescents se félicitèrent de s'être mis en route de si bonne heure. Tous deux commençaient à se faire au climat égyptien, mais ils peinaient encore à se faire aux fortes vagues de chaleur qui s'abattaient parfois sur Thèbes. Ces jours-là, ils n'arrivaient à faire rien d'autre que de rester confinés dans leur chambre, avec l'impression que leurs cerveaux se liquéfiaient et que chaque bouffée d'air leur brûlait les poumons.

- « Tu te souviens du chemin ? », lança Chat Noir à sa coéquipière, alors qu'ils bondissaient tous deux de toit en toit.

- « Oui, aucun problème », répliqua-t-elle avec assurance. « On devrait arriver d'ici une dizaine de minutes. »

Conformément aux prévisions de la jeune fille, ils arrivèrent aux abords du temple d'Amon quelques instants plus tard.

- « Oh, woaw... », murmura machinalement Ladybug en levant les yeux vers l'imposant édifice.

Paneb n'avait pas exagéré.

Si Ladybug avait trouvé le temple de Bastet imposant, ce dernier ne faisait que pâle figure en comparaison de celui consacré à Amon. L'adolescente se trouvait à présent face à deux tours massives, encadrant un portique d'une hauteur démesurée qui laissait entrevoir une myriade d'autres bâtiments.

- « Bon, on y va ? », lança Chat Noir, tirant brusquement Ladybug de sa contemplation. « Plus vite on s'y met, plus vite on aura terminé. »

- « Oui », approuva-t-elle en levant un regard ennuyé vers le soleil qui était déjà haut dans le ciel. « Il commence à faire chaud, je ne tiens pas à m'éterniser ici. »

- « Moi non plus », répondit son partenaire avec un petit éclat de rire. « Il fait un temps à ne pas mettre un chat dehors. »

Une lueur amusée traversa les yeux de Ladybug, qui se dressa sur la pointe des pieds pour déposer un léger baiser sur la joue du jeune homme.

- « Je ne pense pas que ce soit la bonne expression ni le bon contexte, chaton », rétorqua-t-elle en souriant, avant de lancer son yo-yo en direction d'un toit voisin. « Allons-y ! »





En plus d'effectuer un premier repérage des lieux, les deux héros avaient un objectif précis : trouver un point d'entrée pour le lendemain. Ils ne doutaient pas un instant qu'une cérémonie impliquant le pharaon en personne serait forcément sous haute surveillance. Et sachant que ladite cérémonie avait pour but de faire appel à un esprit maléfique pour ressusciter des morts, il y avait fort à parier que leur présence ne serait pas la bienvenue. Par mesure de précaution, il leur était donc indispensable de trouver un endroit par lequel ils pourraient se faufiler le plus discrètement et le plus rapidement possible.

- « Je pense qu'il vaudrait mieux passer par les toits », lança Chat Noir en se perchant au sommet d'une immense statue. « Les entrées seront sûrement bien gardées. »

- « Tu lis dans mes pensées, chaton », répliqua distraitement Ladybug, ébahie par le spectacle qui s'étalait sous ses yeux.

La démesure des lieux n'avait manifestement d'égale que sa richesse. Somptueuses fresques aux couleurs vives, magnifiques sculptures, bâtiments aux formes harmonieuses, tout semblait être fait pour attirer le regard et susciter l'admiration.

Cependant, derrière cette beauté à couper le souffle, Ladybug nota que s'il était plus animé que le sanctuaire de Bastet, le temple avait lui aussi souffert de la réforme religieuse qu'imposait Akhenaton. Ça et là, des travaux semblaient avoir été laissés à l'abandon tandis que certaines peintures s'effritaient légèrement, signe d'un manque d'entretien visible.

Le pharaon avait beau tolérer encore le culte de l'ancien dieu Soleil, les prêtres d'Amon était manifestement dans une situation presque aussi difficile que ceux de Bastet. Cette constatation ne fit que raffermir la conviction de la jeune fille. Certes, son propre avenir était en jeu, mais il était également de son devoir d'héroïne de mettre fin aux agissements de Khepp et de rendre sa sérénité à cette Egypte en perdition.

- « Je ne vois rien qui pourrait nous convenir », lança-t-elle à Chat Noir.

