Pardon

《Aujourd'hui, je lui dirai》.

Cette phrase fut la première qui traversa l'esprit de Shouko lorsqu'elle ouvrit les yeux. Elle n'avait qu'une phrase à dire et elle l'avait aprise par coeur. Pour la première fois de sa vie, elle savait dire une phrase avec une diction parfaite. Elle s'était entrainée des mois entiers pour parvenir à ce résultat, mais ça en valait largement la peine.

C'est forte de cette motivation que la jeune rousse se prépara pour les cours et déjeuna avec sa famille avant de partir avec sa soeur. Cependant, Yuzuru ne mit pas longtemps à se rendre compte que quelque chose clochait. Le sourire de sa grande soeur était encore plus joviale que d'habitude. On aurait même dit qu'elle rayonnait de bonheur.

-Hey Shouko, ça va? lança la collégienne. Il se passe un truc spécial aujourd'hui?

La belle rousse se tourna vers sa cadette et, sans cesser de sourire, se mit à agiter les main dans la langue des signes.

"C'est le grand jour".

En voyant ça, Yuzuru pouffa de rire avant d'esquiesser un sourire à son tour.

-Il t'en aura fallut, du temps! Bonne chance, frangine.

***

-Alors Ya-sho, quel genre de pain t'as acheté?

Nagatsuka pédala comme il put pour rattraper son ami. Depuis que Shoya avait repris les cours, quelques jours plus tôt, son ami frisé s'employait à faire le trajet avec lui tous les jours. Hors de question d'arriver encore trop tard s'il y avait un autre problème. C'était devenue une sorte de tradition.

-Figures-toi qu'il y avait une super promo sur les baguettes.

-Et ben! Ça rapelle des souvenirs. Amusez-vous bien ce soir!

Shoya ne répondit pas, à la grande surprise de Nagatsuka. Ce dernier se pencha donc sur son vélo et vit sur le visage de son ami l'air le plus crispé qu'il ait jamais vu.

-Ça va Ya-sho?

Après un autre silence suivit d'un long soupire, Shoya baissa les yeux et répondit faiblement.

-Je suis terrifié.

-Hein?

-Je suis sortit du coma y'a un mois. Nishimiya m'a beaucoup aidé depuis, mais ça... On n'a pas nourrit les carpes depuis un bon bou de temps maintenant. J'ai peur qu'il y ait un malaise.

Nagatsuka comprennait sans problème les inquiétudes de son ami, mais ce dernier s'en faisait pour si peu que le frisé ne put s'empêcher de rigoler. Avec l'air cool qu'il aimait prendre pour ses grandes phrases pleines de philosophie, il posa sa main sur l'épaule d'Ishida et adopta un air serein.

-Tu sais, ce toujours bizarre de se retrouver après une longue absence, mais vous avez bien surmonté ce qui s'est passé en primaire. Comparé à ça, c'est de la rigolade. Fais juste ce qui te vient naturellement et tout va bien se passer.

-Merci, mon vieux.

***

《Tout va bien se passer.》 Les paroles de son ami avaient résonné dabs la tête d'Ishida toute la journée. Après tout, la situation était toute simple. Il allait simplement reprendre une habitude. Et puis, il avait déjà passé beaucoup de temps avec Nishimiya depuis son reveil...

Alors pourquoi était-il aussi nerveux en quittant le lycée!? Il avait imaginé une multitude de scénario de sa soirée avec son amie, mais ils se terminaient systématiquement avec lui qui faisait ou disait une bêtise et gâchait tout.

Malheureusement, il n'eut pas le temps de trouver une version de l'histoire où tout se passait bien avant d'arriver au pont. C'est donc tendu comme un piquet qu'il rejoignit Nishimiya sur le pont, un baguette de pain coincée sous le bras.

Il trouva la belle rousse appuyée sur la balustrade. Absorbée par sa contemplation de l'étang, elle n'avait pas encore remarqué l'arrivée d'Ishida. Ce dernier en profita d'ailleurs pour observer son doux visage. Son magnifique teint était partiellement caché par ses cheveux roux, portés par la petite brise qui lui soufflait dans le dos. Devant cette vision de rêve, Shoya manqua d'échapper son pain. Nishimiya était tout bonnement ravissante.

Un seul instant. Shoya n'avait eut besoin que d'une petite seconde devant la beauté de son amie pour que toutes ses craintes s'envolent et que son coeur s'appaise. Il rejoignit enfin la rousse et lui tapota doucement l'épaule. Nishimiya se retourna en sursautant avant de sourire en voyant le visage d'Ishida.

"Bienvenue" fit-elle en signes.

