Entre Alpha et Oméga, Dieu est seul juge Partie 1
Chapitre 12 - Entre Alpha et Oméga, Dieu est seul juge Partie 1
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Le petit garçon se précipita vers son père qui le prit dans ses bras et l'embrassa. Nikolaï se serra contre lui et l'embrassa à son tour. Quand il entendit la voix de son autre père, il se serra davantage contre Otabek.
« _ Nikolaï Otabevitch Atlin*, tu retournes au coin tout de suite.
_ Äke ! »
Nikolaï fit la moue et prit un air profondément malheureux. Otabek ne se laissa toutefois pas attendrir et le déposa au coin de la pièce face au mur. Il se tourna ensuite vers Yuri qui fulminait et le prit dans ses bras pour le calmer.
« _ Et qu'a-t-il fait pour mériter une punition et te mettre dans un tel état ?
_ Il s'est battu à l'école.
_ Kolia ? Mais pourquoi ?
_ Tu te souviens de ce pu... Satané papier que tu devais signer m'autorisant à aller chercher Kolia à l'école ? Ben je l'ai filé ce matin à la maîtresse. Il y avait un Alpha qui s'est foutu de ma gu... De moi en me traitant de sale Oméga devant les enfants. Apparemment, il a dit à son fils de ne pas fréquenter des enfants de chiennes en chaleurs et d'autres trucs. Bref, le gamin m'a insulté devant Kolia et ton fils lui en a collé une. Je ne peux pas lui en vouloir de prendre ma défense mais je peux pas laisser passer non plus.
_ Je vais aller voir la maîtresse demain pour mettre les choses au clair.
_ Nan ! Tu me laisses gérer ça ! Ce sale fils de p... Enfin ce type je vais lui clouer le bec !
_ Papa, je suis encore puni ?
_ Hein ? Non, mon trésor. Va jouer. »
Le petit garçon fila dans sa chambre sans demander son reste laissant ses parents seuls. Yuri toujours dans les bras de son compagnon peinait à retrouver son calme. Il ne décolérait pas. Il était habitué aux remarques désobligeantes voire aux insultes qu'entraînaient son second genre mais il ne tolérait pas que cela rejaillisse sur son fils. Otabek passa sa main dans son dos en un geste de réconfort et d'apaisement. Il laissa filer ses phéromones et au bout d'un long moment il sentit enfin son bien-aimé se détendre.
« _ Je vais aller voir la maîtresse de Kolia et voir si je peux parler avec cet Alpha.
_ Je t'ai dit que je pouvais gérer.
_ Nous allons gérer ça ensemble pour notre fils. Je sais que tu peux le faire seul mais je veux être là pour toi, pour vous.
_ Ouais, ça serait plus simple si on avait tous les trois le même nom de famille. J'aurai pas à prouver que Kolia est mon bébé. Bon, on passe à table, j'ai les crocs. »
Yuri partit en direction de la cuisine sous le regard songeur de son Alpha. Otabek allait ajouter quelque chose quand Yuri le coupa et lui dit d'aller chercher Nikolaï et qu'ils passaient à table dans cinq minutes. Le diner se passa dans le calme et la conversation s'orienta vers les entrainements des deux patineurs. Ils discutaient de leur programme respectif quand une petite voix les interrompit.
« _ Dis Papa, c'est quoi un Oméga ?
_ Un Oméga c'est comme papa. C'est une personne qui peut avoir des enfants. Comme Tonton Yuuri ou Tata Sara. »
Otabek caressa la joue de son fils tout en lui répondant. Il garda également un œil sur son compagnon qui avait gardé le silence et avait suspendu son geste. Il semblait tendu. Yuri et Otabek n'avaient jamais abordé le sujet du second genre avec leur fils, le pensant trop jeune pour ces questions. Il ne lui avait jamais dit quel était son second genre ni à leur entourage. Ils préservaient au mieux l'intimité de leur fils et tentaient de l'élever loin de ses considérations. Le petit garçon curieux reprit la parole, indifférent au malaise de ses parents.
« _ Un Oméga ça peut avoir un bébé dans son ventre. Comme papa ?
_ Oui mon trésor. Tu étais dans le ventre de papa. Nous t'avons montré une photo. Tu te souviens ?
_ Oui äke. Pourquoi toi t'as pas de bébé dans ton ventre ?
_ Parce que je suis un Alpha et un homme. Je ne peux pas porter d'enfant.
_ Et moi ?
_ Toi mon chat ?
_ Beka !
_ Yura, il pose des questions
_ Je sais mais...
_ Pourquoi le père de Lev est méchant avec toi papa ?
_ Je... Il... Ce sont des affaires d'adultes. Mange ton chou Kolia.
_ Mais...
_ Kolia obéis. Ne discute pas.»
Otabek dévisagea Yuri incrédule. C'était bien la première fois qu'il le voyait embarrassé au point de ne pas répondre à leur fils. D'ordinaire, il faisait toujours un effort pour tenter d'apporter des réponses au petit garçon. Jamais encore, il n'avait agit ainsi.
« _ Moi je veux faire comme papa et avoir un bébé plus tard.
_ Kolia, mange avant que ce soit froid.
_ Je veux être un Oméga et...
_ Ca suffit ! »
La brusque réponse fit sursauter de concert Otabek et Nikolaï qui dévisagèrent Yuri. Celui-ci le visage fermé, la main crispée sur sa fourchette, regardait sur le côté manifestement agacé. Il expira lentement et se redressa sur sa chaise. Il conserva toutefois une attitude presque honteuse qu'Otabek ne lui avait jamais vue.
« _ Finissez de manger, je vais... Je... »
Yuri se leva et partit s'enfermer dans la cuisine. Il ferma la porte derrière lui. Otabek soupira et reporta son attention sur son fils. Il allait s'occuper de lui avant d'aller voir Yuri. Celui-ci avait manifestement besoin d'être un peu seul. Le reste de la soirée se passa dans une drôle d'ambiance. Otabek s'occupa de la toilette de son fils ainsi que de son coucher. Il lui lut une histoire mais au moment d'éteindre la lumière le petit garçon posa naïvement une question qui fit soupirer son père.
« _ J'ai fait de la peine à papa ?
_ Non mon trésor. Ce n'est pas toi.
