CHAPITRE 45. QUAND FRAPPE LA MORT

Il y eut un silence. Pendant quelques instants, on n'entendit plus que les quintes de toux et les halètements. Puis une série de détonations assourdissantes secouèrent le château et des silhouettes transparentes montées à cheval filèrent au galop, leurs têtes, qu'elles tenaient sous le bras, poussant
des cris sanguinaires. Harry se releva, vacillant sur ses pieds au passage des cavaliers sans tête, et
regarda de tous côtés : la bataille continuait de faire rage autour de lui. Il entendait à présent d'autres
cris que ceux des fantômes qui battaient en retraite. La panique le saisit.

Malefoy se redressa et pointa un doigt rageur sur Sirius.
- Il a tué Crabbe !
- Il a essayé de tuer Hermione. Gronda Sirius.. Et n'oublies pas qu'on t'a sauvé la vie, espèce de sale petit ingrat.
- Où est Ginny ? lança Harry
brusquement. Elle était ici. Elle devait revenir dans la Salle sur Demande.

- Tu crois que la salle fonctionnera encore après l'incendie ? demanda Ron.
Lui aussi se remit debout. Il se massa la poitrine et regarda à droite et à gauche.
- Tu veux qu'on se sépare et qu'on aille voir...
- Non, trancha Hermione qui se relevait à son tour.
Goyle était resté étalé par terre, impuissant. Ni Malefoy ni lui n'avaient plus de baguette.

- Restons ensemble. Allons-y... Harry, qu'est-ce que tu as sur le bras ?
- Quoi ? Ah, oui...
Il ôta le diadème de son poignet et le leva devant lui. Il était encore chaud, noirci de suie, mais en le
regardant de près, il parvint à déchiffrer les mots minuscules qui y étaient gravés : « Tout homme
s'enrichit quand abonde l'esprit. »
Un liquide semblable à du sang semblait suinter du diadème. Soudain, Harry sentit l'objet vibrer avec violence, puis il se brisa entre ses mains. Il crut alors entendre un très faible, très lointain cri de
douleur provenant non pas du château mais de la chose qui venait de se disloquer sous ses doigts.

- Tu as dit qu'il s'agissait d'un Feudeymon, Sirius. gémit Hermione, les yeux fixés sur les morceaux du diadème.
- Oui.
- Le Feudeymon - le feu ensorcelé -, c'est l'une des substances qui détruisent les Horcruxes mais
jamais, jamais je n'aurais osé m'en servir, c'est tellement dangereux. Comment Crabbe savait-il... ?
- Ce sont les Carrow qui ont dû lui apprendre, déclara Harry d'un air sinistre.
- Dommage qu'il ne les ait pas écoutés quand ils ont expliqué comment l'arrêter, dit Ron.
Tout comme Hermione, il avait les cheveux roussis et le visage noir de suie.
- S'il n'avait pas essayé de nous tuer, je regretterais vraiment sa mort. Dit Ron..

- Mais tu ne te rends pas compte ? murmura Hermione. Cela signifie que si nous parvenions à amener le serpent...
Elle s'interrompit lorsque des cris, des hurlements et les bruits caractéristiques de combats singuliers emplirent soudain le couloir. Harry jeta un coup d'œil et crut que son cœur allait cesser de battre : des
Mangemorts avaient pénétré dans Poudlard. Fred et Percy venaient d'apparaître, reculant vers eux,
tous deux aux prises avec des hommes masqués et encapuchonnés.

Harry, Ron, Aria, Sirius et Hermione se précipitèrent à leur rescousse. Des jets de lumière jaillirent dans toutes les directions et l'homme qui affrontait Percy se hâta de battre en retraite. Son capuchon glissa alors de
sa tête et ils virent un front bombé, des cheveux noirs parsemés d'argent...
- Bonjour, monsieur le ministre ! s'écria Percy.
Il lança un maléfice droit sur Thicknesse qui lâcha sa baguette et crispa les mains sur sa poitrine,
visiblement très mal en point.
- Vous ai-je informé de ma démission ?
- Ma parole, Perce, c'est de l'humour ! s'exclama Fred tandis que le Mangemort qu'il combattait
s'effondrait sous le choc de trois sortilèges de Stupéfixion simultanés.
Thicknesse était tombé par terre et de minuscules piquants jaillissaient sur toute la surface de son corps. Il semblait se transformer en une sorte d'oursin. Fred regarda Percy d'un air réjoui.
- Tu as vraiment fait de l'humour, Perce... Je crois que je ne t'avais plus entendu dire quelque chose
de drôle depuis que tu...

