Confiance

Chapitre 7 - Confiance

Appartement Altin-Plisetsky

« Non ! Laissez-moi ! Allez-vous-en ! »

Yuri se redressa vivement dans le lit à bout de souffle, couvert de sueur et tremblant. Ses bras étaient tendus devant lui en un geste de défense tentant de repousser un ennemi imaginaire. Deux bras musclés enserrèrent sa taille tandis qu'un torse se posait contre son dos. Des phéromones d'apaisement se firent sentir et il se détendit un peu.

« Tout va bien mon cœur... Sh.... Tout va bien. Tu es en sécurité ici. Plus rien de mal ne peut t'arriver. Calme-toi. »

Otabek serra contre lui le corps agité de tremblements. Tendrement, il allongea Yuri qui se blottit contre lui, le visage inondé de larmes. Le jeune homme respirait vite et avait du mal à reprendre contact avec la réalité. Un nouveau cauchemar l'avait tiré du sommeil et celui-ci comme à chaque fois le laissait pantelant et effrayé. Il ne faisait plus autant de mauvais rêve mais parfois, sans que rien n'ait pu l'y préparer, ils ressurgissaient.

Otabek en un geste rassurant et protecteur lui caressa les cheveux. Il lui murmura des paroles apaisantes pendant de longues minutes. Doucement, sa main descendit le long de son dos tandis que ces lèvres embrassaient son front. Il le berça ainsi un long moment jusqu'à ce qu'il sente peu à peu la tension disparaître.

« _ Ils voulaient me prendre mon bébé...

_ Je sais. Mais ils n'y sont pas parvenus. Kolia dort paisiblement dans sa chambre et demain nous fêterons son premier anniversaire. Calme-toi mon cœur. Tout va bien.

_ Mais si...

_ Ca va Yura. Personne ne nous séparera de Kolia. Notre fils est en sécurité et toi aussi.

_ Tu me le promets ?

_ Oui. Allez, mon amour, rendors-toi. Je suis là. »

Yuri se blottit davantage dans les bras protecteurs de son compagnon. Au bout de longues minutes le sommeil vint à lui mais pas à Otabek. Il resta un long moment à veiller sur le sommeil de Yuri.

Moscou, hôpital international

« _ Otabek Bolatevitch ? »

Otabek se tourna et fit face à un homme qu'il connaissait pour lui avoir parlé plusieurs fois au cours du séjour de Yuri à l'hôpital.

« _ J'ai appris que votre compagnon allait sortir dans quelques jours.

_ Oui la date n'est pas encore fixée mais c'est pour bientôt.

_ Il faudrait que nous lui parlions avant sa sortie et ...

_ Non, il est encore trop fragile.

_ Nous avons, mon coéquipier et moi, obtenu l'accord des médecins. Nous n'avons pas besoin du votre. Nous vous laissons quelques minutes pour le prévenir puis nous l'interrogerons. »

Otabek hocha simplement la tête avant d'entrer dans la chambre de Yuri. Celui-ci était de bonne humeur ce matin et l'accueillit avec un grand sourire.

« _ C'est bon, t'as ma date de sortie.

_ Pas encore Yura. Peut-être cet après-midi. Ecoute, mon ange, il faut que je te parle. »

Yuri blêmit à cette annonce et se crispa. Cette attitude n'échappa pas à Otabek qui prit le parti de lui annoncer de but en blanc la visite qu'il s'apprêtait à recevoir.

« _ Des inspecteurs de la police de Moscou veulent te parler.

_ Non ! J'ai rien à leur dire ! Je ne me souviens pas !

_ Yura... Si je pouvais je les mettre à la porte je le ferai mais ce n'est pas possible mon cœur. Tu veux bien essayer de rester calme et de leur parler ? Yura ? Je vais leur dire d'entrer et de se dépêcher. D'accord ? »

Yuri lui adressa une moue boudeuse et ne répondit pas. Il n'avait pas envie de parler à des placiers. Il ne se souvenait de rien et n'avait pas vraiment envie de se souvenir. Il préférait se concentrer sur le futur, qui pour le moment, se résumait à sortir de cet hôpital et à aller chez son grand-père quelques jours avant de rentrer à Saint-Pétersbourg.

« _ Bonjour Yuri Nikolaïevitch Plisetsky. Comment allez-vous ?

_ Ca va. Je me souviens de rien, au revoir.

