CHAPITRE 47 SOUVENIRS

Ce chapitre est un copié collé de celui de JK Rowling, j'ai hésité à le mettre, mais outre le fait qu'il est capital dans l'histoire d'Harry Potter, je l'adore. Et j'espère que vous prendrez plaisir à le relire

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Harry sait qu'ils ont tous deux une mission à mener à bien. La sienne,  c'est d'éliminer ce serpent.
Il  Jette un coup d'oeil sur la fiole, contenant les souvenirs de Rogue. Peut être ce dernier à t'il voulu se venger de son assassin, et lui a t'il livré un moyen de tuer le serpent. Hors  si la loyauté de  Rogue, est  des plus, douteuse, ses, talents de sorcier, eux, ne sont pas surfaits.

Reculant d’un pas chancelant, Harry  a l’impression que la Grande Salle s'envole, , rapetisse, se ratatine.
Il n'arrive  plus à respirer. Il ne peut supporter de contempler les autres corps, de voir ceux qui  morts pour lui. Il ne peut  supporter l’idée de rejoindre les Weasley, de les
regarder dans les yeux, alors que s’il s’était rendu dès le début, Fred ne serait peut-être pas mort…
Il se détourne et monte quatre à quatre les marches de l’escalier de marbre. Lupin, Tonks… Son seul
désir est  de ne plus rien ressentir… Il voudrait s’arracher le cœur, les entrailles, tout ce qui crie en lui…

Le château est  entièrement vide. Même les fantômes semblent s’être joints à la veillée collective,
dans la Grande Salle. Harry court sans s’arrêter, la main crispée sur la flasque de cristal contenant
les dernières pensées de Rogue, et ne ralentit l’allure que lorsqu’il arrive devant la gargouille de
pierre qui garde  le bureau du directeur.
— Mot de passe ?
— Dumbledore ! répond Harry sans réfléchir, car c’était lui qu’il désirait voir plus que tout.

À sa grande surprise, la gargouille s’écarte  révélant l’escalier en colimaçon qui se trouve derrière.
Mais quand il fait  irruption dans le bureau circulaire, Harry constate un changement. Les tableaux
accrochés aux murs sont  tous vides. Pas un seul portrait de directeur ou de directrice n'est  resté dans son cadre. Apparemment, ils ont  filé vers les autres tableaux alignés dans le château pour pouvoir suivre de près les événements.

Harry jette un regard désespéré au cadre vide de Dumbledore, juste derrière le fauteuil du directeur,
puis il lui tourne le dos. La Pensine de pierre se trouve  dans l’armoire où elle a  toujours été rangée. Harry la soulève, la pose  sur le bureau et verse les souvenirs de Rogue dans la large bassine aux bords gravés de runes.

Fuir dans la tête de quelqu’un d’autre serait un soulagement, une
bénédiction… Rien, même si c'est  Rogue qui le lui a laissé, ne peut  être pire que ses propres pensées. Les souvenirs d’un blanc argenté se mettent  à tournoyer, étranges, et sans hésiter, avec un sentiment d’abandon dénué de toute prudence, comme si cela ça  apaiser le chagrin qui le torture Harry plonge.
Il tombe  tête la première et se retrouve en plein soleil, atterrissant sur un sol tiède. Lorsqu’il se
redresse, il s'aperçoit  qu’il est  sur un terrain de jeux presque désert. Une immense cheminée solitaire
domine  au loin l’horizon. Deux fillettes se balancent et un petit garçon efflanqué les observe,
caché derrière des buissons. Ses cheveux noirs sont  trop longs et ses vêtements si dépareillés qu’on
aurait pu croire que c'est  fait exprès : un jean trop court, une veste miteuse et trop grande, qui pourrait être  celle d’un adulte, une chemise bizarre, semblable à une blouse.

Harry s’approche du garçon. Rogue n’a pas l’air d’avoir plus de neuf ou dix ans. Il est  petit, filiforme, le teint cireux. Avec une expression d’avidité non dissimulée sur son visage maigre, il regarde la plus jeune des deux fillettes se balancer de plus en plus haut, beaucoup plus haut que sa
sœur.

— Lily, arrête ! s’écrie l’aînée.
Mais l’autre fillette lâche  la balançoire au moment où elle atteint  son point le plus élevé et s envolé  littéralement envolé , s’élançant vers le ciel dans un grand éclat de rire.

Cependant, au lieu de retomber en s’écrasant sur l’asphalte, elle poursuit  sa course, telle une trapéziste, et reste dans les airs beaucoup trop longtemps, avant d’atterrir avec beaucoup trop de légèreté pour que cela paraisse naturel.

— Maman t’a dit de ne pas faire ça !
Pétunia arrête  sa balançoire en raclant le sol avec les talons de ses sandales qui crissent par terre
puis elle se lève d’un bond, les mains sur les hanches.
— Maman a dit que tu n’a pas le droit, Lily !
— Mais tout va très bien, répliqua Lily, qui continue à glousser de rire. Et maintenant, regarde,
Tunie. Regarde ce que j’arrive à faire.

Pétunia jette un coup d’œil alentour. À part elles, et Rogue – mais les fillettes ignorent sa présence –,
le terrain de jeux est  désert. Lily  ramasse une fleur tombée du buisson derrière lequel Rogue est tapi. Pétunia s'avance , manifestement déchirée entre la curiosité et la désapprobation. Lily attend que sa sœur soit suffisamment près pour bien voir puis elle tend sa main. La fleur posée sur sa paume ouvre  et referme  ses pétales, telle une huître étrange aux multiples coquilles.

— Arrête ! s’égosille Pétunia.
— Elle ne te fera pas de mal, assura Lily, mais elle referme quand même la main sur la fleur et la jette
par terre.
— Ce n’est pas bien, dit Pétunia.
Son regard, cependant, suit la chute de la fleur et s'attarde à l’endroit où elle est tombée.
— Comment tu t’y prends ? ajouta-t-elle.
On sent une certaine envie dans sa voix.

— C’est évident, non ?
Incapable de se contenir plus longtemps, Rogue  bondit de derrière les buissons. Pétunia poussec
un cri aigu et retourne  en courant vers les balançoires. Lily, en revanche, bien que visiblement
surprise, reste où elle est . Rogue semble regretter d’être sorti de sa cachette. Il regarde  Lily et ses
joues jaunâtres se colorent d’un rouge terne.

— Qu’est-ce qui est évident ? demande Lily.
Rogue parait à la fois surexcité et intimidé. Jetant un coup d’œil à Pétunia qui tourne autour des
balançoires, un peu plus loin, il baisse la voix et murmura :
— Je sais ce que tu es.
— Comment ça ?
— Tu es… Tu es une sorcière, chuchota Rogue.
Lily parut offensée.
— Ce n’est pas très gentil de dire ça à quelqu’un !

