CHAPITRE 5. LE TESTAMENT DE DUMBLEDORE
- Attention devant, attention devant ! lança Mrs Weasley d’une voix chantante.
Elle franchit la porte du jardin, précédée d’un objet semblable à un Vif d’or géant, de la taille d’un
ballon de plage, qui flottait devant elle. Un instant plus tard, Harry s’aperçut qu’il s’agissait de son
gâteau d’anniversaire que Mrs Weasley préférait transporter par la voie des airs, à l’aide de sa
baguette magique, plutôt que de prendre le risque de le porter elle-même sur ce sol inégal. Quand le
gâteau eut enfin atterri au milieu de la longue table, Harry s’exclama :
— Ça a l’air absolument magnifique, Mrs Weasley.
— Oh, ce n’est rien, mon chéri, répondit-elle d’un ton affectueux.
Par-dessus l’épaule de sa mère, Ron leva les deux pouces vers Harry en formant sur ses lèvres les
mots : « Très bon. »
Au moment de rentrer à l'intérieur, Remus se tourna vers Sirius.
- Tu seras prudent, hein ?
- Tu me connais non ?
- Justement.
Ils s'échangèrent un bref sourire.
Vers sept heures du soir, tous les invités étaient arrivés, sous la conduite de Fred et de George qui les
avaient attendus au bout de la route. Pour l’occasion, Hagrid portait son plus beau – et horrible –
costume marron et pelucheux. Malgré le grand sourire que Lupin lui adressa en lui serrant la main,
Harry trouva qu’il avait l’air malheureux. C’était curieux, car Tonks, qui se tenait à côté de lui,
paraissait tout simplement radieuse.
— Joyeux anniversaire, Harry, dit-elle, et elle le serra dans ses bras.
— Alors, ça y est, tu as dix-sept ans ? lança Hagrid en prenant le verre de vin de la taille d’un seau que lui tendait Fred. Ça fait six ans qu’on s’est vus pour la première fois, Harry, tu te souviens ?
— Vaguement, répondit celui-ci avec un sourire. C’était le jour où vous avez défoncé la porte, où vous avez fait pousser une queue de cochon à Dudley et où vous m’avez annoncé que j’étais un sorcier ?
— J’ai oublié les détails, gloussa Hagrid. Ça va, Ron, Hermione, Sirius ?
— Très bien, assura Hermione. Et vous ?
— Oh, pas mal. Beaucoup de travail, on a eu des bébés licornes, je vous les montrerai quand vous reviendrez.
Harry évita le regard de Ron, de Sirius et d’Hermione pendant que Hagrid fouillait dans sa poche.
— Tiens, Harry, reprit Hagrid. Savais pas quoi t’offrir, mais je me suis rappelé que j’avais ça.
Il sortit une petite bourse à l’aspect légèrement duveteux, dotée d’un long cordon destiné de toute évidence à être passé autour du cou.
— De la peau de Moke. On peut cacher ce qu’on veut, là-dedans et seul son propriétaire peut récupérer ce qu’il y a mis. Rares, ces trucs-là.
— Merci, Hagrid !
— Oh, c’est rien, dit-il en agitant une main de la taille d’un couvercle de poubelle. Et voilà Charlie !
Je l’ai toujours bien aimé, celui-là… Hé ! Charlie !
Charlie s’approcha, passant les doigts d’un air un peu triste sur ses cheveux brutalement raccourcis. Il était plus petit que Ron, trapu, et ses bras musculeux portaient de nombreuses traces de coups de griffes et de brûlures.
— Salut, Hagrid, comment ça va ?
— Ça fait une éternité que je voulais t’écrire. Comment va Norbert ?
— Norbert ? s’esclaffa Charlie. Le Norvégien à crête ? On l’appelle Norberta, maintenant.
— Qu… Norbert, une fille ?
— Eh oui, dit Charlie.
— Comment peut-on le savoir ? interrogea Hermione.
— Elles sont beaucoup plus féroces, répondit Charlie.
