Chapitre 1
À toutes celles et ceux qui croient au grand amour
comme dans les films, on l'aura
notre Robert Pattinson
« I'm so sick of myself,
I'd rather be, rather be,
Anyone, anyone else »
Jealousy, jealousy - Olivia Rodrigo
Line
« Sujet du jour : la perfection.
On a toute déjà rêvé de l'homme parfait. Celui qui nous aime éperdument, nous apporte des fleurs chaque jour en laissant des petits mots d'amour sur le frigo de la cuisine. Celui qui vous enlace, vous embrasse jusqu'à ce que vous décidiez de rester pour la vie à ses côtés.
Il vous dit qu'il vous aime, il répond vite à vos messages et vos appels. Il vous prépare un rendez-vous au bord du lac, vous amène au cinéma pour voir Titanic et pleure sur la mort de Jack avec vous.
Si je continue dans cette optique, la liste de l'homme parfait pourrait être infinie. Et puis, les goûts et les couleurs... bref.
Spoiler Alert : l'homme parfait n'existe pas.
L'homme parfait n'existe pas, et il ne peut pas exister. Il ne peut pas aimer sans aller voir ailleurs, se laisser tenter et succomber. Il ne peut pas vous acheter des fleurs chaque jour par manque d'argent - ce qui peut être compréhensible. Il ne laisse pas de mot sur notre frigo parce qu'il n'a pas le temps, et qu'il écrit trop mal pour que se soit lisible. Il vous enlace par sympathie, mais la console sera toujours plus intéressante. Il vous embrasse à peine sur les lèvres, hâtif de retrouver son autre compagne. Pas de vie à ses côtés, ça signifie se coltiner sa belle-mère insupportable. Pas de lac, de cinéma et pleurs.
Les hommes sont vicieux, mesquins et sans empathie.
Alors mes dames, ne vous faites pas avoir. Le mieux à faire pour ne pas avoir le cœur brisé... Vous connaissez la suite.
XX »
Je poste le message sur mon petit blog et souffle enfin. Court mais intense, je commence à m'y faire mais c'est plus dur d'écrire sans être énervée ni rien. Les gens m'attendent, je suis obligée de poster quelque chose. Inconsciemment, je me mets à sourire en voyant déjà le nombre de vues et republications augmenter alors que je viens à peine de poster. Beaucoup pensent que les blogs sont des supports has-been, beaucoup trop vieillots et que personne ne lit là-dessus. Détrompez-vous.
Depuis trois semaines que j'ai lancé mon blog « youknowyouloveme? » en référence à Gossip Girl, je n'ai vu que du positif. Beaucoup de femmes me suivent, se reconnaissant dans mon parcours ou dans un autre, pouvant témoigner en anonyme auprès de leurs consœurs. Mon blog est devenu un lieu de rendez-vous, où chacun parle à cœur ouvert. Évidemment que j'ai parfois des retours plus négatifs et que les débats s'enchaînent dans les commentaires, mais ça me fait rire. J'aime voir cette diversité du monde, toutes ces différences de point de vue.
Le premier commentaire apparaît, et une femme témoigne de la tromperie de son copain. Une autre lui répond, et ça commence. J'enlève le son de mon ordinateur pour me couper un peu de cette euphorie qui allume mon écran, et mon cœur se serre un peu plus. Les souvenirs remontent d'un coup et les larmes me montent aux yeux mais je refuse de les laisser couler. Je ne laisserai pas le souvenir de Victor gâcher ce moment.
Une seule sonnerie retentit depuis mon clavier, me faisant reporter mon attention sur l'écran. Je viens de passer les dix milles abonnés. Autant de personnes que ma vie intéresse, qui se sentent assez concernés pour déposer leur mail et suivre ma page. Ça, ça risque de me faire pleurer.
