Fauves et faucons partie 1
Chapitre 14 - Fauves et faucons partie 1
Zurich, Suisse, 8H00
Yuri s'étira tel un félin dans le lit sous le regard amoureux d'Otabek. Celui-ci se pencha et déposa ses lèvres dans le cou de son amant tout en parcourant son corps de légères caresses.
« _ Bonjour Yura. Bin dormi ?
_ Bonjour Beka. Oui et toi ?
_ Toujours quand je te serre dans les bras. Et toi ? »
Le jeune homme blond se redressa légèrement et déposa ses lèvres sur celles tant aimées. Ils échangèrent un long baiser emplit de tendresse. Ils savourèrent ce moment de douceur avant de finalement se lever. Ce matin, ils avaient un rendez-vous important. La compétition était terminée depuis la veille et ils avaient tous deux obtenus de très bons résultats. Maintenant, le couple pouvait se concentrer sur un autre projet.
« _ A quelle heure avons-nous rendez-vous avec Stefan ?
_ Dans deux heures.
_ Tu es toujours sûr de ton choix, Yura ?
_ Oui. T'inquiète ça va bien se passer. » Il jeta un regard tendre à son Alpha et vint tout contre lui. Il approcha de nouveau ses lèvres des siennes avant de murmurer contre elles. « On va avoir un autre bébé, Beka. Je suis sûr que bientôt je vais être enceint. »
Pour toute réponse, Otabek l'embrassa tendrement essayant de faire passer à travers ce baiser tout l'amour qu'il ressentait pour son Oméga, son âme-sœur, l'autre moitié de son cœur. Il le serra dans ses bras et respira la douce odeur citronnée de ses phéromones. Quand, il serait enceint, celles-ci seraient un peu plus douces et sucrées, qu'il avait aimé cette odeur quand Kolia était encore à l'abri du monde au creux du corps de son aimé. Après un moment, Yuri se détacha de son étreinte, lui prit la main et l'entraîna dans la salle de bain. Quelques polissonneries ne pouvaient qu'achever de les mettre de bonnes humeurs.
Trois heures plus tard, Café Félix1
Le couple attendait patiemment sa commande attablé dans un coin tranquille de la salle. Yuri prenait quelques photographies da la salle tandis qu'Otabek le regardait, songeur. Au bout d'un moment, il attira l'attention de son compagnon en posant sa main sur son poignet. Il en caressa du pouce l'intérieur et sentit le pouls de Yuri s'accélérer. Les joues roses, le jeune homme regarda son compagnon en marmonnant.
« _ Arrête ça Beka...
_ Pourquoi ? J'aime bien voir tes joues rosirent. C'est adorable. Même après tout ce temps, tu es toujours aussi pudique.
_ Je suis pas comme le vieux et le porcelet à m'afficher tout le temps.
_ C'est vrai qu'ils ne sont pas discrets. Bon, assez parlé d'eux. Tu n'as pas mal au bras ?
_ Non, ça va. Ca a été rapide de l'enlever. Maintenant, ben, la prochaine fois que... Enfin tu sais.... C'est possible que ça marche.
_ Stefan nous a dit d'être patients, Yura. Peut-être que ça fonctionnera du premier coup ou peut-être pas. Tu es en bonne santé mais... Et puis, on ne peut pas prévoir ce genre de choses.
_ Pour Kolia ça a marché tout de suite.
_ Pour Kolia ce n'était pas prémédité et ... »
Otabek s'interrompit le temps que le serveur dispose sur leur table leur commande. Il avait également lâché la main de Yuri pour que celui-ci et lui-même puissent déjeuner. Toutefois, la perte de contact ne dura pas et Yuri attrapa la main de son compagnon. Il la serra doucement entre ses doigts comme pour sceller une promesse silencieuse.
Après leur déjeuner, le couple déambula dans les rues de la Vielle Ville. Ils se promenèrent main dans la main savourant le calme d'une balade en amoureux. Ils ne goûtaient que rarement à ce petit plaisir ne voulant pas laisser leur fils à la garde d'autres quand ils n'y étaient pas forcés. Yuri s'arrêta devant une petite boutique qui proposait des jeux en bois, des livres pour enfants et des peluches. Les bras d'Otabek enlaçant tendrement sa taille, ils regardèrent un moment la vitrine avant de se décider à entrer. Ils rentraient à Saint-Pétersbourg le lendemain et n'avaient pas encore acheté de cadeau à leur fils. Il était temps pour eux de remédier à cela avant de rentrer à l'hôtel puis de diner une dernière fois en compagnie de Stefan et Christophe.
Saint-Pétersbourg, hôpital international, service gynécologie, section Oméga
Yuri s'était endormi quand Otabek pénétra dans la chambre. Il avait lutté contre le sommeil mais il avait abandonné la bataille en même temps que ses forces s'amoindrissaient. Les mains posées sur son ventre, les traits légèrement crispés, il semblait tenter de protéger son enfant des dangers qui l'entouraient. Le jeune homme s'approcha du lit et déposa sa main sur celles de son amoureux. Il le regarda dormir un moment avant de se détourner et d'aller se rafraîchir dans la petite salle de bain attenante à la chambre. Il serait bien temps de parler avec Yuri quand celui-ci serait reposé. Il serait peut-être aussi un peu plus calme si son examen médical du matin se passait bien. Beaucoup de conditions à remplir en si peu de temps pour espérer que leur prochaine conversation ne soit pas trop houleuse. Otabek soupira en se passant de l'eau sur le visage, houleuse, leur discussion le serait. Il ne pouvait en être autrement. Yuri n'accepterait pas de se séparer facilement de lui, tout comme lui ne pouvait admettre de le laisser seul. Mais Serik s'était montré inflexible et Otabek savait qu'il n'avait aucune chance e le faire changer d'avis. Son frère était l'autorité même et sa poigne de fer n'était que peu dissimulée par un gant de velours, surtout quand il ordonnait à ses frères d'obéir. Serik était un renard, rusé et calculateur, il était allé à bonne école avec leur père. Pendant sa jeunesse, il paraissait ne faire qu'un avec les principes paternels, puis il était parti étudier le droit d'abord à Noursoultan puis à Boston. Quand il était revenu à Almaty, Otabek était un adolescent qui s'apprêtait à partir pour le Canada où il allait s'entraîner quelques temps. Les deux frères ne se connaissaient peu et l'aîné regardait avec un brin de condescendance ce petit frère sage et impassible. Ce ne fut que lorsque Yulia entra dans la vie de Serik que celui-ci prit un visage plus humain et sembla se détourner un peu de l'idéologie paternelle. Mais une chose était demeurée, l'autorité, son inflexible autorité. Se détournant du petit miroir où il avait pu suivre ses gestes et se raser un peu plus tôt, Otabek se vêtit d'un tee-shirt propre et retourna dans la chambre. Il devait être fort, pour eux, pour Yura et leur enfant. Il n'avait pas le droit d'être faible quand ses deux amours ses battaient si fort pour leurs vies.