Sirius s'approcha de Remus
- Je peux te parler ? Seul à seul.
- Bien sûr.
Ils sortirent dans le jardin, sous l'œil agacé et soupçonneux de Molly.
- Tu as mes clopes ?
Remus poussa un soupir et lui tendit un paquet de cigarettes.
Sirius en alluma une, et tira une bouffée.
-Je sais pas comment elle fait, mais elle les trouve toujours. Quelque soit l'endroit où je les cache.
Remus sourit.
- Molly est maligne.
- Oui. Et je reconnais qu'elle est adorable....
- Dis moi ce qui se passe.
- Je vais partir Rem. Hermione. Ron et moi, on accompagne Harry. Il a des choses importantes à faire, à la demande de Dumby.
- Je vois. Je suppose que la mort de Dumbledore compromet ton retour
- Oh non, je. Hermione et moi, on a trouvé la solution. Mais.. Je ne m e vois pas rentrer sans m'être assuré que Harry a pu aller jusqu'au bout de sa mission.
- Tu le protéges comme tu protégeait James.
Sirius eut une moue amère.
- Ça m'a pas trop bien réussi, la dernière fois.
- Cette fois, ça ira. J'en suis sûr. Andromeda t'embrasse. Elle.. Voudrait que tu passes la voir,
- Comment va t'elle ?
- Fidèle à elle même.
- Elle te même la vie dure ?
- Disons que je ne suis pas le mari dont elle rêvait pour sa fille
- Je lui parlerais.
- Te fatigue pas, va, c'est une Black, tu ne la changeras pas.
- C 'est ce qu' on verra.
- On ferait mieux d'y aller, Molly va nous assassiner, si on tarde trop.
Charlie regarda par-dessus son épaule et baissa la voix.
— Je voudrais bien que papa se dépêche de revenir. Maman commence à s’inquiéter.
Ils se tournèrent tous vers Mrs Weasley. Elle essayait de bavarder avec Madame Delacour en jetant
des coups d’œil répétés vers le portail.
— Je crois que nous devrions commencer sans attendre Arthur, annonça-t-elle à la cantonade. Il a dû
être retenu… Oh !
Ils la virent tous en même temps : une traînée de lumière qui vola à travers la cour et atterrit sur la table où elle se transforma en une belette d’une éclatante couleur argentée. Se dressant sur ses pattes de derrière, elle parla avec la voix de Mr Weasley :
— Le ministre de la Magie va venir avec moi.
Puis le Patronus se dissipa dans les airs, alors que la famille de Fleur continuait de regarder bouche
bée l’endroit d’où il venait de se volatiliser.
— Il ne faut pas que nous restions ici, dit aussitôt Lupin. Harry, je suis désolé, je t’expliquerai plus
tard…
Il saisit Tonks par le poignet et l’entraîna avec lui. Ils allèrent jusqu’à la clôture, l’enjambèrent puis
disparurent. Mrs Weasley sembla déconcertée.
— Le ministre ? Mais pourquoi ? Je ne comprends pas…
Ils n’eurent cependant pas le temps d’en dire davantage. Une seconde plus tard, Mr Weasley se matérialisa devant le portail, accompagné de Rufus Scrimgeour, immédiatement reconnaissable à sa crinière de cheveux grisonnants.
D’un pas énergique, les deux nouveaux venus traversèrent la cour en direction du jardin et de la table
éclairée par les lanternes, autour de laquelle tout le monde était assis en silence, les regardant s’approcher.
Lorsque Scrimgeour s’avança dans la lumière, Harry remarqua qu’il paraissait beaucoup plus vieux que lors de leur dernière rencontre. Il avait l’air décharné, la mine sinistre.
— Désolé de cette intrusion, s’excusa Scrimgeour en marchant jusqu’à la table d’un pas boitillant.
D’autant plus que je tombe en pleine fête, à ce que je vois.
Son regard s’attarda un instant sur le gâteau en forme de Vif d’or géant.
— Tous mes vœux.
