Parce que l'amour est plus fort que tout
La nuit tombait lentement sur Philadelphie, c'était un jour de tempête, la pluie frappait avec force les toits des magasins de banlieue et Jasper Withlock marchait, sans se préoccuper du vent et de l'eau, les mains enfoncées dans les poches. S'étant abreuvé de sang il y a plus d'une semaine mais ne souhaitant pas sentir un nouvelle fois la terreur humaine, il contrôla tant bien que mal la soif qui tiraillait sa gorge et s'efforça de savourer les émotions positives d'un groupe de garçons assis sous un abri quelques mètres plus loin. Passant ses mains sur son visage d'Apollon marqué par des cicatrices aux sinistres histoires, il essaya de ne pas repenser à son affreuse chasse de la semaine précédente. Voila plus de cinq ans que Jasper était tombé dans la dépression et, si son don de sentir et de manipuler les émotions de ses compères était parfois très utile, il restait difficile à supporter lorsqu'il devait sentir la douleur de ses victimes. N'ayant pas trouvé de solution, il s'efforçait de manger le moins souvent possible - une à deux fois maximum par semaine - et le faisait très rapidement pour que cela soit moins épouvantable. Malheureusement, ça n'empêchait pas ce sentiment de mal être de le suivre partout où il se rendait, le rendant abattu et désespéré au point que s'il n'avait pas été un vampire, il se serait sans doute suicidé depuis bien longtemps pensait-il. A sa dépression s'ajoutait le fait que rien ne comptait pour Jasper : sa famille humaine était morte depuis bien longtemps, Maria l'avait trahi. Au fond, seuls restaient Peter et Charlotte, un couple de nomades qu'il appréciait mais qui se montraient sceptiques face aux problèmes que lui infligeait son don. Cette incompréhension de leur part l'avait poussé à les quitter et il s'était retrouvé plus seul que jamais, ressassant continuellement sa douleur et sa tristesse.
Mais Jasper Withlock, blond aux yeux rouges, 20 ans depuis bientôt 85 ans, ne s'attendait pas à ce qu'en ce jour de Novembre 1948 sa vie soit éclairée par un soleil, une boule de joie qui deviendrait bientôt sa seule raison de vivre. Cette boule de joie, c'était Alice Brandon, une jeune femme d'un mètre cinquante, aussi joyeuse et souriante que l'on peut l'être et elle était assise dans le box d'un restaurant se trouvant à moins deux cent mètres de Jasper. La pluie s'était intensifiée et c'est cela qui força le jeune homme à combattre sa soif pour se réfugier dans ce restaurant où l'attendait Alice.
Il ouvrit nonchalamment la porte et s'avança vers une table libre, mais c'était sans compter celle qu'il surnommerait bientôt le petit lutin. Brune au yeux or foncés, Alice avait été transformée à l'âge de 19 ans, il y en a 28, son visage rayonnait et un sourire malicieux l'éclairait.
S'il avait été humain, le coeur de Jasper aurait sûrement loupé un battement, mais il était un vampire et il battit en retraite en la voyant à deux centimètres de lui. Elle avait de grands yeux et ses cheveux bruns coupés court étaient hérissés. Elle lui sourit joyeusement et Jasper fronça les sourcils. Même s'il l'aurait dû, il ne parvenait pas à craindre l'arrivée de cette étrangère, elle lui inspirait un seule chose : de la confiance. Il ne parvenait pas non plus à parler, Alice lui avait coupé la voix, alors elle commença, d'une voix chantonnante qui sonna délicieusement à ses oreilles :
- Bonjour, Jasper Hale. Je suis Alice, Alice Brandon, bientôt Cullen. Et je sais que tu ne me connais pas, mais... je pense que nous remédierons bientôt a ce problème. »
Il était fasciné, fasciné par ce petit bout de femme, pleine d'assurance, qui lui souriait comme personne ne l'avais jamais fait. Malgré cela, il remarqua qu'elle le tutoyait alors qu'il ne l'avait vue et qu'elle ne l'avais pas appelé Whitlock comme tout le monde, non, elle avait employé le nom « Hale », qu'il n'avais jamais entendu.