_ C'est à cause du papa de Lev ?
_ Kolia, il y a de méchantes personnes dans ce monde. Des personnes qui parfois ont de mauvaises paroles et jugent les autres à cause de leur second genre. C'est mal. Tu ne dois jamais juger quelqu'un en fonction de son second genre. D'accord ?
_ Oui. Dis äke, je suis un Oméga ?
_ Mon trésor. Ca n'a pas d'importance. Ce qui est important c'est que papa et moi nous t'aimons de tout notre cœur. D'accord ?
_ Oui. »
Nikolaï bailla et se coucha dans son lit manifestement apaisé. Au moment où il glissait dans les bras de Morphée, une main douce et blanche se posa sur ses cheveux et les caressa.
« _ Bonne nuit mon trésor. Fais de beaux rêves. Je t'aime plus que tout au monde.
_ Bonne nuit papa, bonne nuit äke.
_ Bonne nuit mon petit chat. »
Otabek et Yuri restèrent un long moment à regarder leur enfant dormir. Ils restèrent à le regarder rêver de contrées lointaines, de châteaux ou d'animaux fabuleux. Il était dans un monde où tout était possible, loin, très loin d'une réalité plus cruelle.
« _ Yura, allons nous coucher.
_ Oui. »
Avec un soupir Yuri se leva et le suivit dans leur chambre. A peine entré, il fut happé par deux bras puissants. Otabek colla son corps contre celui de son bien-aimé et nicha son nez dans ses cheveux.
« _ Je suis pas trop d'humeur...
_ Je veux juste te tenir contre moi rien de plus.
_ Pourtant en tant qu'Oméga, je dois écarter les cuisses pour satisfaire mon Alpha. »
Otabek fit pivoter le mince corps entre ses bras. Il saisit le menton de Yuri et le força à le regarder dans les yeux. Celui-ci eut un hoquet de surprise en découvrant la colère peinte sur le visage du Kazakh.
« _ Ne dis plus jamais ce genre de chose ! Tu n'es pas ce que les gens disent de toi. Tu es une personne merveilleuse, courageuse, un excellent papa et un compagnon fantastique. Peu importe ton statut d'Oméga. Tu n'es pas une chose ou pire encore. Tu n'es pas un corps fait pour assouvir mes besoins comme tu dis. Tu n'es pas... Bon sang, Yura ! Tu es l'amour de ma vie. Celui que je respecte plus que tout. Je t'aime.
_ Je sais c'est juste que... Putain, ce mec ! Je te jure je l'aurais baffé si les enfants n'avaient pas été là. Il est tout ce que je déteste chez les Alphas.
_ Même moi ?
_ Nan toi t'es ... Putain si tu savais comme je t'aime. »
Pour toute réponse Otabek l'embrassa tendrement. Les paroles étaient inutiles entre eux. Ils se comprenaient depuis toujours sans avoir besoin de se parler. Yuri laissa ses mains dériver le long du torse de son amant. Il les passa sous son tee-shirt et commença à le caresser. Les lèvres d'Otabek dérivèrent le long du cou du jeune homme qui commença à haleter sous le tendre assaut. Doucement, ils s'allongèrent sur leur lit et laissèrent peu à peu la passion les envahir, laissant leurs cœurs parler pour eux.
Almaty, Kazakhstan, résidence Atlin
Aliya referma soigneusement la gélule avant de la déposer dans le pilulier. Elle fixa celui-ci et compta soigneusement le nombre de comprimés avant de le fermer. Un vertige la prit et elle posa les mains bien à plat sur la table afin se de stabiliser. Elle inspira, expira puis inspira à nouveau avant de doucement relâcher l'air de ses poumons. Elle se sentait coupable de ce qu'elle faisait. C'était criminel, elle le savait. Depuis quelques jours, elle vidait partiellement les gélules que devait prendre son époux de leur contenu. La première fois, elle l'avait fait sur un coup de tête puis ayant réalisé son geste, elle s'était reprise et n'avait plus osé faire quoique ce soit. Mais, une crise de colère plus violente que les autres de son époux l'avait fait basculer. Un soir, il avait bu un peu trop lors d'un diner, en rentrant il l'avait sortie de son lit pour la trainer jusque dans sa chambre. Il l'avait alors jetée sur son lit et l'avait obligée à se dévêtir. Elle n'avait pas été assez rapide à son goût et la violence s'était déchaînée. Les coups avaient plu sans qu'elle ne puisse les éviter. Elle avait hurlé de douleur et de peur pensant voir sa dernière heure arrivée. Par chance, Bolat avait été pris d'un étourdissement et avait été contraint de s'assoir loin d'elle sur un fauteuil. Il l'avait alors injuriée pendant de longues minutes, indifférent à ses pleurs. Quand il s'était senti mieux, il l'avait obligée à s'allonger de nouveau sur le lit et à recevoir ses caresses. Elle avait comme toujours serré les dents et laissé son esprit s'échapper loin de cet enfer. Elle était partie si loin en pensées qu'il lui fallut longtemps pour s'apercevoir que son époux s'était endormi et n'avait pas réussi à profaner plus encore son corps. Au matin, elle avait fermé les yeux quand Bolat s'était réveillé puis était parti sans aucune considération pour elle.
Une main posée doucement sur son bras la tira de ses pensées et elle papillonna des yeux dans l'espoir de chasser les larmes qui s'étaient mises à couler en silence.
« _ Je vais le faire Aliya.
_ Non Saltanat. Je vais y aller.
_ Il va encore te faire du mal si tu y vas.
_ Ce n'est pas grave. Le plus important est qu'il ne te touche pas.
_ Je le supporterai, ne t'inquiète pas.
_ Douce Saltanat, je ne le laisserai pas faire. Va te mettre à l'abri au gynécée. Va rejoindre Yulia.
_ Aliya...
_ N'insiste pas Allez, va maintenant. »
Aliya prit le plateau qu'elle avait garni quelques minutes plus tôt et s'en fut de sa démarche claudicante vers le bureau de Bolat. Saltanat la regarda s'éloigner sans parvenir à retenir ses larmes.