L'atmosphère sembla alors exploser. Ils étaient tous regroupés, Harry, Ron, Hermione, Fred et Percy,
les deux Mangemorts à leurs pieds, l'un stupéfixé, l'autre métamorphosé. Et ce fut en cet instant précis où le danger paraissait momentanément écarté que le monde éclata en morceaux.

Sirius se sentit catapulté dans les airs, se protégeant la tête de ses bras, et ne put que serrer le plus étroitement
possible cette mince tige de bois qui constituait sa seule et unique arme. Il entendit les cris, les hurlements de ses compagnons, sans le moindre espoir de savoir ce qui leur était arrivé...

Autour de lui, tout n'était plus que douleur et pénombre. Il était à moitié enseveli sous les décombres du couloir qui avait subi une terrible attaque : un courant d'air froid lui indiqua que le flanc du château était éventré et la sensation de tiédeur poisseuse sur sa joue signifiait qu'il saignait abondamment. Il entendit alors un cri déchirant qui lui remua les entrailles, un cri qui exprimait une
souffrance que ni le feu ni aucun maléfice ne pouvait provoquer. Il se leva, chancelant, plus terrifié qu'il ne l'avait été depuis le début de cette journée, plus terrifié peut-être qu'il ne l'avait jamais été dans sa vie...

Hermione se débattait parmi les gravats pour se remettre debout. Sur le sol, trois jeunes hommes aux
cheveux roux étaient serrés les uns contre les autres, à l'endroit où l'explosion avait défoncé le mur.
Sirius saisit la main d'Hermione tandis qu'ils titubaient et trébuchaient sur les pierres et les débris de
bois.

- Non... non... non ! hurla quelqu'un. Non ! Fred ! Non !
Percy secouait son frère, Ron agenouillé à côté d'eux, mais les yeux de Fred regardaient sans voir, le
fantôme de son dernier rire toujours gravé sur son visage.

C'était la fin du monde, alors pourquoi la bataille n'avait-elle pas cessé, pourquoi le château n'avait-il
pas sombré dans un silence horrifié, pourquoi chacun des combattants n'avait-il pas déposé les
armes ? Harry eut l'impression que son esprit tombait en chute libre, tournoyant dans le vide,
échappant à tout contrôle, incapable de saisir cette réalité impossible, car Fred Weasley ne pouvait pas
être mort, ses sens avaient dû le tromper...

Sirius prit Hermione dans ses bras, le corps de cette dernière était secoué de sanglots.
Puis, par la brèche ouverte dans le mur de l'école, il vit tomber un corps. Des maléfices jaillirent de
l'obscurité et volèrent vers eux, frappant le mur derrière leur tête.
- Couchez-vous ! hurla Harry, alors que de nouveaux sortilèges surgissaient dans la nuit.

Sirius obligea Hermione à se coucher par terre, et Percy s'était
allongé sur le corps de Fred pour le protéger d'autres mutilations.
- Viens, Percy, il faut partir d'ici ! s'écria Harry.
Mais Percy refusa d'un signe de tête.
- Percy !

Sirius vit des traces de larmes sur le visage noirci de Ron qui avait pris son frère aîné par les épaules
et essayait de l'entraîner. Mais Percy ne voulait pas bouger.
- Percy, tu ne peux plus rien pour lui ! On va...

Hermione poussa un hurlement et Harry n'eut pas besoin de demander pourquoi. En se retournant, il
vit une araignée monstrueuse, de la taille d'une petite voiture, qui essayait de passer par l'énorme trou du mur défoncé : l'un des descendants d'Aragog s'était joint au combat.