_ Yura...

_ Otabek Bolatevitch Altin pouvez-vous nous laisser s'il vous plaît ?

_ Nan, Beka reste ! Je parlerai pas avec vous si Beka part.

_ Très bien. La dernière fois que nous nous sommes vus vous étiez encore confus. Est-ce que des souvenirs vous sont revenus ?

_ Nan, je crois pas. Je sortais de la douche dans la chambre de Beka...

_ Vous étiez dans votre chambre pas dans celle de Otabek Bolatevitch. »

Yuri fronça les sourcils. Il était certain d'avoir pris une douche dans la chambre d'Otabek. C'était plus tôt dans la journée ? Non, ce jour-là, il y avait eu la compétition et après ? Il était remonté dans sa chambre. Yuuri et Viktor l'avaient traîné au restaurant et il avait parlé à JJ. Après, tout était embrouillé. Otabek lui avait dit qu'il s'était disputé avec Olga et qu'il était repartit dans sa chambre. Mais pourquoi il avait pris une douche ? Il l'avait sûrement déjà prise en revenant de la compétion.

« _ Yura, ça va ? Il est encore fragile je vous l'avais dit.

_ Attends Beka... Pourquoi j'aurai repris une douche ? Je l'avais prise en revenant de la compet', non ?

_ On en a pris une .... Ensemble. Dans ma chambre. »

Le rouge monta soudainement aux joues de Yuri. Il se souvenait. Il était passé par la chambre d'Otabek avant de regagner la sienne. Une chose en entraînant une autre, ils avaient fini sous la douche et le moins qu'ils puissent dire est qu'elle avait été crapuleuse. Seulement ensuite il était remonté dans sa chambre pour se changer.

« _ Ok... Donc, après...Je suis remonté dans ma chambre et je me suis changé. Yuuri et Viktor sont venus m'emmerder et m'ont obligé à aller bouffer au resto avec eux. Je me suis expliqué avec JJ et c'est tout. Je me suis réveillé ici.

_ Vous ne vous souvenez pas avoir croisé quelqu'un ? Peut-être commandé quelque chose au room service.

_ Nan, je commande pas au room service. Je préfère sortir de ma chambre pour manger.

_ Vous en êtes bien sûr ?

_ Ouais ! Et pourquoi j'aurai commandé un truc à bouffer puisque je sortais du resto de l'hôtel ?

_ Il y avait un repas pour deux dans votre chambre. »

Yuri les dévisagea sans bien comprendre. Avait-il perdu la tête au point de ne pas se souvenir d'avoir commandé un repas... Pour deux ?

« _ Je sais pas... Je ...Je suis fatigué.

_ Encore...

_ Stop ! Il est fatigué. Vous lui parlerez plus tard. Il doit se reposer maintenant. »

Les deux policiers saluèrent le couple et sortirent de la chambre. Yuri était totalement perdu. Il ne comprenait pas pourquoi il aurait commandé un repas pour deux alors que de toute évidence il avait déjà diné et qu'Otabek ne devait pas le rejoindre avant quelques heures. Son compagnon n'était pas avec lui dans la chambre donc ça ne pouvait pas être lui. Que c'était-il passé dans cette chambre ? Il ne parvenait pas à se souvenir. Il avait pris une douche et après... Otabek était rentré plus tôt ? Non. On lui avait dit qu'il était déjà inconscient quand il était revenu. Sa tête lui faisait mal. Un vertige le prit et Otabek le rattrapa avant qu'il ne tombe de son lit.

La visite des deux inspecteurs avait perturbé Yuri. Depuis leur venue, il n'avait pas ouvert la bouche et semblait plongé dans d'intenses réflexions. Otabek, soucieux, organisait le départ de l'hôpital tout en gardant un œil sur lui. Il y avait pas mal de choses à faire avant de pouvoir partir notamment organiser le séjour de son compagnon chez son grand-père. Il devait y rester environ une semaine sans lui. Otabek avait décidé de rentrer à Saint-Pétersbourg pour tout mettre en ordre dans leur appartement et aussi pour prendre contact avec les médecins qui suivraient le jeune homme quand il regagnerait la ville. De plus, il devait contacter des amis au Kazakhstan pour savoir dans quelles dispositions était sa famille. Même si il ne voulait plus avoir de contact avec elle, il fallait néanmoins qu'il s'assure que personne ne tenterait de nuire à son compagnon et leur enfant.

