Chapitre 35


« Tu seras ma dernière seconde,
Car je suis seule à les entendre,
Les silences et quand j'en tremble,
Toi, tu es mon autre. »
Tu es mon autre — Lara Fabian et Maurane

Line

« Salut, mon inconnue »

« Salut, mon inconnu »

« Je venais juste savoir si ça va dans ta vie. Ça fait un moment que nous ne nous sommes pas parlé et j'avoue que tous ces messages de haine sur le blog... Beurk »

« Haha, c'est pour ça que je n'y vais plus. Depuis mon dernier post, c'est la décadence. Les gens sont très méchants mais je le vis bien. J'ai bientôt quelqu'un dans ma vie, et même s'il y a quelques tempêtes dans mon environnement, je vais mieux. »

« Je suis heureux de lire ça. Je t'envoyais un message pour savoir si ça va, mais aussi pour te dire que je ne vais sûrement plus venir ici pour discuter. Moi aussi, j'ai quelqu'un dans ma vie et même si nous ne faisons que parler, je ne veux pas qu'elle pense que je parle à quelqu'un d'autre. »

« Mais évidemment ! Je comprends totalement, ne t'en fais pas. De toute façon, c'est la même chose de mon côté. Je sais que nous ne sommes pas là à roucouler, mais ça peut poser question pour des gens. Alors je comprends. De toute façon, c'est ce soir que je suis censée me mettre avec quelqu'un — enfin je veux faire le premier pas —, alors j'aimerais partir sur de bonnes bases »

« C'est vrai qu'Halloween peut permettre des rapprochements, j'ai le même projet mais je ne sais pas encore si c'est ce soir ou non »

« Tu vas à une fête ce soir ? Ça doit être un sacré délire aux États-Unis »

« Ahah, oui c'est vrai et non. Enfin oui, je vais à une fête mais je ne suis pas aux États-Unis pour fêter. »

« Ah bon ? J'ai loupé un épisode là. »

« Ah ? Je suis en France, donc je vais avec des amis pour fêter tout ça. »

« En France ? Tu vas fêter Halloween ? Mais où tu es en France ? »

« Je suis à Paris actuellement, pourquoi ? »

« Mais, je suis à Paris ! Attends, tu es en train de réellement me dire que tu es à Paris, genre dans ma ville ? »

« Ah mais oui, tu viens de Paris ! Qui sait, peut-être qu'on se verra. »

« Mais ça serait tellement drôle, depuis le temps qu'on discute, j'aimerais vraiment qu'on puisse se voir ! »

« En amis, évidemment »

« Mais oui, en amis. Où vas-tu ce soir ? »

« Je ne sais pas l'endroit mais c'est une fête privée, dans un immeuble il me semble. »

« Olala, moi aussi. À tout moment on est au même endroit ! Écoute, je sais que c'est bizarre, mais j'ai l'impression que cette soirée va être importante pour moi. Si jamais on se retrouve au même endroit, je veux qu'on se voie. Je veux juste mettre un visage sur l'homme qui m'a aidé, et te remercier pour tout ça. »

« Euh... Si tu veux, je n'y vois pas d'inconvénients. Mais nous sommes amis, hein ? J'ai eu tellement de mal avec la fille que j'aime, je ne veux pas qu'elle pense à mal de tout ça »

« Mais oui, je te l'ai dit ! C'est juste que... j'ai du mal à imaginer que tu puisses être réel. C'est ouf, je... Écoute, on se tient au courant et si jamais le hasard nous réunis, on fait en sorte de se voir. »

« Je pourrais être un psychopathe, tu sais. »

« Je sais, mais c'est Halloween, et ma vie est tellement bordélique en ce moment que je m'en fous. Je veux juste vérifier que tout ça est réel, que je ne suis pas folle et que tu existes. Et puis, il y a mes amis, je ne crains rien. »

« Tu es folle »

« Peut-être, mais je veux te remercier en personne avant que tu ne retournes chez toi. »

« Comme tu veux, on se tient au courant de l'endroit alors... ? »

« Oui ! »

« Fais attention à toi, mon inconnue. Internet, c'est dangereux... Et même si je sais que je suis quelqu'un d'honnête derrière cet écran, tu n'en sais rien. Je pourrais être un menteur et venir te tuer. »

« Je ne pense pas. Si c'était le cas, il y aurait eu trop d'occasions pour venir le faire avant ce soir. Et puis, je fais confiance en mon instinct. »

« Instinct de merde, si je peux me permettre. »

« Tu peux, mais c'est pas grave. On se dit peut-être à ce soir, mon inconnu ! »

« Oui... Peut-être à ce soir... »

OMG ! J'ai tellement d'adrénaline et d'excitation que je suis à deux doigts de sauter partout ! Il y a des choses pour que nous soyons au même endroit. Si la Line de l'époque savait ce qui l'attend... Honnêtement, ce n'est même pas le fait de le rencontrer qui m'excite et me terrifie autant, mais juste l'idée de pouvoir mettre un visage sur cette personne. Un lien s'est crée entre nous, qu'on le veuille ou non. Parler sur internet n'est pas ce que je préfère, alors le rencontrer serait une première possibilité d'être amis, non ? Olala, je suis folle. Si je me fais tuer, ça ne sera même pas une surprise.