« _ Ca va Beka ? »
La petite voix provenant du lit le fit d'abord sursauter puis sourire. Il se rapprocha rapidement de son Oméga avant de le prendre dans ses bras et de le serrer contre son cœur. Il plongea son nez dans les mèches blondes et en respira l'odeur d'agrume. Il sentit Yuri se détendre, se laisser aller et se blottir dans la douce étreinte. Il faisait bon être l'un contre l'autre en ce petit matin d'été.
« _ Comment te sens-tu ? Tu t'es réveillé tout à l'heure mais tu semblais encore épuisé.
_ Je t'ai entendu chuchoter c'est pour ça que je me suis réveillé. Mais j'avais encore besoin de dormir. C'était qui avec toi ?
_ Mes frères, Serik et Erasyl. Je t'apporte ton petit-déjeuner. Tu as faim ?
_ Oui, j'ai un peu faim. Ils voulaient quoi tes frères ?
_ Salé ou sucré ton petit-déjeuner, Yura ?
_ Beka !
_ D'abord un bon repas pour toi et le bébé et après on parlera de ça, ok ?
_ J'ai le choix ?
_ Non. Vous deux d'abord, les reste du monde ensuite. Sucré ou salé ?
_ Les deux. »
Il l'embrassa sur le front puis sur les lèvres avant de quitter la chambre sous l'œil suspicieux de son amoureux. Il se dirigeait à grandes enjambées vers la cafétéria de l'hôpital quand il s'arrêta net. Face à lui, Nikolaï Plisetsky eut la même réaction. Les deux hommes s'observèrent un moment avant que le plus âgé ne prenne la parole.
« _ J'ai apporté son plat préféré à Yuratchka. Ce sera meilleur pour lui que la nourriture de l'hôpital.
_ Je vous remercie. J'allais lui acheter une pâtisserie et du thé. Voulez-vous que j'en prenne un également pour vous ?
_ Non, je ne veux rien. Yuratchka est réveillé ?
_ Oui.
_ Je vais le rejoindre. »
Sans un regard ou une parole supplémentaire, Nikolaï se dirigea vers la chambre de son petit-fils. Otabek le regarda un instant, résigné, avant de reprendre son chemin et d'aller acheter le breuvage préféré de son compagnon, un thé noir très infusé. Il acheta également un petit pot de miel pour que Yuri puisse sucrer son thé et deux parts de charlotka2.
Quand Sezim et Erasyl arrivèrent à l'hôpital quelques heures plus tard l'orage gondait dans la chambre de Yuri. Des éclats de voix leur parvenaient de l'intérieur de la chambre et des phéromones de colère se faisaient sentir. Ce n'étaient pas celles d'Otabek, non, c'était un parfum sucré et piquant à la fois. Sezim secoua la tête avant de regarder incrédule son compagnon.
« _ Je pensais que vous lui aviez parlé.
_ Je te l'ai dit, il dormait quand nous sommes venus Serik et moi. Otabek a dû lui annoncé la nouvelle, seul.
_ Et il la prend très bien comme nous pouvons le sentir et l'entendre. Comment voulez-vous qu'il aille bien si aucun de vous ne prend la peine de l'épargner un peu. Vous êtes tout à vos manœuvres en oubliant un peu vite de l'épargner, lui.
_ Tu es injuste. Nous faisons notre possible... »
L'acier des yeux de l'Oméga arrêta net l'Alpha. Il n'était pas temps pour lui de contester ou d'argumenter. De toutes évidences, Sezim n'en avait pas la patience et l'envie. Elle souhaitait que tout s'apaise enfin un peu pour permettre à ce jeune homme qu'elle ne connaissait pas encore de se reposer et de prendre soin de lui ainsi que de la petite vie qu'il portait. Sans attendre l'autorisation d'Erasyl, elle poussa la porte et pénétra dans la chambre. A son entrée, les cris cessèrent et toute l'attention de Yuri se focalisa sur elle. Les yeux émeraude rencontrèrent les yeux de faucon et les regards se verrouillèrent. Le fauve chercha à lutter, prendre l'avantage mais le rapace ne se laissa pas impressionner. Au contraire, elle se laissa examiner, évaluer, jauger, sans impatience. L'examen dura un long moment, puis, certain que son vis-à-vis ne semblait pas être une menace pour le moment, le fauve se mua en chat tandis que le rapace devint un oiseau. Avec un sourire, Sezim s'avança doucement vers le lit de Yuri, elle lui tendit sa jolie main dorée en signe de paix.
« _ Bonjour Yuri Nikolaïevitch. Je suis Sezim. Je vais veiller sur toi quelques jours si tu le veux bien. »
Yuri ne bougea pas. Il fixa la main puis le visage aux traits purs avant de reporter son attention sur la main tendue. Il passa ses mains sur son ventre, se calla plus confortablement dans son lit. Rien ne pressait, il pouvait prendre le temps de la réflexion.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
« _ Mon amour ! »
Des bras à la blancheur de porcelaine se refermèrent sur le petit garçon qui s'était précipité dans les bras de son père.
« _ Il t'a manqué tant que ça ?
_ Oui ! Mon grand amour me manque toujours quand il n'est pas avec moi.
_ Je croyais que c'était mon frère ton grand amour ! »
Serik se mit à rire tandis que Yuri l'assassinait du regard. Otabek, avant qu'une gentille querelle n'éclate, vint prendre dans ses bras son fils et son compagnon. Il embrassa le front de chacun avant de s'écarter pour que Yuri puisse déposer au sol l'enfant. Cependant, le jeune homme n'en fit rien et alla s'asseoir sur le canapé, son fils fermement accroché à lui. Une fois installé, Yuri posa une multitude de questions à Nikolaï et bavarda avec lui, excluant le reste du monde de leur tête à tête.
« _ Il ne m'a même pas saluée ! » fit remarquer Yulia faussement indignée. Un sourire aux lèvres, Otabek se tourna vers sa belle-sœur.
« _ Tu sais comment il est quand nous rentrons de déplacement. Il a besoin d'avoir notre fils pour lui un petit moment. Il culpabilise toujours de le laisser ici, seul.
_ Seul ?! Kolia est toujours entre de bonnes mains. Et ça vous fait du bien à tous les deux d'être loin du petit. Ca fait du bien à votre couple.
_ Notre couple va très bien, merci pour lui ! Et bonjour Yulia ! »
Yuri se retourna vers eux un léger sourire aux lèvres. Il avait besoin de son moment avec son fils mais ses oreilles traînaient toujours de sorte qu'il suivait, même de façon parcellaire, les conversations. Yulia leva les yeux au ciel mais n'ajouta rien. Il serait bien assez tôt pour taquiner son beau-frère et ami sur ses manières.
« _ Vous avez fait quoi de vos enfants ?
_ Les aînés s'occupent des plus jeunes. Ainsi nous avons du temps pour notre couple !