Ishida lui rendit son sourire et s'appuya à côté d'elle. Ainsi, les deux amis se mirent tranquillement à lancer de petit bouts de pain aux poissons qui nageaient plus bas. Ils s'agissait là d'un moment magique.

Pourtant après quelques minutes, Nishimiya s'écarta de la cloture. Curieux, Ishida la vit baisser les yeux au sol et joindre ses main dans son dos. Elle semblait particulièrement gênée.

-Hi-hida...

Ishida sentit le stress revenir comme un coup dans le ventre. La dernière foix que Nishiniya avait tenté de lui parler de vive voix, il n'avait rien compris et lui avait fait beaucoup de peine. Pour rien au monde il ne voulait que ça se reproduise. Pourtant, il était aussi hors de question de lui demander de ne rien dire. Il la laissa donc parler.

-Shoya... Je... Je t'aime!

Shouko était si gênée qu'elle avait crié sa phrase en baissant la tête aussi bas que possible. Mais après quelques secondes, elle releva enfin les yeux pour voir la réaction de Shoya. Ce dernier resta un instant sans réagir. La rousse sentit son coeur se broyer à l'idée qu'il ne la comprennait toujours pas. Cependant, lorsqu'Ishida équarquilla les yeux en serrant la mâchoire, Shouko ne put en supporter davantage et partit en courrant.

La vue embrouillée par ses larmes, Nishimiya courait droit devant sans prêter attention au reste. Après tout ça, tout ce qu'il avait fait pour elle, ça le dégoûtait donc tant qu'une sourde puisse l'aimer?

La rousse continua de courir encore un petit moment avant de se sentir poussée vers l'avant. En tombant, elle parvint à tourner assez la tête pour voir Shoya, bras tandus, avec un air paniqué sur le visage. L'instant suivant, il fut violement percuté par un camion et projeté sur le trottoir. Malgré sa surdité, Shouko sentit tout son corps trembler lorsque Shoya se mit à hurler de douleur.

***

Encore une fois. Pour la deuxième fois, Shouko se retrouvait à voir celui qu'elle aimait sur un lit d'hopital par sa faute. Le médecin avait dit qu'il avait la jambe brisée à trois endroits et qu'il pourrait mettre quelques heures à se réveiller.

Seule devant le lit, Shouko pleurait à chaude larmes. Depuis le début, Ueno avait raison à son sujet. Elle ne causait que du tort à Ishida depuis leur première rencontre. Ils n'avait rien à faire ensemble et elle le savait bien. De plus, il lui avait clairement prouvé qu'il ne partageait pas ses sentiments...

Nishimiya serra alors les poings et se retourna. Elle allait partir loin et Ishida n'aurait plus jamais à la revoir. Cependant, au moment de faire son premier pas vers la porte, elle sentit quelque chose s'agripper à  ses vêtements. C'était Shoya qui tenait faiblement son blouson. Shouko le vit agiter les lèvres, mais comme d'habitude, elle ne comprennait pas un son. Avec davantage de larmes, elle attrapa son poignet pour le faire lacher, mais Shoya se redressa et ajouta sa deuxième main à première. En croisant le regard du garçon, Nishimiya put y lire une inquiétude et une détresse sans nom.

Devant cette expression, la rousse perdit toute volonté et lacha le poignet d'Ishida, qui ramena ses mains vers lui. Il se mit alors à parler en signes.

"Ne pars pas, s'il te plait."

-Mais, est ma au! réplica Shouko comme elle put. U ouffre touhour à au de oi!

"C'est pas vrai. Je pourrais pas vivre sans toi."

-Mais...

"Je me rends bien compte que j'ai dû te faire du mal, mais si j'ai fait cette tête, c'est parce que j'étais furieux contre moi-même."

Cette fois, Nishimiya se retrouva sans mot. C'était elle qui était en tort. Pourquoi s'en voulait-il?

"Ce que tu m'as dit tout à l'heure, tu me l'avait aussi dit avant. Je ne l'ai compris qu'aujourd'hui. Je suis vraiment désolé. J'ai dû te faire beaucoup de peine."

"Tu n'as rien fait de mal" repondit enfin Shouko après s'être calmée. "C'est toujours de ma faute."

"C'est faut. Et de toute façon, je t'en voudrais jamais."

Les mains de Shoya restèrent un moment immobiles, mais il parvint tout de même à finir ce qu'il voulait dire.

"Je t'aime."

Émue comme jamais dans sa vie, Shouko se pencha pour serrer Shoya dans ses bras aussi fort qu'elle le put. Ce dernier s'empressa de lui rendre son étreinte et, délicatement, posa ses lèvres contre les siennes.

Aucun des deux n'entendit la porte de la chambre se refermer doucement, mais de l'autre côté, Yuzuru affichait un grand sourire.

-Bien joué, frangine.

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