Ron et Harry crièrent en même temps et leurs sortilèges se combinèrent pour frapper le monstre qui
fut projeté en arrière, les pattes agitées d'horribles secousses, puis disparut dans l'obscurité.
- Il a amené des amis ! s'exclama Harry, en jetant un coup d'œil à travers l'ouverture du mur éventré par les maléfices.

D'autres araignées géantes grimpaient au flanc du château, libérées de la Forêt interdite dans laquelle les Mangemorts avaient dû pénétrer.

Harry lança sur elles d'autres sortilèges de Stupéfixion,
précipitant le chef des monstres sur ses congénères qui roulèrent au bas de la muraille, hors de son champ de vision. Puis de nouveaux maléfices volèrent au-dessus de la tête de Harry, passant si près qu'il sentit leurs ondes de choc lui ébouriffer les cheveux.
- Partons d'ici ! MAINTENANT ! Hurla Sirius. Il lança un Avada Kedavra, sur une araignée.. Aria stupefixa la suivante.

Harry poussa Hermione devant lui en même temps que Ron, sirius et Aria les protégeaient. puis Ron se baissa pour saisir le corps de Fred sous les aisselles. Percy, comprenant ce qu'il essayait de faire, cessa d'étreindre le cadavre de son frère, et l'aida.
Ensemble, penchés le plus bas possible pour éviter les sortilèges qui volaient vers
eux depuis le parc, ils emmenèrent Fred à l'abri.
- Ici, dit Harry.
Ils l'installèrent dans une niche, occupée d'habitude par une armure.

Harry ne put supporter de
regarder Fred une seconde de plus qu'il n'était nécessaire et après s'être assuré que le corps était bien
caché, il suivit Ron, Hermione, Sirius et Aria.

Malefoy et Goyle avaient disparu mais, au bout du couloir rempli de
poussière et de gravats, les vitres des fenêtres depuis longtemps pulvérisées, il vit une foule de gens
qui couraient en tous sens, amis ou ennemis, il n'aurait su le dire. Tournant l'angle du mur, Percy
poussa un mugissement de taureau :

- ROOKWOOD !
Il se précipita vers un homme de haute taille qui poursuivait deux élèves.
- Harry, par ici ! s'écria Hermione.
Elle avait entraîné Ron, Sirius et Aria derrière une tapisserie et tous deux semblaient aux prises l'un avec l'autre.

Il vit qu'en fait Hermione essayait de retenir Ron, de l'empêcher de courir après Percy.
- Écoute-moi... ÉCOUTE-MOI, RON !
- Je veux aider... Je veux tuer des Mangemorts...
Les traits de son visage, sali par la fumée et la poussière, étaient déformés, et il tremblait de rage et de
chagrin.

- Ron, nous sommes les seuls à pouvoir en finir ! S'il te plaît... Ron... Il nous faut le serpent... nous
devons tuer le serpent ! insista Hermione.

Mais Sirius savait ce que Ron ressentait. Se lancer à la poursuite d'un nouvel Horcruxe ne pouvait lui
apporter la satisfaction de la vengeance. Lui aussi voulait se battre, il voulait punir ceux qui avaient
tué Fred, il voulait également retrouver les autres Weasley et s'assurer que Remus et Dora allaient bien.

- Nous allons nous battre ! s'exclama Hermione. Il le faudra, pour atteindre le serpent ! Mais ne perdons pas de vue ce que nous devons f... faire ! Nous sommes les seuls à pouvoir en finir ! répéta- t-elle.

Elle aussi pleurait. Tout en parlant, elle essuyait son visage avec sa manche déchirée, roussie. Sans
lâcher Sirius, elle se tourna vers Harry et respira profondément pour se calmer.
- Il faut que tu saches où se trouve Voldemort, puisque le serpent doit être avec lui, n'est-ce pas ?
Vas-y, Harry... regarde ce qui se passe dans sa tête !

Pourquoi cela lui fut-il si facile ? Parce que sa cicatrice le brûlait depuis des heures, comme impatiente de lui montrer les pensées de Voldemort ? Obéissant à Hermione, il ferma les yeux et aussitôt, les cris, les détonations, les sons discordants de la bataille se noyèrent jusqu'à devenir tout juste perceptibles, comme s'il se trouvait loin, très loin du tumulte...