_ Oh Dame Yulia ! Vous me voyez impressionné !
_ Mon cher ami, vous devriez prendre exemple.
_ Vous n'allez pas commencer vous deux ! Par pitié, attendez au moins le milieu de la soirée ! Qui doit encore se joindre à nous ?
_ La petite équipe habituelle.
_ Il faut que vous déménagiez... C'est trop petit ici pour recevoir autant de monde. »
Otabek se contenta de répondre par un sourire sibyllin qui intrigua Serik et Yulia. Alors que le plus jeune des frères allait ouvrir la porte à laquelle on venait de sonner, les époux s'interrogèrent du regard avant de porter leur attention sur Yuri qui ne le remarqua pas. Un petit sourire aux lèvres, Yulia s'approcha et l'examina attentivement du regard tout en respirant doucement pour essayer de capter un infime changement de l'odeur de ses phéromones. Elle fronça le nez, perplexe. Rien, l'odeur des phéromones de Yuri était toujours la même. Elle n'avait pas variée.
La soirée se passa dans le plus grand des calmes, si on exceptait les taquineries habituelles, quand l'ambiance se tendit soudainement. Viktor taquinait Yuri aidé de Mila quand une plaisanterie fit hurler le tigre. Otabek qui avait sentit le coup venir grâce à leur lien prit dans ses bras son Oméga et relâcha des phéromones pour l'apaiser. Mila allait ajouter quelque mais fut retenue par Sara.
« _ Tu devrais te taire. Ça ne te regarde pas amore.
_ Qu'est-ce qui ne vous regarde pas ? Je pourrais savoir ce qui a mis Yura dans cet état ? »
Otabek fusilla du regard ses interlocuteurs. Il était habitué à arbitrer les petits conflits de ce trio infernal mais jamais encore Yuri ne lui avait paru aussi mal.
« _ Rien Otabek ! Yuratchka ne veut juste pas voir la réalité en face.
_ Et je peux savoir de quoi tu parles, Viktor ?
_ Tu veux savoir de quoi il parle, Beka ? Ben je vais te le dire moi ! Il dit que les enfants Alpha c'est le top parce qu'un Oméga c'est trop chiant à éduquer ! Voilà ! Et qu'il faudrait pas d'Oméga ! Comme si être Oméga ou avoir un enfant Oméga était une honte !
_ Ce n'est pas ce que j'ai dit Yuratchka !
_ Bien sûr que si ! C'est ce que tu voulais dire !
_ Yuratchka, Viktor a juste dit qu'élever un enfant Oméga était plus compliqué qu'élever un enfant Alpha. Ce qui est vrai, si tu considères les chaleurs, les discriminations ...
_ Vous dites tous les deux des bêtises. »
Tous les regards convergèrent vers Serik qui avait parlé, impassible, et Yulia, furieuse. Alors que son épouse allait prendre la parole, Serik déposa sa main sur la sienne en un geste apaisant. Celle-ci inspira et pinça les lèvres fortement. Elle avait envie d'aider Yuri à réduire en morceaux l'ancien patineur vedette mais elle s'abstint. Le silence se prolongea un moment avant que Lilia ne surprenne tout le monde.
« _ Viktor, je vous ferais remarquer que vous êtes entouré d'Omégas de talent, brillants et de caractère. Votre époux pour commencer, puis Yuri, Sara, Yulia. Tous ont démontré que leur second genre n'était en rien une faiblesse ou un handicap.
_ Je ne dis pas le contraire Lilia. Mais, pour un Alpha se sera plus facile plus tard. Il pourra choisir de faire ce qu'il veut que ce soit comme études ou métier. Sans parler qu'il va éviter les chaleurs qui sont tout de même une forme de handicap.
_ Je vous accorde que pour le moment tous les métiers ne sont pas ouverts aux Omégas mais c'est à vous, leurs parents et membres de notre société, de faire évoluer la société. Et les chaleurs... En quoi est-ce un handicap ? Elles se gèrent parfaitement maintenant. Regardez tous les Omégas ici ont réussi malgré ce que vous dites. Ils ont appris à les gérer et à vivre avec.
_ Lilia, je pense que...
_ Le vieux, je te jure que si tu ajoutes un mot je t'étripe ou je te vire de chez moi à coup de pied.
_ Yuratchka, je n'ai jamais dit qu'être un Oméga était une honte et tu le sais. J'ai juste dit que je préférais que mes enfants soient des Alpha. Je suis désolé pour vous vous si Kolia est un Oméga mais... »
Pour Otabek et Yuri se fut la phrase de trop. Le Kazakh rattrapa son compagnon avant que le Tigre ne bondisse puis après l'avoir un peu calmé, se tourna vers Viktor qui était resté muet de surprise face à la réaction de Yuri.
« _ Kolia n'est pas un Oméga et quand bien même il l'aurait été ça ne change rien pour nous. Nous l'aimons tel qu'il est, nous n'avons pas honte de lui et nous le soutiendrons toujours quel que soit ses choix. Son second genre ne regarde personne d'autre que nous. Et maintenant, change de sujet Viktor ou crois-moi sur parole quand je te dis que c'est moi qui te mettrais à la porte si tu continues. »
Viktor n'ajouta rien désappointé par les réactions du couple. Il savait pourtant que la question du second genre n'était pas un sujet à aborder devant Yuri. Celui-ci, enfant, avait été abandonné par sa mère quand les résultats du premier test avaient été connus. A l'époque, pourtant le premier test n'était pas toujours fiable mais la mère de Yuri avait préféré le laisser à la garde de son grand-père. En grandissant, le petit garçon avait subit les moqueries et parfois les coups quand il était devenu évident qu'il serait un Oméga. Cela avait empiré quand le deuxième test à quinze as avait confirmé son second genre. Puis était venu le temps des soucis durant lequel en plus de lutter pour son couple, il avait lutté pour rester en vie et garder son fils. Viktor savait tout ça mais il n'avait pu empêcher ses propres craintes pour son enfant de s'exprimer. Il ne voulait pas pour Anatoli les mêmes épreuves.
Le reste de la soirée se poursuivit dans une ambiance légèrement tendue quoique chacun faisait de son mieux pour ne pas aborder les sujets fâcheux et distraire les convives. Yuri s'était apaisé au moment d'aller coucher Nikolaï. Il avait pris son temps et raconta autant d'histoires que son fils le lui réclamait. Otabek sous le regard amusé de Serik et Yulia avait dû intervenir pour mettre fin au rituel du soir qui se prolongeait.
« _ Ca va Yura ? »
Le couple était allongé dans son lit, tendrement enlacé. Otabek s'inquiétait pour son Oméga dont il sentait les émotions se déchaîner en une violente tempête. Il ne pouvait pas non plus nier que lui aussi se sentait en colère. Il n'avait pas apprécié les propos tenus par Viktor et s'il avait calmé Yuri s'était uniquement pour éviter que des paroles blessantes soient prononcées. Mais, pour lui, elles avaient été prononcées.