Elle tourne la tête, levant le nez en signe de dédain, et s’éloigne à grands pas en direction de sa sœur.
— Non ! s’écrie Rogue.
Son visage a fortement rougi et Harry se demande  pourquoi il n'enlève  pas cette veste ridiculement trop grande, à moins qu’il n’ait craint de montrer la chemise en forme de blouse qu’il
porte  au-dessous. Il court  vers les fillettes, les pans de sa veste lui battant les flancs. Il a  déjà
cette apparence de chauve-souris grotesque qu’il a conservé avec l’âge.
Les deux sœurs l’observent, unies dans leur désapprobation, se tenant toutes deux à un montant des
balançoires, comme si c’était un refuge sûr dans un jeu de chat perché.

— Tu es une sorcière ! dit Rogue à Lily. Tu es une sorcière. Je l’ai bien vu, je t’observe depuis un bout
de temps. Mais il n’y a rien de mal à ça. Ma mère aussi en est une et moi, je suis un sorcier.
Le rire de Pétunia eut l’effet d’une douche froide.
— Un sorcier ! s’écria-t-elle.
Elle retrouvait tout son courage, maintenant qu’elle avait surmonté le choc de son apparition soudaine.
— Je sais qui tu es. Tu es le fils Rogue ! Ils habitent dans l’impasse du Tisseur, près de la rivière, dit- elle à Lily.
D’après le ton de sa voix, il est  clair qu’elle considére l’adresse comme peu recommandable.
— Pourquoi tu nous espionnais ?
— Je ne vous espionnais pas, répliqua Rogue.

Les cheveux sales, il avait chaud et il était mal à l’aise sous le soleil brillant.
— De toute façon, ce n’est pas toi que j’aurais espionnée, ajouta-t-il d’une voix méchante. Toi, tu es une Moldue.
Bien que, de toute évidence, Pétunia n’eût pas compris le mot, le ton ne pouvait la tromper.

— Lily, viens, on s’en va ! dit-elle d’une petite voix perçante. Lily obéit aussitôt à sa sœur et lance à Rogue un coup d’œil furieux en s’éloignant. Il les regarde franchir d’un pas vif l’entrée du terrain de jeux et Harry, resté seul à l’observer, remarque l’amère déception de Rogue, comprenant qu’il a préparé ce moment depuis un certain temps. Mais tout s'est  mal passé…

L’image qu’il a devant les yeux se dissipe et avant que Harry s’en soit rendu compte, un autre décor s'est  déjà constitué autour de lui. Il se trouve à présent dans un petit bosquet d’arbres et voient  entre les troncs, une rivière scintiller au soleil. Les ombres projetées par les feuillages forment comme un bassin de fraîcheur verte, à l’abri du soleil. Deux enfants sont assis en tailleur
sur te sol, face à face. Rogue a enlevé sa veste, à présent. Son étrange blouse parait moins insolite dans la demi-obscurité.

— … et le ministère peut te punir si tu fais de la magie en dehors de l’école, tu reçois des lettres.
— Mais moi, j’ai fait de la magie en dehors de l’école !
— Nous, ça va. On n’a pas encore de baguette. Ils te laissent tranquille quand tu es un enfant et que tu
n’y peux rien. Mais dès qu’on a onze ans – il hoche la tête d’un air important –, et qu’ils commencent
à nous apprendre des choses, il faut être prudent.

Il y eut un bref silence. Lily a ramassé une brindille qu’elle fait tournoyer en l’air et Harry sait qu’elle imagine une traînée d’étincelles jaillissant à son extrémité. Puis elle laisse tomber la
brindille, se penche vers le garçon, et demande :
— C’est vrai, hein ? Ce n’est pas une blague ? Pétunia dit que tu me mens. Pétunia dit que Poudlard
n’existe pas. Mais c’est vrai, n’est-ce pas ?
— C’est vrai pour nous, répondit Rogue. Pas pour elle. Mais toi et moi, nous recevrons la lettre.
— Vraiment ? murmure Lily.
— Sûr et certain, affirme Rogue.
En dépit de ses cheveux mal coupés et de ses vêtements bizarres, il parait étrangement impressionnant, étalé devant elle, débordant de confiance en son destin.

— Et c’est vraiment un hibou qui apportera la lettre ? chuchote Lily.
— Normalement, oui, assure Rogue. Mais tu es née moldue, il y aura donc quelqu’un de l’école qui
viendra expliquer tout ça à tes parents.
— Est-ce que ça fait vraiment une différence d’être née moldue ?
Rogue hésite. Dans l’ombre verte des arbres, ses yeux noirs se posent avec ardeur sur le visage au teint pâle, les cheveux d’un roux foncé.
— Non, répondit-il, ça ne fait aucune différence.
— Très bien, dit Lily en se détendant.
Manifestement, elle s'est  inquiétée à ce sujet.
— Il y a beaucoup de magie en toi, reprit Rogue. Je l’ai vu. Pendant tout le temps où je t’ai observée…
Sa voix se perd. Elle ne l’écoute plus, elle s'est  étendue dans l’herbe et contemple les feuillages
qui forment comme une voûte au-dessus de sa tête. Il la regarde avec la même avidité que lorsqu’il
l’épiait sur le terrain de jeux.
— Comment ça va, chez toi ? demanda Lily.
Un pli apparut entre les yeux de Rogue.
— Très bien, dit-il.
— Ils ne se disputent plus ?
— Oh, si, ils continuent.

Rogue ramasse une poignée de feuilles et se met  à les déchirer, sans paraître conscient de ce qu’il fait.
Mais ce ne sera plus très long, maintenant. Je partirai bientôt.
— Ton père n’aime pas la magie ?
— Il n’aime pas grand-chose, répondit Rogue.
— Severus ?
Un petit sourire tord les lèvres de Rogue lorsqu’elle prononce son nom.
— Oui ?
— Parle-moi encore des Détraqueurs.
— Pourquoi tu t’intéresses à eux ?
— Si je pratique la magie en dehors de l’école…
— Ils ne t’enverront pas chez les Détraqueurs pour ça ! Les Détraqueurs, c’est pour les gens qui font vraiment quelque chose de mal. Ils sont les gardiens d’Azkaban, la prison des sorciers. Tu ne finiras
pas à Azkaban, tu es trop…

Il rougit à nouveau et lacére d’autres feuilles entre ses doigts. Puis un léger bruissement, derrière Harry, le fait se retourner : Pétunia, qui s'est  cachée derrière un arbre, vient  de perdre l’équilibre.
— Tunie ! s’exclame Lily.
Sa voix exprime la surprise et le contentement de la voir apparaître. Rogue, lui, s'est  relevé d’un
bond.
— Qui est-ce qui espionne l’autre, maintenant ? s’écria-t-il. Qu’est-ce que tu veux ?
Pétunia a le souffle court, affolée d’avoir été découverte. Harry voit qu’elle s’efforce de
trouver quelque chose de blessant à dire.
— Avec quoi tu t’es habillé, d’abord ? demanda-t-elle en montrant la chemise de Rogue. Le corsage
de ta mère ?
Il y eut un crac ! Une branche au-dessus de la tête de Pétunia est  tombée. Lily pousse un hurlement.
La branche à heurté l’épaule de sa sœur qui recule d’un pas chancelant et fond en larmes.
— Tunie !
Mais Pétunia s’enfuit déjà. Lily se tourne vers Rogue.
— C’est toi qui as fait ça ?
— Non.
Le défi et la peur se mêlent dans sa voix.
— Si, c’est toi !
Elle s’écarte de lui à reculons.
— C’est toi ! Tu lui as fait mal !
— Non… Non, ce n’est pas moi !