- Bonjour, commença-il doucement, je suis bien Jasper mais... mon nom est Whitlock, vous cherchez quelqu'un ? Je peux peut-être vous aider ?
- Tu es vraiment un gentleman. Encore plus que je ne le voyais, avait-elle répondu en souriant doucement, le tutoyant toujours. C'est bien toi que je cherche Jasper, où que j'attend... car même si tu ne me connais pas, moi je te connais, depuis longtemps même. Mais, tu devrais peut-être t'asseoir pour entendre la suite.
Elle avait désigné la table à côté de la porte de son doigt fin et Jasper s'y était assis, oubliant toutes précautions, désireux d'en savoir plus sur cette Alice... et ne souhaitant pas la quitter avant qu'elle ne lui dise comment elle l'avait trouvé. Enfin c'est ce qu'il se dit mais peut-être ne voulait-il même ne jamais la quitter. Il s'empêcha de penser à cela et la questionna à la place :
- D'accord... mais comment m'avez-vous trouvé ? Et pourquoi avez-vous voulu me trouver ? D'où venez-vous ? Et surtout, qui êtes-vous ?
- Tu poses beaucoup de questions Jasper... Mais je vais répondre à chacune d'entre elles, en commençant par la dernière. Qui suis-je ? Bonne question... Et bien, je suis Mary Alice Brandon, une vampire de physiquement 19 ans qui ne se souvient plus de la date exacte de sa transformation mais qui contrairement à toi ou à d'autres de nos comparses qu'elle a pu croisée, n'a aucun souvenir de sa vie d'humaine. Mais je pense que tu accordes fort peu d'importance à ces informations... alors, que veux-tu savoir sur moi Jasper Whitlock ?
Elle le regarda, inquisitrice en souriant malicieusement, creusant ses adorables fossettes et il se senti d'un coup submergé par ses émotions. Si elle les avaient légèrement contenues depuis leur rencontre, Jasper fut surpris de sentir son... affection ? Était-ce possible ? Afin d'en avoir le coeur net, il se décida :
- Je... comment m'avez-vous trouvé ?
- C'est un peu compliqué... Vois-tu, je ne suis pas comme toi, Jasper, je suis une vampire mais... je n'ai comme je te le disais aucun souvenir de ma vie humaine. Tout ce que je sais, c'est grâce à mon don - elle avait accentué ce mot, comme s'il était l'élément principal de sa phrase -, quand je me suis réveillée après ma transformation, j'étais perdue et je ne comprenais pas ce qui m'arrivait... mais tu étais là. Ou plutôt, je t'ai vu... je nous ai vus tous les deux, c'est ça mon don, je vois l'avenir. Sauf qu'il a fallu que j'attende car, vois-tu, Jasper, cette vision, je l'ai eue il y a 28 ans et tu n'étais pas prêt.
Le jeune homme se tendit en repensant à celui qu'il était il y a 28 ans. Un monstre assoiffé de sang à la tête d'une affreuse armée, tuant tous les ans des nouveaux-nés, sans aucune raison de vivre. Il se dit naïvement que si elle était venue, il aurait quitté Maria et serait parti avec elle. Non. C'était idiot. Si elle était venue à lui avant qu'il ne soit réellement prêt, il l'aurait sûrement tuée.
- Mais j'ai attendue, et regarde, continua-t-elle, j'ai bien fait car tu es là à m'écouter parler.
- Excusez-moi. Je vous ai en effet fait attendre... 28 ans ? Heureusement que vous n'êtes pas venue a cette époque là. Mais qu'attendez-vous de moi ?