- « Je n'ai rien repéré non plus », répliqua-t-il en secouant la tête. « On continue ? »

- « On continue », approuva Ladybug avant de s'élancer de nouveau dans les airs.





Le temple était absolument gigantesque et son exploration prit bien plus de temps aux adolescents qu'ils ne l'avaient escompté. De multiples bâtiments avaient manifestement été rajoutés au fil des siècles, entrecoupés de larges colonnades et de cours bordées de palmiers. Mais hélas, leurs concepteurs avaient également pensé à les orner d'escaliers, d'échelles ou de terrasses, facilitant l'accès à de potentiels gardes et les excluant de la liste des points d'accès discrets.

La température se faisait de plus en plus accablante, donnant à Ladybug la furieuse envie d'abandonner ses recherches pour courir vers le Nil et se jeter tête la première dans le fleuve. Certes, ses eaux étaient infestées de crocodiles. De dangereux et potentiellement mortels crocodiles. Mais la perspective d'affronter ces terribles reptiles devenait presque tentante en comparaison de la sensation de rôtir sous l'implacable soleil d'Egypte.

L'adolescente se percha au sommet d'un toit, profitant de l'ombre projetée par une tour voisine pour échapper un instant aux rayons qui allaient finir par lui donner une insolation monumentale.

- « J'en ai assez ! », s'exclama Chat Noir en atterrissant à ses côtés. « Je suis littéralement en train de cuire », poursuivit-il en désignant théâtralement sa peau rougissante. « J'ai chaud, j'ai soif, je veux rentrer. On pourra toujours revenir quand il fait nuit, je m'occuperai des recherches si tu n'y vois pas assez. »

- « Je suis entièrement d'accord », soupira Ladybug. « Ce n'est pas la peine de risquer un malaise en s'acharnant à... »

La jeune fille s'interrompit brusquement, remarquant soudain un bout de toiture reliant deux bâtiments voisins. Elle s'élança gracieusement sur cette minuscule terrasse de pierre, pour constater avec joie qu'aucun accès ne semblait prévu pour cet endroit. Pas d'escaliers, pas de portes, pas de trappes. Il ne s'agissait de rien d'autre qu'un simple toit, dont les chances d'être gardé était certainement quasiment nulles et qui offrait l'indéniable avantage de donner sur une petite ruelle à l'arrière du temple.

- « Chaton », s'écria-t-elle d'une voix triomphante, « Je pense qu'on n'aura pas besoin de revenir ce soir. J'ai trouvé l'endroit parfait. »





Après être rentré du temple, les deux adolescents passèrent tout le reste de la journée enfermés dans la chambre de Ladybug, fuyant les températures écrasantes et élaborant des plans plus farfelus les uns que les autres pour défaire leur ennemi. Ils ne sortirent qu'une fois le soleil descendu derrière l'horizon, mangeant rapidement avant de descendre se promener dans les vastes jardins qui entouraient la demeure.

Ladybug affectionnait particulièrement cet endroit.

Elle avait toujours aimé les fleurs et cette oasis de verdure lui rappelait ses chères plantes qui ornaient sa petite terrasse parisienne. Bien entendu, la comparaison s'arrêtait là, la taille de ce parc étant sans commune mesure avec celle de ses modestes jardinières. Mais le lieu n'en était pas moins cher à son cœur. Ce splendide jardin respirait la sérénité et Ladybug adorait s'y promener, autant pour s'y ressourcer que pour admirer les luxuriantes plantes qui s'y épanouissaient dans la plus parfaite harmonie.

Eclairée par la douce lueur d'une lampe à huile, Ladybug se trouvait à présent assise sur le bord de l'un des petits bassins qui décoraient l'endroit. Elle avait ôté ses sandales un instant plus tôt, laissant ses pieds baigner paresseusement dans l'eau. Face à elle, Chat Noir avait quant à lui prit le parti d'y descendre directement, s'immergeant jusqu'à mi-cuisse. De son point de vue, cette position offrait des avantages indéniables. Bien que les températures soient maintenant bien plus douces qu'en journée, le fait d'être en partie plongé dans l'eau lui permettait de se rafraichir agréablement.

Mais surtout, cela lui permettait d'être à la hauteur parfaite pour pouvoir embrasser Ladybug.

