Aveu ?

Hey, comme je suis incapable de prendre une décision seule, je vous copie ici une lettre que j'hésite à envoyer à un ami pour lui avouer ma dépression...



J'adresse cette lettre à Sébastien. Pas Seb le P'tit Poivron, pas Steven comme je t'ai appelé des fois, pas l'ami drôle et sympa que je connais mais la personne sérieuse derrière ce qui est parfois une façade.

Je suis nulle avec les discours, mais alors vraiment. Quand je parle, les mots s'emmêlent, je deviens rouge tomate et je dis n'importe quoi ou je ne dis rien du tout - je ne sais pas ce qui est le pire. Des fois, quand j'écris, c'est mieux, parce que ça me permet de mettre mes idées en ordre (même si, tu auras pu le constater dans mes SMS, des fois je suis maladroite aussi et je dis aussi des trucs idiots ou inappropriés, mais disons que c'est moins fréquent - je crois ?). Donc, quand je ne sais pas comment dire les choses, j'écris des lettres. Souvent longues comme le bras (oups). Je suis désolée d'avance pour la lecture que ça va te demander (si jamais je t'envoie ça, ce qui n'est pas sûr, j'aurais trop peur de le regretter de peur que tu me prennes pour une folle - ce que je suis sûrement mais passons). Il y a deux réactions à ce genre de lettres-bombes : soit les gens, après un temps de stupéfaction, le prennent bien, et je reprends ma respiration après une apnée plus ou moins longue, soit ils le prennent mal, ne comprennent pas, partent en courant ou essaient de me contacter pour avoir des explications. Quand le dernier cas se présente, c'est généralement moi qui panique, et j'ai tellement peur que la personne m'abandonne parce que je lui ai montré à quel point j'étais bancale que c'est moi qui ne donne plus signe de vie - fuir avant d'être abandonnée, la logique imparable (note l'ironie, j'ai testé les deux et c'est tout aussi douloureux).

Bon, maintenant que j'ai planté le décor, allons-y. Depuis je te connais, je me demande pourquoi tu es venu me parler le premier jour. Je n'ai pas l'impression de mériter ton amitié pour être honnête. Tu es quelqu'un de génial, sincèrement, tu me fais souvent rire et c'est précieux. De mon côté, je ne vois pas ce que je t'apporte. Au contraire, quand je te parle de mes problèmes avec mon père, j'ai plus l'impression de t'enfoncer qu'autre chose, ce qui me fait me sentir encore plus mal. Des fois, je me demande encore si je n'aurais pas dû changer de classe. Pas pour moi, pour toi. Moi, je me rends compte maintenant que, même si ça n'a pas été facile, j'avais besoin de ce changement d'air, de nouvelles rencontres. Mais pour toi en revanche... Je ne crois pas que tu aies besoin de quelqu'un comme moi dans ton entourage, avec tous les problèmes que tu as à gérer. J'essaie d'ailleurs de me dire que c'est pour ça que je ne t'en ai pas parlé plus tôt, pour te préserver (mais je sais au fond que c'est parce que j'ai bien trop peur que tu m'abandonnes alors que je me suis attachée trop vite à toi). Ne flippe pas, c'est juste une déclaration d'amitié, hein, je préfère préciser. Mais j'admets que j'en fais un peu trop des fois, ça aussi ça fait partie de moi (même si je déteste ça parce que j'ai sans cesse l'impression de mentir, d'exagérer mes problèmes, mais c'est juste mes émotions qui sont exagérées).

Donc, bref, arrêtons de tourner autour du pot. Ce que j'aurais dû te dire depuis longtemps, c'est que je souffre de dépression. En réalité, j'aurais pu écrire "je suis dépressive", mais ça me réduirait à la dépression, et ça je ne supporte pas. Et puis je souffre oui, elle me pourrit la vie cette bête noire dans mon cerveau. Et elle régit ma vie, c'est bien là le problème. Elle fait partie intégrante de moi, et je déteste l'avouer, mais c'est le cas.

Pendant des mois, je l'ai ignorée. Quand j'étais avec toi, je me persuadais que je pouvais la cacher dans un coin et l'oublier. C'était si agréable de ne plus être résumée à ça ! Mais c'est une illusion. Ça revenait tous les soirs, et ça tu ne le savais pas. Je ne sais pas combien de temps encore je vais faire semblant avant de t'envoyer cette lettre (ou de tout t'expliquer en face mais ça s'annonce long et compliqué). On est le 25 décembre 2018 quand j'écris ça - enfin non, il est plus de minuit, 26 maintenant (Noël est passé, yay).

Donc ouais, ce burn-out et ce malaise donc je t'ai parlé au début de l'année, c'est un peu plus que ça. Et quand tu m'as avoir avoir eu des idées suicidaires, quand tu en as parlé avec tant de détachement, ça m'a choquée. Tu semblais avoir fait la paix avec cette partie de ta vie (est-ce le cas ?). C'est quelque chose que je n'arrive pas à faire. Je me sens coupable, sans cesse, j'ai l'impression de gâcher la vie de tous ceux qui m'entourent. La tienne, par exemple, en te replongeant dans le deuil de ton père alors que je te parle du mien. C'est aussi pour ça que je ne t'en ai pas parlé avant, parce que j'ai l'impression que ça te fait du mal, et c'est tout sauf mon but. Mais je ne vois pas comment continuer à le cacher. Tu le remarques déjà peut-être, quand tu ne réponds pas vite je panique (par peur que tu ne découvres que je ne vais pas si bien que j'essaie de le laisser paraître), et le soir par SMS il m'arrive de te confier des choses que je ne dirai jamais en plein jour de vive voix. Et je déteste cette lettre, je déteste me sentir si vulnérable en te livrant tout cela parce que ça te donne le pouvoir de me détruire en appuyant là où ça fait mal, mais je n'arrive pas à faire autrement.

Depuis six mois que je ne te dis rien alors que tu me confies tant de choses et que tu as confiance en moi, j'ai l'impression de te mentir et de te trahir. Peut-être aussi qu'en lisant cela tu te sentiras trahi et que tu m'abandonneras. Je ne sais pas comment tu réagiras, et ça me terrifie. Parce que j'ai trop perdu, parce que je ne suis pas sûre de pouvoir supporter de perdre encore un ami et parce que j'ai pourtant envie parfois de repousser tous ceux qui me sont proches parce que je sais que je peux être toxique. Je ne veux pas non plus que tu restes mon ami par culpabilité, ce serait pire que tout, je préfèrerais encore que tu partes. Savoir que je fais peser la culpabilité sur tes épaules comme mon père la fait peser sur les miennes me serait intolérable, vraiment (je sais, ça fait drama queen, mais chaque mot que j'écris est pensé, je te l'assure).

Non, je crois que tu ne liras jamais cette lettre, mais ça me soulage un peu de l'écrire. Une amie m'a dit un jour que je ne devais pas perdre ma dignité en écrivant ce genre de choses, et pourtant je la perds encore une fois, je n'arrive pas à faire autrement que dans l'extrême - tout dire ou ne rien dire, mais de toute façon la grenade finit toujours par exploser alors autant programmer un minimum l'explosion, non ? Je m'excuse, mes métaphores littéraires sont vraiment nulles.

Bref, en espérant que tu ne me prennes pas pour une folle - ou que ma folie ne te rebute pas -, avec toute mon amitié (comme sur tes dessins, tu te souviens ?),

M.

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