Mais Lily ne se laisse pas convaincre par son mensonge. Elle lui lance un dernier regard flamboyant
puis s’enfuit à son tour du petit bosquet, courant après sa sœur, et Rogue reste là, malheureux,
désemparé…

Le décor change à nouveau. Jetant un coup d’œil, Harry voit qu’il est  sur le quai de la voie 9 ¾
Rogue se tient  à côté de lui, les épaules légèrement voûtées, en compagnie d’une femme mince, le
visage cireux, l’air revêche, qui lui ressemble beaucoup. Rogue observe une famille de quatre
personnes, un peu plus loin. Deux fillettes se tiennent un  peu à l’écart de leurs parents. Lily semble
implorer sa sœur. Harry s’approche pour écouter.
— … Je suis désolée, Tunie, désolée !
Elle lui prend la main et la serre  étroitement, bien que Pétunia essaie  de se dégager.
— Peut-être que quand je serai là-bas… Écoute-moi, Tunie. Peut-être que quand je serai là-bas, je
pourrai aller voir le professeur Dumbledore et le convaincre de changer d’avis !
— Je ne… veux… pas… y aller ! répond Pétunia.
Elle s'efforce  d’arracher sa main à l’étreinte de sa sœur.
— Tu crois que j’ai envie de me retrouver dans un stupide château pour apprendre à être une… une…
Son regard pâle erre sur le quai, sur les chats qui miaulaient dans les bras de leurs propriétaires, sur les hiboux qui échangent des hululements en voletant dans leurs cages, sur les élèves, certains déjà vêtus de leurs longues robes noires, chargeant leurs grosses valises dans le train à la locomotive écarlate ou se saluant avec des cris joyeux, contents de se retrouver après la séparation de l’été.

— … Tu veux que je devienne un… un monstre ?
Les yeux de Lily se remplissent de larmes et Pétunia parvient à dégager sa main de celle de sa sœur.
— Je ne suis pas un monstre, répondit Lily. C’est horrible de dire ça.
— En tout cas, c’est chez eux que tu vas, répliqua Pétunia avec délices. Une école spéciale pour les monstres. Toi et ce petit Rogue… Des cinglés, voilà ce que vous êtes, tous les deux. Heureusement qu’on vous sépare des gens normaux. C’est pour notre sécurité à nous.

Lily lance un coup d’œil à ses parents. Ils regardent autour d’eux avec un plaisir sans réserve, se délectant de ce qu’ils voient. Puis elle se tourne à nouveau vers sa sœur et parle d’une voix basse,
féroce :
— Tu ne pensais pas tellement que c’était une école de monstres quand tu as écrit au directeur pour le
supplier de te prendre comme élève.
Pétunia devint écarlate.
— Supplier ? Je ne l’ai pas supplié du tout !
— J’ai vu qu’il t’avait répondu. C’était gentil de sa part.
— Tu n’aurais pas dû la lire…, murmure Pétunia. Cette lettre était personnelle… Comment as-tu pu…
Lily se trahit en jetant un vague regard vers l’endroit où se tient Rogue. Pétunia sursaute.

— C’est lui qui l’a trouvée ! Toi et ce garçon, vous êtes entrés en douce dans ma chambre !
— Non… pas en douce…
Lily est  sur la défensive, à présent.
— Severus a vu l’enveloppe et il n’arrivait pas à croire qu’une Moldue ait pu entrer en contact avec
Poudlard, voilà tout ! Il a dit qu’il devait y avoir des sorciers qui travaillent clandestinement à la poste
et qui s’occupent d’envoyer…
— Apparemment, les sorciers mettent leur nez partout, l’interrompit Pétunia, qui avait maintenant pâli
autant qu’elle avait rougi précédemment. Monstre, cracha-t-elle avant de retourner à grands pas vers
ses parents…

Le décor s’efface une nouvelle fois. À présent, Rogue se hâte le long d’un couloir du Poudlard Express qui bringueballe à travers la campagne. Il a déjà mis sa robe de l’école, peut-être même est-ce la première fois qu’il à  l’occasion de se débarrasser de ses horribles vêtements de Moldu.

Il s’arrête devant un compartiment où a pris place un groupe de garçons chahuteurs, absorbés dans leur conversation. Pelotonnée dans un coin, à côté de la fenêtre, Lily était assise, le front contre la vitre.
Rogue fait  coulisser la porte du compartiment et s’installe face à Lily. Elle lui jette un coup d’œil puis
se tourne à nouveau vers la fenêtre. Elle a pleuré.
— Je ne veux pas te parler, dit-elle d’une voix étranglée.
— Pourquoi ?
— Tunie me d… déteste. Parce qu’on a vu la lettre de Dumbledore.
— Et alors ?
Elle le regarde avec un air de profonde répugnance.
— Et alors, c’est ma sœur !
— Elle n’est qu’une…
Il se rattrape à temps. Lily, trop occupée à s’essuyer les yeux sans qu’on la remarque, ne l'entend
pas.
— En tout cas, on y va ! s’exclama Rogue, incapable de dissimuler le ton euphorique de sa voix. Ça y
est ! Nous sommes en route pour Poudlard !

Elle acquiesce d’un signe de tête en se tamponnant les yeux et esquisse un sourire malgré elle.
— Il vaut mieux être à Serpentard, poursuit Rogue, encouragé par l’expression un peu plus engageante de Lily.

— Serpentard ?
Dans le compartiment, l’un des garçons qui, jusqu’à présent, n’a pas manifesté pour eux le moindre intérêt tourne la tête en entendant ce nom. Harry, dont l’attention s'est entièrement concentrée sur Lily et Rogue, voit  alors son père : il est  mince et a les cheveux noirs, comme
Rogue, mais il donne l’impression indéfinissable d’être aimé, adoré même, ce qui n'est évidemment pas le cas de Rogue.
— Qui a envie d’être un Serpentard ? Moi, je préférerais quitter l’école, pas toi ? demande James au garçon qui se prélasse sur la banquette d’en face.
Avec un sursaut, Harry reconnaît  Sirius. Sirius ne sourit pas.

— Toute ma famille était à Serpentard, répond-il.
— Nom de nom ! s’exclame James. Et moi qui croyais que tu étais quelqu’un de bien !
Sirius a enfin un sourire.
— Peut-être que je ferai une entorse à la tradition. Où veux-tu être, si tu as le choix ?
James souleve une épée invisible.
— Si vous allez à Gryffondor, vous rejoindrez les courageux ! Comme mon père.
Rogue émet  une petite exclamation méprisante. James reporte son attention sur lui.
— Ça te pose un problème ?
— Non, répond Rogue, bien que son léger ricanement indique le contraire. Si tu préfères le biceps à l’intellect…
— Et toi, où comptes-tu aller, étant donné que tu n’as ni l’un ni l’autre ? lance Sirius.

