Chapitre 34


« 'Cause fuck it,
I was in love,
So fuck you if I can't have us,
'Cause fuck it,
I was in love. »
Bowen Bad — Taylor Swift

Jake

Une semaine s'est passée depuis la fameuse discussion entre ma mère biologique et ma demi-sœur. Dire que je m'en suis remis serait mentir, mais ça va mieux. Les émotions de la soirée et des jours suivants se sont atténuées, notamment grâce à Line qui s'est montrée présente pour moi. Nous nous sommes vues, sans réel rencards, mais plus comme compagnie et soutien. Nous avons beaucoup couru, beaucoup discuté pendant son travail, et j'ai avancé le mien. Même si mon scénario est tout juste terminé, il y a encore pas mal de travail avant qu'il ne soit réellement utilisé dans un film. Je sais que ma renommée dans le milieu me sera bénéfique et que mon bébé ne tardera pas à trouver preneur.

—    Claire !

La brune se retourne en entendant son nom et me sourit quand elle me reconnaît. Elle aussi semble avoir passé un petit cap dans sa lutte intérieure et elle m'adresse à nouveau la parole. Il y a encore énormément de chemin entre nous deux, et je sais qu'elle est encore très chamboulée par toutes ces découvertes et non-dits, mais juste le fait de savoir que je peux la saluer sans perdre un ou deux membres me ravit.

—    Je... je sais qu'on n'en parle pas trop, commencé-je quand elle est assez proche. Mais... ça te dirait qu'on parle de ces dernières semaines autour d'un verre ? Je sais que ce mois était plus compliqué pour toi que pour moi mais...

—    Jake... Je te coupe de suite, mais je ne pense pas être prête à ça, m'avoue-t-elle. Je sais que vous êtes proches avec Line et c'est chouette. Elle n'a plus peur de me faire part de certaines choses à cause de... notre situation. Mais ce n'est pas pour autant que je me sens capable d'accepter tout ça.

J'hoche lentement la tête, comprenant réellement ce qu'elle ressent mais en même temps, il faudra bien qu'on en parle un jour ou l'autre. Je lui souris, et elle me le rend en revenant sur ses pas, vers le comptoir.

—    Claire !

—    Oui ?

—    Je... Hum... Je suis heureux que ça soit toi. J'espère qu'on pourra vraiment en discuter un jour, et sache que je ne dis pas ça parce que tu es la meilleure amie de Line.

—    Merci, Jake. Et sache que je ne parle plus à ma mère pour le moment.

Ses joues se teintent de rouge. Je ne vois pas trop pourquoi elle me confie ça. Après tout, c'est sa vie privée, et même si je ne voulais pas créer de problème dans ses relations familiales, je peux comprendre qu'elle soit énervée.

—    Je n'aime pas le mensonge, dit-elle tout bas dans un rire sans joie. Et même si j'aime ma mère de tout mon cœur et qu'on a discuté du pourquoi du comment, je ne supporte pas qu'elle te traite comme de la merde. Tu vaux mieux que ça et, même si ça m'arrache un peu de l'admettre, tu as l'air d'être réellement quelqu'un de bien. Je suis heureuse de partager quelque chose avec toi plutôt que quelqu'un d'autre. Il faut me laisser du temps pour digérer.

J'acquiesce et Claire s'éloigne pour de bon cette fois. Line n'est pas présente aujourd'hui alors c'est pour ça que je me suis décidé à aborder Claire. Je sais qu'elle veut faire au mieux en établissant un dialogue entre son amie et moi, mais ce n'est pas toujours la meilleure méthode. Il faut que ça vienne naturellement et des deux parties, pas d'un entremetteur.

Une fois mes derniers écrits envoyés, je range tout dans ma sacoche et quitte le restaurant en saluant Mia qui vient à peine d'arriver. Maintenant, son ventre ne peut vraiment plus être caché et je suis heureux de la voir si rayonnante. Je ne connais pas beaucoup cette femme, mais du peu que je la connais, elle mérite tout le bonheur du monde.