« Pauvre Aliya... Aliya pleine de grâce. Tu es une sainte parmi les saintes. J'aimerai tant te protéger. »
Désemparée, Saltanat regagna le gynécée et alors qu'elle s'apprêtait à y entrer des cris se firent entendre. Si avec le départ de Sezim, la jeune femme avait espéré le retour du calme, elle s'était trompée. Yulia avait pris le relais et s'opposait à Olga avec la rage d'une lionne défendant ses petits.
« _ Je peux savoir pourquoi vous hurlez toutes les deux ? Nous vous entendons depuis l'autre côté du couloir.
_ Yulia ne veut pas me dire si Serik est en contact avec Otabek !
_ Je ne vois pas pourquoi je te dirai ce que me dis mon époux ! Ce sont des conversations privées.
_ Mais il doit savoir où est mon Alpha !
_ Ce n'est pas ton Alpha ! C'est l'Alpha de Yuri, la très jolie Fée Russe ! »
Yulia lui cracha avec toute la véhémence dont elle était capable ces paroles. Il ne faisait aucun doute que celle-ci cherchait à blesser et humilier Olga. Yulia semblait prendre un malin plaisir à rappeler à la jeune femme que pour Otabek elle n'était rien et ne serait jamais rien. Olga se mordit la lèvre inférieure au sang mais ne répondit rien. Elle ne le pouvait pas. Dans la hiérarchie familiale, Yulia étant l'épouse du fils aîné de la famille, elle lui était supérieure. Le gynécée obéissait à une hiérarchie bien établie et héritée de plusieurs siècles. L'épouse du chef de famille régnait sur le gynécée puis venait l'épouse du fils aîné suivie des autres épouses par ordre de naissance de leurs époux dans la fratrie. Les fiancées venaient ensuite mais n'avaient qu'un statut précaire. Quant aux Omégas de plaisir, elles vivaient tout en bas de cette échelle luttant pour s'assurer une place les mettant hors de danger.
« _ Yulia, tu ne devrais pas autant t'énerver. Ce n'est pas bon pour toi et ton enfant.
_ Je sais Saltanat. Mais je ne supporte pas qu'une gamine se mêle d'affaires qui ne la concernent en rien.
_ Mais Otabek...
_ Ca suffit ! Tu n'es la fiancée d'Otabek que parce que son père veut ce mariage. Ca ne te donne en rien le droit de réclamer et de faire des caprices. Sans parler du fait que tu n'es rien pour Otabek.
_ Je suis la fiancée d'Otabek et nous nous marierons !
_ Olga, écoute...
_ Toi la catin, tu ne me parles pas ! »
Yulia perdit patience et gifla Olga de toutes ses forces. Elle reprit la parole la voix suraigüe, vibrante de colère.
« _ Ecoute-moi bien, je ne me répèterai pas, ici tu n'es rien. Tu es hors de notre petit monde. Tu n'es la fiancée de personne, l'Oméga de personne. Tu vas dorénavant te plier à nos règles et courber bien bas la tête. Si tu oses faire quoique ce soit pour nuire à l'une d'entre nous, à Otabek ou à son Oméga, je te promets de te détruire. J'en ai les moyens et je n'hésiterai pas une seule seconde. Me suis-je bien fait comprendre ? Maintenant, tu vas t'excuser auprès de Saltanat et te retirer dans ta chambre. Tu n'en sortiras que lorsque l'une de nous t'y autorisera.
_ Mais...
_ Encore un mot et c'est plus qu'une gifle que tu vas recevoir. Et baisse les yeux quand tu t'adresses à nous. »
Olga la regarda un bref instant avant de précipitamment baisser les yeux. Mortifiée, elle se tourna vers Saltanat et bafouilla quelques excuses avant de gagner sa chambre en courant, des larmes dues à l'humiliation coulant sur ses joues.
« _ Yulia, tu n'aurais peut-être pas...
_ J'en ai assez de cette gamine. Et je ne pouvais pas la laisser t'insulter. Personne n'a le droit de t'humilier sous prétexte que tu as eu moins de chance que nous.
_ Merci... Tu penses vraiment ce que tu as dis à propos d'Otabek et... ?
_ Oui bien sûr. Je ne la laisserai pas faire du mal à Otabek et Yuri. De plus, je t'avoue que je serai curieuse de rencontrer cet Oméga. Il doit avoir une sacrée personnalité pour avoir ainsi capturé le cœur du si stoïque, si obéissant et si sage Otabek. »
Elles pouffèrent à cette simple idée. Un petit moment de légèreté dans cet océan de contrariétés qu'était leurs vies.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Yuri sortit de la douche et soupira d'aise. Il se sentait mieux. La sensation de fraîcheur sur sa peau lui faisait le plus grand bien. Il avait eu trop chaud toute la nuit et avait eu la sensation d'étouffer. Il se sécha en fredonnant et son sentiment de bien-être s'accrut lorsqu'il sentit deux bras se refermer sur lui. Une main glissa sur son ventre rond et des phéromones boisées se firent sentir le faisant ronronner de plaisir. Des lèvres chaudes glissèrent dans son cou, l'embrassèrent, puis remontèrent jusqu'à son oreille.
« _ Tu te sens mieux maintenant ?
_ Oui. Ca m'a fait du bien. Mais avec toi ça aurait été encore mieux.
_ Hum... Ne me tente pas, petit diable. Tu retournes t'allonger et je t'apporte ton petit-déjeuner.
_ Je vais y prendre goût. Tu continueras quand le bébé sera là ? »
Sans lui laisser le temps de répondre, Yuri l'embrassa voluptueusement. Otabek le retint contre lui et laissa ses mains dériver sur la douce peau de porcelaine. Il sentit le désir monter en lui et avant de se laisser submerger, il repoussa gentiment Yuri qui fit la moue visiblement déçu. Toutefois, le Tigre Russe ayant plus d'un tour dans son sac, il se dirigea en ondulant des hanches vers la chambre complètement nu. Otabek ne le quitta pas un instant des yeux et dut se faire violence pour ne pas littéralement lui sauter dessus.
« C'est moi qui ai besoin d'une douche froide maintenant. »
Un éclat de rire moqueur se fit alors entendre. Le Kazakh perdit alors le peu de sang froid qui lui restait et fondit sur son amant qui l'attendait allongé sensuellement sur leur lit. Otabek parcourut son corps de caresse le faisant ronronner plus fort sous la douce torture.
« _ Beka... Plus...