James éclate de rire. Lily se redresse le teint rougissant, et regarde successivement James et Sirius
avec hostilité.
— Viens, Severus, on va changer de compartiment.
— Oooooooh…
James et Sirius imitèrent sa voix hautaine. James essaie de faire un croche-pied à Rogue lorsqu’il
passe devant lui.
— À bientôt, Servilus ! lança une voix, au moment où la porte du compartiment se referme bruyamment.

Une fois de plus, l’image s’efface…
Harry, maintenant, est  juste derrière Rogue, face aux tables de la Grande Salle autour desquelles s’alignent des visages subjugués. Le professeur McGonagall annonça :
— Evans, Lily !
Il regarde sa mère s’avancer, les jambes tremblantes, et s’asseoir sur le tabouret branlant. Le professeur McGonagall pose sur sa tête le Choixpeau magique. Une seconde à peine après être entré en contact avec la chevelure roux foncé, le chapeau s’écrie :
— Gryffondor !

Harry entend Rogue pousser un petit grognement. Lily enlève le chapeau, le rend au professeur
McGonagall, puis se précipite vers les Gryffondor qui l’accueillent avec des acclamations. Au passage, elle jette  un coup d’œil à Rogue et a un petit sourire triste. Harry voit  Sirius se pousser sur le banc pour lui faire de la place. Elle lui lance  un regard, semble le reconnaître pour l’avoir déjà vu dans le train, croise les bras et lui tourne résolument le dos.
L’appel continue. Harry regarde  Lupin, Pettigrow et son père rejoindre Lily et Sirius à la table des Gryffondor. Enfin, lorsqu’il ne reste plus qu’une douzaine d’élèves à répartir, le professeur
McGonagall appele Rogue.
Harry le suit jusqu’au tabouret et l’observe quand il pose le chapeau sur sa tête.
— Serpentard ! s’écria le Choixpeau magique.

Severus Rogue se dirige de l’autre côté de la Grande Salle, loin de Lily, vers les Serpentard qui l’applaudissent. Lucius Malefoy, un insigne de préfet brillant sur sa poitrine, tapote l’épaule de Rogue lorsqu’il s’assoit à côté de lui…

Nouveau changement de décor…
Lily et Rogue traversent la cour du château. De toute évidence, ils se disputent. Harry se dépêche
de les rattraper afin d’entendre ce qu’ils disent. Lorsqu’il arrive à leur hauteur, il s'aperçoit  qu’ils
Ont  beaucoup grandi : plusieurs années semblaient avoir passé depuis leur Répartition.

— … pensais que nous étions amis ? déclare Rogue. Et même les meilleurs amis, non ?
— C’est vrai, Sev, mais je n’aime pas certaines personnes que tu fréquentes ! Je suis désolée, je
déteste Avery et Mulciber ! Mulciber ! Qu’est-ce que tu lui trouves, Sev ? Il me donne la chair de poule ! Tu sais ce qu’il a essayé de faire à Mary Macdonald, l’autre jour ?

Lily s'est approchée d’un pilier et s’y adosse, observant le visage mince et cireux.
— Ce n’était rien, assura Rogue. Une simple plaisanterie, rien de plus…
— C’était de la magie noire. Si tu trouves ça drôle…
— Et tout ce que font Potter et ses copains ? réplique Rogue.
Son visage se colore à nouveau. Il est apparemment incapable de contenir sa rancœur.
— Qu’est-ce que Potter a à voir là-dedans ? s’étonne Lily.
— Ils sortent en douce la nuit. Il y a quelque chose de bizarre chez ce Lupin. Où va-t-il comme ça ?
— Il est malade, répond Lily. C’est ce qu’on dit…
— Tous les mois à la pleine lune ?
— Je connais ta théorie, reprit Lily, d’un ton glacial. D’ailleurs, pourquoi es-tu tellement obsédé par
eux ? Pourquoi t’occupes-tu de ce qu’ils fabriquent la nuit ?
— J’essaye simplement de te montrer qu’ils ne sont pas aussi merveilleux que tout le monde semble le croire.
L’intensité du regard de Rogue fait  rougir Lily.
— Eux, au moins, ne pratiquent pas la magie noire.
Elle baissa la voix.

— Et tu es bien ingrat. J’ai entendu parler de ce qui s’est passé l’autre nuit. Tu t’es faufilé dans ce
tunnel, sous le Saule cogneur, et James Potter t’a sauvé de ce qu’il y a là-bas…
Les traits de Rogue se déforment et il bredouille :
— Sauvé ? Sauvé ? Tu crois qu’il jouait les héros ? C’était sa peau qu’il sauvait et celle de ses amis !
Tu ne vas pas… Je ne te permettrai pas…
— Me permettre ? Me permettre ?
Les yeux d’un vert brillant de Lily ne sont plus que deux fentes. Rogue bat aussitôt en retraite.
— Je ne voulais pas dire… Simplement, je ne veux pas que le ridicule te… Tu lui plais, tu lui plais, à James Potter !

Les mots semblent lui avoir été arrachés de la bouche contre son gré.
— Et il n’est pas… Tout le monde pense… Le grand héros du Quidditch…

L’amertume de Rogue, son aversion le rendent incohérent et les sourcils de Lily se haussent de plus en plus à mesure qu’il parle.
— Je sais que James Potter est un voyou arrogant, l’interromp Lily. Je n’ai pas besoin de toi pour
me le dire. Mais l’idée que se font Mulciber et Avery de l’humour relève de la pure et simple malfaisance. La malfaisance, Sev. Je ne comprends pas comment tu peux être ami avec eux.

Harry doute  que Rogue ait entendu les critiques de Lily à l’égard de Mulciber et d’Avery. Dès l’instant où elle a  insulté James Potter, le corps de Rogue s'est  détendu et lorsqu’ils marchent à nouveau côte à côte, son pas parait plus léger…

Une fois de plus, le décor s’efface…
Rogue apparaît à nouveau devant Harry. Il quitte la Grande Salle après avoir passé son épreuve de
BUSE en défense contre les forces du Mal. Harry le voit  sortir du château et se hasarder par inadvertance près du hêtre sous lequel James, Sirius, Lupin et Pettigrow sont  assis. Mais cette
fois, Harry reste à l’écart. Il sait  comment les choses se sont passées après que James ait ridiculisé Rogue en lui jetant un sort qui l’a  suspendu en l’air, la tête en bas. Il sait  ce qui a
été fait et dit, et n'aurait  éprouvé aucun plaisir à revoir la scène. Il regarde Lily se joindre au groupe
et prendre la défense de Rogue. À distance, il entend ce dernier lui crier, dans sa rage et son humiliation, le mot impardonnable : « Sang-de-Bourbe ».