« _ Ca va... Je crois... Et toi ?
_ Ca va, mon ange.
_ Dis Beka, tu veux toujours ?
_ Qu'est ce que je veux toujours mon chaton ?
_ Un autre bébé. Tu veux toujours ? Même si je risque de mettre au monde un Oméga ? »
La poitrine d'Otabek se souleva un peu plus et un soupir franchit la barrière de ses lèvres. Ainsi, ils allaient de nouveau avoir cette discussion. Il ne pouvait cependant pas en vouloir à Yuri que la soirée avait ébranlé. Il se tourna légèrement de sorte à pouvoir regarder son compagnon dans les yeux avant de reprendre la parole.
« _ Si tu mets au monde un Oméga ça ne changera rien au fait que ce sera notre enfant. Nous l'aimerons comme nous aimons Kolia. Nous l'éduquerons de la même manière que son frère et nous lui donnerons tout ce dont il a besoin pour réussir dans sa vie. Il pourrait même être un grand patineur comme son papa Oméga. »
Yuri gloussa et, pour la première fois depuis quelques heures, sourit sincèrement. Il bougea légèrement et se rapprocha de l'oreille de son amant qu'il mordilla avant de lui murmurer quelques paroles taquines.
« _ Ou une grande patineuse. Je voudrais que tu me fasses une petite fille, Beka. Applique-toi, Alpha ! »
Avant de pouvoir réagir Yuri fut plaqué au matelas sur le ventre, son amant lui dévorant la nuque de baisers et couvrant son corps de caresses. Sous le tendre assaut, Yuri ne retint pas ses gémissements et laissa son instinct parler pour lui lorsqu'il ondula des hanches, impatient.
Almaty, Kazakhstan, résidence Atlin
Bolat regarda son épouse fixement essayant de deviner les pensées de celle-ci. Elle affichait comme toujours ce masque d'impassibilité qui l'agaçait tant. Il avait beau la fixer, il ne parvenait pas à lire en elle. Il essaya de trouver une solution en faisant appel à leur lien mais rien. Son épouse ne semblait être que coquille vide. Ne ressentait-elle vraiment rien ou était-il incapable de lire en elle ? Il s'agaça, s'agita mais elle ne bougea pas. Aliya ignora son époux et n'esquissa pas le moindre geste. Elle ne le regarda pas non plus.
« _ Aliya ? »
Saltanat regarda tour à tour son amie et le patriarche de la famille Atlin. Elle fit un pas vers Aliya et déposa sa main sur son épaule dans l'espoir d'attirer son attention.
« _ Je t'ai entendue Saltanat. Que voulais-tu ? Un problème au gynécée ?
_ Omégas, ici, tout de suite ! »
Aliya se leva telle une automate et s'approcha du lit de son époux. Elle tendit la main et saisit le verre d'eau posé sur le chevet. Bolat tendit la main d'un geste impatient pour s'en saisir mais son épouse ne bougea pas d'un pouce. Elle le fixa, le regard presque vide, puis une petite lueur qu'il ne connaissait pas y dansa. Sous son regard incrédule, elle but l'eau, reposa le verre et quitta la pièce entraînant à sa suite une Saltanat sous le choc.
« _ Aliya mais... Que...
_ Je suppose que Yulia et Olga se disputent encore.
_ Tu...
_ Alors Saltanat, encore une dispute ?
_ Euh... Oui. »
Sans échanger un mot de plus, les deux femmes traversèrent la demeure d'un pas rapide. Lorsqu'elles arrivèrent au gynécée, Olga tenait dans sa paume sa joue et Yulia la foudroyait une nouvelle fois du regard. Les phéromones qui flottaient dans l'air ne laissaient planer aucun doute, une nouvelle dispute avait éclatée. Avec un soupir, Aliya, suivie de Saltanat, entra dans la pièce et fusilla du regard les deux femmes. Elle les dévisagea un instant puis alla s'asseoir dans un fauteuil. Ces disputes étaient de plus en plus violentes et fréquentes. Il fallait trouver un moyen pour que tout cela cesse. Elle n'était toutefois pas libre de ses actes. Aussi longtemps que Bolat vivrait ses faits et gestes seraient limités. Mais peut-être qua si son époux restait alité encore quelques temps, elle pourrait trouver une solution à tout cela. Aliya joignit les mains et prit une grande inspiration. Elle ne pouvait faire cela... Elle ne pouvait pas continuer à trafiquer le traitement de son époux. Nurasyl était médecin et il allait remarquer quelque chose. Faire passer une boîte de gélules comme étant défectueuse était une chose mais plusieurs... Elle fut tirée de ses pensées par Olga qui recommençait à se plaindre de l'attitude de Yulia à son égard. Que cette jeune femme pouvait l'agacer... Comment avait-elle pu croire qu'elle aurait pu faire une bonne épouse pour son fils, son Otabek. Comment allait son fils ? Comment se passait sa nouvelle vie à Saint-Pétersbourg ? Dans combien de temps deviendrait-il père ? Et comment se portait son Oméga ? Autant de questions sans réponses. Elle mourait d'envie d'avoir des réponses et elle savait qu'une personne ici pouvait les lui fournir. Mais Yulia ne lui parlerait pas du jeune couple. Elle en avait la certitude. Sa belle-fille lui avait déjà prouvée qu'elle n'avait que peu d'influence sur elle. Son époux en avait déjà peu alors elle... Yulia faisait partie de ces jeunes femmes éduquées et libres d'esprit. Elle avait séduit son fils par son esprit et non par ses charmes d'Oméga. Si, elle, Aliya, voulait avoir une chance de pouvoir obtenir quelque chose d'elle, il allait lui falloir montrer des qualités qu'elle n'était pas certaine de posséder.
« _ Yulia, vient t'asseoir auprès de moi mon enfant. Tu dois te calmer. »
Elle lui tendit la main pour l'inviter à la rejoindre. L'épouse de son fils aîné ne se fit pas prier et s'assit bien sagement auprès de sa belle-mère, droite, fière, princière. Quand ses yeux rencontrèrent ceux d'Olga celle-ci sembla se tasser un moment avant de tenter de reprendre contenance. Aliya voulant couper court à toute possible nouvelle dispute se tourna vers Olga.
« _ Olga, mon enfant, je sais que la situation est difficile mais il faut cesser de te quereller avec les autres Omégas de cette demeure.
_ Mais c'est Yulia qui...
_ Je me moque de savoir qui a fait quoi. Je veux que le calme revienne chez moi. Bolat est souffrant, il lui faut donc du calme. Me suis-je bien fait comprendre.
_ Oui Mère.
_ Mère ?!
_ Yulia, s'il te plaît. Olga, je crains que nous ne soyons dans une impasse. De toute évidence Otabek ne reviendra pas sur ses choix.
_ Mais nous sommes fiancés !
