Chapitre 17
« I dream at night,
I can only see your face,
I look around,
But It's you I can't replace »
Every Breath You Take — The Police
Line
— Attends, attends ma belle, il t'a fait une séance de strip-tease ?
Verre de vin rouge à la main, Claire boit mes paroles comme la dernière fois que je lui ai partagé mes mésaventures de rencard. Paul allongé sur elle, elle rit comme une folle devant mon histoire tandis que je lui fais part du club de strip-tease, le nombre de baloches à l'air que j'ai vu, mais aussi l'excellent cocktail dont elle doit me retrouver le nom.
— En soit, ce n'était pas une séance comme c'était en public mais... oui.
— Il t'a envoyé un message ?
— Des dizaines...
— Tu as répondu ?
— Mais bien évidemment ! m'exclamé-je avec entrain. Je suis aussi allée lui tailler une pipe et on a baisé comme des lapins toute la nuit !
Ma meilleure amie manque de recracher sa gorge tant le fou rire qui la prend est intense. Elle sait très bien que ce n'est pas mon genre, les coups d'un soir.
— Et...
Un sourire faussement innocent se dessine sur ses lèvres, puis elle mord le bout de son doigt avec un jeu d'acteur bancal, toujours secouée de petits rires.
— Ne termine pas cette phrase, Claire... la prévins-je avec méfiance.
— Mais tu ne sais même pas ce que j'allais dire !
— On parie ?
— Nan... tu vas encore gagner.
Elle n'a pas tort. S'il y a bien deux personnes qui se connaissent mieux qu'eux-mêmes, c'est nous deux. Même si Claire est très imprévisible sauf quand il s'agit de sexe, elle reste tellement prévisible que s'en est même pas drôle.
— Est-ce qu'il en avait une grosse ?
— Claire !
— Mais quoi ! C'est plus fort que moi ! T'as dit qu'il n'était pas moche, faut que je vérifie l'information si tu n'en veux pas.
— Je pense qu'il serait open en plus, avec ta jolie peau, tes cheveux que je jalouse, tes yeux chocolat et mon Dieu, ta moustache plus grosse que celle de Mme Dubois quand tu ne t'épiles pas, tu ferais une merveilleuse candidate !
— Hé !
Elle me rend une petite tape sur l'épaule qui fait grogner Paul, puis boude en finissant son verre cul-sec. Claire ne me parle pas beaucoup de sa vie privée en ce moment, mais je pense que c'est le vide intersidéral. Entre sa décision d'arrêter de fumer — qui s'avère être un échec — et peut-être la décision d'arrêter de copuler n'importe où, peut-être qu'elle vise quelqu'un...
— Claireeeee ?
— Oui mon bebew, lâche-t-elle avec un accent en mordant dans un gressin.
— Tu as quelqu'un en vue ?
— Aussi libre que l'air, aussi propre que ton chat quand il se lèche le cul, aussi ouverte que les nanas dans le club que tu as fréquenté hier.
Toujours dans la plus grande classe, mon amie sort rapidement sa jambe du plaide en bougeant Paul qui finit par terre aussi vite que la vitesse de la lumière, et elle me révèle sa peau parfaitement épilée.
— T'as vu, j'ai même été chez l'esthéticienne hier.
— Tu ne vas jamais chez l'esthéticienne, Claire.
— C'est vrai, j'ai menti. J'ai même versé ma larme quand la cire chaude a arraché mes poils et mon âme par la même occasion.
J'attrape le gros chat de mauvais poil et le force à se poser sur moi malgré ses grognements énervés. Paul est une princesse et il le fait savoir.
— Enfin bref, tout ça pour dire que non, rien dans ma vie et pourtant je ne suis pas contre.
— Et les plans culs ?
— Aussi inexistants que ma vie sociale en ce moment. Ma mère a des tonnes de problème avec son logement alors elle me gâche la vie en venant squatter de temps en temps. Un jour elle va débarquer pour emménager chez moi je vais rien comprendre. Enfin bref, j'ai trop de choses à penser donc je ne prends pas le temps de sortir. Pour le moment, mes soirées avec toi me suffisent.
— On en reparle dans deux semaines.
— De ouf, j'ai la minou en feu !