Si leur premier baiser était resté très chaste, les adolescents avaient depuis largement gagné en assurance. Debout face à Ladybug, Chat Noir avait passé ses bras autour de la taille de la jeune fille, qui avait incliné la tête sur le côté pour permettre à la langue de son partenaire de venir caresser lentement la sienne.

Chat Noir peinait encore à y croire.

Les instants qu'il passait en Egypte lui semblaient toujours étrangement déconnectés de la réalité, mais ce précieux moment lui paraissait digne du plus merveilleux des rêves.

La fille de ses rêves était contre lui, bras enroulés autour de sa nuque, à répondre avec enthousiasme à ses baisers. Il aurait presque pu croire que cet instant était sorti tout droit de son imagination sans la douceur des lèvres de Ladybug sous les siennes, le goût sucré de sa bouche ou l'odeur de sa peau mêlée à la fragrance des fleurs d'Egypte qui s'attardait encore dans les airs.

Cet instant était absolument parfait.

- « Ma Lady... », chuchota le héros d'une voix rauque, avant de se remettre à l'embrasser avec ardeur.

Se retenant difficilement de sourire, Ladybug fit courir ses doigts dans les cheveux de son coéquipier, jouant avec ses mèches blondes et lui arrachant des grognements de plaisir lorsque ses ongles effleuraient sa peau. Le voir réagir ainsi à ses attentions était grisant, mais pas autant que les sensations qu'elle ressentait en l'embrassant. De douces vagues de chaleur se propageaient dans sa poitrine à chaque baiser et son cœur battait avec tant de force qu'elle en était presque étourdie.

Ladybug avait à présent l'impression d'avoir une multitude de papillons dans l'estomac – de délicieux et innocents papillons, à des années-lumières des créatures malfaisantes qu'affectionnait leur traditionnel ennemi. Paupières closes, elle savourait chaque instant de cette tendre étreinte, resserrant instinctivement ses bras autour de Chat Noir pour l'attirer plus près d'elle.

- « Chaton, je pensais à quelque chose... », murmura-t-elle soudain entre deux baisers.

- « Mmmm ? », répondit distraitement son coéquipier, à présent trop occupé l'embrasser dans le cou pour se focaliser totalement sur ses propos.

- « Je... Je sais qu'on va peut-être pouvoir rentrer chez nous bientôt », reprit la jeune fille en tentant héroïquement de se concentrer sur le fil de ses pensées plutôt que sur les distrayantes attentions de son partenaire. « J'espère vraiment qu'on va y arriver », continua-t-elle, tandis que Chat Noir enfonçait à présent son visage dans le creux de son cou.

Un sourire affectueux se dessina sur les lèvres de Ladybug, qui passa fermement ses bras autour des épaules du jeune homme pour le serrer contre elle. Ainsi serrée contre lui, elle prit une profonde inspiration, puisant dans son courage pour ne pas renoncer aux paroles qu'elle s'apprêtait à prononcer.

- « Mais il n'est pas non plus impossible qu'on reste coincés en Egypte », poursuivit-elle à voix basse, « Et je... Je me disais qu'ici, cette histoire d'identités secrète n'avait plus vraiment de sens. »

Chat Noir se redressa aussi vivement que s'il avait été monté sur ressort.

Ses mains étaient toujours fermement agrippées à la taille de Ladybug, mais ses yeux jusque-là fermés étaient à présent grand ouverts et écarquillés de stupéfaction. Le cœur battant à tout rompre, il dévisagea la jeune fille avec attention, osant à peine espérer ce qu'elle était bien en train de sous-entendre...

Non.

Elle n'était pas en train de suggérer...

- « Ce que je veux dire », reprit-elle en plongeant son regard dans le sien, « C'est à quoi bon dissimuler nos identités pour protéger nos proches alors que tous ceux qu'on aime sont à des milliers d'années et de kilomètres d'ici ? Enfin, presque tous ceux qu'on aime », se reprit-t-elle en passant tendrement la main sur la joue de Chat Noir.

Le jeune homme sentit aussitôt une douce onde de chaleur se diffuser au creux de sa poitrine, tandis que son pouls s'emballait de plus belle. Pour une fois à court de mots, il fixa Ladybug avec incrédulité, s'attendant presque à ce qu'elle éclate de rire et qu'elle lui affirme qu'elle venait de plaisanter.