_ Olga, je connais mon fils. Il a choisi de se lier à un autre. Je ne dis pas que j'approuve ses choix mais il est évident qu'il n'abandonnera pas son Oméga et son enfant. Peut-être qu'il serait plus sage pour toi de voir la réalité en face.
_ Mais... Vous aviez dit que vous me soutiendriez.
_ Je sais mais je pense qu'il est plus sage pour moi de reconnaître que je me fourvoyais. Je parlerai à mon époux quand il se sentira mieux. Mais, il serait préférable pour toi d'abandonner le projet de mariage avec Otabek et envisager de retourner chez toi. »
Seul le silence lui répondit. Les trois autres femmes regardèrent Aliya sous le choc de ce discours. Des sentiments contradictoires envahissaient leurs esprits. Yulia fut la première à se reprendre. Elle dévisagea sa belle-mère, incrédule, ne sachant ce qu'elle devait penser de ses paroles. Jamais, elle n'aurait cru entendre de telles paroles venant d'elle. Elle qui avait soutenu son époux contre vents et marées pendant des années. Elle qui n'avait jamais remis en question les décisions prises par son époux. Se pouvait-il qu'enfin elle... Saltanat, ombre silencieuse, fronça les sourcils. Le discours tenu ne lui plaisait guère. Mieux que quiconque, elle savait que les Omégas dans cette maison n'avaient pas voix au chapitre, alors pourquoi parler ainsi. Et il y avait aussi eut l'étrange échange entre les époux Atlin un peu plus tôt. Le brusque mouvement à sa gauche interrompit le fil de ses pensées. Olga, bouleversée, avait quitté la pièce en courant.
Elle traversa différents couloirs et salons en courant. Après quelques minutes de course folle, elle franchit le seuil de la véranda et se retrouva à l'air libre. Elle se s'arrêta pas pour autant mais ralentit toutefois l'allure. Elle reprit son souffle et tenta de caller sa respiration et son pas sur un même rythme. Il lui fallait retrouver une certaine contenance et surtout ne pas se laisser aller. Elle devait être courageuse si elle voulait retrouver son Amour, son Alpha.
« _ Je croyais que cette partie des jardins était interdite aux Omégas. »
Quand elle releva les yeux, elle fit face au troisième fils de la maisonnée, Nurasyl.
Saint-Pétersbourg, hôpital international, service gynécologie, section Oméga
Yuri se réveillait de sa sieste matinale. Après le petit-déjeuner et son examen médical, il avait sombré rapidement dans le sommeil. Il avait beau dormir, il peinait à retrouver ses forces et un rien l'épuisait.
« _ Comment te sens-tu ?
_ Où est Beka ? Et Deda ?
_ Ils discutent dans le couloir. Ils ne voulaient pas faire de bruit pour te permettre de te reposer.
_ Je veux Beka.
_ Il va revenir avec ses frères et ton grand-père.
_ Je veux pas les voir, je veux juste Beka.
_ Ses frères sont...
_ Je veux Beka ! Je veux mon Alpha ! »
Sezim battit en retraite. Il était inutile d'essayer d'argumenter avec le jeune homme de toute évidence. Elle rejoignit les quatre hommes dans le couloir ce qui eut pour effet immédiat d'inquiéter Otabek et Nikolaï.
« _ Ne vous inquiétez pas. Je viens juste vous prévenir qu'il est réveillé et qu'il te réclame Otabek
_ Comment est-il ? Il a mal quelque part ? Il...
_ Il est juste de mauvaise humeur. Tu devrais aller le rejoindre avant qu'il ne se fâche ou fasse quelque chose de stupide.
_ Il serait bien capable d'essayer de se lever malgré l'interdiction des médecins. »
Tout en secouant la tête, Otabek entra dans la chambre où il fut accueilli par des phéromones piquantes signifiant le mécontentement de l'occupant des lieux. Tentant de paraître calme et assuré, le Kazakh s'approcha du lit de son compagnon et lui sourit tendrement. Yuri ne lui laissa pas le temps de parler et attaqua tout de suite.
« _ Je veux pas que tu ailles à Moscou sans moi.
_ Il faut que j'y aille, je t'ai expliqué pourquoi. Mais tu ne peux pas venir. Ce serait de la folie dans ton état.
_ Je veux pas que tu me laisses tout seul.
_ Mon ange, tu ne seras pas seul. Il y a ton grand-père, Yakov, Lila et tous nos amis. Et Sezim sera là aussi.
_ Pourquoi elle doit rester avec moi ?
_ Ca te fera du bien d'avoir de la compagnie. Je suis certain que vous allez vous entendre.
_ Nan, je crois pas. Je veux que toi pas les autres.
_ Même pas ton grand-père ? »
Yuri se crispa un instant avant de se détacher de l'étreinte protectrice de son Alpha où il s'était logé quelques instants plus tôt. Il s'allongea tout en prenant garde à ne pas faire de geste trop brusque. Il fit mine de se rendormir dans l'espoir d'échapper à la conversation mais Otabek n'étant pas dupe décida de crever l'abcès avant que celui-ci ne s'infecte davantage.
« _ Yura, parle-moi s'il te plaît. Dis-moi ce que tu as sur le cœur. »
Le jeune homme ouvrit de nouveau les yeux, conscient qu'il ne pourrait se dérober. Otabek, il le sentait, était déterminé à avoir cette conversation qu'il redoutait tant. Il inspira profondément et caressa son ventre pour se donner du courage. Un petit coup lui répondit le faisant tendrement sourire.
« _ Je vous aime tous les deux. Je vous aime tellement que ça me fait mal parfois. Je voudrais pouvoir vous donner à tous les deux ce que vous voulez mais je ne peux pas me couper en deux. Je peux pas couper mon cœur en deux. Il est l'homme qui m'a élevé et toi t'es l'homme avec qui je suis lié à tout jamais. Mais j'ai mal au cœur quand je pense que je vais forcément décevoir l'un de vous deux. Ou perdre un de vous deux. Pour l'instant, je déçois papy.... Et puis, vous n'arrêtez pas de vous disputer à chaque fois qu'il arrive un truc. Et quand vous vous disputez pas et bien vous faites la gueule. Ca me fait mal. Je peux pas choisir entre les deux personnes que j'aime le plus au monde, tu vois Beka ? Alors des fois, je me dis que j'aurai mieux fait de pas me réveiller. Vous auriez été tranquilles comme ça. Et... »
Deux bras l'attirèrent contre un torse puissant. Il sentit le corps contre le sien trembler. Il sentit des perles salées inondées sa nuque. Il sentit la peine dévastatrice qui emportait le cœur de son bien-aimé. Il sentit combien il avait mal. Il sentit combien il lui avait fait du mal. Ils restèrent enlacés un long moment en une pause inconfortable avant que doucement Yuri attire en une douce étreinte Otabek. Celui-ci se coucha dans le lit prévu pour accueillir leurs deux corps. Ils se blottirent l'un contre l'autre, dos contre torse, mains enlacées sur la douce rondeur d'un ventre abritant un enfant. L'air s'emplit de phéromones citronnées puis peu à peu des boisées se firent aussi sentir. Après un long moment, Otabek s'apaisa. Pour autant, il ne relâcha pas le corps de son amant qu'il avait emprisonné de ses bras.