Elle ne répondit pas tout de suite, préférant planter son regard dans le sien, en souriant toujours. Et soudain, comme un raz-de-marée, elle lui déversa toutes ses émotions. D'abord surpris, il ferma les yeux et se laissa entrainer dans sa sincérité, son espoir, sa joie, sa tendresse, sa bonté et par dessus tout : son amour. Etait-ce possible ? Pouvait-elle, cette si magnifique jeune fille, l'apprécier, lui, que tout le monde semblait craindre ?
L'étonnement l'envahit. Si cette fille semblait tout savoir de lui, il ne connaissait presque rien d'elle. Pourtant, en la regardant de plus près, son visage d'ange, sa fine bouche, ses yeux entre le noir et l'or, ses traits de lutin, il lui semblait si simple de s'éprendre d'elle, de sa joie, de son sourire, ce serait comme marcher, un pas devant l'autre. Surtout qu'elle aussi semblait déjà... l'aimer. Penser à cela sembla étrange à Jasper. Une personne dans ce monde était vraiment capable de ressentir de tels sentiments pour sa personne ? Oui, apparemment, peut-être était-ce pour cela qu'il avait été si malheureux - sa dépression lui semblait bien loin maintenant qu'elle était entrée dans sa vie - parce qu'il l'attendait, cette femme qui lui redonnerait le sourire, qui changerait sa vie, lui donnant un nouveau départ.
Alors, lentement, il avança sa main vers celle d'Alice, craignant qu'elle se dégage en voyant ses cicatrices, elle n'en fit rien. Bien au contraire, son sourire s'élargit, ses yeux le couvèrent du regard et elle lui caressa doucement la paume. Ils étaient restés ainsi de longues minutes et pour la première fois depuis un siècle, Jasper sourit, sans se forcer, presque naïvement, simplement heureux. Et elle lui sourit aussi, ce fut sûrement ces sourires qui scellèrent leur amour, instaurant, moins d'une heure après leur rencontre, une confiance et une affection qu'aucun d'eux n'avait jamais ressentie.
Sans briser la magie de l'instant, Alice commença à parler. Jasper buvant ses paroles, elle lui décrivit le clan Cullen, elle lui parla de leur régime alimentaire. D'abord surpris, il finit par se dire que boire du sang animal au lieu de celui humain était peut-être la meilleure alternative possible aux problèmes que lui causait son don. Elle lui parla de ses membres, au nombre de cinq : ils se considéraient comme une famille. Elle lui parla de leur leader, un certain Carlisle. D'une grande bonté, elle l'appréciait déjà. Elle lui parla aussi de leurs relations avec les humains. Jasper avait suivi son récit, d'abord intrigué et rétif, et avait fini par se laisser convaincre par ce changement... c'était ce dont il avait besoin après tout, de changement, pour oublier son passé et vivre dans le présent.
Et, finissant leur discussion, elle se leva, lui tendit la main, et sans réfléchir, il la saisit, il se leva, passa un bras autour de sa maigre taille, et alors, devant la porte de ce restaurant miteux de Philadelphie en compagnie de cette jeune femme qu'il aimait déjà, il espéra. L'espoir. Ce sentiment si peu familier qu'elle seule avait pu provoquer en lui. Elle seule pourrait le tirer vers le haut. Le faire sortir de sa tristesse. Le faire aller de l'avant. Et elle le ferait, elle avait déjà commencé à le faire quand elle avait éclairé sa vie de sa présence. Elle resterait là, avec lui, pour l'éternité. Parce qu'elle l'aimait, parce qu'il l'aimait. Parce que l'amour est plus fort que tout.
***
2 ans plus tard
***
La forêt était sombre, le nuit était déjà tombée, les arbres projetaient leurs ombres menaçantes sur une petite clairière où un homme grand et musclé déchiquetait un ours. Soudain, une voix brisa le silence :
- Jazz ! Appela la voix musicale.