_ J'ai tellement envie de toi, mon amour.
_ Viens alors. »
La sonnette de la porte les interrompit alors que le Russe commençait à déshabiller son amant. Il grogna et tenta de retenir Otabek près de lui. Le jeune homme brun ne se laissa pas pour autant faire et se dégagea à regret de la douce étreinte. Il déposa un chaste baiser sur les lèvres tendres avant de se lever et de lui dire de s'habiller.
« _ Nan ! On vient tout juste de commencer.
_ Tu sais que nous n'avons pas le droit. Dépêche-toi, ta surprise va t'attendre.
_ Ma surprise ? »
Les yeux émeraude pétillèrent à cette simple évocation. Yuri oublia en un instant sa frustration et se leva aussi vite que son état le lui permettait pour enfiler ses vêtements. Il se précipita ensuite au salon alors que son compagnon allait ouvrir la porte et laissait pénétrer leurs visiteurs. Le jeune Oméga fronça toutefois le nez quand il sentit les phéromones d'un Alpha inconnu pénétrer chez eux. Instinctivement, il se recula prêt à s'enfermer dans sa chambre. Ses craintes moururent aussi vite qu'elles étaient nées quand il aperçu les deux personnes qui pénétraient dans le salon.
« Deda ! »
S'exclama-t-il ravi avant de se précipiter dans les bras de son grand-père. Nikolaï accueillit tendrement son petit-fils dans ses bras et le serra contre lui. Il était ravi de voir son Yuratchka qui lui avait tant manqué et pour lequel il s'était fait tant de soucis.
« _ Deda, comment... Tu étais...Moscou ?
_ Nous allons tout t'expliquer Yuratchka. Va t'assoir maintenant. Tu ne dois pas te fatiguer.
_ Oui Diedouchka ! »
Yuri se précipita et s'assit bien sagement sur le canapé visiblement ravi de sa surprise. Il ne ronchonna même pas lorsqu'Otabek fit observer que pour une fois il n'avait pas eu à batailler avec lui.
« _ Je vais faire du thé. Erasyl assied toi je t'en prie.
_ Merci petit frère. Je ne vais pas pouvoir rester longtemps malheureusement.
_ Erasyl, vous resterez bien un peu avec nous. Vous devez avoir des choses à dire à votre frère.
_ C'est vrai. Et j'aimerai assez faire connaissance avec mon beau-frère.
_ On se connait déjà.
_ Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de vous parler Yuri Nikolaïevith*.
_ Vous vous connaissez ?
_ Nous nous sommes croisés à l'hôpital.
_ Pourquoi étais-tu à l'hôpital Yuratchka ? »
Yuri ne répondit pas et se contenta de faire une moue boudeuse accusant du regard son compagnon qui revenait avec un plateau. Otabek le déposa sur la table et ne releva pas le regard de son compagnon. La discussion autour de cette consultation avait failli tourner la première fois à la dispute et il n'avait pas envie de relancer le débat pour le moment.
« _ Un petite visite chez la psychologue pour Oméga comme les médecins de Moscou nous l'avaient conseillé.
_ Tu as pris la décision de m'y traîner de force.
_ Tu ne vas pas recommencer, Yura.
_ Et pourquoi pas ?
_ Tu sais très bien pourquoi je t'y ai emmené.
_ C'est pas une raison valable !
_ Otabek, si Yuratchka ne veut pas y aller, pourquoi l'y obliger ? »
Erasyl étouffa un rire en voyant la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il compatit intérieurement avec son petit-frère qui allait devoir faire face aux deux Russes et composer avec leurs humeurs. Il prit la parole pour détendre l'atmosphère et surtout détourner la conversation vers d'autres sujets tout aussi importants.
« _ Otabek, as-tu reçu des nouvelles de Serik ?
_ C'est qui Serik ?
_ Notre frère aîné, Yura.
_ Combien de frères avez-vous Otabek ?
_ J'ai trois frères et une sœur.
_ Nous sommes cinq enfants. Dans l'ordre, Serik, moi-même, Nurasyl, Otabek et Anara. Serik fait de son mieux pour nous aider et fait la navette entre la Russie et le Kazakhstan.
_ Et Nusyl ?
_ Nurasyl, Yura. Je ne sais pas. Il a toujours été proche de notre père et d'Anara. Il est plutôt conservateur et obéissant.
_ En fait, il a fait quelques éclats ces derniers temps. Il a répudié son Oméga sous prétexte qu'elle n'était pas assez fortunée pour lui. Il a expédié la pauvre gamine dans une maison de plaisir.
_ Quoi ?! Mais...
_ Serik est intervenu à temps et l'a rachetée au propriétaire derrière le dos de père. Il s'est arrangé pour qu'elle quitte le Kazakhstan. Elle est en sécurité en Allemagne auprès d'un de ses amis. Je n'aurai pas dû en parler devant vous, je suis désolé. Yuri Nikolaïevitch, vous êtes très pâle. »
Otabek prit un Yuri pâle comme la mort dans ses bras. Il tremblait de tous ses membres et émettait des phéromones de peur. Otabek le souleva délicatement et le posa sur ses genoux. Il resserra son étreinte autour de lui et émit à son tour des phéromones pour le calmer. Il lui chuchota des paroles réconfortantes et embrassa doucement sa marque. Le tendre traitement aida le jeune homme à recouvrer son calme peu à peu. Yuri s'abîma dans la bulle de sécurité que son Alpha avait créé pour lui et se mit rapidement à somnoler. Depuis qu'il était enceint, le simple fait de respirer trop de phéromones l'épuisait et il sombrait rapidement dans le sommeil. Cette fois encore, il s'endormit entre les bras protecteurs de son compagnon bercé par sa respiration tranquille.
« _ Je vais le coucher. Je reviens tout de suite.
_ Peux-tu faire vite ? Je ne veux pas te presser mais je ne peux pas m'attarder encore longtemps.
_ Bien sûr. »
Otabek alla coucher Yuri rapidement et revint auprès des deux hommes au salon. Nikolaï s'était levé et regardait pas la fenêtre. Erasyl quant à lui patientait en buvant son thé. Quand son frère s'assit il prit la parole en kazakh pour ne se faire comprendre que de lui. Il prit également soin de ne pas utiliser de prénoms afin de ne donner aucuns indices au grand-père de Yuri.