Mais sa coéquipière semblait parfaitement sérieuse.

Elle le regardait sans ciller, ses splendides yeux bleus étincelant d'une lumière presque surnaturelle à la lueur de la lampe.

- « Tu... tu veux qu'on se dise qui on est ? », s'entendit-il finalement articuler, peinant à entendre sa propre voix par-dessus les furieux battement de son cœur. « Si jamais on perd le combat ? »

- « Non », répliqua-t-elle en secouant doucement la tête, un léger sourire aux lèvres.

Une expression déçue commença à se peindre sur les traits de Chat Noir, mais Ladybug poursuivit.

- « Je veux qu'on se dise qui on est maintenant. »





Sous le choc, Chat Noir resta un instant immobile.

- « T-Tu es sûre que tu ne veux pas attendre ? », balbutia-t-il enfin. « Si on arrive à battre Kepp – et on y arrivera, j'en suis sûr, on pourra repartir chez nous. Ce n'est pas que je n'ai pas envie de savoir, au contraire ! », s'exclama-t-il précipitamment. « Mais j-je... Je ne veux pas que tu aies de regrets. »

Un tendre sourire se dessina sur les lèvres de Ladybug, qui tendit la main vers le sommet du crâne de son coéquipier pour ébouriffer affectueusement ses cheveux.

- « Aucun regrets », affirma-t-elle d'un ton résolu. « J'y pense déjà depuis plusieurs jours. Vu notre situation, c'est ridicule de rester cachés comme ça et surtout... »

La jeune fille s'interrompit un instant, rougissant sous son masque. Elle laissa doucement retomber sa main, la tendant vers celle de Chat Noir pour entrelacer ses doigts avec les siens.

- - « Surtout, on sort ensemble », reprit-elle d'une voix que l'émotion rendait tremblante. « Je... Je sais déjà beaucoup de choses sur toi. Tu es courageux, loyal, tu n'hésites jamais à venir en aide aux autres... Tu adores les jeux vidéos et tu as aussi un abominable faible pour les jeux de mots », rajouta-t-elle avec un petit rire devant la moue faussement offusquée qui se dessina sur les traits de son partenaire. « Mais je veux en savoir plus », poursuivit-elle avec sérieux. « Je veux savoir qui tu es. »

Chat Noir se sentit soudain envahi par une gigantesque bouffée d'affection pour cette fille qui était sans nul doute l'amour de sa vie. Levant doucement la main pour la poser le long de sa mâchoire, il inclina lentement la tête vers elle.

Ladybug battit légèrement des paupières, son regard d'un splendide bleu rivé à celui de Chat Noir, avant de fermer les yeux quand les lèvres du héros se posèrent doucement sur les siennes. Un délicieux frisson parcouru aussitôt la colonne vertébrale de la jeune fille, qui enroula de nouveau ses bras autour de la nuque de Chat Noir pour presser son corps contre le sien. Elle pouvait sentir son cœur battre de toutes ses forces contre sa poitrine, ses brûlants soupir caresser sa peau alors qu'il reprenait son souffle, et son propre esprit se dissoudre lentement dans cet océan de sensation.

Seuls comptaient Chat Noir et ses baisers.

Elle ignorait combien de temps ils restèrent ainsi à s'embrasser sous le ciel nocturne, mais au bout d'un long moment, Chat Noir s'écarta légèrement d'elle. Respirant lourdement, il appuya doucement son front contre le sien, laissant leurs souffles s'entremêler entre leurs lèvres. Un sourire lumineux dansait sur son visage, donnant à Ladybug l'envie presque irrépressible de l'embrasser de nouveau.

- « Est-ce qu'il t'est déjà arrivé de te demander si on ne se connaissait pas en dehors de nos masques ? », lança-t-il abruptement, faisant brusquement sursauter sa coéquipière.

- « Je... Je ne sais pas », balbutia-t-elle, essayant péniblement de faire de nouveau fonctionner son cerveau. « J'avoue que je n'y ai jamais vraiment pensé. Il y a tellement de monde à Paris... »

- « Moi, je me suis déjà posé la question. Sans creuser trop, bien sûr », rajouta-t-il avec un petit sourire contrit. « Je savais que tu ne voulais pas que je cherche qui tu es. Mais j'ai quand même remarqué quelque chose. »

Une petite expression satisfaite traversa le visage de Chat Noir, tandis que sa partenaire haussait un sourcil intrigué.