Nouveau changement de décor…
— Je suis désolé.
— Ça ne m’intéresse pas.
— Je suis désolé !
— Épargne ta salive.
C'est  le soir. Lily, vêtue d’une robe de chambre, se tient, les bras croisés, devant le portrait de la grosse dame, à l’entrée de la tour de Gryffondor.
— Je suis sortie seulement parce que Mary m’a dit que tu menaçais de dormir ici.
— C’est vrai. Je l’aurais fait. Je n’ai jamais eu l’intention de te traiter de Sang-de-Bourbe, ça m’a simplement…
— Échappé ?
Il n’y à aucune pitié dans la voix de Lily.
— Il est trop tard. Pendant des années, je t’ai trouvé des excuses. Aucun de mes amis ne comprend
pourquoi j’accepte encore de te parler. Toi et tes chers amis Mangemorts… Tu vois, tu ne le nies
même pas ! Tu ne nies même pas que vous avez tous l’ambition de le devenir ! Vous avez hâte de
rejoindre Tu-Sais-Qui, n’est-ce pas ?
Il ouvre la bouche puis la referme sans avoir prononcé un mot.
— Je ne peux plus faire semblant. Tu as choisi ta voie, j’ai choisi la mienne.
— Non… Écoute, je ne voulais pas…
— … me traiter de Sang-de-Bourbe ? Mais tu traites de Sang-de-Bourbe tous les gens qui sont de même naissance que moi, Severus. Pourquoi serais-je différente ?

Luttant avec lui-même, il est sur le point de parler. Mais avec un regard méprisant, Lily tourne les
talons et se glisse par le trou du portrait…
Le couloir disparait et le décor suivant met  un peu plus longtemps à se constituer. Harry a
l’impression de voler parmi des formes et des couleurs changeantes jusqu’à ce que les choses se
solidifient à nouveau autour de lui. Il se retrouve alors au sommet d’une colline, froide et désolée
dans l’obscurité, le vent sifflant à travers les branches de quelques arbres sans feuilles. Rogue, adulte
à présent, tourne  sur lui-même, le souffle court. Sa baguette magique étroitement serrée dans sa
main, il attend quelque chose ou quelqu’un… Harry se sent contaminé par sa peur, même s’il
sait qu’il ne risque  rien, et il regarde par-dessus son épaule en se demandant ce que Rogue
attend ainsi…

Puis un éclair blanc, aveuglant, en forme de ligne brisée, traverse l’atmosphère. Harry croit que c'est
la foudre mais Rogue est  tombé à genoux et sa baguette lui a sauté des mains.
— Ne me tuez pas !
— Ce n’était pas mon intention.
Le bruit qu’a dû faire Dumbledore en transplanant a été couvert par le sifflement du vent dans les branches. Il se tient devant Rogue, les pans de sa robe claquant autour de lui, le visage éclairé par-dessous, à la lumière que projeté sa baguette.
— Eh bien, Severus ? Quel est le message que Lord Voldemort veut me transmettre ?
— Pas… Pas de message… Je suis venu ici de ma propre initiative !
Rogue se tord les mains. Il parait un peu fou, avec ses cheveux noirs en bataille qui voletent autour de lui.
— C’est… C’est une mise en garde… non, plutôt une demande… S’il vous plaît…
Dumbledore donne un petit coup de baguette. Les feuilles et les branches continuent de voler autour
d’eux, portées par le vent nocturne, mais le silence tombe à l’endroit précis où Rogue et lui se
font  face— Quelle demande pourrait donc me faire un Mangemort ?

— La… La prophétie… la prédiction… de Trelawney…
— Ah, oui, dit Dumbledore. Qu’avez-vous communiqué à Lord Voldemort ?
— Tout… Tout ce que j’ai entendu ! répond Rogue. C’est pourquoi… c’est pour cette raison… Il
pense qu’il s’agit de Lily Evans !
— La prophétie ne mentionne pas une femme, fit observer Dumbledore. Elle parlait d’un garçon né à la fin du mois de juillet…
— Vous savez bien ce que je veux dire ! Il pense que c’est son fils, il va la traquer… les tuer tous…
— Si elle a tant d’importance à vos yeux, reprit Dumbledore, Lord Voldemort l’épargnera sûrement.
Ne pouvez-vous lui demander la grâce de la mère en échange de son fils ?
— Je… Je l’ai déjà demandée…
— Vous me dégoûtez ! coupa Dumbledore.

Harry n’a jamais entendu un tel mépris dans sa voix. Rogue semble se ratatiner.
— Vous ne vous souciez donc pas de la mort de son mari et de son enfant ? Ils peuvent bien disparaître, du moment que vous obtenez ce que vous voulez ?

Rogue reste silencieux. Il se contente de lever les yeux vers Dumbledore.
— Cachez-les tous, dans ce cas, dit-il d’une voix rauque. Mettez-la… mettez-les… à l’abri. S’il vous
plaît.
— Et que me donnerez-vous en échange, Severus ?
— En… En échange ?
Rogue regarde Dumbledore bouche bée. Harry s’attend à l’entendre protester mais au bout d’un
long moment, il ajouta :
— Ce que vous voudrez.

Le sommet de la colline s’estompe et Harry se retrouve dans le bureau de Dumbledore. Il entend un
son horrible, comme la plainte d’un animal blessé. Rogue est  affalé dans un fauteuil, le visage entre
les mains, et Dumbledore se tient  devant lui, la mine sinistre. Au bout d’un moment, Rogue relève la
tête. Depuis qu’il a quitté le sommet de la colline désolée, il a l’air d’un homme qui aurait
vécu un siècle de misère.
— Je croyais… que vous alliez la mettre… en sûreté…
— James et elle ont accordé leur confiance à quelqu’un qui ne la méritait pas, répond Dumbledore
Un peu comme vous, Severus. N’espériez-vous pas que Lord Voldemort l’épargnerait ?

Rogue avait du mal à respirer.
— Son fils a survécu, poursuivit Dumbledore.
Rogue a un petit mouvement de tête, comme s’il chasse une mouche exaspérante.
— Son fils a survécu. Il a ses yeux, exactement les mêmes. Vous vous souvenez sûrement de la forme
et de la couleur des yeux de Lily Evans ?
— ARRÊTEZ ! beugle Rogue. Partie… Morte…
— Serait-ce du remords, Severus ?
— Je voudrais… Je voudrais, moi, être mort…
— Et en quoi cela servirait-il à qui que ce soit ? interroge Dumbledore avec froideur. Si vous aimiez
Lily Evans, si vous l’aimiez vraiment, la voie qui s’offre à vous est toute tracée.

Le regard de Rogue semble perdu dans une brume de douleur et on a l’impression que les paroles de Dumbledore mettent  longtemps à l’atteindre.
— Que… Que voulez-vous dire ?
— Vous savez comment et pourquoi elle est morte. Faites en sorte que cela n’ait pas été en vain.
Aidez-moi à protéger le fils de Lily.
— Il n’a pas besoin de protection, le Seigneur des Ténèbres n’est plus là…
— Le Seigneur des Ténèbres reviendra, et un terrible danger menacera alors Harry Potter.
Il y a un long silence et Rogue reprend lentement le contrôle de lui-même, maîtrisant sa respiration.
Enfin, il parle à nouveau :
— Très bien, très bien. Mais ne le dites jamais à personne, Dumbledore, jamais à personne ! Cela doit
rester entre nous ! Jurez-le ! Je ne peux pas supporter… Surtout le fils de Potter… Je veux votre parole !
— Vous voulez ma parole, Severus, que je ne révélerai jamais ce qu’il y a de meilleur en vous ?
soupire Dumbledore en baissant les yeux sur le visage à la fois féroce et angoissé de Rogue. Si vous
insistez…

Le bureau s’efface et se reconstitue aussitôt. Cette fois, Rogue fait les cent pas devant Dumbledore.
— … médiocre, aussi arrogant que son père, décidé à ne tenir compte d’aucune règle, ravi de découvrir qu’il est célèbre, cherchant toujours à se rendre intéressant, impertinent…
— Vous voyez uniquement ce que vous vous attendiez à voir, Severus, répond Dumbledore sans
lever les yeux de son numéro du Mensuel de la métamorphose. D’autres enseignants affirment que ce
garçon est modeste, sympathique et raisonnablement doué. À titre personnel, je le trouve assez attachant.
Dumbledore tourne une page de son magazine et ajoute, toujours sans lever la tête :
— Surveillez un peu Quirrell, voulez-vous ?