— Merci, répondit Harry.
— Je souhaiterais m’entretenir avec vous en particulier, poursuivit Scrimgeour. Ainsi qu’avec
Mr Ronald Weasley et Miss Hermione Granger.
— Nous ? s’étonna Ron. Pourquoi nous ?
— Je vous expliquerai tout cela lorsque nous serons dans un lieu plus discret, dit le ministre. Pouvez-
vous m’indiquer un tel endroit ? demanda-t-il à Mr Weasley.
— Oui, bien sûr, répondit ce dernier, mal à l’aise. Le… heu… le salon. Pourquoi ne pas vous installer
là-bas ?
— Montrez-nous donc le chemin, dit Scrimgeour à Ron. Il n’est pas nécessaire de nous accompagner,
Arthur.
Au moment où il se levait de table avec Ron et Hermione, Harry vit Mr Weasley échanger un regard
inquiet avec Mrs Weasley. Tandis qu’ils ouvraient la marche en silence, Harry sut que les deux autres
pensaient la même chose que lui : Scrimgeour avait dû apprendre, d’une manière ou d’une autre,qu’ils avaient tous les trois l’intention d’abandonner Poudlard.
Scrimgeour ne prononça pas un mot lorsqu’ils traversèrent la cuisine en désordre pour se rendredans le salon du Terrier. La tombée du jour baignait encore le jardin d’une lumière douce et dorée, lamaison, en revanche était déjà plongée dans l’obscurité. En entrant, Harry donna un petit coup debaguette vers les lampes à huile qui illuminèrent aussitôt la pièce un peu défraîchie mais confortable.
Scrimgeour s’assit dans le fauteuil défoncé que Mr Weasley occupait ordinairement, laissant Harry,
Ron et Hermione se serrer sur le canapé. Une fois qu’ils furent installés, Scrimgeour prit la parole :
— J’ai des questions à poser à chacun d’entre vous et je pense qu’il vaudra mieux que je le fasse seulà seul. Si vous voulez bien attendre en haut, tous les deux – il montra Harry et Hermione –, je
commencerai par Ronald.
— Nous ne bougerons pas d’ici, répliqua Harry, approuvé par Hermione qui hocha vigoureusement
la tête. Vous nous parlerez à tous les trois ensemble ou pas du tout.
Scrimgeour jaugea Harry d’un regard froid. Harry eut l’impression que le ministre se demandait s’il
valait la peine d’ouvrir déjà les hostilités.
— Très bien, dans ce cas, restons ensemble, dit-il avec un haussement d’épaules.
Il s’éclaircit la gorge avant de continuer :
— Comme vous le savez sûrement, c’est le testament d’Albus Dumbledore qui m’amène ici.
Harry, Ron et Hermione échangèrent un regard.
— Apparemment, il s’agit d’une surprise ! Vous ignoriez donc que Dumbledore vous avait légué
quelque chose ?
— À… À tous les trois ? demanda Ron. À Hermione et à moi aussi ?
— Oui, à tous les trois…
Mais Harry l’interrompit :
— Dumbledore est mort il y a plus d’un mois. Pourquoi faut-il si longtemps pour nous donner cet
héritage ?
— C’est évident, non ? intervint Hermione avant que Scrimgeour ait pu répondre. Ils voulaient
examiner ce qu’il nous a laissé. Vous n’aviez aucun droit de faire ça ! ajouta-t-elle d’une voix qui
tremblait légèrement.
— J’avais tous les droits, répliqua Scrimgeour avec dédain. Le décret sur les Confiscations légitimes
donne au ministère le pouvoir de confisquer le contenu d’un testament…
— Cette loi a été créée pour empêcher les sorciers de léguer des instruments de magie noire, objecta
Hermione, et le ministère doit d’abord posséder des preuves que les objets en possession du défunt
sont illégaux avant de les saisir ! Vous voulez insinuer que Dumbledore a essayé de nous transmettre
quelque chose de maléfique ?