- « Il y a beaucoup de personnes qui se sont faites akumatiser dans mon entourage », reprit le jeune homme avec une lueur malicieuse dans les yeux. « Des gens de mon école, de mon quartier... J'aurais tout le temps dû être le premier sur place, pourtant tu arrives avant moi la moitié du temps », poursuivit-il en passant affectueusement ses doigts sur la joue de Ladybug. « J'en déduis qu'on habite dans le même coin. Peut-être même qu'on va à la même école », conclut-il avec un sourire triomphant.

Ladybug resta un instant silencieuse, comptant mentalement le nombre de fois où son coéquipier avait fait son apparition en un temps record alors qu'elle-même était déjà quasiment sur place. Ses yeux bleus s'écarquillèrent de surprise tandis qu'un « o » muet se formait sur ses lèvres.

Chat Noir avait certainement raison.

- « Effectivement, c'est tout à fait possible », murmura-t-elle enfin.

Elle resta un instant silencieuse, sourcils légèrement froncés alors qu'elle réfléchissait si intensément que Chat Noir se demandait avec amusement si de la fumée n'allait pas se mettre à sortir de ses oreilles.

- « Je suis élève dans le groupement scolaire Françoise Dupont », ajouta-t-elle soudainement. « J'y suis depuis le collège. »

Un sourire solaire illumina les traits de Chat Noir, tandis que son cœur se mettait à bondir joyeusement.

Mon lycée, semblait chanter ce dernier à chaque battement enthousiasme. Elle est dans mon lycée.

Un nom lui vint aussitôt en tête. Une hypothèse qui avait déjà traversé son esprit auparavant mais qu'il avait vivement écarté, fidèle à sa promesse de ne pas chercher à découvrir l'identité de sa partenaire.

Une fille de son école, au cheveux d'un noir bleuté et aux yeux couleur azur.

Peut-être que...

Le jeune homme se pencha en avant pour déposer un chaste baiser sur les lèvres de Ladybug, avant de se redresser rapidement.

- « Pareil pour moi », confia-t-il dans un souffle, souriant de plus belle devant l'expression médusée de sa partenaire. « Je suis aussi élève là-bas. »

Ladybug resta un instant immobile, tentant de ralentir la foule de pensées qui tempêtait à présent sous son crâne.

Du calme. Il fallait qu'elle se calme.

Au fil des années, elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait distraitement souhaité qu'un autre adolescent blond représentant exactement les mêmes caractéristiques soit celui qui se cachait sous le masque de son coéquipier. Cela aurait été tellement plus simple que les deux garçons qui faisaient battre son cœur n'en soit en réalité qu'un seul.

Mais ça n'avait été qu'un fantasme, une idée fantasque qu'elle n'avait jamais considérée sérieusement. Même Ladybug ne pouvait pas avoir autant de chance, c'était certain.

Et à présent, l'affirmation de Chat Noir lui faisait soudain reconsidérer les choses.

L'adolescente secoua soudain la tête pour se forcer à garder le fil de ses pensées. Du calme. Il ne fallait pas qu'elle se laisse emporter par son imagination et par ce qui n'était peut-être rien d'autre que la culpabilité à l'idée d'avoir tourné la page de son premier amour. Seul Chat Noir comptait à présent et elle lui devait de ne pas se laisser distraire ce qu'elle avait autrefois ressenti pour Adrien.

Ladybug jaugea un instant Chat Noir du regard, essayant de trouver un élève qui pourrait ressembler de près ou de loin à son exubérant coéquipier, mais personne ne lui rappelait clairement le style flamboyant du héros.

- « Je ne vois personne d'aussi... démonstratif que toi dans mon lycée », lui avoua-t-elle finalement, gardant pour elle ses soupçons concernant un certain mannequin blond.

Bras toujours passés autour de la taille de Ladybug, Chat Noir éclata d'un rire chaleureux qui résonna jusque dans la poitrine de la jeune fille. Il inclina légèrement la tête vers elle pour l'embrasser doucement sur le front.