Nous éclatons de rire et profitons du reste de la soirée à picorer notre apéritif, siroter nos verres jusqu'à ce que trois, non, quatre bouteilles soient au sol, vide. Avec ma meilleure amie à mes côtés, toutes les deux bourrées, j'ai l'impression d'être comme avant, quand tout allait bien dans ma tête et dans ma vie.
Je nous revoie il y a des années, riant après avoir notre premier service ensemble avec Mia, à boire comme des trous alors qu'on ne tenait même pas une bière. Nous avons fini par aller danser sur les quais, crachant au visage des hommes désobligeants, chantant avec les groupes qui nous ont rejoint. Le monde paraissait si simple à l'époque, et pourtant je suis persuadée que je pensais la même chose. Tout est plus simple avant, même quand tu es dans cet avant.
— On va en boite ? finit-elle par demander avec une sacrée patate dans la bouche.
MDR. Patate. C'est drôle à dire.
— Naaaaa, je suis trop crevée pour ça.
J'ai l'impression d'être une guimauve toute flasque qui coule le long de mon canapé vert. Je viens bientôt finir le cul par terre.
— Dans le club de strip-tease alors ?
— Naaaaa, y a l'autre qui est là-bas.
— Gabin-chou ?
— Ouais, mulet-boy.
— Pas drôle.
— Je te donne son compte si tu veux.
— Nan, je suis trop bien avec toi pour te lâcher et aller baiser avec ce mec.
— T'es une bonne amie, dis-je en la prenant dans mes bras.
— Et toi donc.
Claire m'enlace à son tour et je ferme les yeux. Je sens ma bouche pâteuse et mes idées qui s'embrouillent, mais la chaleur de Claire me fait un bien fou. Nous restons ainsi pendant ce qui me parait des heures, l'une contre l'autre, comme si rien ne pouvait nous atteindre.
Malheureusement, c'est Claire la première à briser ce contact en se redressant d'un coup. Alertée, je m'écarte avant que mon amie ne se précipite vers la salle de bain en s'affolant. J'ai à peine le temps de me lever et de constater que mon appartement n'a pas été construit droit que Claire vomit tout ce qu'elle a dans le bide, dans les toilettes je l'espère.
Je me tiens au canapé, puis à un meuble et un mur avant d'atteindre la fameuse salle de bain. Claire est à genou, gerbant ses tripes fiévreusement. Je me laisse tomber sur les genoux, rampe jusqu'à elle pour tenir sa crinière volumineuse. Sa peau est brûlante tandis qu'elle se vide, mais je ne dis rien et pose ma tête sur son épaule, ma main tenant toujours les boucles brunes.
Elle est confortable. Ses soubresauts font comme des petits massages sur ma joue. C'est sympa...
***
— Putain !
J'entends un bruit, tente d'ouvrir un œil, vaseuse, les membres engourdis.
— Mmh... arrivé-je à articuler si l'on considère que c'est un mot.
Quelqu'un me marmonne quelque chose mais je ne comprends rien. La lumière me fait déjà mal au crâne, mais elle m'aveugle quand j'arrive à entrouvrir un œil. La première image que j'arrive à discerner, c'est Claire qui tient fermement mon pied entre ses deux mains.
Mon dos me parait bien froid d'un coup, et pour cause, je suis allongée sur le sol. Claire tire une autre fois de toutes ses forces, lâche un râle d'effort en maudissant tout mon arbre généalogique. J'hésite à lui dire qu'elle maudit dans le vide mais me ravise à la dernière minute.
— Punaise, fais un effort Line !
— Mmh... de quoi ?
— T'as pas l'impression que je te traine ?!
C'est vrai que si je mets ma tête dans l'axe de mon corps, il y a le plafond, et sous moi le sol. Mes bras sont aussi en l'air, si l'on considère que le sol peut être l'air selon notre position dans l'espace et j'avance sans faire un effort. Je vole.
D'un coup sec, Claire me lâche le pied et mon talon tape douloureusement contre le carrelage dans un bruit sourd.
— PUTAIN !
La douleur est telle que je me mets à sangloter comme une enfant en me recroquevillant sur moi-même. Je finis en position fœtale, sans entendre ce que ma meilleure amie me dit, serrant fort mes genoux entre mes bras.
J'ai mal au talon.
La terre tourne.
J'ai l'impression d'être sur un bateau.