Quelques jours plus tard, Yuri quitta enfin l'hôpital. Ils prirent la direction de la banlieue de Moscou où le jeune homme devait résider avant de rentrer à Saint-Pétersbourg. Le trajet s'effectua dans un silence pesant rompu seulement lorsque Yuri posait une question. Nikolaï était venu les chercher pour les conduire chez lui. Il était heureux que son petit-fils reste à Moscou mais il avait également hâte de pouvoir lui parler seul à seul. Otabek n'avait pas permis à l'aïeul de rester seul avec son petit-fils après une énième dispute.

« _ Beka, tu dois vraiment partir ?

_ Yuri ce n'est que pour quelques jours. Je reviens te chercher dans maximum une semaine. C'est juste le temps de préparer ton retour à la maison.

_ Je sais mais tu pourrais rester un peu. Ca ne te dérangerait pas Papy ?

_ Non. »

La réponse abrupte de son grand-père le surpris. Otabek et lui s'entendaient bien avant son séjour à l'hôpital. Il ne comprenait donc pas pourquoi les deux hommes bien que polis l'un envers l'autre ne s'adressaient pas la parole en dehors du strict nécessaire. Quelque chose avait changé dans leur relation mais il ne savait pas quoi. Quand il posait la question, les deux hommes se bornaient à lui répondre que c'était la fatigue accumulée les dernières semaines rien de plus. Pourtant, et pas besoin de lien pour le savoir, Yuri sentait que son compagnon lui mentait. Quant à son grand-père, il connaissait suffisamment l'homme qui l'avait élevé pour savoir qu'il était en colère.

« _ Voilà non sommes arrivés Yuratchka. Va te reposer dans le salon. Je vais décharger ta valise.

_ Je vais le faire Nikolaï Vladimirovitch. Vous devriez accompagner Yura à l'intérieur.

_ Je peux sortir la valise de mon petit-fils !

_ Elle est lourde.

_ Je ne suis pas encore impotent ! Yuri rentre ! Tu vas prendre froid ! »

Yuri regardait silencieusement les deux hommes s'affronter. Ce n'était pas dans leurs habitudes.

« _ La valise peut attendre. Faut qu'on parle tous les trois. »

Les deux aînés le dévisagèrent. Yuri les défiaient du regard et ne semblait en colère.

Une fois dans le salon, Yuri s'assit et attendit que ses interlocuteurs fassent de même. Otabek devait repartir dans quelques heures, il n'y avait donc pas de temps à perdre. Quitte à crever l'abcès autant le vite.

« _ Vous me faites quoi là tous les deux ?

_ Yura, tout va bien. Il n'y a aucun problème.

_ Te fous pas de moi Beka ! Je vois bien que ça ne va pas et je veux savoir pourquoi !

_ Yuratchka, tout va bien comme te le dis Otabek.

_ Vous vous parlez pas ! Et c'était quoi à l'instant ?

_ Ta valise ? Je vais aller....

_ Tu poses ton cul Beka et tu me dis ce qu'il se passe !

_ Yuri ton langage !

_ Ca suffit ! »

Yuri perdit patience et voulut se lever mais il fut pris d'un étourdissement et dut se rassoir. Otabek réagit instinctivement et vint à ses côtés. Il sentait le trouble de son Oméga et il devait l'apaiser.

« _ Avec ton grand-père, nous avons eu un petit désaccord mais c'est terminé maintenant.

_ C'est vrai ? Pourquoi ?

_ C'est quand tu as été opéré mais c'est réglé maintenant.

_ Promis ?

_ Oui. »

C'était un mensonge mais il ne pouvait pas dire la vérité. Il ne pouvait pas lui dire que son grand-père ne voulait pas que Yuri poursuive sa grossesse et qu'il ne retourne pas avec lui à Saint-Pétersbourg. Ca lui aurait brisé le cœur. Le plus important, pour le moment, était de l'apaiser même s'il savait qu'il ne pourrait pas le duper bien longtemps. Yuri avait cédé trop facilement aux explications, s'il pouvait appeler cela des explications, et ça ne présageait en général rien de bon.