- « Le garçon derrière mon masque est beaucoup plus réservé que je ne le suis, ma Lady », répondit-il finalement.

Sa voix avait quelque chose de mélancolique qui attira aussitôt l'attention de Ladybug.

- « Je suis calme, obéissant, pas toujours très doué dans mes relations avec les autres », poursuivit-il avec un certain détachement, tandis que sa partenaire l'observait avec intérêt. « Et je te dirais bien que je n'attire pas trop l'attention, mais avec un visage comme le mien, ça serait mentir », conclut-il avec sa gouaille habituelle.

Ladybug laissa échapper un petit rire et lui donna une pichenette affectueuse sur le nez.

- « De mon côté, c'est la même chose », répondit-elle en lui souriant affectueusement. « Ladybug déborde de confiance en elle alors que moi... Disons que c'est moins évident », avec une grimace gênée. « Et je suis maladroite, tu n'imagines même pas à quel point ! A ce niveau c'est une véritable malédiction ! »

- « Ne t'en fais pas, ma Lady. Pour ce qui est de ta maladresse, je suis déjà largement au courant », répliqua malicieusement Chat Noir.

- « Comment ça ? », s'offusqua Ladybug en lui jetant un coup d'œil acéré.

- « Oh, ma Lady, si je devais compter le nombre de fois où ton yo-yo m'a atterrit sur la tête parce que tu as mal visé », s'esclaffa chaleureusement Chat Noir. « Ou tous ses moments où tu as manqué de te ligoter à quelque chose sans le vouloir... Ne t'inquiète pas pour ça, je sais que tu es maladroite ! »

- « Je ne suis pas sûre que ça doive me rassurer... », grommela la jeune fille appuyant le front contre le torse de son partenaire, dissimulant son visage rougissant de gêne.

- « Tu es maladroite, mais tu es aussi courageuse », reprit Chat Noir d'une voix chantante. « Brillante. Optimiste. Tu ne baisses jamais les bras. Je suis sûre que la fille derrière le masque en fait autant, même si tu n'en as pas forcément l'impression », ajouta-t-il avec tant d'assurance que Ladybug s'empourpra de plus belle.

Ne faisant soudainement plus tout à fait confiance à sa voix tant sa gorge se serrait d'émotion, la jeune fille prit de profondes inspirations pour tenter de retrouver son calme. Elle se redressa finalement, plongeant son regard dans les yeux étincelants de Chat Noir.

- « Donc, on est dans la même école... », reprit-elle lentement, tandis que son coéquipier approuvait machinalement d'un signe de tête.

- « Et sinon, qu'est-ce que tu fais de ton temps libre ? », lui demanda-t-il après de nouvelles secondes de silence, voyant que sa Lady ne savait manifestement pas comment faire repartir la conversation.

- « Beaucoup de couture ! », répliqua-t-elle aussitôt, le regard brillant de joie. « Je suis passionnée par la mode, je suis toujours en train de faire des croquis ou de confectionner des vêtements. Je fabrique même ceux que je porte. J'aime vraiment ça, et puis tu n'imagines pas à quel point ça me détend. Souvent quand j'ai eu une journée difficile, je monte dans ma chambre et je me mets à coudre, ça me permet de me changer les idées et... et je parle beaucoup trop alors je vais me taire maintenant », s'interrompit-elle en surprenant le sourire indulgent qui se dessinait lentement sur le visage de Chat Noir.

Le jeune homme ressentait un mélange confus d'excitation et de bonheur absolu, ne parvenant pas à se défaire de l'impression de vivre un rêve éveillé. C'était aussi étrange qu'enthousiasmant d'entendre enfin sa Lady parler de cette vie qu'elle s'acharnait d'ordinaire à garder secrète.

Chat Noir découvrait avec délice de nouvelles facettes de sa coéquipière, savourant chaque seconde de cet instant où tout basculait lentement.

Bientôt, ils connaitraient avec certitude leurs identités respectives.

Face à lui, Ladybug était manifestement si excitée par l'évolution de la situation qu'elle peinait à contenir son énergie. Elle le dévisageait avec autant d'intensité que si elle cherchait à percer les secrets de son âme et la lueur qui dansait dans ses immenses yeux bleus lui soufflait que sa partenaire était dans le même état de fébrilité que lui.