Montmartre est grise aujourd'hui, mais étrangement claire en cette fin d'automne. Aujourd'hui, c'est Halloween, ce qui rend l'ambiance plutôt étrange. Même si en France cette fête n'est pas culturelle, une bonne partie de la population semble se prêter au jeu. Évidemment, je serai de la partie avec une soirée dont m'a parlé Gabriel. Ça ne sera pas vraiment comme par chez moi, mais pourquoi pas se laisser tenter.

J'avance dans les rues étroites, une étrange gaité en moi. Je profite du moment pour observer l'architecture parisienne, ses trottoirs, ses magasins et ses immeubles. L'odeur de la pluie qui ne va pas tarder à pointer le bout de son nez, l'ambiance automnale avec les couleurs rougeâtres. Je me sens bien.

Je profite d'une petite boutique de fleur pour y acheter une rose rose, sous le petit regard amusé de la fleuriste. Je la remercie chaleureusement et m'empresse de rejoindre l'immeuble pour la dépose devant sa porte. Je sonne et cours dans l'escalier pour atteindre le palier de l'appartement de Gabriel et Emma. J'entends juste la porte de mon amoureuse s'ouvrir et se refermer, mais ça me suffit à sourire comme un idiot.

—    Pourquoi t'es devant la porte ?

Je sursaute comme un fou en découvrant Gabriel qui descend de l'étage du dessus, short t-shirt, comme s'il ne bossait pas.

—    Mais c'est toi, pourquoi t'étais là-haut ?

—    Bah, y avait une voisine qui avait besoin d'un coup de main pour monter un meuble. Tu sais, celle qui s'est fait cocu y a pas longtemps. Elle a des problèmes de scoliose alors c'est compliqué donc je lui ai proposé mon aide comme je bosse en télétravail aujourd'hui.

—    Ahh d'accord. J'ai eu peur, je croyais que t'allais baiser ailleurs.

—    T'es fou ou quoi ! Emma me ferait bouffer mes couilles et peindrait des tableaux avec mon sang si elle l'apprenait. Je ne tiens pas à prendre ce risque et entre nous, je l'aime trop pour y penser.

Nous rentrons tous deux dans l'appartement en riant. C'est vrai qu'Emma peut être assez sèche et flippante par moment, mais c'est aussi pour ça qu'on l'aime autant. Leur couple fonctionne mieux que n'importe lequel, on ne peut que les admirer.

—    Donc tu viens ce soir ? me redemande Gab en mastiquant un bout de pain demi.

—    Bah oui, c'est toi qui m'as proposé.

—    Bah ouais, mais on sait jamais, t'aurais pu changer d'avis.

—    Non, non. En plus je viens de finir le taff donc je suis libre. Je vais aller courir je pense.

—    Chanceux ! De toute façon, on aura le temps de profiter ce soir. Je vais te présenter à des potes, on sera pas mal à cette soirée de ce que j'ai compris.

Il m'avait prévenu que ce ne serait pas une petite fête mais ça ne me dérange pas. Un de ces amis de lycée organise chaque année une méga fête d'Halloween dans son immeuble privé. Il doit avoir de sacrées thunes pour se le permettre, mais je ne suis pas jaloux. S'il a les moyens, qu'il se fasse plaisir, on a qu'une vie après tout et ça fait profiter des gens comme nous. Même si nous ne sommes pas à plaindre, qu'on s'entende.

—    Il y aura du monde que je connais, hormis toi et Emma ?

—    Ouais ! J'ai appris que Claire et Line y serait !

—    Hein ? Mais elle ne m'en a pas parlé. C'est étrange.

Avec tout le temps qu'on passe ensemble, c'est vraiment bizarre qu'on n'en ait pas parlé. Bon, après tout, c'est vrai qu'il s'est passé beaucoup de choses dans nos vies et une fête n'est pas vraiment la chose la plus importante.

—    Bah c'est chouette, je vais lui envoyer un message.