— Avez-vous l’intention de faire carrière dans la justice magique, Miss Granger ? interrogeaScrimgeour.
— Non, pas du tout, répliqua Hermione. J’espère plutôt pouvoir faire un peu de bien dans le monde !
Ron éclata de rire. Scrimgeour tourna un rapide regard vers lui puis fixa à nouveau Harry lorsquecelui-ci parla :
— Alors, pourquoi avez-vous décidé maintenant que nous pouvions recevoir ce qui nous revient ?
Vous n’avez pas trouvé de prétexte pour le garder ?
— Non, c’est simplement parce que le délai de trente et un jours est écoulé, répondit aussitôtHermione. Ils ne peuvent pas conserver les objets plus longtemps à moins d’avoir pu prouver qu’ilsétaient dangereux. C’est bien ça ?
— Diriez-vous que vous étiez proche de Dumbledore, Ronald ? demanda Scrimgeour, sans prêterattention à Hermione.
Ron parut surpris.
— Moi ? Non… pas vraiment… C’était toujours Harry qui…Ron se tourna vers les deux autres et vit Hermione lui lancer un regard qui signifiait : « Tais-toi, maintenant ! » Mais le mal était déjà fait. Scrimgeour semblait avoir entendu exactement la réponse
qu’il attendait et qu’il souhaitait entendre. Il fondit sur Ron comme un rapace sur sa proie.
— Si vous n’étiez pas très proche de Dumbledore, comment expliquez-vous qu’il se soit souvenu devous dans son testament ? Le nombre de legs personnels qu’il contient est exceptionnellement réduit.La quasi-totalité de ce qu’il possédait – sa bibliothèque privée, ses instruments magiques et autres
effets personnels – revient à Poudlard. Pourquoi pensez-vous qu’il vous ait ainsi distingué ?
— Je… ne sais pas, répondit Ron. Je… Quand je disais que nous n’étions pas très proches… Je croisquand même qu’il m’aimait bien…
— Tu es trop modeste, Ron, déclara Hermione. Dumbledore avait une très grande affection pour toi.C’était repousser un peu loin les limites de la vérité. Autant que Harry pouvait le savoir, Ron etDumbledore ne s’étaient jamais trouvés seuls en tête à tête et le nombre de contacts directs qu’ilsavaient eus était négligeable. Mais, de toute façon, Scrimgeour ne semblait pas écouter. Il plongea une
main sous sa cape et en sortit une bourse à cordon beaucoup plus grande que celle offerte à Harry par
Hagrid. Il prit à l’intérieur un rouleau de parchemin qu’il déroula et lut à haute voix :
— « Dernières volontés et testament d’Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore…» Voyons… Ah,
voilà… « À Ronald Bilius Weasley, je laisse mon Déluminateur dans l’espoir qu’il se souviendra de
moi lorsqu’il s’en servira. »
Scrimgeour prit dans le sac un objet que Harry avait déjà vu auparavant : on aurait dit un petit briquet
d’argent mais il savait qu’il était doté du pouvoir d’éteindre ou de rallumer, grâce à un simple geste
du doigt, toute source de lumière proche. Scrimgeour se pencha et donna le Déluminateur à Ron qui
le retourna entre ses mains, l’air stupéfait.
— C’est un objet de grande valeur, commenta Scrimgeour en observant Ron. Peut-être même est-ilunique. En tout cas, il est certain que Dumbledore l’a conçu lui-même. Pourquoi, à votre avis, vous a-t-il légué un instrument si rare ?
Ron hocha la tête d’un air perplexe.
— Dumbledore a dû avoir des milliers d’élèves, insista Scrimgeour. Pourtant vous êtes tous les troisles seuls dont il se souvienne dans son testament. Pour quelles raisons ? Quel usage pensait-il quevous feriez de ce Déluminateur, Mr Weasley ?
— Il pensait que j’éteindrais les lumières, j’imagine, grommela Ron. À quoi ça peut servir d’autre ?