A l'appel du surnom que lui avait donné sa compagne, Jasper lâcha son ours et se mit à courir dans sa direction. Il n'avait pas peur, s'il y avait eu un problème il l'aurait senti. Alice devait juste avoir fini sa chasse. Il arriva dans une autre clairière mais il ne la vit pas. Fronçant les sourcils, il regarda autour de lui puis poussa un grand cri. Une masse de pierre avait sauté sur ses épaules, il suffit à Jasper d'inspirer par le nez pour avoir la confirmation que c'était seulement Alice qui s'était jetée sur ses épaules pour lui faire peur :
- Je t'ai eu ! Avait-elle lancé, victorieuse.
- Pfff mais quel âge as-tu, Alice ? avait répondu Jasper en souriant, un peu blasé mais surtout amusé.
Elle sauta souplement de ses épaules avec la grâce d'un félin puis enroula ses bras autour de son cou et leva la tête vers lui. Il pencha la tête vers elle pour l'embrasser, sachant déjà ce qu'elle s'apprêtait à lui demander. Et ça ne rata pas :
- Ça va, Jazz ? Tu te sens prêt ?
- Alice... je sais pas si je le serais un jour mais je veux le faire, je veux voir cette famille que tu meurs d'envie de me montrer et puisque c'est ce que tu veux, c'est aussi ce que je veux, d'accord ? Arrête de t'en faire pour moi.
Le couple s'apprêtait à rejoindre le clan Cullen, cinq vampires qui se considéraient comme une famille. Alice avait eu une vision d'eux et en avait parlé à Jasper dès leur rencontre. Follement amoureux, il avait accepté et ne regrettait rien... même si l'idée de se joindre à un clan plus nombreux dont un des membres était particulièrement musclé et qu'un autre lisait dans les pensées ne lui inspirait pas spécialement confiance. Mais Alice en mourait d'envie, alors...
Ils avaient passé un an à les chercher, il avait trouvé leur maison la veille et avaient prévu de les rejoindre le lendemain. En attendant, il tenait à profiter de ses derniers instant seul avec sa compagne. Sa compagne qui était justement allée s'asseoir au pied d'un arbre et qui le regardait en se demandant à quoi il pensait. Il s'empressa d'aller s'asseoir à ses cotés et elle posa sa tête sur son épaule en fermant les yeux tandis qu'il passait délicatement un bras autour de sa taille. Il sourit doucement et la couva du regard en repensant à cette soirée de tempête à Philadelphie, ce jour où il avait rencontré Alice. Il se demanda comment il aurait fait s'il ne s'était pas rendu dans ce restaurant. Les deux années qui s'étaient écoulées avaient été les plus belles son existence et maintenant qu'il y repensait, le reste de sa vie qui s'était déroulé sans elle à ses côtés lui semblait incroyablement fade. Elle rouvrit les yeux et leva la tête vers lui.
- A quoi tu penses, Jazz ?
- Je me demandais ce que je ferais sans toi. Si tu n'avais pas été transformée, si tu n'avais pas eu ton don ou si je n'étais pas venu à Philadelphie ce jour là...
Elle lui sourit doucement, creusant ses magnifiques fossettes et s'assit sur ses genoux avant de lui répondre.
- Si tu n'était pas venu, je t'aurais cherché, j'aurais retourné l'Amérique, j'aurais cherché, jusqu'à te trouver. Mais nous étions faits pour nous rencontrer ce jour-là. Alors ne pense pas à ça, Jazz. Tu étais mal en point, je t'ai sorti de là. Et nous voilà.
- Et je ne te remercierais jamais assez.
Jasper l'enlaça doucement et elle l'embrassa avant d'enfouir sa tête dans son cou.
Savourant l'instant présent, Jasper était seul au monde, mais désormais ça ne le gênait pas, ça ne le gênerait plus jamais, car il était seul... avec Alice. Avec son rayon de soleil, celle qui était devenue il y a deux ans sa raison de vivre. Jasper Whitlock ne serait plus jamais seul, elle serait toujours avec lui. Parce qu'elle l'aimait, parce qu'il l'aimait. Parce que l'amour est plus fort que tout.
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