Il y a un tourbillon de couleur, tout devient plus sombre et Rogue réapparaît  non loin de Dumbledore,
tandis que les derniers retardataires du bal de Noël passent devant eux en allant se coucher.
— Alors ? murmure Dumbledore.
— La Marque de Karkaroff devient également plus nette. Il est paniqué, il a peur des représailles.
Vous savez toute l’aide qu’il a apportée au ministère après la chute du Seigneur des Ténèbres.
Rogue lance un regard en biais vers le profil au nez aquilin de Dumbledore.
— Karkaroff a l’intention de prendre la fuite si la Marque le brûle.
— Vraiment ? répond Dumbledore d’une voix douce, alors que Fleur Delacour et Roger Davies
reviennent du parc en gloussant de rire. Et vous avez l’intention de l’imiter ?
— Non, répond Rogue, ses yeux noirs suivant les silhouettes de Fleur et de Roger qui s’éloignent.
Je ne suis pas un lâche.
— En effet, approuve Dumbledore. Vous êtes plus courageux, et de très loin, qu’Igor Karkaroff. Vous
savez, parfois, je pense que nous répartissons un peu trop tôt…
Il s’en alla, laissant Rogue désemparé…

À présent, Harry est  de retour dans le bureau du directeur. C'est  la nuit et Dumbledore s'est affaissé de côté dans son fauteuil en forme de trône, derrière sa table, l’air à moitié inconscient. Sa main droite, noircie, brûlée, pend par-dessus l’accoudoir. Rogue marmonne des incantations,
pointant sa baguette sur le poignet meurtri pendant que, de sa main gauche, il penche au-dessus des
lèvres de Dumbledore une coupe remplie d’une épaisse potion dorée. Au bout d’un certain temps, les
paupières de Dumbledore frémissent et s’ouvrent.
— Pourquoi, dit Rogue sans préambule, pourquoi avez-vous mis cette bague ? Elle est frappée d’un
maléfice, vous vous en êtes sûrement rendu compte. Pourquoi même y avez-vous touché ?
La bague de Marvolo Gaunt est  posée sur le bureau, devant Dumbledore. Elle est fendue, l’épée de
Gryffondor à côté d’elle.
Dumbledore fait une grimace.
— J’ai… été stupide. J’étais terriblement tenté…
— Tenté par quoi ?
Dumbledore ne répond pas.
— C’est un miracle que vous ayez réussi à revenir ici !
Rogue paraît  furieux.
— Cette bague porte en elle un maléfice d’une extraordinaire puissance, tout ce que nous pouvons
espérer, c’est d’en limiter les effets. Pour l’instant, j’ai enfermé le sortilège dans une seule main…
Dumbledore lève sa main noircie, devenue inutile, et l’examine avec l’expression de quelqu’un à qui
on montre un intéressant bibelot.
— Vous avez très bien fait, Severus. Combien de temps me reste-t-il, à votre avis ?
Dumbledore parle sur le ton de la conversation. Il aurait pu tout aussi bien demander les prévisions
météorologiques. Rogue hésite, puis répond :
— Je ne saurais le dire. Peut-être un an. On ne peut arrêter indéfiniment un tel sortilège. Il finira par se répandre, c’est le genre de maléfice qui se renforce avec le temps.
Dumbledore sourit. Apprendre qu’il lui reste moins d’un an à vivre ne semble guère le préoccuper,
et même pas du tout.
— J’ai de la chance, beaucoup de chance, de vous avoir, Severus.
— Si seulement vous m’aviez appelé un peu plus tôt, j’aurais pu faire davantage, vous gagner un peu
plus de temps ! réplique Rogue avec colère.
Il regarde la bague fendue et l’épée.
— Pensiez-vous que briser la bague briserait le maléfice ?
— Quelque chose comme ça… J’étais en plein délire, sans nul doute…, dit Dumbledore.
Au prix d’un gros effort, il se redresse dans son fauteuil.
— En fait, voilà qui rend les choses plus simples.
Rogue paraît  éminemment perplexe. Dumbledore sourit.
— Je veux parler du plan que Voldemort a échafaudé à mon intention. Son plan pour amener le
malheureux Malefoy à me tuer.
Rogue s’assoit  dans le fauteuil que Harry a si souvent occupé, face au bureau du directeur. Harry
voit bien qu’il  voudrait en dire plus au sujet de la main blessée de Dumbledore mais, d’un geste
de cette même main, celui-ci refuse poliment d’en parler plus longtemps. Le visage renfrogné, Rogue
déclare :
— Le Seigneur des Ténèbres ne s’attend pas à ce que Drago réussisse. Il s’agit d’un simple châtiment
destiné à punir les récents insuccès de Lucius. Une torture lente pour que ses parents voient Drago échouer et en payer le prix.
— En résumé, ce garçon est condamné à mort aussi surement que moi, dit Dumbledore. J’aurais
tendance à croire que le successeur naturel pour accomplir ce travail, une fois que Drago aura échoué, sera vous-même ?
Il y a un bref silence.
— Je pense que c’est le plan du Seigneur des Ténèbres.
— Lord Voldemort prévoit donc que, dans un avenir proche, il n’aura plus besoin d’espion à Poudlard ?
— Il estime en effet que l’école tombera bientôt sous sa coupe.
— Et si elle tombe sous sa coupe, reprit Dumbledore, presque en aparté, semble -il, j’ai votre parole
que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour protéger les élèves de Poudlard ?
Rogue acquiesce en hochant la tête avec raideur.
— Bien. Alors, voilà. Votre première priorité sera de découvrir ce que prépare Drago. Un adolescent
apeuré est un danger pour les autres comme pour lui-même. Offrez-lui une aide et des conseils, il devrait accepter, il vous aime bien…
— … Beaucoup moins depuis que son père est en disgrâce. Drago m’en rend responsable, il pense que j’ai usurpé la position de Lucius.
— Essayez quand même. Je suis moins inquiet pour moi que pour les éventuelles victimes des
stratagèmes auxquels ce garçon pourrait avoir recours. Bien entendu il n’y aura qu’une seule chose à
faire, en définitive, si nous voulons le sauver de la colère de Lord Voldemort.
Rogue hausse les sourcils et demande d’un ton railleur :
— Vous avez l’intention de le laisser vous tuer ?
— Certainement pas. C’est vous qui devrez me tuer.
Un long silence s’installe, brisé seulement par l’étrange claquement que produit Fumseck le phénix
en donnant des coups de bec dans un os de seiche.
— Vous voulez que je le fasse maintenant ? interrogé Rogue, d’un ton chargé d’ironie. Ou
souhaitez-vous que je vous accorde quelques instants de répit pour composer une épitaphe ?
— Oh, nous ne sommes pas pressés, répondit Dumbledore en souriant. J’imagine que l’occasion se
présentera le moment venu. Étant donné ce qui s’est passé ce soir – il montra sa main desséchée –, on
peut être sûr que cela arrivera d’ici un an.
— Si mourir ne vous gêne pas, lança Rogue d’un ton rude, pourquoi ne pas laisser Drago se charger de  vous tuer ?
— L’âme de ce garçon n’est pas encore trop abîmée, assura Dumbledore. Je ne voudrais pas qu’elle soit ravagée à cause de moi.
— Et mon âme à moi, Dumbledore ? La mienne ?
— Vous seul pouvez savoir si le fait d’aider un vieil homme à échapper à la douleur et à l’humiliation affectera votre âme, répondit-il. Je vous demande cette grande et unique faveur, Severus, car la mort
vient à moi aussi sûrement que les Canons de Chudley arriveront derniers du championnat cette
année. Je dois vous avouer que je préférerais une sortie rapide et indolore plutôt que longue et
répugnante si, par exemple, Greyback s’en mêlait – j’ai entendu dire que Voldemort l’avait pris à son
service ? Ou encore, si j’avais affaire à cette chère Bellatrix qui aime bien jouer avec la nourriture avant de la manger.
Il avait le ton léger mais ses yeux bleus transperçaient Rogue à la manière dont ils avaient si souvent
transpercé Harry, comme si l’âme dont il s’agissait lui était visible. Enfin, Rogue acquiesça à nouveau d’un bref signe de tête.
Dumbledore parut satisfait.
— Merci, Severus…