—    Tu es prête ? me demande Claire du salon.

—    J'arrive !

Je ne me sens pas très à l'aise dans ce costume, une partie de mon ventre étant à l'air ? J'ai fait en sorte que les ceintures et le pantalon remonte assez pour cacher mes kilos en trop, mais ce n'arrange rien. De toute façon, tout est dans l'attitude, on s'en fout du reste.

J'arrive dans le salon et la beauté de Claire me fout une bonne claque. Sa longue robe blanche lui donne des airs de reine, encore plus avec toutes les dorures sur sa peau et sur ses bijoux. Ses cheveux sont attachés dans une coiffure complexe qui lui va à ravir grâce à sa texture de cheveux et son maquillage... Des tâches de rousseurs d'or, un teint parfait, un petit point doré sous les yeux...

—    Claire, tu es parfaite, lâché-je la bouche pendue.

—    Tu trouves ? J'ai l'impression que ce col en dentelle m'étouffe.

—    Tu es la plus belle de toutes les Mel Medarda qui existe.

—    C'est gentil, tu es pas mal non plus en Jinx. Dommage que la perruque ne soit pas arrivée à temps.

C'est vrai que j'ai l'air ridicule avec mes cheveux mauves attachés en deux petites nattes ridicules. J'attrape mon faux flingue et mon manteau histoire de ne pas avoir trop froid le temps de nous rendre à la fête, et supplie Claire de prendre un taxi. Je n'ai vraiment pas envie de prendre le métro dans cette tenue. Elle accepte à contre cœur, trop fière de son costume pour ne pas le montrer au plus grand nombre, puis nous nous laissons guider jusqu'à la fête privée de notre ami Antoine. Son immeuble privé doit valoir une fortune, alors rien que l'idée d'avoir une fête à l'intérieur me retourne l'estomac. Je sais qu'il a largement les moyens d'engager des agents de nettoyage pour le lendemain de fête, mais c'est dommage, les gens ne respecteront pas la maison.

On pointe nos noms sur une liste d'invités bien ficelée, et nous voilà à l'intérieur. J'envoie un rapide message à Jake pour lui annoncer notre arrivée, et il m'explique où il se trouve dans l'immeuble pour qu'on se retrouve.

L'immeuble étant privé, il n'y a pas vraiment d'appartements définis, c'est plus de grands open-spaces dédiés à un salon, une salle à manger, un mini cinéma et ce genre de choses. Une grande maison quoi, mais une grande maison de luxe, sur plusieurs étages, en plein cœur de Paris.

Il y a déjà foule et nous mettons un peu de temps à atteindre la cuisine qui sert de bar pour la soirée. On nous serre un verre puis on trique à nous deux, avant de de reprendre la recherche. J'ai l'impression d'être dans une boite de nuit tellement il y a de monde. Je comptais aller remercier Antoine pour nous accueillir, mais je ne suis même pas sûre de réussir à le trouver de toute la soirée.

Entre le monde, les costumes et les lumières, on se reconnaît à peine les uns et les autres.

—    Line !

J'entends mon nom par-dessus la musique et attrape le poignet de Claire pour la guider dans la direction de la voix grave qui m'appelle. J'arrive à nous extraire de la foule, atteignant nos trois amis dans un coin un peu moins comprimé.

Gabriel me salue chaleureusement, déjà bien entamé par l'alcool. Son costume est celui de Viktor, un personnage du même univers que le nôtre. Avec ses cheveux mi-longs, il remplit pleinement le contrat, embellit par les talents de maquillage d'Emma qui l'a rendu plus vrai que nature. Emma, quant à elle, me fait éclater de rire quand je constate son costume. Avec des lunettes d'aviateurs dans les cheveux et sa tenue particulière, c'est surtout l'énorme moustache blanche qui la rend hilarante.

—    Hé ! Ne te moque pas ! se plaint-elle en riant.

—    Elle voulait absolument faire le mec poilu... explique Gabriel en levant les yeux au ciel.

—    Hé !

Elle lui tape gentiment dans l'épaule.

—    Heimerdinger est de loin le meilleur personnage de la série !

S'en suit une bataille effrénée entre les deux pour débattre du meilleur personnage de la série Arcane. Pendant qu'ils se chamaillent, je reporte mon intention sur celui qui m'intéresse le plus : Jake. Ses yeux déjà dorés n'ont même pas besoin de lentilles pour incarner le personnage de Jayce. Sa veste blanche et son pantalon foncé lui donnent un air de prince, et le peu de maquillage qu'il porte l'embelli encore plus.

Il me sourit doucement et vient poser un petit baiser sur ma joue qui me fait rougir. Il ne s'éloigne pas, me maintenant pour chuchoter à mon oreille.

—    Je ne connais absolument pas cette série que nous incarnons tous, mais je te trouve ravissante.

—    Tu n'es pas trop mal non plus.

Jake sourit et s'écarte de moi avant de trinquer avec tout le monde, dont ceux qui ont arrêtés de se chamailler. Tous réunis, la soirée risque d'être mémorable.

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