Nikolaï était resté silencieux durant le court échange. Il avait regardé son petit-fils redevenir un peu lui-même, prompt à s'emporter. Il retrouvait un peu cet adolescent frondeur et oubliait un peu ce jeune homme effacé et soumis à son Alpha. Il espérait que la vraie nature de Yuri reviendrait loin d'Otabek pendant ces prochains jours et ainsi lui faire entendre raison sur sa situation. Ce n'était pas qu'il n'appréciait pas le Kazakh mais depuis que celui-ci était entré dans leurs vies tout allait à vau-l'eau.

Moscou, résidence de Nikolaï Plisetsky

Otabek était parti depuis trois jours et Yuri faisait grise mine depuis. Nikolaï faisait son possible pour le divertir mais Yuri n'accordait qu'une attention distraite à son grand-père. Pour couronner le tout, il était malade tous les matins et ne parvenait pas à garder ses repas. Ceci n'arrangeait en rien son humeur maussade.

« _ Dis-moi Yuratchka, à propos du bébé. Vous avez pris une décision ? Tu ne m'as rien dit.

_ On le garde Diedouchka*.

_ Tu es sûr ? C'est une grande responsabilité pour un jeune homme.

_ Ouais, mais Ota' sera là.

_ Il ne t'a pas mis la pression pour le garder ?

_ Nan Deda ! Ota' m'a laissé prendre la décision tout seul... Il voulait pas me forcer à le garder si je voulais pas.

_ Tu en es sûr ?

_ Oui Deda ! Il m'a dit qu'on ferait comme je veux. Maintenant, il est trop tard pour penser à avorter. Donc tu vas être arrière grand-père ! J'aimerai bien avoir une fille. Ca serait cool ! Y'a plein de trucs mignons pour les filles. Plus que pour les garçons. Mais si c'est un garçon je sais déjà le prénom alors que pour une fille je sais... Normalement, c'est Beka qui devrait choisir mais peut-être qu'il me laissera choisir. Ou on choisira tous les deux. Toi, t'aimerais quoi ?

_ Que tu sois en bonne santé et que tout se passe bien Yuratchka. Je n'ai pas de préférence. Comment tu veux l'appeler ce bébé si c'est un garçon ?

_ Ce sera une surprise ! Je suis content que tu le prennes bien... J'avais peur que tu sois en colère contre moi parce que j'ai fait comme... Elle. »

Le silence retomba dans la petite cuisine. Nikolaï regarda son petit-fils attentivement. Il n'avait pas vu son petit-fils si heureux depuis longtemps. Une soudaine pensée le frappa, Yuri avait peur qu'il soit en colère car il était précocement tombé enceint, comme sa mère. Le vieil homme n'avait pas pensé que Yuri ferait un parallèle entre leurs deux situations malgré les points communs. Tous deux étaient des Omégas, tous deux avaient rencontré un Alpha très tôt, la liaison avait été consommée très tôt, ils étaient tombés enceints du dit Alpha rapidement. Pourtant, la comparaison s'arrêtait là. Yekaterina ne s'était pas liée à l'homme qui lui avait fait un enfant et elle était partie alors que Yuri avait à peine trois ans le laissant à sa garde et l'obligeant à mentir à son petit-fils en disant que son père était un inconnu. Yuri ne ferait pas ça, il le savait. Il s'était lié et bien que surprise cette grossesse l'emplissait de joie. Il serait un bon père pour cet enfant et jamais il ne l'abandonnerait de son plein gré.

« _ Dis Deda... Pourquoi vous vous êtes disputés avec Beka ? »

Le vieil homme inspira profondément et regarda son petit-fils. Il avait espérer ne pas avoir cette conversation. Maintenant qu'il voyait le bonheur de son petit-fils, il n'avait pas le cœur de lui dire qu'il aurait préféré qu'il soit avorté quand il était question de lui sauver la vie.

« _ Comme il te l'a dit c'est quand tu étais opéré. Le médecin nous a dit que tu attendais un bébé. Il a dit que s'il fallait faire un choix... Enfin, s'il avait fallu l'enlever...

_ Ben quoi ? Vous l'avez pas enlevé !

_ Yuratchka... Tu étais très mal en point. On ne savait pas si tu allais survivre et le médecin nous adit que ça aurait pu améliorer tes chances...

_ Ota' et toi vous avez dit non... Hein Deda ? »

Yuri n'aimait pas le tour que prenait cette conversation. Il sentait que la vérité allait lui faire mal.