« _ Notre grand frère est allé voir notre petite sœur sur son nouveau lieu de résidence. Il a vu une carte où elle note ses recherches. Pour le moment, elle a fouillé le quartier que tu avais indiqué comme étant le tien. Mais il va falloir trouver autre chose pour la distraire. Il lui a donné une adresse mais ce n'est qu'un os à ronger pour la faire patienter.
_ Je pourrai faire un aller-retour rapide à M... Là-bas et m'y géolocaliser.
_ Pas tout de suite. Je dois aussi t'avertir que mon âme-sœur est ici, avec moi. Normalement, elle devrait rester un peu.
_ Vous allez vous lier ?
_ Je... J'ai peur de la mettre en danger. Et elle devra retourner là-bas... Si je me lie à elle, nous devrons partir. Je ne pourrai plus vous aider. Et il y a autre chose. Grand frère est contre le fait que tu sois au courant mais sa fille est ici.
_ Sa... Fille ?
_ Oui, celle qu'il a fait passée pour morte à la naissance. Nous prenons soin d'elle en ce moment. Nikolaï l'a vue.
_ Sa fille est une Oméga je suppose.
_ Tu supposes bien. Ecoute, si jamais...
_ Tu pourras l'amener ici. Nous prendrons soin d'elle. Je te le promets.
_ Et ton Oméga ?
_ Il va râler pour la forme mais il ne refusera pas de venir en aide à une petite fille. Surtout à une petite Oméga comme lui. Il a beaucoup souffert de par son second genre quand il l'a appris. Je suis persuadé qu'il la défendra comme si c'était sa petite.
_ Il a bon cœur. Ca se voit tout de suite malgré son air vindicatif et sa tendance à grogner sur tout le monde.
_ Et encore, tu n'as rien vu !
_ Je ne souhaite pas en voir plus pour être franc. Je dois vraiment partir maintenant.
_ Fais attention à toi.
_ Prends soin de toi et de Yuri. »
Erasyl sourit à son frère avec chaleur puis alla saluer Nikolaï avant de partir. La pièce fut plongée dans le silence. Aucun des deux hommes ne savait comment s'adresser à l'autre. Leur dernière discussion datait de plusieurs semaines et les relations étaient encore tendues entre eux. Pour le bien de Yuri, ils avaient fait des efforts mais trop de reproches et de paroles blessantes avaient été dits pour pouvoir être rapidement oubliés. Au bout d'un long moment, Otabek se décida à prendre la parole.
« _ Je vais vous montrer votre chambre pour que vous puissiez vous installer à votre guise.
_ Merci.
_ Je vais aussi vous montrer votre salle de bain ainsi que le reste de l'appartement.
_ Très bien. »
Simple et courtois. L'échange s'en tint là tandis qu'Otabek faisait visiter l'appartement au grand-père de Yuri. Il lui montra la chambre puis partit prendre les bagages de celui-ci dans l'entrée où ils avaient été déposés à son arrivée.
Moscou, quartier de l'université d'État Lomonossov de Moscou
Anara plongea son nez dans le foulard à motif léopard. Il sentait bon. Il sentait ses phéromones. Il sentait lui. Elle caressa le tissu. Il était doux. Il était doux comme sa peau. Son exquise peau d'albâtre. Elle pouvait encore la sentir sous ses doigts. Elle l'avait touchée rien qu'un instant. Elle aurait aimé la goûter et en découvrir le goût. Elle était certaine qu'elle avait le goût d'un fruit sucré ayant mûri au soleil tout l'été. Elle se laissa dériver dans un rêve de douceur. Un rêve où il était à elle seule.
Un rayon de soleil la tira des ses songes. Elle s'éveilla tenant toujours le foulard à la main. Elle se mit à sangloter convulsivement pendant un long moment en réalisant qu'une fois encore elle était seule. Il n'était pas là. Il était loin d'elle dormant entre d'autres bras. Les bras de son frère.
« Je te déteste Otabek ! Je te hais ! Tu n'avais pas le droit de me le prendre. Il est à moi et à moi seule ! »
Elle cria pendant de longues minutes à travers tout l'appartement. Elle cria sa colère, sa détresse et des mots d'amour incompréhensibles. Puis, comme la tempête était née, elle s'arrêta. Son regard noir se fixa sur le plan accroché au mur. Elle devait suivre cette nouvelle piste. Elle attrapa son téléphone et appela un des chauffeurs mis à disposition par son père et le prévint de l'attendre en bas de chez elle. Armée de cette nouvelle certitude, elle se sentit forte, aujourd'hui elle allait le retrouver et le faire sien.
Saint-Pétersbourg, un appartement du quartier de l'Amirauté
Erasyl soupira d'aise en entrant dans l'appartement. Une douce odeur de chèvrefeuille l'accueillit. Il resta quelques minutes sur le pas de la porte à la savourer. L'odeur des phéromones de Sezim s'intensifia lorsque celle-ci se reprocha doucement de lui. Inconsciemment, il émit des phéromones de bien-être.
« _ Tes phéromones sentent bon. Elles sentent le santal.
_ Les tiennes m'enivrent Sezim. Leur douceur, leur fraîcheur. Tu sens comme un matin de printemps. »
Elle s'approcha doucement de lui et posa avec délicatesse ses lèvres sur celles de l'Alpha qui lui faisait face. Il répondit tendrement à son baiser et la serra contre son cœur. Ses doigts remontèrent le long de son dos et se perdirent dans l'abondante chevelure bouclée.
« Tonton Erasyl ! »
Sezim s'écarta précipitamment de l'homme qu'elle aimait depuis longtemps en silence à regret. Elle se retourna et sourit à Maria qui venait de les rejoindre dans l'entrée. La petite Oméga les fixait d'un air interrogateur en inclinant légèrement la tête sur le côté de ses jolis yeux dorés.
« _ Ton oncle Erasyl vient de rentrer. Viens le saluer Masha.
_ Oui tata Sezim. »
Sezim pouffa légèrement en s'entendant appeler ainsi et tendit la main à la petite de sorte à l'encourager. Maria saisit la main tendue, se mit sur la pointe des pieds et tendit le cou dans une adorable tentative pour se grandir. Erasyl, attendri, se pencha, prit la petite dans ses bras et l'embrassa. Il adorait cette petite fille qu'il avait vu grandir bien à l'abri dans la maison de son frère. Il souhaitait plus que tout la protéger de son grand-père et de ses idées d'un autre temps sur les Omégas.