Aussitôt, je m'empresse d'écrire un petit message sur mon mur principal pour remercier tout cet engouement, et on me félicite comme jamais. Je mords ma lèvre inférieure pour contenir ma joie, mais j'ai envie de danser, de chanter et de hurler à en faire lever les voisins. Évidemment, je me contiens et me contente de crier la tête dans un coussin de mon canapé vert, Paul me dévisageant au passage.
Paul, c'est l'homme de ma vie. Paul est cette personne parfaite, soit-disante inatteignable dans mes dires. Quand je me mets à danser sur du Britney Spears en pyjama dans mon studio avec ma tasse de thé, il m'acclame et me câline comme si j'étais la nouvelle star de The Voice. Paul est parfait, Paul est la personne la plus importante à mes yeux.
Si quelqu'un ose me dire que je me contredis, gare à lui ! Paul est un persan blanc aux yeux bleus. Paul est un chat, donc Paul est parfait.
En parlant du loup... Mon chat arrive en râlant, comme à son habitude, avant de faire un saut magistral droit sur mes genoux. Je lui montre mon écran, fière de moi, mais il se contente de me donner un coup de tête avant de se lécher le trou de balle. Classe.
Inspirée, j'attrape mon clavier et le pose sur mes genoux, désertés par la boule de poil trop occupée à se torcher.
« Sujet Bonus : memories.
Beaucoup de personnes aiment garder les moments importants dans un petit appareil pour profiter de ce souvenir une fois les semaines, mois ou années passées. D'autres préfèrent se plonger dans des romans imaginaires pour fuir leur vie actuelle, les tourments qui les dérangent et les souvenirs qui affluent. D'autres encore, préfèrent se poser dans un coin moelleux face à une série pour sentir son cœur battre à l'unisson avec les acteurs, pour être sûr qu'il bat encore.
Je fais partie des gens qui détestent les photos du passé. À quoi bon se souvenir des moments passés avec une personne si on sait qu'on ne les revivra jamais avec ?
Je fais partie des gens qui se perdent dans des romans à l'eau de rose pour constater la médiocrité de ses relations et tout ce qu'elle a foiré avec ceux qu'elle a fréquenté. Pourquoi eux ont-ils le droit de vivre une belle histoire d'amour alors que je suis en pyjama dans mon canapé à manger du chocolat ? C'est injuste.
Je me mens à moi-même, aux autres. Je noie ma vie dans des passions, dans des choses qui paraissent futiles comme le font beaucoup. Ce que je dis ici est un échantillon de ma vie monotone et triste, basée dans un passé qui ressurgit à chaque instant. Fuir et fuir encore, à quoi bon au final ? Tout vous rattrapera un jour.
Dites-moi, vous, quel type de personne êtes-vous ?
XX »
Je poste une nouvelle fois mais referme définitivement l'ordinateur. Coucher les mots sur quelque chose me fait un bien fou mais m'abime un peu plus à chaque fois. Mon cœur est toujours douloureux, tout comme ma gorge qui se serre en repensant à toute ma vie. Je regarde Paul qui m'observe de ses grands yeux, et l'incite à venir se poser sur mes jambes. Il vient installer son gros derrière de vache sur moi, et se couche pour ronfler tranquillement.
Machinalement et pour m'apaiser un peu, je commence à caresser ses longs poils soyeux, soucieuse. Lentement, mon cœur s'apaise, mes paupières s'alourdissent, et je m'endors comme une enfant.
***
- Merde !
Je me réveille en sursaut, faisant tomber Paul au passage qui en profite pour me griffer au lieu de tomber au sol comme une bouse.
- Putain ! Paul !
Le chat me crache dessus avant de fuir vers ma chambre, la tête haute, les fesses en l'air. Espèce de chat pourri gâté. J'attrape mon téléphone abandonné sur un coussin et constate avec effroi qu'il est neuf heures. Je me suis réveillée tôt pour mon blog, mais me suis rendormie comme une débutante alors que je devrai être au taff à cette heure-ci ! Mia va être folle si je loupe encore la matinée !