De toute évidence, Scrimgeour n’avait pas d’autre idée à proposer. Après avoir fixé Ron de ses yeuxplissés pendant quelques instants, il se pencha à nouveau sur le testament de Dumbledore.
— « À Miss Hermione Jean Granger, je lègue mon exemplaire des Contes de Beedle le Barde dansl’espoir qu’elle y trouvera de quoi se divertir et s’instruire. »
Scrimgeour sortit alors du sac un petit livre qui avait l’air aussi ancien que le volume des Secrets lesplus sombres des forces du Mal, resté dans la chambre du haut. Sa reliure était maculée et se décollaitpar endroits. Sans un mot, Hermione le prit des mains de Scrimgeour. Elle posa le livre sur ses genoux et le contempla. Harry vit que le titre était écrit en runes. Il n’avait jamais appris à les lire.
Tandis qu’il regardait la couverture, il vit une larme s’écraser sur les symboles gravés dans le cuir.
— Pourquoi pensez-vous que Dumbledore vous a laissé cet ouvrage, Miss Granger ? interrogea
Scrimgeour.
— Il… Il savait que j’aimais les livres, répondit Hermione d’une voix sourde en se tamponnant lesyeux avec sa manche.
— Mais pourquoi ce livre en particulier ?
— Je ne sais pas. Il a dû penser qu’il me plairait.
— Avez-vous jamais parlé avec Dumbledore de codes ou d’autres moyens de transmettre des
messages secrets ?
— Non, jamais, répondit Hermione qui continuait de s’essuyer les yeux avec sa manche. Et si entrente et un jours le ministère n’a découvert aucun code caché dans ce livre, je doute que j’y arrivemoi-même.
Elle étouffa un sanglot. Ils étaient si étroitement serrés les uns contre les autres que Ron eut du mal àextraire un bras pour le passer autour des épaules d’Hermione. Scrimgeour poursuivit sa lecture dutestament :
— « À Harry James Potter – Harry sentit une soudaine excitation lui contracter les entrailles –, je
lègue le Vif d’or qu’il a attrapé lors de son premier match de Quidditch à Poudlard, pour lui rappeler
ce que la persévérance et le talent apportent de récompenses et de bienfaits. »
Lorsque Scrimgeour sortit la minuscule balle d’or de la taille d’une noix, les ailes dont elle étaitpourvue battirent faiblement et Harry ne put s’empêcher d’éprouver une profonde déception.
— Pourquoi Dumbledore vous a-t-il fait don de ce Vif d’or ? demanda Scrimgeour.
— Aucune idée, répondit Harry. Pour les raisons que vous venez de lire, je suppose… Pour merappeler ce qu’on peut obtenir quand on… persévère… enfin, ce qu’il a écrit…
— Alors, vous pensez qu’il s’agit d’un simple symbole ?
— J’imagine, dit Harry. Qu’est-ce que vous voulez que ce soit d’autre ?
— C’est moi qui pose les questions, déclara Scrimgeour en rapprochant un peu son fauteuil ducanapé.
Au-dehors, c’était vraiment le crépuscule. Par les fenêtres, on apercevait les contours du chapiteau quise dressait comme un fantôme blanc au-dessus de la haie.
— J’ai remarqué que votre gâteau d’anniversaire avait la forme d’un Vif d’or, dit Scrimgeour àHarry. Pour quelle raison ?
HermioneHermione eut un rire moqueur.
— Ça ne peut certainement pas être une allusion au fait que Harry est un remarquable attrapeur, ce
serait trop évident, lança-t-elle. Il doit sûrement y avoir un message secret de Dumbledore caché dans
la crème Chantilly.
— Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit caché dans la crème, répliqua Scrimgeour, mais un Vif
d’or serait certainement une bonne cachette pour dissimuler un petit objet. Vous savez sûrement
pourquoi ?
Harry haussa les épaules. Ce fut Hermione qui répondit. Harry pensa que l’habitude de donner les
bonnes réponses aux questions était tellement ancrée en elle qu’elle s’était transformée en un besoin
irrépressible.