—    Fais ça mec, peut-être que ça sera le bon moment pour vous pécho...

—    Arrête, Gab... Je ne veux pas faire de la merde avec elle.

—    Je sais mais va falloir passer la 6ème là !

—    Hein ? La 6ème quoi ?

—    C'est une expression, la 6ème d'une voiture, la vitesse... En gros, faut que t'accélère ! Si tu veux que ça soit sérieux comme tu me l'as dit, pense à plus tard. Tu vas sûrement repartir aux USA un jour où l'autre, ce n'est pas au moment de partir qu'il faut officialiser mais avant.

Gabriel n'a pas tort, mais il sait aussi mettre un doigt sur mes craintes. Je sais bien que je ne peux pas rester indéfiniment ici pour le moment. Et que même si je décide de venir habiter dans ce pays, il va falloir que j'entame des démarches qui ne se font pas en un claquement de doigt. Et qui me dit que ça va tenir ? Je ne me vois pas tout abandonner pour une femme, du moins une femme avec qui je ne suis même pas pour le moment.

Tout s'embrouille dans ma tête, c'est horrible. Entre mon cœur qui est prêt à tout faire pour elle et ma tête qui tente de me raisonner, je suis plus perdu qu'autre chose.

De toute façon, je peux gratter encore du temps ici. Mon scénario est fini mais je peux faire en sorte de rester un peu en France. Et puis au pire, on verra pour la suite.

« Hello, alors comme ça tu vas te déguiser en Batgirl ou en infirmière ce soir ? »

J'envoie à Line avec un petit smiley qui rit, et sa réponse arrive de suite. Je m'assoie en face de mon pote qui s'est remis à coder sur son ordinateur portable.

« Haha, très drôle. Ne t'attend pas à quelque chose de sexy, je n'ai pas le corps adéquat. »

« Ne dis pas n'importe quoi. Même avec un sac poubelle, tu serais sexy. »

« Tu me dragues ? »

« C'est possible... J'ai appris que tu allais à une fête ce soir, j'y vais aussi avec Gabriel et Emma. Gab m'a dit que tu vas au même endroit que nous. »

« Ah bon ? Moi avec Claire. C'est drôle, je ne savais pas. »

« Raison de plus pour redoubler de sexytude »

« Et toi alors ? J'espère avoir mon Batman »

« Uniquement si tu es ma Batgirl. »

« Sorry, j'ai déjà mon costume, mais promis ça sera cool quand même ! »

« Triste réalité. »

« Désolé :( Mais je suis heureuse de passer la soirée avec toi, ça sera bien. »

« Oui, moi aussi. On mangera plein de bonbons »

« Et l'alcool, n'oublie pas l'alcool »

« Si tu bois, je ne bois pas. »

« Mais pourquoi ? »

« Il faut bien que quelqu'un te ramène en vie chez toi. Et puis, qui dit alcool dit personnes chiantes. Je préfère être en pleine possession de mes moyens pour écarter les relous. »

« Waouw, un vrai Batman alors »

« Toujours pour toi »

« C'est adorable, tu veux vraiment me faire fondre le cœur toi... Bon, je te laisse, j'ai Chewbacca à épiler. »

« Hein ? Qu'est-ce que vient faire Star Wars dans cette conversation ? »

« Je dois aller m'épiler, Jake. »

« Ahhh désolé haha ! »

« T'inquiète, la prochaine fois je te tiendrais au courant, comme ça je t'épilerai aussi. J'ai toujours rêvé de poser une bande de cire sur la jambe d'un mec »

« Dans tes rêves ! Va t'occuper de Chewbacca avant de me faire faire des cauchemars »

« Je sais où tu habites, ne l'oublie pas... À tout à l'heure ! »

« Bisous. »

—    Pourquoi tu souris ? demande Gabriel qui a relevé le nez de son clavier.

—    À cause de Chewbacca, je rétorque en me levant.

—    Dans Star Wars ?

—    Yep ! Allez, je te laisse bosser je vais dans ma chambre.

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