Enfin, je pense être dessus.
Parce qu'en vrai, je n'ai jamais foutu un pied sur un bateau de toute ma vie.
Je ne suis même pas sûre d'avoir déjà vu la mer.
Ou je ne m'en souviens pas.
Aie, mon pied.
— Line ?
Pourquoi Claire à une voix d'homme ? C'est drôle, elle a mué. Je savais que le vin faisait des miracles.
— C'est Jésus qui l'a dit, répondis-je à voix haute entre deux sanglots.
Plusieurs voix retentissent autour de moi, mais je me rends compte que Claire n'est pas seule. Mon pied me fait trop mal pour que je puisse me relever, et la lumière fait trop mal aux yeux pour que je puisse voir mes interlocuteurs.
Peut-être que Jésus est de nouveau parmi nous.
— Line, tu peux te lever ? demande une voix mignonne mais beaucoup moins grave.
Claire a de nouveau muer ? Je savais qu'elle pouvait faire bander rapidement n'importe qui mais changer de voix est un nouveau skill développé.
D'un coup, une main passe sous mon aisselle tandis qu'une autre passe sous mes cuisses. Je contracte mes muscles, ne voulant pas lâcher mes genoux, et la personne se déplace en me portant.
Je vole pour de vrai.
Mais alors que j'allais enfin me décider à céder à ma nouvelle forme d'avion de chasse, je sens une drôle d'impulsion donné à mon corps, puis la gravité. J'ai l'impression d'être en apesanteur avant que mon corps retombe brutalement sur quelque chose de mou.
J'éclate de rire en me sentant rebondir plusieurs fois, me tordant tellement c'est drôle.
— Je crois qu'elle est malade, chuchote quelqu'un proche de moi.
— Non, vous avez juste picolé comme des folles.
— Aussi.
Voix grave continue de marmonner des choses mais je bouche mes oreilles. Je suis bien ici. C'est mou. Pas comme le sol qui était dur.
— Je vais aller me coucher si tu ne m'en veux pas, je bosse demain...
— T'en fais pas Emma, merci beaucoup d'avoir réveillé Jake... je ne savais plus quoi faire... Elle s'est endormie et...
— Ne t'inquiète pas, la rassure voix grave en riant légèrement. Tu devrais te coucher.
— Je dors avec elle de toute façon, tu as raison.
— Prévoie une bassine, on ne sait jamais...
— Merci Jake.
— Je t'en prie Claire.
J'entends encore marmonner mais un bâillement me secoue de nouveau, le confort de l'endroit m'attire et je me laisse aller au noir de mes paupières. Je suis si bien, il fait si chaud dans mon cœur...
***
« Sujet du jour : Moi
Moi, moi, moi et moi encore.
Moi je suis moi et je veux faire ce que je veux de ma vie. Vous pensez que je ne vois pas la vague de haine que je me prends pour aucune raison ? Vous pensez que vous me toucher à dire que mon nouveau contenu c'est de la merde, ou que je ne poste plus assez ?
Sachez que je m'en fous totalement.
J'ai une vie derrière ce blog. Une vie réelle où je sors, je ris et pleure. Je pensais avoir le droit de faire ce que je voulais de cet endroit que J'AI créé. Moi, moi et moi encore.
Je voulais remettre les pendules à l'heure en rappelant qu'ici, c'est ma safe place qui n'en est plus une. Je voulais rappeler que c'est un endroit que j'ai créé, où je poste ce que JE veux poster si ça me le chante.
Mais je voulais surtout rappeler que cet endroit était avant tout un blog pour ceux qui vivent mal des situations de leur vie. Je ne pensais pas que les personnes qui me soutiennent deviendraient si mal veillantes.
Je suis heureuse d'avoir aujourd'hui la fierté de dire que j'ai les épaules pour passer au-dessus, mais penser aux autres. Moi, c'est moi. Toi, tu es toi. Les autres sont les autres. Qui es-tu pour me dire ce qui est le mieux pour mon blog ? Qui es-tu pour me parler de ma situation ? De ma vie personnelle ? Pour la critiquer ? Cracher dessus ?
S'il faut que je supprime cet endroit pour retrouver un semblant de foi en l'humanité, je le ferai sans problème.
XX peut-être une dernière fois ? »
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