— Parce que les Vifs d’or ont une mémoire tactile, dit-elle.
— Quoi ? s’exclamèrent Harry et Ron d’une même voix.
Tous deux avaient toujours considéré comme négligeables les connaissances d’Hermione en matière
de Quidditch.
— Exact, répondit Scrimgeour. Avant d’être lâché, un Vif d’or n’est jamais touché à mains nues, pas
même par le fabricant, qui porte toujours des gants. Il est doté d’un enchantement lui permettant
d’identifier le premier humain qui pose la main sur lui, au cas où sa capture donnerait lieu à
contestation. Ce Vif d’or – il leva devant lui la petite balle dorée – se souviendra de votre toucher,
Potter. L’idée m’est venue que Dumbledore, qui possédait des dons magiques prodigieux quels
qu’aient été par ailleurs ses défauts, a peut-être ensorcelé ce Vif afin qu’il ne puisse s’ouvrir que pourvous.
Le cœur de Harry se mit à battre plus fort. Il était persuadé que Scrimgeour avait raison. Maiscomment éviter de prendre le Vif d’or à mains nues devant le ministre ?
— Vous restez silencieux, remarqua Scrimgeour. Peut-être savez-vous déjà ce que contient ce Vif ?
— Non, affirma Harry qui se demandait toujours comment faire semblant de prendre l’objet sans le
toucher véritablement.
Si seulement il avait su pratiquer la legilimancie, la pratiquer vraiment, il aurait pu lire les pensées d’Hermione. Il avait presque l’impression d’entendre son cerveau vibrer à côté de lui.
— Prenez-le, dit Scrimgeour à voix basse.
Harry croisa le regard aux reflets jaunes du ministre et comprit qu’il n’avait d’autre possibilité qued’obéir. Il tendit la main. Scrimgeour se pencha à nouveau et posa le Vif d’or, lentement,délibérément, dans la paume de Harry.
Rien ne se produisit. Lorsque Harry referma les doigts sur le Vif, ses ailes fatiguées battirent uninstant puis s’immobilisèrent. Scrimgeour, Ron et Hermione observaient avec des yeux avides lapetite balle à moitié cachée, comme s’ils espéraient qu’elle allait se transformer en quelque chose d’autre.
— Voilà qui est spectaculaire, dit froidement Harry.
Ron et Hermione éclatèrent de rire.
— C’est tout, maintenant ? demanda Hermione qui esquissa un geste pour s’arracher du canapé.
— Pas tout à fait, répondit Scrimgeour, avec un air de mauvaise humeur. Dumbledore vous a légué
autre chose, Potter.
— Quoi ? interrogea Harry, son excitation ravivée.
Cette fois, Scrimgeour ne prit plus la peine de lire le testament.
— L’épée de Godric Gryffondor, dit-il.
Hermione et Ron se raidirent. Harry regarda, s’attendant à voir apparaître la poignée incrustée derubis, mais Scrimgeour ne sortit pas l’épée du sac de cuir qui, d’ailleurs, ne paraissait pas assezgrand pour la contenir.
— Alors, où est-elle ? demanda Harry d’un ton soupçonneux.
— Malheureusement, répondit Scrimgeour, il n’appartenait pas à Dumbledore de faire don de cette
épée. L’épée de Godric Gryffondor est un objet d’une grande importance historique et, en tant que tel,
elle appartient à…
— Elle appartient à Harry ! s’enflamma Hermione. L’épée l’a choisi, c’est lui qui l’a trouvée, elle estsortie du Choixpeau magique pour venir à lui…
— Selon des sources historiques dignes de foi, l’épée se présente parfois à tout élève de Gryffondor
qui s’en montre digne, expliqua Scrimgeour. Cela n’en fait pas la propriété exclusive de Mr Potter,
quelle que soit la décision de Dumbledore.
Scrimgeour gratta sa joue mal rasée en scrutant le visage de Harry.