Il était debout au milieu d'une pièce sinistre et nue mais étrangement familière, avec ses murs
recouverts de papier décollé par endroits et toutes ses fenêtres, sauf une, condamnées par des
planches. Le vacarme de l'assaut contre l'école était étouffé, distant. La seule fenêtre qui n'était pas
masquée laissait voir de lointaines explosions de lumière, là où se dressait le château, mais à
l'intérieur de la pièce il faisait sombre. Seule une lampe à huile l'éclairait.

Il contemplait sa baguette qu'il roulait entre ses doigts, ses pensées tournées vers la salle du château,
la salle secrète dont lui seul connaissait l'existence, la salle qui, tout comme la chambre, ne pouvait
être découverte qu'à force d'intelligence, de ruse, de curiosité...

Il était sûr que le garçon ne
trouverait pas le diadème... Bien que la marionnette de Dumbledore eût déjà été beaucoup plus loin
qu'il ne l'aurait pensé... trop loin...
- Maître, dit une voix désespérée, éraillée.
Il se tourna : Lucius Malefoy était assis dans le coin le plus sombre, ses vêtements en haillons. Il portait toujours les marques du châtiment qu'il avait reçu après que le garçon eut réussi à s'échapper.
L'un de ses yeux était encore fermé, bouffi.

- Maître... s'il vous plaît... Mon fils...
- Si ton fils est mort, Lucius, ce n'est pas ma faute. Il n'est pas venu se joindre à moi, comme le reste
des Serpentard. Peut-être a-t-il décidé de devenir ami avec Harry Potter ?
- Non... jamais, murmura Malefoy.
- Il faut l'espérer, cela vaudrait mieux pour toi.
- Ne... Ne craignez-vous pas, Maître, que Potter meure d'une autre main que la vôtre ? demanda Malefoy, la voix tremblante. Ne serait-il pas... pardonnez-moi... plus prudent de mettre un terme à la bataille, d'entrer dans le château et de le chercher v... vous-même ?

- Ne fais pas semblant, Lucius. Tu veux que la bataille cesse pour savoir ce qui est arrivé à ton fils.
Mais je n'ai pas besoin de chercher Potter. Avant la fin de la nuit, c'est lui qui sera venu me trouver.
Voldemort baissa à nouveau le regard sur la baguette qu'il tenait entre ses doigts. Il était troublé... et
les choses qui troublaient Lord Voldemort devaient être remises en ordre...
- Va chercher Rogue.
- Rogue, M... Maître ?
- Rogue. Maintenant. J'ai besoin de lui. J'ai un... service... à lui demander. Va.
Effrayé, titubant un peu dans la pénombre, Lucius quitta la pièce. Voldemort resta là, debout,
continuant de rouler la baguette entre ses doigts, les yeux fixés sur elle.

- C'est le seul moyen, Nagini, murmura-t-il.
Il se retourna et il était là, le grand serpent au corps épais, suspendu dans les airs, ondulant avec grâce dans l'espace ensorcelé, protégé, qu'il avait créé pour lui, une sphère transparente, étoilée, quelque
chose qui ressemblait à la fois à une cage scintillante et à un aquarium.
Avec un haut-le-corps, Harry s'arracha à cette vision et rouvrit les yeux. Au même moment, ses
tympans furent assaillis par les hurlements, les vociférations, les coups, les fracas de la bataille.

- Il est dans la Cabane hurlante. Le
serpent est avec lui, entouré d'une protection magique. Il vient
d'envoyer Lucius Malefoy chercher Rogue.
- Voldemort est dans la Cabane hurlante ? s'exclama Hermione, outrée. Il ne... Il n'est même pas en
train de se battre ?
- Il pense que ce n'est pas nécessaire, dit Harry. Il pense que c'est moi qui vais aller vers lui.
- Mais pourquoi ?
- Il sait que je recherche les Horcruxes... et il ne se sépare plus de Nagini... De toute évidence, il
faudra bien que je me rende auprès de lui, si je veux m'approcher de la créature...