« _ Ne dis plus jamais ça Yura. Ne dis plus jamais que tu aurais dû mourir. S'il t'arrivait quoique ce soit j'en crèverai. Je ne peux pas vivre si tu n'es pas là.
_ Je suis désolé Beka. Je voulais pas te faire de la peine.
_ Je ne peux pas te perdre, tu comprends ça ? Tu comprends que tu es toute ma vie ? Bordel Yura, j'ai tout plaqué pour toi. Je t'aime comme un dingue, de tout mon corps, mon cœur et mon âme. »
A son tour, Yuri se mit à pleurer. Il s'en voulait d'avoir peiné au-delà des mots son âme-sœur. Lui aussi l'aimait. Lui aussi était incapable de vivre sans lui. Il se retourna et déposa ses lèvres sur celles de son Alpha alors qu'un sanglot lui échappait. Ils s'embrassèrent avec une lenteur qui ne leur ressemblait pas. Ils se nourrirent, se rassasièrent du goût des lèvres de l'autre. S'ils n'avaient pas été dans cette chambre d'hôpital nul doute qu'ils se seraient témoigné leur amour plus intimement encore.
« _ Moi aussi Beka, je t'aime de tout mon corps, mon cœur et mon âme. Pardonne-moi.
Ebranlés par cette discussion, Otabek et Yuri refusèrent de recevoir quiconque en dehors du personnel médical. Pendant les deux jours qui suivirent, ils vécurent comme retirés du monde. Ils restèrent l plupart du temps tendrement enlacés dans leur lit parlant à voix basse de leur future vie à trois en caressant le ventre arrondi. Quand le moment vint pour Otabek de quitter Yuri, il leur sembla que leurs cœurs allaient exploser de tristesse. Il fallut que Serik et Sezim interviennent pour qu'enfin ils se séparent.
Moscou, quartier de l'université d'État Lomonossov de Moscou
Serik avait tenu à rendre visite à sa sœur dès leur arrivée à Moscou. Les derniers jours passés à Saint-Pétersbourg lui avaient fait prendre conscience qu'il devait agir au plus vite. Son frère et son Oméga semblaient épuises par cette situation. Cependant, malgré toute l'affection qu'il portait à son petit frère, Serik ne pouvait non plus brusquer les choses. Anara était maligne et il fallait aussi se méfier de son imprévisibilité. Tout ça à cause d'un amour interdit par des coutumes d'un autre temps. Enfin non, les coutumes n'étaient pas en cause, c'était surtout et avant tout la mentalité ultraconservatrice de leur père qui était en cause.
Lorsqu'il frappa à la porte de l'appartement, Andreï vint lui ouvrir. Serik entra, salua brièvement son homme de confiance avant de noter à quel point celui-ci avait mauvaise mine.
« _ Anara est sortie tôt ce matin.
_ Elle t'a dit où elle allait ?
_ Non. Je passe mon temps à lui courir après. C'est une véritable anguille, elle se faufile toujours entre mes doigts.
_ Je t'avais prévenu. Elle est redoutable. Bon, faisons vite avant qu'elle arrive. Otabek est ici et il faudra faire en sorte qu'Anara le voit de loin. Il ne faut pas qu'elle s'approche de trop. Nous allons lui donner quelques fausses pistes à creuser.
_ Il est avec son Oméga ?
_ Non, il est toujours à l'hôpital et n'est pas prêt d'en sortir. Ce qui est un problème. Mais nous verrons ça plus tard. Je vais te donner une liste de lieux où il faudra qu'Anara aille ces prochains jours. Arrange-toi pour être toujours dans le coin. Il faudrait que tu fasses en sorte qu'elle aille dans le quartier de Lefortovo. Il faut qu'elle cherche pendant quelques temps par là-bas. Cet après-midi, Otabek fera une brève apparition sur le campus de l'université. Elle doit l'apercevoir mais ne pas pouvoir le suivre. C'est bien compris ?
_ Oui. Tu te donnes beaucoup de mal pour ton frère.
_ Je n'ai pas le choix. Si je le pouvais, je la ferai interner de force mais Père s'y opposera.
_ Votre père est un homme fermé d'esprit. Tout ç à cause d'un petit Oméga. »
Bolat Atlin n'était pas fermé d'esprit, il était hermétique à tout changement. Il restait figé dans un temps qui n'était plus le leur. La société kazakhe évoluait de mois en mois et bientôt, Serik espérait voir les Omégas vivre librement leur vie. Son épouse et lui militaient dans ce sens en faisant des dons importants à des organisations luttant pour l'égalité des droits entre les Omégas et le reste de la population. Le chemin était encore long et semé d'embuches mais dans quelques jours se jouerait une bataille importante au Parlement3 et il avait bien l'intention d'être à Noursoultan pour y assister. Plus vite la société évoluerait, plus vite il pourrait ramener Maria auprès de sa mère et de ses frères.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Contrarié par le résultat qui s'affichait dans la petite fenêtre Yuri jura entre ses dents. Il fit un effort presque surhumain pour ne pas jeter le test à travers la pièce. Il y avait cru cette fois. Il avait du retard et ce n'était pas habituel. Il était réglé comme un coucou suisse depuis la naissance de Nikolaï. Pas une seule fois, ses chaleurs étaient arrivées avec un seul jour de retard. Il jeta rageusement le test de grossesse à la poubelle avant de filer sous la douche. Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Otabek le rejoindre dans la salle de bain puis sous la douche. Ce ne fut que lorsque deux bras musclés s'enroulèrent autour de lui et que des lèvres ses posèrent sur sa marque qu'il réalisa que son amant l'avait rejoint.
« _ Notre lien me signale une tempête. Qu'est ce qui te met dans un tel état de si bon matin Yura ?
_ C'est négatif.
_ Qu'est-ce qui... Tu as fais un test ? »
Yuri se retourna et jeta un regard noir à son Alpha. Otabek ne pouvait pas savoir qu'il avait fait un test de grossesse ce matin bien qu'il ait deviné mais il était irrité pour une obscure raison.
« _ J'en ai pas fait un. J'en ai fait cinq de cinq marques différentes.
_ Yura... C'est peut-être un peu tôt.
_ J'ai un jour de retard ! Je n'ai jamais de retard.
_ Stefan t'a dit d'être patient mon ange.
_ Ca fait déjà trois mois que je suis plus sous contraception. Trois fois que j'ai eu mes chaleurs. Trois fois et rien....
_ Yura, on va y arriver mais laisse nous le temps. Peut-être que lors de tes prochaines chaleurs tu vas tomber enceint.