Le bureau disparaît. À présent, Rogue et Dumbledore, côte à côte, se promènent au crépuscule dans
le parc désert du château.
— Qu’est-ce que vous faites avec Potter pendant toutes ces soirées où vous êtes enfermés tous les
deux ? demande brusquement Rogue.
Dumbledore a un air las.
— Pourquoi ? Vous voudriez lui infliger encore plus de retenues, Severus ? Ce garçon aura bientôt
passé plus de temps en retenue que dehors.
— On dirait que c’est son père qui est revenu…
— Dans son apparence physique, peut-être, mais sa nature profonde est plus proche de celle de sa mère. Je passe ces soirées avec Harry car je dois m’entretenir de certains sujets avec lui, lui donner des informations avant qu’il ne soit trop tard.

— Des informations, répéta Rogue. Vous avez confiance en lui… Vous n’avez pas confiance en moi.
— Ce n’est pas une question de confiance. Comme nous le savons tous les deux, le temps m’est compté. Il est essentiel que je fournisse à ce garçon suffisamment d’éléments pour qu’il puisse accomplir la tâche qui lui incombe.
— Et pourquoi ne puis-je prendre connaissance de ces mêmes éléments ?
— Je préfère ne pas mettre tous mes secrets dans le même panier, surtout dans un panier qui passe autant de temps accroché au bras de Lord Voldemort.
— Ce que je fais sur votre ordre !
— Et vous le faites très bien. Ne croyez pas que je sous-estime le danger permanent dans lequel vous
vous placez, Severus. Transmettre à Voldemort des renseignements précieux tout en lui cachant
l’essentiel est un travail que je ne confierais à personne d’autre que vous.
— Pourtant, vous révélez beaucoup plus de choses à un garçon incapable de pratiquer l’occlumancie, un garçon dont les capacités magiques sont médiocres et qui a une connexion directe avec l’esprit de Lord Voldemort !
— Voldemort redoute cette connexion, dit Dumbledore. Il n’y a pas si longtemps, il a eu un avant-
goût de ce que pouvait signifier pour lui le fait de partager véritablement l’esprit de Harry. Jamais il n’a connu une telle douleur et je suis sûr qu’il ne tentera plus de le posséder. Pas de cette manière, en tout cas.

— Je ne comprends pas.
— L’âme de Voldemort, mutilée comme elle l’est, ne peut supporter un contact étroit avec une âme comme celle de Harry. Telle la langue sur l’acier gelé, ou la chair dans le feu…
— L’âme ? Nous parlions d’esprit !
— Dans le cas de Harry et de Lord Voldemort, quand on parle de l’un, on parle aussi de l’autre.

Dumbledore jette un regard autour de lui pour s’assurer qu’ils sont seuls. Ils sont  proches de la Forêt interdite, à présent, mais il n’y a apparemment personne dans les environs.
— Après m’avoir tué, Severus…
— Vous refusez de tout me dire, mais vous voulez quand même que je vous rende ce petit service !
gronda Rogue.
Son visage mince brûle maintenant d’une réelle colère.
— Vous considérez beaucoup de choses comme acquises, Dumbledore ! Mais peut-être que j’ai
changé d’avis !
— Vous m’avez donné votre parole, Severus. Et puisqu’il est question des services que vous me rendez, je croyais que nous nous étions mis d’accord pour que vous teniez à l’œil notre jeune ami de Serpentard !
Rogue parait furieux, révolté. Dumbledore soupire.
— Venez dans mon bureau ce soir, Severus, à onze heures, et vous ne pourrez plus vous plaindre en
disant que je n’ai pas confiance en vous…

Ils étaient de retour dans le bureau de Dumbledore. Les fenêtres sont  sombres, Fumseck silencieux et Rogue est  assis, immobile, tandis que Dumbledore parle en faisant les cent pas autour de lui.
— Il faut que Harry continue d’ignorer jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce qu’il lui soit nécessaire
de savoir, sinon comment pourrait-il avoir la force d’accomplir ce qui doit être fait ?
— Et que doit-il accomplir ?
— Ça reste entre Harry et moi. Maintenant, écoutez-moi attentivement, Severus. Le moment va venir, après ma mort – ne discutez pas, ne m’interrompez pas ! Le moment va venir où Lord Voldemort
semblera s’inquiéter pour la vie de son serpent.
— Nagini ?
Rogue parut stupéfait.
— Exactement. Si un jour, Voldemort cesse d’envoyer ce serpent exécuter ses ordres et le garde à l’abri auprès de lui, sous protection magique, alors je pense qu’on pourra sans risques tout révéler à Harry.
— Lui révéler quoi ?

Dumbledore respire profondément et ferme les yeux.
— Lui révéler que le soir où Voldemort a essayé de le tuer, lorsque Lily a dressé entre eux deux sa
propre vie comme un bouclier, le sortilège de Mort a ricoché sur le Seigneur des Ténèbres et qu’un
fragment de son âme lui a été arraché. Ce fragment s’est accroché à la seule âme vivante qui restait
dans cette maison dévastée. Une partie de Lord Voldemort vit ainsi à l’intérieur de Harry. C’est cela
qui lui donne le pouvoir de parler aux serpents et qui établit avec Lord Voldemort une connexion dont
il n’a jamais compris la nature. Et tant que ce fragment d’âme, à l’insu de Voldemort, reste attaché à
Harry et protégé par lui, Lord Voldemort ne peut mourir.