- Très bien, dit Ron en redressant les épaules. Il n'est pas question que tu y ailles, c'est ce qu'il veut,
c'est ce qu'il attend. Donc, tu restes ici pour t'occuper d'Hermione et moi j'irai le chercher...
Harry lui barra le chemin.
- Vous, vous ne bougez pas. Je vais y aller sous la cape d'invisibilité et je reviendrai dès que je...
- Non, dit Sirius. Si quelqu'un doit y aller, c'est moi.
- Non, l'interrompit Hermione. Il serait beaucoup plus logique que je prenne la cape et...
- N'y pense même pas, gronda Sirius.
Hermione avait tout juste eu le temps de répondre : « Ron, je suis aussi capable que toi de...», lorsque
la tapisserie au sommet de l'escalier sur lequel ils se tenaient se déchira soudain.

- POTTER !
Deux Mangemorts masqués avaient surgi devant eux, mais à peine avaient-ils fait le geste de lever
leurs baguettes qu'Hermione s'était déjà écriée :
- Glisseo !
Sous leurs pieds, les marches s'aplatirent aussitôt en formant un toboggan. Harry, Ron, Hermione, Sirius et Aria. Ils furent précipités vers le bas de l'escalier, incapables de contrôler leur chute, glissant à une telle vitesse que les sortilèges de Stupéfixion des Mangemorts passaient loin au-dessus de leur tête.
Ils traversèrent comme une flèche la tapisserie qui masquait le pied de l'escalier et atterrirent dans un
couloir en roulant sur eux-mêmes, pour finir leur course contre le mur opposé.

Duro ! s'exclama Hermione en pointant sa baguette.


Deux craquements sonores, à donner la nausée, retentirent derrière la tapisserie qui s'était changée en


pierre et contre laquelle leurs poursuivants venaient de s'écraser.

- Écartez-vous ! hurla Ron.


Harry, Hermione, Sirius, Aria et lui s'aplatirent dans l'embrasure d'une porte tandis qu'une horde de pupitres au

galop fonçait devant eux, menée à la baguette par le professeur McGonagall qui courait à toutes


jambes et ne sembla pas s'apercevoir de leur présence. Ses cheveux défaits étaient tombés sur ses

épaules et elle avait une entaille sur la joue. Lorsqu'elle tourna l'angle du mur, ils l'entendirent crier :


- CHARGEZ !

- Harry, mets la cape, dit Hermione. Ne t'inquiète pas pour nous...


Mais il la déploya sur eux cinq. Si grands qu'ils fussent, il doutait qu'on puisse voit leurs pieds dans

la poussière qui saturait l'atmosphère, les gravats qui tombaient de toutes parts et le scintillement des


sortilèges.

Ils dévalèrent l'escalier voisin et se retrouvèrent dans un couloir rempli de combattants. De chaque

côté, les tableaux accrochés aux murs étaient peuplés de personnages peints qui hurlaient des conseils

et des encouragements pendant que les Mangemorts, masqués ou à visage découvert, affrontaient

élèves et professeurs. Dean avait réussi à s'emparer d'une baguette et se battait contre Dolohov.

Parvati était aux prises avec Travers. Harry, Ron, Aria, Sirius et Hermione brandirent aussitôt leurs propres


baguettes, prêts à frapper, mais tout le monde courait, virait, zigzaguait si vite qu'en lançant un

sortilège, ils risquaient fort de toucher quelqu'un de leur propre camp. Concentrés sur le combat, ils

guettaient la moindre occasion d'agir, lorsque un grand « whIIIIIIIIIIII ! » retentit. Harry leva les yeux

et vit Peeves. Filant au-dessus d'eux, il jetait des gousses de Snargalouf sur les Mangemorts dont la

tête fut soudain engloutie par des tentacules verdâtres qui se tortillaient comme de gros vers.

- Argh !


Une poignée de gousses était tombée sur la cape d'invisibilité, à l'endroit où Ron avait sa tête. Les racines vertes et gluantes semblèrent suspendues en l'air dans une étrange position, tandis que Ron

essayait de s'en débarrasser.