« _ Mon enfant... Je voulais qu'on enlève le bébé. Pour te sauver, toi. »

Saint-Pétersbourg, appartement Altin-Plisetsky

Tout était en désordre dans l'apparemment. Les meubles avaient été vidés et leurs contenus jetés sur le sol. Aucunes pièces n'avaient été épargnées et tout avait été minutieusement fouillé. Otabek s'avança avec précaution dans l'appartement suivi de Mila et Georgi qui avaient proposé leur aide afin de préparer le logement en vue du retour de Yuri. Tous les trois étaient sous le choc de ce qu'ils voyaient. Otabek s'arrêta au milieu du salon et se tourna vers ses amis.

« _ Il faut que je trouve un nouvel appartement. Je ne peux pas ramener Yura ici.

_ C'est peut-être un simple cambriolage.

_ Mila, quel cambrioleur partirait sans l'écran plat ou la console de jeux ? Ce n'est pas un cambriolage. Et ça sent les phéromones de plusieurs Alphas.

_ Ta famille ?

_ Plutôt les hommes de main de mon père. On voit ce qu'on pourra venir prendre dès que j'aurai trouvé un nouvel appartement et on y va.

_ Tu as une idée d' où tu veux aller ?

_ Prêt d'un hôpital correct pour Yura et discret. On va éviter la perspective Nevsky** ! »

Les trois amis ne purent retenir un sourire. Otabek faisait preuve d'un sang-froid à toute épreuve même si nul doute qu'il devait être très inquiet.

« _ Vous pourriez loger chez moi quelques temps ? J'ai une chambre d'amis.

_ C'est gentil Georgi mais on ne va pas te déranger. Surtout que je ne sais pas quand j'aurai trouvé le logement idéal.

_ Otabek, tu es censé aller chercher Yuri à la fin de la semaine. Tu n'auras pas trouvé si rapidement.

_ C'est très gentil à toi de te proposer mais il n'est pas question qu'on te dérange ou te mette en danger. Je peux toujours trouver un hôtel si besoin. »

Moscou, résidence de Nikolaï Plisetsky

Yuri s'était retranché dans sa chambre. Il était sous le choc de la révélation de son grand-père. Il se sentait trahi. Il ne parvenait pas à croire que l'homme qui l'avait élevé aurait pris une telle décision. Il ne pouvait tout simplement pas y croire. Il ne parvenait pas non plus à admettre qu'Otabek lui ait caché la vérité sur le motif de leur dispute. Il lui faisait confiance et encore une fois il avait préféré ne rien lui dire. Pour le protéger ? Peut-être. Ou alors pour se protéger lui-même... Non. Ca ne pouvait pas être ça puisqu'il voulait ce bébé... Pourquoi ceux qu'il aimait tellement lui faisait ainsi des cachoteries ? Le croyait-il si faible et incapable d'entendre la vérité ?

Le jeune homme se leva et alla à la fenêtre. La pluie s'était mise à tomber. Il aimait la pluie. Elle avait toujours eu le pouvoir de l'apaiser. Il prit son manteau et décida de sortir marcher. Il avait besoin de remettre de l'ordre dans ses idées et rester dans cette chambre ne l'aidait pas.

Moscou, hôtel Mosskva, chambre 11-01

Elle devait faire ses bagages. Tout était terminé. Demain, elle repartirait pour le Kazakhstan où elle devrait s'inventer un nouvel avenir. Il était évident qu'Otabek ne lui reviendrait pas. Il avait fait son choix et visiblement elle n'entrait pas dans ses plans. Ce sale petit Oméga russe lui avait complètement tourné la tête. Il était allé jusqu'à se faire engrosser pour être sûr de le garder. Si seulement, elle avait pu passer une nuit durant ses chaleurs avec Otabek, elle aurait au moins eu l'espoir de concevoir un enfant et donc de le garder. Elle aurait même eu l'espoir de se faire marquer.

« Pourquoi m'avoir rejetée Otabek ? Je t'aurai tout donné et nous aurions pu être heureux. »

Elle frotta ses mains l'une contre l'autre pensivement. Elle avait encore la sensation du sang chaud dessus. Elle avait espéré qu'il ne survivrait pas mais il était pire que la mauvaise herbe. Il était revenu d'entre les morts pour lui arracher son bien-aimé. C'était injuste. Tellement injuste....