Harry a l’impression de voir les deux hommes à l’autre bout d’un long tunnel, tant ils lui semblent loin, leurs voix résonnant à ses oreilles comme un étrange écho.
— Alors, ce garçon… ce garçon doit mourir ? interroge Rogue avec un certain calme.
— Et Voldemort devra le tuer de sa main, Severus. C’est essentiel.
À nouveau, un long silence s’installe. Puis Rogue reprend :
— J’ai cru… toutes ces années… que nous le protégions pour elle. Pour Lily.
— Nous l’avons protégé parce qu’il était fondamental d’assurer son enseignement, de l’élever, de lui
permettre d’éprouver sa force, répond Dumbledore, les paupières toujours étroitement fermées.
Pendant ce temps, la connexion qui existe entre eux s’est développée, comme une excroissance
parasitaire : parfois, j’ai pensé qu’il le soupçonnait lui-même. Si je le connais bien, il aura fait ce qu’il faudra pour que, le jour où il ira à la rencontre de sa propre mort, ce soit aussi la fin véritable de Voldemort.

Dumbledore rouvre les yeux. Rogue parait horrifié.
— Vous l’avez maintenu en vie pour qu’il puisse mourir au bon moment ?
— Ne soyez pas choqué, Severus. Combien d’hommes et de femmes avez-vous vus mourir ?
— Récemment, seuls ceux que je n’ai pas pu sauver, dit Rogue.
Il se leva.
— Vous vous êtes servi de moi.
— Que voulez-vous dire ?
— Que j’ai espionné pour vous, menti pour vous, que j’ai couru des dangers mortels pour vous. Tout cela devait assurer la sécurité du fils de Lily Potter. Et maintenant, vous m’annoncez que vous l’avez
élevé comme un porc destiné à l’abattoir…
— Voilà qui est très émouvant, Severus, remarqua Dumbledore d’un ton sérieux. En êtes-vous venu à
éprouver de l’affection pour ce garçon ?
— Pour lui ? s’écria Rogue. Spero Patronum !

De l’extrémité de sa baguette jaillit alors la biche argentée. Elle atterrit sur le sol, traverse la pièce
d’un bond, et s’envole par la fenêtre. Dumbledore la regarde s’éloigner et lorsque sa lueur d’argent
s'est évanouie, il se tourne à nouveau vers Rogue, les yeux pleins de larmes.
— Après tout ce temps ?
— Toujours, dit Rogue.

Une nouvelle scène se déroule  sous les yeux de Harry. À présent, Rogue parle  au portrait de
Dumbledore, derrière son bureau :
— Vous indiquerez à Voldemort la date exacte du départ de Harry de la maison de son oncle et de sa tante, dit Dumbledore. Ne pas le faire éveillerait les soupçons, alors que Voldemort vous croit si bien informé. Il faudra cependant que vous suggériez l’idée des leurres – cela devrait, je pense, assurer la
sécurité de Harry. Essayez un sortilège de Confusion sur Mondingus Fletcher. Et si vous êtes contraint
de prendre part à la poursuite, Severus, veillez à jouer votre rôle de manière convaincante… Je
compte sur vous pour rester dans les bonnes grâces de Voldemort le plus longtemps possible, sinon Poudlard sera à la merci des Carrow…

Maintenant, Rogue se trouve face à face avec Mondingus dans une taverne que Harry ne connaît
pas. Le visage de Mondingus est  étrangement dénué d’expression. Rogue se concentre, les sourcils
froncés.
— Vous allez proposer à l’Ordre du Phénix d’utiliser des leurres, dit Rogue à voix basse. Avec du
Polynectar. Plusieurs Potter identiques. C’est la seule chose qui puisse marcher. Vous allez oublier que je vous ai fait cette suggestion. Vous la présenterez comme votre propre idée. C’est compris ?
Compris…, murmure Mondingus, le regard vague.

Harry se retrouve ensuite sur un balai, en train de voler à côté de Rogue dans un ciel nocturne,
sombre et sans nuages. Il est  accompagné d’autres Mangemorts encapuchonnés et devant eux, il
voit Lupin avec un Harry qui est  en fait George… Un Mangemort passe devant Rogue et lève sa
baguette, pointée sur le dos de Lupin…
— Sectumsempra ! s’écrie Rogue.
Mais le sortilège qui vise la main dans laquelle le Mangemort tient sa baguette rate sa cible et
frappe George…

L’instant d’après, Rogue est  à genoux dans l’ancienne chambre de Sirius. Des larmes coulent au
bout de son nez crochu tandis qu’il lit la vieille lettre de Lily. La deuxième page ne comporte que
quelques mots : ait jamais pu être ami avec Gellert Grindelwald. Personnellement, je crois qu’elle a
un peu perdu la tête.
Avec toute mon affection,
Lily

Rogue prend la feuille qui porte la signature de Lily et toute son affection, et la fourrage à l’intérieur de sa robe. Puis il déchire en deux la photo qu’il tient également à la main et garde la partie sur laquelle
Lily rit après avoir jeté par terre, sous la commode, le morceau qui montre  James et Harry…

À présent, Rogue se trouve à nouveau dans le bureau du directeur où Phineas Nigellus revient
précipitamment dans son tableau.
— Cher directeur ! Ils campent dans la forêt de Dean ! La Sang-de-Bourbe…
— N’utilisez pas ce terme !
— La fille Granger, si vous préférez, a prononcé le nom au moment où elle ouvrait son sac et je l’ai entendue !
— Bien. Très bien ! s’écrie le portrait de Dumbledore, derrière le fauteuil directorial. Maintenant,
Severus, l’épée ! N’oubliez pas que seules la nécessité et la bravoure permettent de s’en servir – et il
ne doit pas savoir que c’est vous qui la lui avez donnée ! Si Voldemort parvenait à lire dans les pensées de Harry et voyait que vous agissez en sa faveur…
— Je sais, coupe  sèchement Rogue.
Il s’approche du portrait de Dumbledore et tire le côté du cadre. Le tableau pivote vers l’avant,
révélant une cavité secrète d’où il retire l’épée de Gryffondor.
— Et vous ne voulez toujours pas me dire pourquoi il est si important de donner l’épée à Potter ?
demande Rogue qui s’enveloppe dans une cape de voyage.
— Non, je ne crois pas, répond le portrait de Dumbledore. Il saura ce qu’il convient d’en faire. Et agissez avec prudence, Severus, il se pourrait qu’ils ne soient pas très contents de vous voir après la mésaventure de George Weasley…
Rogue se tourne vers la porte.
— Ne vous inquiétez pas, Dumbledore, dit-il avec froideur. J’ai un plan…
Et il quitte le bureau. Harry s’arrache à la Pensine et, quelques instants plus tard, se retrouve étendu
sur le tapis qui recouvre le sol, exactement dans la même pièce. C'est comme si Rogue venait de
refermer la porte.

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