- Il y a quelqu'un d'invisible, là-bas ! s'écria un Mangemort masqué, le doigt tendu.


Dean profita de la distraction momentanée du Mangemort et le frappa avec un sortilège de


Stupéfixion. Dolohov essaya de répliquer mais Parvati l'immobilisa à l'aide d'un maléfice du


Saucisson.

- ALLONS-Y ! hurla Harry.


Ils resserrèrent la cape autour d'eux et se ruèrent en avant, tête baissée, au milieu de la

bataille, glissant un peu sur les flaques de jus de Snargalouf. Ils se dirigeaient vers l'escalier de


marbre qui menait dans le hall d'entrée.

- Je suis Drago Malefoy, c'est moi, Drago, je suis dans votre camp !


Drago, en haut des marches, suppliait un autre Mangemort masqué de l'épargner.

Harry stupéfixa le

Mangemort au passage. Malefoy, soudain rayonnant, regarda autour de lui, cherchant son sauveur,

mais Ron lui donna un coup de poing à travers la cape. Malefoy tomba en arrière sur le Mangemort


inconscient, la bouche ensanglantée, proprement stupéfait.

- C'est la deuxième fois qu'on te sauve la vie, ce soir, abominable faux-jeton ! lança Ron.


Il y avait d'autres combattants du haut en bas de l'escalier ainsi que dans le hall. Harry voyait des


Mangemorts partout : Yaxley, près de la porte d'entrée, affrontait Flitwick. À côté d'eux, un

Mangemort masqué se battait contre Kingsley. Des élèves couraient en tous sens, certains portant ou

traînant des amis blessés.

Sirius expédia vers le Mangemort masqué un sortilège de Stupéfixion qui le

manqua mais faillit frapper Neville. Celui-ci avait surgi de nulle part, les bras chargés d'une

Tentacula vénéneuse qui s'enroula joyeusement autour du Mangemort le plus proche et le fit vaciller.

Harry, Ron et Hermione dévalèrent l'escalier de marbre. Du verre se brisa sur leur gauche et le

sablier des Serpentard qui comptabilisait les points de leur maison déversa ses émeraudes un peu

partout. Plusieurs personnes surprises en pleine course glissèrent et chancelèrent dangereusement.

Lorsque ils arrivèrent au bas des marches, deux corps tombèrent par-dessus la balustrade, au-dessus de leur tête, et une forme grise, indistincte, que Harry prit pour un animal, se précipita à quatre


pattes à travers le hall pour planter ses dents dans l'une des deux victimes.

- NON ! hurla Hermione.


Sa baguette produisit une détonation assourdissante et Fenrir Greyback fut rejeté en arrière, loin du


corps de Lavande Brown qui remuait faiblement sur le sol. Greyback heurta de plein fouet la rampe

de marbre de l'escalier et se débattit pour se remettre debout. Mais, dans un éclair blanc aveuglant et

un craquement sonore, une boule de cristal lui tomba sur la tête et il s'effondra sur le sol, inerte.

- J'en ai d'autres ! s'écria le professeur Trelawney par-dessus la balustrade. Il suffit de demander !


Tenez...


Avec un geste semblable à celui d'un joueur de tennis au service, elle sortit de son sac une énorme

sphère de cristal, agita sa baguette en l'air et envoya la boule fracasser une fenêtre de l'autre côté du

hall.

Au même moment, les lourdes portes de bois de l'entrée s'ouvrirent à la volée et d'autres

araignées gigantesques pénétrèrent de force dans le hall.


Des cris de terreur s'élevèrent de toutes parts : les combattants se dispersèrent, les Mangemorts tout


comme les élèves de Poudlard, et des jets de lumière rouge et verte volèrent vers les nouveaux

monstres qui frémirent de toutes leurs pattes et se cabrèrent, plus effrayants que jamais.

- Comment on s'y prend pour sortir ? s'exclama Ron, sa voix dominant les hurlements.


Mais avant que Harry ou Hermione aient pu répondre, ils furent tous les trois brutalement écartés :


Hagrid avait dévalé l'escalier comme un boulet de canon en brandissant son parapluie rose à fleurs.