Moscou, hôtel Mosskva, chambre 11-04

Elle n'allait pas abandonner la partie si facilement. Il en était hors de question. Elle le voulait lui et aucun autre. Elle l'avait aimé dès qu'elle l'avait vu patiner sur l'Agape. Il en était la parfaite incarnation. Il était à elle et pas à lui. Lui... Comment son frère pouvait ainsi bafouer les traditions ? Elle comprenait ce qu'elle lui trouvait mais elle ne pouvait admettre qu'il cède à ses pulsions. Il n'en avait tout simplement pas le droit. Son futur était avec Olga, pas avec la Fée Russe. Elle sourit en pensant au corps frêle et gracile de son aimé.

« Tu seras à moi... Je te l'ai dit. Je ne renoncerai pas à toi juste pour le bon plaisir de mon frère. Prépare-toi jolie Fée. Je serai bientôt près de toi. »

Elle rangea ses affaires dans sa valise. Elle sourit en voyant les vêtements tâchés de sang. Elle pourrait toujours dire que c'étaient ceux d'Olga au besoin.

Saint-Pétersbourg, appartement de Georgi

« _ Vous serez mieux ici qu'à l'hôtel. Ca chamboulerait moins Yuri, tu ne crois pas ?

_ Je crois que Yura sera chamboulé dès qu'il saura qu'on ne peut pas rentrer chez nous. Il commençait à trouver ses marques chez nous.

_ Tu vas lui dire quoi ? »

Otabek regarda son ami hésitant. Effectivement, que dire à Yuri ? Il lui avait déjà caché tellement de choses par le passé et ça avait failli détruire leur relation. Il ne pouvait pas non plus se permettre de trop le perturber dans son état en lui disant toute la vérité.

«_ Je ne sais pas... Je ne peux pas lui mentir mais il est encore fragile.

_ Tu te trompes. Il est plus costaud qu'il en à l'air. Il peut encaisser. Il prendra par contre très mal que tu lui mentes. Rappelle-toi de la dernière fois. Si j'étais toi, je lui dirai toute la vérité et je lui demanderai ce qu'il veut faire. Ca le concerne aussi après tout.

_ Les médecins ont dit qu'il ne fallait pas le perturber.

_ Il sera perturbé dans tous les cas ! Déménager sans lui dire la vérité sera plus perturbant pour lui que l'inverse. Je sais que tu veux le protéger mais fais lui un peu plus confiance. Il est capable d'encaisser la nouvelle. Arrête de l'infantiliser. Tu es son compagnon pas son père.

_ On t'a déjà dit que tu es de bon conseil ?

_ Hum... Demande à Yuri. Il te le dira. »

Otabek sourit. Il ne pourrait jamais assez remercier Georgi d'avoir veillé sur Yuri après leur dispute et pour toute l'aide qu'il lui avait apporté pour réparer son erreur.

Moscou, résidence de Nikolaï Plisetsky

« _ Yuri ! Où étais-tu passé ?

_ Je suis sorti faire un tour.

_ Mais tu es trempé ! »

Le vieil homme se précipita dans la salle de ban et en revint quelques minutes plus tard avec une serviette.

« _ Enlève tes vêtements et sèche-toi rapidement. Tu vas prendre froid.

_ Papy... »

Le vieil homme entoura le mince corps du jeune homme et le frictionna pour tenter de le réchauffer. Ses lèvres étaient légèrement bleues, ses joues étaient rouges et il tremblait légèrement. En tant que Béta il ne pouvait pas sentir les phéromones de son petit-fils mais s'il l'avait pu il aurait senti un sentiment de bien-être l'envahir peu à peu.

« _ Qu'est-ce que je vais dire à Otabek si tu tombes malade ? Il va croire que je suis incapable de prendre soin de vous deux. Tu dois être prudent et prendre soin de toi et de cette petite vie en toi. »

Le jeune homme soupira. Il avait eu envie de se mettre en colère en rentrant et voyant son grand-père l'attendre. Mais, face à la prévenance de cet homme, comment continuer à lui en vouloir ? Et comment ne pas fondre devant de telles paroles ? Il lui semblait que son état et les événements des dernières semaines l'avaient attendri mais aussi vidé d'une certaine colère. Cette colère qu'il avait si longtemps éprouvé face au monde extérieur, il la redirigeait maintenant vers la personne qui avait voulu lui arracher la vie.