— Pourquoi pensez-vous que…
— Dumbledore ait voulu me donner l’épée ? acheva Harry, qui s’efforçait de rester calme. Peut-êtrepensait-il qu’elle irait bien sur le mur de mon salon ?
— Ce n’est pas une plaisanterie, Potter ! grogna Scrimgeour. Était-ce parce que Dumbledore croyait
que seule l’épée de Gryffondor pouvait vaincre l’héritier de Serpentard ? Souhaitait-il vous la confierparce qu’il était convaincu, comme beaucoup d’autres, que vous êtes destiné à anéantir Celui-Dont-
On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ?
— Intéressante théorie, commenta Harry. Quelqu’un a-t-il déjà tenté de passer une épée au travers du
corps de Voldemort ? Le ministère devrait peut-être envoyer quelques-uns de ses employés étudier laquestion plutôt que de leur faire perdre leur temps à démonter des Déluminateurs ou à cacher au
public les évasions d’Azkaban. C’est donc ainsi que vous occupez vos journées, monsieur le ministre,
enfermé dans votre bureau à essayer d’ouvrir un Vif d’or ? Des gens meurent, c’est ce qui a failli m’arriver, Voldemort m’a poursuivi à travers trois comtés, il a tué Maugrey Fol Œil, mais leministère n’en a pas dit un mot, n’est-ce pas ? Et vous pensez toujours que nous allons coopérer avecvous ?
— Vous allez trop loin ! s’écria Scrimgeour en se levant.
D’un bond, Harry se leva à son tour. Scrimgeour s’avança vers lui d’un pas claudicant et lui enfonça
brutalement dans la poitrine le bout de sa baguette magique. Elle perça un trou dans le T-shirt deHarry à la manière d’une brûlure de cigarette.
— Holà ! s’exclama Ron qui avait bondi, sa baguette levée. Mais Harry l’arrêta d’un geste.
— Non ! lança-t-il. Tu veux lui donner un prétexte pour nous arrêter ?
— Je vous rappelle que vous n’êtes pas retourné à l’école, reprit Scrimgeour, en respirant
bruyamment à quelques centimètres du visage de Harry. Je vous rappelle aussi que je ne suis pasDumbledore, qui pardonnait votre insolence et votre insubordination. Vous portez peut-être cettecicatrice comme une couronne, Potter, mais il n’appartient pas à un garçon de dix-sept ans de me direcomment je dois faire mon travail ! Il serait temps que vous appreniez à manifester un peu de
respect !
— Il serait temps que vous le méritiez, répliqua Harry.
Le sol vibra. Il y eut des bruits de pas précipités puis la porte du salon s’ouvrit à la volée et Mr et Mrs
Weasley entrèrent en courant.
— Nous… nous avons cru entendre…, commença Mr Weasley, l’air très inquiet en voyant Harry et le
ministre pratiquement nez à nez.
— … des éclats de voix, acheva Mrs Weasley, haletante.
Scrimgeour recula de deux pas et jeta un coup d’œil au trou qu’il avait fait dans le T-shirt de Harry. Ilsemblait regretter d’avoir perdu son calme.
— Ce… ce n’était rien, grogna-t-il. Je… je regrette votre attitude, ajouta-t-il en regardant à nouveauHarry dans les yeux. Vous avez l’air de penser que le ministère ne désire pas la même chose quevous – que Dumbledore. Nous devrions travailler ensemble.
— Je n’aime pas vos méthodes, monsieur le ministre, répondit Harry. Vous vous souvenez ?
Il leva son poing droit et montra pour la deuxième fois à Scrimgeour les cicatrices blanchâtres
qu’avaient laissées sur le dos de sa main les mots : « Je ne dois pas dire de mensonges. » Les traits de
Scrimgeour se durcirent. Il se tourna sans ajouter un mot et sortit de la pièce en boitant. Mrs Weasley
se hâta derrière lui. Harry l’entendit s’arrêter à la porte de derrière. Une minute plus tard, elle leur
cria :
— Il est parti !
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