- Ne leur faites pas de mal, ne leur faites pas de mal ! beugla-t-il.

- HAGRID, NON !


Harry oublia tout le reste : il sortit de sous la cape d'invisibilité et se mit à courir, penché à angle

droit pour éviter les maléfices qui illuminaient le hall tout entier.

- HAGRID, REVENEZ !


Il n'avait pas franchi la moitié de la distance qui le séparait de Hagrid lorsque l'inévitable se

produisit : Hagrid disparut parmi les araignées qui battaient en retraite sous l'assaut des sortilèges, l'entraînant avec elles dans une immense débandade, un grouillement répugnant.

- HAGRID !


Harry entendit quelqu'un crier son propre nom mais, ami ou ennemi, peu lui importait. Il dévala les

marches qui descendaient dans le parc obscur tandis que les araignées s'éloignaient en emportant leur

proie. Il n'y avait plus trace de Hagrid.

- HAGRID !


Il crut voir un énorme bras s'agiter au milieu des araignées, mais lorsqu'il se lança à leur poursuite,

le chemin lui fut barré par un pied monumental qui surgit de l'obscurité et s'abattit en faisant trembler

le sol. Harry leva les yeux : un géant de six mètres de hauteur se dressait devant lui, la tête cachée dans

l'ombre. Seuls ses tibias velus, épais comme des troncs d'arbre, étaient éclairés par la lumière qui

filtrait à travers les portes ouvertes du château. Dans un mouvement souple et brutal, le géant défonça

d'un poing massif une fenêtre des étages supérieurs et une pluie de verre brisé tomba sur Harry,


l'obligeant à reculer à l'abri de l'entrée.

- Oh, mon Dieu ! hurla Hermione.


Ron et elle avaient rejoint Harry et, regardaient le géant qui essayait à présent d'attraper des élèves


derrière la fenêtre fracassée.


- NE FAIS PAS ÇA ! mugit Ron en saisissant le bras d'Hermione qui levait sa baguette. Si tu le


stupéfixes, il va écraser la moitié du château...

- HAGGER ?


Graup apparut à l'angle du château. À cet instant seulement, Harry se rendit compte que Graup était en


effet un géant de petite taille. Le monstre gargantuesque qui essayait de broyer ses victimes dans les


étages du château se retourna et poussa un rugissement. Les marches de pierre tremblèrent lorsqu'il


s'avança à pas lourds vers son congénère plus petit. La bouche tordue de Graup s'ouvrit toute grande,

découvrant des dents jaunes de la taille d'une brique. Ils se jetèrent alors l'un sur l'autre avec une


sauvagerie de lions.

- COUREZ ! beugla Harry.


La nuit fut remplie des bruits de coups et des cris atroces que produisait la lutte des géants. Harry


saisit la main d'Hermione et se rua dans le parc, Ron, Siriys et Aria sur leurs talons. Harry n'avait pas perdu espoir

de retrouver et de sauver Hagrid. Il courait si vite qu'ils étaient arrivés à mi-chemin de la Forêt interdite quand ils durent à nouveau s'arrêter net.

Autour d'eux, l'atmosphère s'était figée. Sirius eut le souffle coupé, l'air qu'il respirait sembla se solidifier dans sa poitrine. Des formes s'avançaient dans l'obscurité, des silhouettes ondulantes,

noires comme un concentré de ténèbres, se dirigeant vers le château en une grande vague mouvante, leurs visages dissimulés sous des capuchons, leur respiration semblable à un râle...

Ron, Hermione, Sirius et Aria lavaient rattrapé Harry et, derrière eux, le tumulte de la bataille fut soudain assourdi, étouffé, par un silence épais que seuls les Détraqueurs pouvaient répandre dans la nuit...


- Allez, Harry ! dit la voix d'Hermione qui semblait très lointaine. Les Patronus, vite, Harry !
Le chien de Sirius fonça sur les détraqueurs, les pourchassant de sa lumière éclatante.
Aria lança son patronus. Une panthère qui se rua sur les monstres en capuchonnés.