Saint-Pétersbourg, appartement Altin-Plisetsky

« Joyeux anniversaire Kolia ! Joyeux anniversaire ! »

Le petit garçon battit des mains et se pencha pour saisir à pleine main la flamme de la bougie. Yuri écarta les mains du petit mais celui-ci n'abandonna pas et tenta de nouveau sa chance. Son père encore une fois écarta les petites mains. Têtu, Nikolaï tenta de nouveau sa chance.

« _ Et si on soufflait cette bougie avant qu'il se brûle ou qu'il pleure ? »

Yuri et Otabek s'approchèrent du gâteau avec leur fils. Ils soufflèrent la bougie sous les regards attendis de leurs amis. Quelques photos furent prisent puis Otabek s'attela à la découpe du vatrouchka*** et distribua des parts. La soirée se poursuivit dans les rires et les sourires.

« _ On déballe les cadeaux ?

_ Oui Viktor. T'es impatient !

_ Ben oui ! Je veux savoir ce que contiennent tous ces paquets ! Il a été gâté ce petit prince. »

Effectivement, le roi de la journée avait été gâté. De nombreux cadeaux furent déballés et le salon ressembla vite à un magasin de jouets. Les jouets étaient divers et variés aux couleurs chatoyantes mais ce qui intéressa le plus Nikolaï fut l'amoncèlement de papier cadeau au plus grand dépit de Viktor.

« _ Ca valait bien la peine de se mettre en quatre pour lui trouver le cadeau parfait !

_ Attends qu'il te réclame ta carte bleue pour aller faire les magasins ! Tu regretteras le temps où il adorait jouer avec le papier cadeau ! »

Tous éclatèrent de rire à cette remarque de Yakov.

Plus tard, dans la soirée, alors que leurs invités étaient partis, Otabek déposa deux autres paquets devant Yuri.

« _ Qu'est-ce que c'est ?

_ Le premier paquet vient du Kazakhstan. »

Yuri se tendit immédiatement. Il regarda Otabek peu sûr de savoir quoi penser.

« _ Il est arrivé hier.

_ De qui il vient ?

_ De ma mère. Elle... C'est son petit-fils et elle a voulu lui faire un cadeau.

_ Tu l'as ouvert ?

_ Oui et j'ai vérifié ce qu'il contenait. Ce sont des jouets en bois et il y avait une carte. Si tu n'en veux pas je le revoie à Almaty demain. »

Avant de répondre, Yuri se saisit du paquet et regarda ce qu'il contenait.

«_ C'est joli... Kolia va adorer... »

Il tenait dans ses mains de petits animaux en bois peints. C'étaient de jolis objets qui semblaient avoir été sculptés par un artisan.

« _ On lui donnera demain.

_ Tu es sûr Yura ?

_ Oui. Il faut bien faire un pas vers elle. Elle n'a pas essayé de nous nuire elle.

_ Merci. »

Otabek se pencha et embrassa son compagnon.

«_ Ouvre le deuxième. Il est pour toi.

_ Pour moi ?

_ Pour te remercier. Pour notre fils, pour être un papa extraordinaire et parce que je t'aime plus que tout. Merci Yura d'avoir rendu ma vie incroyablement merveilleuse. »

Les larmes aux yeux le jeune homme prit le petit paquet posé sur la table. Il ouvrit la petite boîte et son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il redressa la tête et regarda Otabek avec la même intensité qu'il pouvait lire dans son regard. Avant que son compagnon ne puisse ajouter quoique ce soit, il se précipita sur lui et l'embrassa avec tout l'amour qu'il ressentait pour lui.



* Diedouchka : grand-père en russe. Il est possible de trouver plusieurs orthographes du mot. Je vous mets une transcription du cyrillique assez courante.

** Perspective Nevsky : l'avenue Nevsky est l'équivalent de l'avenue des Champs-Elysées. C'est une très belle avenue mais très passante et touristique donc pas le lieu le plus calme de Saint-Pétersbourg.

*** Vatrouchka (vatrouchki au pluriel) : gâteau russe au fromage blanc pressé.



Et voici le chapittre de la semaine! J'espère que vous en avez apprécié la lecture.

Un petit mot pour vous dire que je ne sais pas quand je posterai la suite. Comme beaucoup, j'affronte les grèves e et notament les grèves des transports et j'avoue que j'ai du mal à me mettre au travail de traduction le soir. Je vous promets de faire au mieux pour que vous ne soyez pas obligé de trop patienter.

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