« _ J'ai fait du thé et des biscuits. Si tu veux bien t'installer au salon.
_ Oui, merci à toi Sezim.
_ Tata Sezim m'a laissé faire des cookies avec elle !
_ C'est vrai ? Tu en as de la chance. Tu t'es bien amusée jolie Masha ?
_ Oui ! »
Ils prirent tout trois place au salon. Masha prit un cookie et partit le déguster dans son coin avec ses poupées. Erasyl et Sezim gardèrent un moment le silence pendant que celle-ci faisait le service. A Almaty, elle aurait détesté le faire mais ici c'était agréable. Elle tendit une tasse à l'homme qui lui faisait face et un sourire la remercia.
« _ Merci à toi. Je ne vais pas pouvoir te laisser partir si tu prends aussi bien soin de ma personne.
_ Ne me laisse pas retourner là-bas. Garde-moi ici avec toi.
_ Je voudrais tant que tu n'aies pas à retourner chez mon père.
_ Alors trouve un prétexte pour me garder ici. Je veux bien être ta prisonnière. Ou alors... Fais comme Otabek.
_ Je vais te mettre en danger si je fais ça. Tu vois bien où en est Otabek aujourd'hui ?
_ Je sais mais... Comment va-t-il ? Et son Oméga ?
_ Ils avaient l'air d'aller bien aujourd'hui. Yuri était heureux de voir son grand-père. Otabek quant à lui fait de son mieux pour accepter Nikolaï. Ca ne va pas être facile pour lui de cohabiter avec un homme qui lui reproche sans cesse les événements passés.
_ Il le fera. Il le fera pour Yuri. Comment est-il ? C'est quel type d'Oméga ? Il est aussi beau que le dit Anara ?
_ Il est beau, moins que toi, mais il est beau. Niveau personnalité, je commence à comprendre pourquoi on le surnomme le Tigre de Russie. Il a un foutu caractère du peu que j'ai vu. Vous vous entendriez très bien tous les deux !
_ Tu sous-entends que j'ai mauvais caractère ?!
_ Non, juste que tu as une forte personnalité. J'ai entendu parler des disputes avec Olga.
_ Cette garce ! »
Le bruit d'une clé les fit sursauter. Alors qu'ils s'étaient rapprochés, cherchant le contact du corps de l'autre, ils s'éloignèrent précipitamment. Serik entra peu après dans la pièce les trouvant confus et mal à leur aise. Un petit sourire ironique étira ses lèvres alors qu'il prenait dans ses bras sa fille qui s'était précipitée vers lui.
« _ J'ai l'impression d'avoir pris deux adolescents en flagrant délit de flirt ! Détendez-vous, ce n'est que moi.
_ Je vais vous laisser. Viens Masha.
_ Tu peux rester Sezim. Ca évitera à Erasyl de tout te résumer.
_ C'est vrai ? J'ai le droit de rester ?
_ Tu n'es pas à Almaty ici. Reste avec nous. Surtout qu'une partie te concerne. Bien je vais aller droit au but, j'ai donné à Anara une adresse à aller vérifier. Ca va l'occuper un peu mais pas longtemps. Elle va vite se rendre compte qu'Otabek et Yuri ne sont jamais allés là-bas. Otabek va devoir aller quelques jours à Moscou pour donner le change. Maintenant que Nikolaï est avec Yuri ça ne devrait pas poser de problème.
_ En dehors de les séparer ? Yuri ne va jamais accepter.
_ Il va devoir se faire une raison car je n'ai rien de mieux à proposer.
_ Otabek m'en a parlé ce matin. Il est d'accord avec cette solution. Je pense qu'il va en parler doucement à Yuri pour le préparer. Combien de temps peut-on lui donner ?
_ Une semaine, dix jours si nous arrivons à jouer correctement ce coup. Une fois qu'il sera à Moscou, il devra faire comme s'il était en train de prendre soin de son Oméga enceint. Sezim, tu pourrais nous être utile et jouer le rôle de Yuri.
_ Non Serik ! Il en est hors de question ! Tu ne va pas la mettre en danger !
_ J'accepte.
_ Quoi ? Mais...
_ Erasyl, Yuri ne peut pas bouger et un voyage à Moscou serait trop dangereux.
_ Tu ne pourras pas te faire passer pour lui. Vous ne vous ressemblez pas. Et puis tu n'es pas marquée. Yuri n'acceptera pas de laisser son Alpha avec une Oméga non marquée.
_ Mais ce n'est qu'un détail, Erasyl. Sauf si quelqu'un remédie à cette absence de marque. »
Sezim plongea ses yeux anthracite dans le regard d'encre d'Erasyl. Un duel muet s'engagea sous l'œil amusé de Serik. Il n'y avait pas à dire, que ce soit Otabek, Erasyl ou lui-même, ils avaient tous trouvé un Oméga au tempérament de feu. Il se demanda ce que pourrait donner le trio Yulia, Sezim et Yuri. Si ces trois-là se rencontraient un jour nul doute que leurs Alphas feraient pâle figure à côté d'eux.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Yuri se retourna dans le lit le plus doucement possible. Il tenta d'en sortir mais se sentit attirer en arrière avec douceur. Il se retourna et les émeraudes rencontrèrent des lacs sombres. Otabek le fixait, un pli d'inquiétude barrant son front. Yuri passa son doigt avec douceur dessus pour le faire disparaître. Puis, il se pencha et embrassa la joue râpeuse avec tendresse.
« _ Ca va Beka. Je vais juste voir si Kolia dort bien.
_ Il dort bien Yura. Il serrait déjà dans notre lit s'il avait fait un cauchemar.
_ Juste pour vérifier.
_ Yura, reste ici. Cesse de t'inquiéter sans raison. Notre fils va bien et tu devrais suivre son exemple et dormir. Je te rappelle que tu as une compétition à préparer.
_ Je sais. Ne t'inquiète pas cher Alpha. Je vais tous vous exploser sur la glace !
_ Je ne vais pas te laisser gagner aussi facilement mon amour ! Yura, je pensais à quelque chose...