_ Ouais... Ou alors je suis stérile. »
Otabek embrassa le front de son compagnon tendrement. Il était aussi déçu que lui que le test, enfin les tests, se soient encore révélés négatifs. Mais, contrairement à Yuri, il ne désespérait pas. Il savait que concevoir un enfant pouvait prendre du temps. Viktor et Yuuri avaient attendu Anatoli pendant presque deux ans. La pensée le fit tout de même intérieurement grimacer. Il n'était pas certain de pouvoir attendre une nouvelle grossesse aussi longtemps. Quant à Yuri...
« _ Beka ?
_ Oui Yura ?
_ Tu m'aimeras toujours même si je ne peux pas faire d'enfants ?
_ Yuri Nikolaïevitch At... Plisetsky. Nous allons avoir un enfant, je te le promets. Sois juste un petit peu patient. Tes chaleurs vont certainement arriver dans les prochaines heures puisque tu n' es pas enceint. On va essayer et espérer que ça fonctionne mais cesse de te focaliser sur ça.
_ Tu veux que je me focalise sur quoi d'autre ?
_ Le mois prochain nous serons à Barcelone pour la finale du Grand Prix. »
Yuri embrassa voluptueusement son amant pour le faire taire. Il avait encore un mois pour peaufiner son plan. Otabek et lui seraient de retour dans la ville qui avait vu les débuts de leur histoire d'amour. Il était logique qu'une nouvelle étape soit franchie là-bas. Sans compter que, s'il n'était pas déjà enceint, il serait en chaleur après la compétition. Peut-être que cette ville leur réserverait plus d'une surprise.
Saint-Pétersbourg, hôpital international, service gynécologie, section Oméga
Lilia tenait compagnie à Yuri pendant l'absence de son grand-père. Celui-ci, fatigué, était rentré quelques heures se reposer laissant aux bons soins de Lilia son petit-fils. Agacé une nouvelle fois de ne pouvoir se lever, Yuri boudait dans son coin alors que l'ancienne Prima passait en revue des pages et des pages de catalogues de vêtements pour nouveau-nés. De temps à autre, elle lui montrait divers modèles de pyjamas ou de gigoteuses.
« _ Et celle-ci ?
_ J'en reviens pas de parler de trucs pour bébés avec vous !
_ Allons Yuri, il faut bien que quelqu'un se soucie de comment ce petit va être habillé. Vous n'allez pas le laisser nu tout de même. »
Yuri grogna et étouffa un gémissement lorsqu'il tenta de se tourner sur le côté. Lilia intervint aussitôt l'aidant à se mouvoir sans mal. Elle remit doucement les oreillers en place et en un geste doux remit une mèche d'or derrière une oreille de son élève.
« _ Il faudrait peut-être les couper un peu.
_ Nan... Beka, il les aime bien longs Et moi aussi.
_ Je sais que c'est dur en ce moment mais tout va s'arranger. »
Lilia se détourna et reprit la lecture de son magazine. Toutefois, Yuri aurait juré avoir vu les yeux de son professeur s'humidifier. Bien que toujours de mauvaise humeur, il prit sur lui et la remercia d'être près de lui. Elle ne répondit rien et se contenta de cocher sur une page un modèle de pyjama que Yuri ne vit pas. Ils n'échangèrent plus un mot jusqu'à ce que de petits coups à la porte de fassent entendre. Lilia répondit pour Yuri et Sezim sur son invitation pénétra dans la chambre.
« _ Bonjour Yuri. Bonjour.... Je ne crois pas connaître votre nom.
_ Bonjour, je suis Lilia Ivanovna4 Baranovskaya. Je suis enchantée de pouvoir faire votre connaissance, Sezim Atlina c'est bien ça ?
_ Le plaisir est partagé. Je suis Sezim. Juste Sezim. J'ai apporté des biscuits que j'ai préparés ce matin.
_ Yuri, dites bonjour à Sezim.»
Rien.
« _ Yuri Nikolaïevitch...
_ Bonjour Sezim.
_ Et ?
_ Je vous prie de vous installer et je vous remercie pour vos biscuits.
_ Bien. Je vais aller nous chercher du thé. »
Lilia sortit de la pièce telle une reine prenant congé de ses sujets. Quand elle eut fermé la porte et que Sezim fut certaine qu'elle ne pouvait être entendue, elle s'autorisa à pouffer sous le regard choqué de Yuri. Tout en prenant une chaise, elle dévisagea le jeune homme.
« _ Quoi ?! Ne me dis pas que tu ne le fais jamais derrière son dos ?!
_ Non... Je... Pas avec Lilia.
_ Elle a l'air gentil quoique très stricte. C'est une ancienne patineuse ? Ton entraîneuse ?
_ Une ancienne danseuse étoile. Elle m'entraînait avec Yakov.
_ C'est gentil à elle de venir te tenir compagnie.
_ C'est juste qu'elle doit avoir personne d'autre à torturer en ce moment.
_ Elle n'a pas d'autre élève ?
_ Si mais... Pourquoi tu veux savoir ça ? Et pourquoi t'es là ? La famille de Beka est pas censée me détester ?
_ Dans l'ordre : parce que je m'intéresse à toi. Pour te tenir compagnie. Une partie seulement. »
Elle lui avait répondu en comptant sur ses doigts comme le ferait une enfant. Elle lui sourit malicieusement et Yuri ne put s'empêcher de la trouver sympathique. Et puis, Otabek lui avait dit qu'il s'entendrait bien avec elle. Il n'en était pour le moment pas convaincu mais pour son compagnon il était prêt à faire un effort.
« _ Pourquoi t'as dit à Lilia que c'est juste Sezim ? Tu portes pas le nom de ton Alpha ?
_ Je n'ai pas d'Alpha donc je ne peux pas porter son nom.
_ Mais... Le frère de Beka ?
_ Erasyl n'est pas mon Alpha et je ne lui appartiens pas.
_ Ben alors t'es libre.
_ Non.
_ Je pige pas.
_ Qu'est ce qu'Otabek t'a dit sur sa famille ? »
Yuri réfléchit un moment en fronçant les sourcils. Il se concentra du mieux qu'il le put afin de rassembler les pièces du puzzle qu'était sa mémoire ces derniers temps. Pour se faciliter la tâche, il décida de le faire à voix haute ainsi Sezim pourrait toujours l'aider s'il se trompait.
« _ Beka a trois frères et une sœur. Heu... Erik, Erasyl, Nusyl et l'autre...
_ Attends, je vais t'aider pour les prénoms. C'est, Serik, Erasyl, Nurasyl et Anara. Tu as déjà rencontré Erasyl et Anara.
_ Ouais j'ai vu Erasyl chez nous. Il a l'air sympa. Anara c'est sa petite sœur ?
_ Oui c'est la petite terreur que tu as vu aux Mondiaux.
_ Je ne sais plus. J'arrive pas à me souvenir de tout encore. Otabek arrête pas de dire aux flics de Moscou qui appellent que je me souviens pas. Je crois qu'il veut pas que je me souvienne.