- « La mode... », articula-t-il soigneusement, cherchant désespérément à conserver son calme. « Tu veux en faire ton métier ?

- « Oui », répondit-elle en continuant de le fixer, tout en promenant machinalement sa main sur son avant-bras. « J'adorerai ça, mais c'est un milieu difficile. »

- « Oh, je sais bien... Mon père est styliste », répliqua distraitement Chat Noir.

Le cerveau du jeune homme était en ébullition.

La mode. Ladybug est passionnée de mode.

Ce nouvel indice ne faisait que confirmer un peu plus ses soupçons quant à l'identité de sa partenaire, le plongeant dans un état de douce euphorie.

- « Et toi ? », lança Ladybug, le tirant soudainement de sa rêverie. « Tu as d'autres loisirs que te balader en bondissant sur les toits de Paris ? »

- « Oh, je fais plein de choses », répliqua gaiement le jeune homme, levant une main devant elle pour tenir le compte sur ses doigts. « Déjà, je joue du piano et je fais de l'escrime, sans compter le fait que je travaille comme mannequin de temps à autre. »

Ladybug laissa échapper un hoquet presque inaudible.

Non.

Ce n'était pas possible.

Ça serait trop beau.

Mais d'un autre côté, quelles étaient les chances pour que deux garçons regroupent autant points communs ? De pareilles coïncidences n'existaient certainement pas.

- « Je parle aussi chinois », ajouta lentement Chat Noir, fixant Ladybug avec une attention particulière.

Si c'était elle, si c'était bien elle, cette révélation ne pouvait pas manquer de la faire réagir.

- « Je parle trois mots de chinois... », répondit Ladybug d'une voix curieusement émue. « A peu près. Ce qui n'est pas très glorieux quand on sait que je suis à moitié chinoise... La dernière fois que mon oncle est venu à Paris, j'ai dû demander l'aide d'un de mes camarades de classe pour pouvoir discuter avec lui. »

Les battements de cœur de Chat Noir subirent une nouvelle et brutale accélération.

C'est elle. C'est elle.

C'était certain.

- « Tu vas rire, mais il est arrivé exactement la même chose à une fille de ma classe », murmura-t-il en se penchant instinctivement vers Ladybug.

Il était à présent si proche qu'il pouvait voir distinctement chacun de ses longs cils, chacune de ses taches de rousseurs.

- « Tu vas rire », rétorqua-t-elle sur le même ton, « mais le camarade de classe dont je parlais plus tôt joue aussi du piano. Et il est aussi mannequin. Grâce à son père, qui est styliste. »

- « ça fait beaucoup de points communs... », chuchota Chat Noir en s'approchant un peu plus encore.

- « Je trouve aussi... », répliqua-t-elle sans le quitter un instant du regard, comme si elle avait été hypnotisée par ses yeux verts.

Sans dire un mot de plus, elle tendit le visage vers lui, effaçant les derniers millimètres qui les séparaient pour poser ses lèvres sur les siennes. Elle l'embrassait avec toute la tendresse du monde, bougeant à peine la bouche tandis que l'une de ses mains venait caresser délicatement sa joue.

Le pouls de Chat Noir battait si fort que le jeune homme commençait à se demander s'il n'allait pas mourir d'une crise cardiaque. Ou consumé de bonheur, peut-être.

C'était elle. Sa partenaire. Sa Lady. Sa...

- « Marinette... », soupira-t-il entre deux baisers, son souffle chaud caressant doucement le visage de la jeune fille.

Il la sentit sourire sous ses lèvres, tandis qu'une soudaine vague d'énergie lui indiquait qu'elle venait de relâcher sa transformation.

- « Adrien... », chuchota-t-elle à son tour d'une voix tremblante d'émotion.

Le jeune homme eut aussitôt la certitude que son cœur venait d'exploser de bonheur, propulsant de merveilleuses étincelles de joie dans tout son corps et inondant son cerveau de vagues de félicité d'une telle ampleur qu'elles firent aussitôt disparaître toute autre émotion.

Grisé par ce déferlement de sensations, il se détransforma à son tour puis rouvrit lentement les paupières. Il fut aussitôt happé par l'envoûtant regard de la jeune fille qu'il tenait toujours dans ses bras.

Marinette.

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