_ Quoi ?
_ Tout à l'heure tu as dis que ce serait plus facile si on avait tous le même nom. »
Yuri fronça les sourcils. Il aurait du se mordre la langue plutôt que de laisser ses nerfs parler. Il ne voulait pas que cette conversation vienne si tôt. Il n'était pas encore prêt. Il avait prévu autre chose pour faire de cette demande un moment magique. Il ne voulait pas dire « oui » nu au milieu de leur lit en pleine nuit. Il préféra esquiver maladroitement en croisant les doigts très fort pour qu'Otabek n'insiste pas.
« _ Ouais, t'inquiète, j'étais en rogne alors j'ai dit n'importe quoi. Et puis faudrait que je refasse tous mes papiers et j'ai un peu autre chose à faire en ce moment.
_ Yura, franchement ?
_ Beka, on va pas en parler au milieu de la nuit. On a d'autres choses à faire. Tu penses qu'on aura le temps de passer voir Chris et Stefan après la compet' ?
_ Oui, j'ai arrangé ça hier. Chris a appelé pour savoir si on pensait passer quelques jours à Zurich. On pourrait en profiter pour, si tu es toujours d'accord, voir si Stefan ne s'oppose pas à notre projet.
_ Il va être d'accord ! Il aura pas le choix de toute façon. Sinon je retire moi-même mon implant.
_ Fais-moi penser à cacher les couteaux demain ! »
Yuri éclata de rire et embrassa Otabek avec toute la passion dont il était capable. Il le fit basculer sur le lit et s'assit sur son bassin en émettant des phéromones autant pour signaler son désir que pour enivrer son Alpha et lui faire perdre la tête. S'il ne pouvait tomber enceint pour le moment, il était bien décidé à s'entraîner avec Otabek.
Saint-Pétersbourg, hôpital international, service Oméga, service de psychologie et psychiatrie
Yuri signifiait à Otabek sa mauvaise humeur en lui jetant des regards noirs et en émettant des phéromones. Il n'avait pas le moins du monde envie d'aller à ce rendez-vous mais il n'avait pas réussi à faire plier son compagnon. Il grogna quand celui-ci lui saisit la main et essaya de la dégager.
« _ Je sais que tu m'en veux Yura mais c'est nécessaire.
_ Non, ça va !
_ Tu n'as presque pas dormi cette nuit. Tu fais de plus en plus en cauchemars. J'arrive à peine à te calmer avec mes phéromones et ce n'est pas une solution à long terme. Parler te fera du bien.
_ Je ne veux pas parler de ça. Beka, je veux rentrer à la maison, boire de la tisane et rester dans tes bras. »
Le ton plaintif du jeune homme attendri son compagnon qui le prit dans ses bras. S'ils l'avaient pu, ils seraient rentrés tout de suite mais c'était exclu. Yuri ne dormait plus que lorsqu'Otabek l'assommait de ses phéromones. Le jeune Russe s'agita sur sa chaise soudain prit d'un long frisson. Les couleurs quittèrent ses joues et il se colla davantage à son compagnon. Alerté, celui-ci l'étreignit avec force et lui demanda ce qu'il avait.
« _ Je viens de me souvenir d'un truc. Je crois que...Je ... Non, c'est rien...
_ Yura, s'il te plaît dit moi. De quoi t'es-tu souvenu ?
_ Dans la chambre d'hôtel... Il ... Je...
_ Doucement, prends ton temps mon cœur. Respire, ça va aller.
_ Il ... Je crois... »
Yuri inspira longuement puis expira. Il tenta de faire refouler les larmes et la panique qui s'étaient emparées de lui quelques minutes plus tôt. Il lutta contre la nausée et le mal de tête qui le gagnaient peu à peu. Malgré le malaise, il voulait dire à Otabek ce dont il se souvenait. Il voulait absolument que celui-ci sache.
« _ Je crois qu'il y avait deux personnes dans la chambre pendant... Enfin, tu vois quoi.
_ Deux personnes ? Deux Alphas ?
_ Nan un seul Alpha et l'autre c'était peut-être un Oméga. Je ... Ah ! »
Yuri saisit son ventre et son visage se crispa sous l'effet de la douleur. Otabek le rattrapa alors qu'il basculait en avant incapable de se maintenir assis. Il cria pour attirer l'attention et que l'on vienne l'aider de toute urgence.
Saint-Pétersbourg, hôpital international, service gynécologie, section Oméga
Le bruit des différents appareils de mesures emplissait la chambre silencieuse. Otabek tenait la main de Yuri qui luttait difficilement contre le sommeil. Il était épuisé. La peur et la douleur l'avaient vidé de toute son énergie et il ne souhaitait plus qu'une seule chose, dormir en paix. En un geste las il caressa son ventre et sourit faiblement. Son fils était encore bien à l'abri en lui. Il ne l'avait pas perdu. La main d'Otabek rejoignit la sienne et leurs doigts s'enlacèrent en un geste de protection.
« _ Pardon Beka...
_ Shhh mon ange. Tu n'y es pour rien. Repose-toi maintenant.
_ Je veux rentrer à la maison.
_ Non pas tout de suite. Tu vas rester quelques jours ici. Le temps que vous récupériez tous les deux. Je vais prévenir ton grand-père et Yakov. Je vais rester avec toi toute la nuit et les prochains jours.
_ Äke va veiller sur toi mon Kolia.
_ Je vais veiller sur vous deux, mes trésors. Endors-toi maintenant. Tu tombes de sommeil. »
Otabek embrassa chastement les lèvres de son bien-aimé et resta à ses côtés jusqu'à ce que celui-ci soit profondément endormi. Il le regarda dormir un moment savourant le calme retrouvé après cette tempête. Il avait eu si peur de les perdre tous les deux une fois encore. Yuri avait été pris de violentes contractions dans le couloir. Fort heureusement les médecins étaient intervenus rapidement et les avaient pris en charge. Ils n'étaient pour autant pas hors de danger. L'organisme de Yuri s'était une nouvelle fois affaibli et leur fils avait failli venir au monde beaucoup trop tôt. S'il voyait le jour maintenant, il n'était pas certain qu'il survive. Yuri ne s'en remettrait pas, Otabek le savait. Lui-même n'était pas certain de pouvoir traverser une telle épreuve sans s'écrouler. Il soupira et prit son courage à deux mains. Il devait prévenir le grand-père de Yuri, Yakov et son frère Erasyl des derniers événements. Il choisit de commencer par son frère. La conversation ne serait pas des plus agréables mais il savait pouvoir compter sur son soutien.