_ Il veut te protéger. C'est quelqu'un de bien ton Alpha. Du calme ! Je ne m'intéresse pas à lui ! »
Au compliment de Sezim, Yuri s'était mis à rejeter des phéromones. Il n'avait pu faire taire la jalousie qui d'un seul coup lui avait mordu le cœur. Il était possessif envers Otabek autant que son Alpha l'était avec lui. Entendre un compliment venir d'un autre Oméga était de ce fait pénible pour lui.
« _ Bon quoi d'autre sur la famille Atlin ?
_ Ben, il y a sa mère et son père.
_ Aliya et Bolat. Sa mère est un amour mais son père est un gros co... Ce n'est pas un homme bien.
_ Tu peux dire que c'est un connard si c'est ce que c'est. Ca va pas me choquer.
_ Otabek ne te reprend pas sur ton vocabulaire ?
_ Nan... J'crois qu'il s'en fout que je jure ou pas. C'est tout pour la famille de Beka.
_ Il ne t'a pas parlé des autres occupants de la maison ?
_ Euh... Je crois pas... » Le jeune homme s'interrompit avant de pâlir d'un coup et d'ajouter « Les Omégas de plaisir... » Il regarda Sezim qui doucement hocha la tête.
« _ Oui, je suis une des putains de Bolat. »
Un lourd silence s'abattit comme une chape de plomb dans la pièce. Yuri ne savait plus que faire ou dire. Il fixait la jeune femme en tentant de déterminer quelle attitude il devait adopter.
« _ Je dois te dégoûter ou te faire pitié. Au choix. »
Sezim eut un sourire amer. Qu'avait-elle espéré ? Ce jeune homme n'avait que dix-sept ans, il n'avait connu qu'un amant, il était lié, il était enceint. Il était le parfait petit Oméga.
« _ C'est un putain d'enfoiré ! » Rugit Yuri après un moment faisant sursauter Sezim et Lilia qui entrait dans la chambre.
« _ Yuri Nikolaïevitch Plisetsky, votre langage !
_ Mais c'est pas de ma faute ! C'est le père de Beka ! Il est qu'un sale pervers dégelasse !
_ Votre langage, jeune homme ! Je vous rappelle que votre enfant peut vous entendre. Maintenant, calmez-vous et nous allons discuter calmement. »
Lilia posa sur le plateau amovible qui servait de table à manger à Yuri les trois gobelets contenant les boissons achetées un peu plus tôt. Alors que Yuri allait saisir un gobelet contenant du thé, elle mit d'autorité devant lui un chocolat chaud avant de tendre un des thés à Sezim et de garder l'autre pour elle.
« _ Buvez votre chocolat chaud au lieu de faire la moue. Et pas la peine de me supplier, vous n'aurez rien d'autre. Bien maintenant racontez moi ce qui vous met dans tous vos états encore une fois. »
Moscou, quartier de l'université d'État Lomonossov de Moscou
Anara fendit littéralement la foule dans l'espoir de rattraper un jeune homme qu'elle pensait être son frère. Elle courut après cet homme à la carrure d'Alpha et au blouson de cuir noir. Elle le perdit de vue lorsqu'il entra dans le bâtiment réservé aux études de musicologie. Doutant d'elle-même, elle voulut faire demi-tour mais une petite voix en elle la poussait à entrer voir. Juste jeter un petit coup d'œil pour en avoir le cœur net. Après tout, ce n'était peut-être pas une erreur. Otabek suivait des cours de musicologie et jouait au DJ en parallèle de sa carrière de patineur. Il avait réussi à dissimuler ses activités à leur père mais elle avait découvert le pot-aux-roses grâce aux réseaux sociaux. Alors qu'elle était toujours en pleine négociation avec elle-même, le jeune homme ressortit du bâtiment et se dirigea d'un pas vif vers le parking à proximité. Avec un temps de retard, elle le suivit. Elle eut juste le temps de le voir s'éloigner à moto. Pas de doute... Son frère était bien à Moscou.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Quatre jours étaient passés depuis la déception des cinq tests de grossesse négatifs. Les chaleurs de Yuri étaient finalement arrivées dans la matinée de ce matin de la déception. Otabek et lui avaient alors passé leurs journées et leurs nuits à s'amer. Yuri reprenait doucement pied allongé sur le ventre alors que son Alpha le faisait encore soupirer de bien-être sous de tendres assauts. Les chaleurs n'étaient plus qu'un souvenir mais Otabek et Yuri aimaient à prolonger leur moment de complicité par de douces caresses. Une main halée s'égara en une caresse sensuelle sur une cuisse alors que des dents mordirent la peau tendre d'un cou gracile.
« _ Tu n'as pas assez profité de mon corps Beka ?
_ Je ne serai jamais rassasié de toi. Et nous avons encore le temps. Lilia et Yakov nous ramène Kolia seulement en fin d'après-midi. Laisse-moi encore te faire l'amour mon Yura. »
Pour toute réponse, Yuri écarta les jambes et se cambra en une pause invitant à un nouveau moment de sensualité. Otabek le dévora du regard avant de fondre sur ce corps qui était à lui seul un véritable appel à la luxure. Il ne pourrait jamais cesser de l'aimer. Il en était dépendant depuis bien trop longtemps maintenant. Depuis Barcelone. Il avait hâte de retourner avec son bel Oméga dans cette ville. Leur ville.
1. Le Café Félix est un lieu très apprécié des Zurichois. Il est situé entre la Vieille Ville, la place Bellevue et le lac de Zurich. Je vous conseille de regarder des photos de l'endroit sur Internet car ça vaut le coup d'œil.
2. Charlotka : gâteau russe à base de pommes. Traditionnellement, il est servi en automne mais il est maintenant possible d'en trouver en toutes saisons.
3. Le Parlement du Kazakhstan est composé de deux chambres. Une Chambre Basse (Majilis) et une Chambre Haute (le Sénat) . Le Parlement détient le pouvoir législatif.
4. Lilia Ivanovna Baranovskaya : dans l'animé on ne connait pas le nom patronymique de Lilia. Je lui en ai pour respecter la politesse russe attribué un. « Ivanovna » est un nom patronymique courant en Russie.
Edit : la capitale du Kazakhstan a pour nouveau nom Noursoultan (depuis mars 2019). Avant c'était Astana. J'ai corrigé dans le chapitre.
Et voici enfin le chapitre! Encore mille excuses pour vous avoir ainsi fait attendre.
J'espère que ce chapitre aura valu la peine d'attendre.... N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé.
Je tiens à vous remercier pour vos divers petits mots de soutien. Je peux enfin vous dire que je vais mieux meême si je suis encore très fatiguée et que je tousse toujours encore pas mal (satané covid-19). Ma quarantaine est terminée et je reprends lundi le travail donc encore une fois, je m'excuse car les délais de publication risquent de s'allonger.
En attendant, j'espère que vous allez bien et que vous et vos proches n'êtes pas tocuhés par le coronavirus. Prenez grand soin de vous. Et surtout reste chez vous.
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