Je cours dans la salle de bain le plus vite possible, m'habille avec une brosse à dent dans la bouche et enfile mon tablier marron. On est en pleine semaine à Paris, Mia et Claire vont me faire la peau si elles ne sont que deux... Je fais rapidement une queue de cheval, attachant mes cheveux mauves comme je peux comme ils sont trop courts, et sors de mon appartement avec juste une pochette qui contient mes cartes et mon téléphone dans l'autre main.
Je cours et cours encore, les poumons en feu, jusqu'au petit café/bar que tient ma patronne Mia. J'entre par l'entrée des clients, espérant de ne pas tomber à nez avec elle, mais la chance n'est pas de mon côté. Plateau en main, elle zigzague vers l'extérieur où sont assis un peu moins de dix personnes lisant leur journal. Ses yeux bruns se posent sur moi une demi-seconde avant qu'elle ne recolle son sourire blanc sur son visage comme si de rien n'était.
Je vais passer un sale quart d'heure. Elle me contourne, faisant voler ses cheveux courts au passage, puis je ne me fais pas prier et me dépêche de poser le peu d'affaires que j'ai emporté dans la salle de pause. Dieu merci j'habite vraiment à trois cents mètres de mon lieu de travail. Je lisse une dernière fois le tablier aux couleurs du lieu puis la porte s'ouvre avant moi, donnant sur Mia. Surprise que ça ne soit pas Claire, je bondis en arrière, le cœur battant. Ma patronne croise les bras sur sa poitrine menue, donnant un coup de tête pour écarter sa mèche rebelle. Avec ces airs latinos, elle fait peur quand elle se met en rogne.
- Je peux tout t'expliquer Mia ! C'est à cause de Paul, il...
- Je n'en ai rien à faire Line, dit-elle en soupirant. C'est la deuxième fois cette semaine...
- Je sais, mais vous n'avez pas vu mes cuisses, je me sacrifie pour arriver à l'heure mais...
Elle lève une main devant moi pour me stopper net dans mes conneries. Je suis tellement stressée que si elle me demande de la supplier à genoux de me garder, je le fais sans hésiter.
- Écoute, je veux bien être gentille. Je fais beaucoup d'efforts mais je n'ai pas l'impression que tu en fasses de ton côté. Je suis consciente que tu vies une période difficile, mais si tu continues comme ça je ne pourrai pas te garder. Un mardi matin à deux dans le café, ce n'est pas possible !
- C'était la dernière fois, je te le jure Mia...
Ma patronne lève les yeux au ciel avant de se retourner comme une danseuse.
- Allez, on a des clients à servir...
Je saute de joie mais le regard noir de Mia me calme de suite. Je souris doucement, me contenant de la prendre dans mes bras pour la remercier, et me contente de lui emboîter le pas, prête à commencer ma journée.
***
Pause de midi, enfin. Après trois heures non-stop et des clients plus affamés les uns que les autres, j'ai l'impression d'avoir abattu quinze jours de travail de suite. Et le pompon, c'est que Claire n'a même pas eu sa pause en même-temps que moi ! Trop de gens, il fallait nous diviser. Je suis ravie...
Je mords dans ma salade avec appétit et ouvre mon blog sur mon téléphone pour répondre à quelques commentaires. Je ne le fais pas souvent, mais c'est vrai que ça marque une grande différence pour fonctionner. Répondre c'est prouver que tu es bien un humain derrière l'écran, que tu as une opinion et que tu assumes ce que tu postes. Alors de temps à autre, je prends le temps de répondre à des commentaires ou des messages privés sans m'impliquer dans des débats.
« Mon mari me trompe, qu'est-ce que je dois faire ? », « Je suis amoureuse de mon voisin mais il ne sait même pas que j'existe. Que faire ? ». Que ça tout le temps, toute la journée, non stop. Impossible de répondre à tout le monde, il faudrait que je sois une machine, mais de temps à autre ça me fait du bien. Je me dis que pour une fois dans ma vie, j'ai aidé quelqu'un.
Je suis une Batman des temps modernes.
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