Moscou, quartier de la gare de Koursk**
Anara parcourait les rues du quartier de la gare de Koursk. Elle imaginait mal son frère et son Oméga loger ici. Pas que l'endroit soit mal famé mais il était loin d'être calme. Le passage y était constant avec son ballet de voyageurs pressés et le bruit des lignes ferroviaires. Elle pressa le pas décidée à ne pas s'attarder plus que nécessaire. Elle devait trouver l'adresse fournie par Serik quelques jours plus tôt au plus vite et arracher son Oméga aux griffes d'Otabek. Elle tourna un moment avant de parvenir à trouver son chemin parmi le dédale moscovite avant d'enfin s'arrêter devant un immeuble à la façade défraîchie. Elle fronça les sourcils, perplexe. Ce ne pouvait être là. Ca ne pouvait être cet immeuble minable.
« Mais où est-ce qu'il te fait loger mon pauvre chéri. Tu mérites mieux...Tellement mieux. Ne t'inquiète pas. Je viens te sauver. »
Elle se dirigea d'un pas décidé vers l'entrée et poussa la porte. Celle-ci resta hermétiquement close. Elle recommença mais encore une fois la porte lui résista. Agacée, elle saisit le papier sur lequel son frère avait noté l'adresse. Il n'avait pas pris la peine d'indiquer le code de la porte ou l'interphone auquel sonner. En colère, elle composa le numéro de Serik sur son téléphone et attendit avec impatience que celui-ci décroche. Seule sa boîte vocale lui répondit.
« Serik Bolatevitch Atlin décroche ce maudit téléphone ! Tu as oublié de me donner le code d'entrée ! Rappelle-moi tout de suite ! Sinon j'appelle Père ! »
Elle raccrocha et patienta quelques minutes que son frère daigne la rappeler. Elle fit les cent pas un petit moment devant la porte puis se décida à faire le tour de l'immeuble. Peut-être y avait-il un autre accès. Elle profita de ses recherches pour appeler encore et encore Serik qui semblait bien décidé à jouer avec ses nerfs en ne répondant pas. La pluie se mit à tomber la faisant jurer à voix haute en kazakh. Elle en avait assez de ce jeu de piste. Elle retourna devant la porte de l'immeuble et la chance lui sourit enfin. Elle se faufila derrière une dame âgée.
Saint-Pétersbourg, appartement Atlin-Plisetsky
Le réveil sonna et le couple eut du mal à ouvrir les yeux. La nuit avait été courte, très courte. Ils avaient veillé une bonne partie de la nuit alternant entre discussions et témoignages de leur amour mutuel. Avec un grognement Otabek saisit le réveil et l'étreignit alors que Yuri se retournait emportant avec lui les couvertures.
« _ Viens un peu par là toi ! Tu prends toute la couette.
_ Laisse-moi, je veux dormir. J'ai sommeil.
_ Tu as voulu jouer, il faut assumer maintenant.
_ Comme si tu y étais pour rien !
_ Papa ! Äke ! »
Le petit garçon monta sur le lit et secoua son père réclamant son câlin matinal. Yuri souleva le bord de la couverture avant de le rabattre précipitamment se souvenant soudain de sa nudité. Il attrapa son fils et le coucha à côté de lui permettant ainsi à Otabek de se lever et de s'habiller.
« _ Je suppose que je suis de corvée de petit-déjeuner.
_ Je prendrais du thé noir avec du miel, des œufs et il doit rester de la salade de fruit.
_ A vos ordres votre Altesse !
_ Moi je veux comme papa ! »
Otabek et Yuri éclatèrent de rire à cette réplique. Otabek saisit son fils, l'embrassa et partit avec lui en direction de la cuisine. Il lança par-dessus son épaule à un Yuri pas encore tout à fait réveillé.
« _ On se dépêche papa ! On va être en retard à l'école sinon !
_ Veux pas Beka ! »
Seul un éclat de rire lui répondit et le bavardage joyeux de son fils.
Le titre « Entre Alpha et Oméga, Dieu est seul juge. » s'inspire du proverbe russe « Entre mari et femme, Dieu est seul juge. ».
*En Russie et dans beaucoup des pays de l'ex-URSS les noms des personnes sont composés de cette manière : prénom + patronyme + nom de famille. Le patronyme se compose du prénom du père et du suffixe ovitch ou evitch pour un garçon, et, ovna ou evna pour une fille. C'est cette forme patronymique qui figure sur les papiers d'identité, l'acte de naissance, les documents administratifs etc. Le patronyme est très important car il permet d'appeler avec respect une personne du fait de l'inusité des mots Monsieur et Madame.
Ici Yuri appelle Kolia par son nom complet Nikolaï Otabevitch Atlin. Otabevitch est le patronyme de Nikolaï formé à partir du prénom de son père. Ici, comme c'est un omégaverse, le prénom de l'Alpha sert à former le patronyme. De la même façon pour Otabek ça donnera Otabek Bolatevitch Atlin et pour Yuri (imaginons que son père s'appelle Vladimir) Yuri Vladimirovitch Plisetsky. Si une personne russe s'adresse à Otabek il ne dira pas Monsieur Atlin mais Otabek Bolatevitch. De la même manière pour Yuri ce ne sera pas Monsieur Plisetsky mais Yuri Vladimirovitch. Dans cette histoire, Yuri n'ayant pas de père et sa mère ne s'étant pas occupé de lui, son patronyme sera formé à partir du prénom de son grand-père, Nikolaï.
Pour le nom de famille, Nikolaï étant un garçon son nom est Atlin. Si Otabek et Yuri avaient eu une fille son nom de famille aurait été Atlina et son nom complet (par exemple) Sofya Otabevna Atlina ou si Otabek ne l'avait pas reconnue Sofya Yurievna Plisetskaya (ou Plisetskaïa). @Narumeinuzuka10 petit clin d'œil 😊
** La gare de Koursk : gare moscovite desservant l'Ukraine orientale, la Russie du sud, le Caucase et la Crimée.
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