Harry leva sa baguette mais une sourde désespérance s'insinuait en lui : Fred était mort et Hagrid était


sûrement en train de mourir, ou déjà mort, lui aussi. Combien d'autres avaient succombé sans qu'il le


sache ? Il eut l'impression que son âme avait déjà à moitié quitté son corps...

- ALLEZ, HARRY ! hurla Hermione.


De leur pas glissant, une centaine de Détraqueurs s'approchaient, comme s'ils aspiraient l'espace les

séparant de Harry et de son désespoir, qui était pour eux comme une promesse de festin...

Il vit le terrier argenté de Ron surgir dans les airs, vaciller faiblement puis expirer. Il vit aussi la

loutre d'Hermione s'agiter quelques instants avant de s'effacer. Sa propre baguette tremblait dans sa

main, il accueillait presque avec soulagement l'oubli inexorable, la promesse du néant, de la fin de

tout sentiment...

Enfin, brusquement, un lièvre, un sanglier et un renard argentés s'envolèrent au-dessus de la tête de


Harry, de Ron et d'Hermione. Les Détraqueurs reculèrent à l'approche des créatures. Trois autres personnes étaient sorties de l'obscurité et les entouraient, leurs baguettes tendues, continuant de faire

avancer leurs Patronus : Luna, Ernie, Seamus.

- C'est bien, dit Luna d'un ton encourageant, comme s'ils étaient revenus au temps des séances


d'entraînement de l'A.D., dans la Salle sur Demande. C'est bien, Harry... Allez, pense à quelque

chose d'heureux...


- Quelque chose d'heureux ? répéta-t-il, la voix brisée.

- Nous sommes toujours là, tous ensemble, murmura-t-elle, et nous nous battons. Vas-y,

maintenant...


Il y eut une étincelle argentée, puis une lumière incertaine et enfin, au prix du plus gros effort qu'il ait


jamais eu à fournir, le cerf jaillit à l'extrémité de la baguette de Harry. Il s'élança au petit galop et les


Détraqueurs se dispersèrent pour de bon. La nuit retrouva aussitôt sa tiédeur et Harry entendit

résonner avec force les bruits de la bataille.

- On ne pourra jamais assez vous remercier, dit Ron d'une voix tremblante en se tournant vers


Luna, Ernie et Seamus, vous venez de nous sauver la...

Avec un rugissement et une démarche à faire trembler la terre, un autre géant se dressa dans l'obscurité, venant de la Forêt interdite. Il brandissait une massue plus grande à elle toute seule que

n'importe lequel d'entre eux.

- COUREZ ! s'écria Sirius.


Les autres n'avaient pas besoin du conseil. Ils avaient déjà pris la fuite, d'extrême justesse, car

l'énorme pied de la créature s'abattit à l'endroit précis où ils s'étaient trouvés un instant auparavant.

Sirius se retourna : Ron, Hermione Aria et Harry le suivaient mais les trois autres avaient disparu, retournant vers

la bataille.

- Éloignons-nous ! hurla Ron.


Le géant brandit à nouveau sa massue et ses mugissements retentirent dans la nuit, à travers le parc où

des explosions de lumière rouge et verte continuaient d'illuminer l'obscurité.

- Le Saule cogneur ! dit Harry.
Allons-y !


D'une certaine manière, il relégua, verrouilla dans une petite partie de son esprit ce à quoi il ne

pouvait penser maintenant : Fred, Hagrid, la terreur éprouvée en songeant à tous ceux qu'il aimait,

éparpillés dans le château et dans le parc... Tout cela devrait attendre car pour l'instant, il leur fallait

courir, retrouver le serpent, et Voldemort. Comme le disait Hermione, c'était la seule façon d'en

finir...

Sirius attrapa la main d' Hermione et fila à toutes jambes, imaginant presque qu'il pourrait distancer la mort elle-même, indifférent aux


jets de lumière qui sillonnaient l'obscurité tout autour de lui, au bouillonnement du lac dont l'eau


s'agitait comme les vagues de la mer et aux arbres qu'on entendait craquer dans la Forêt interdite,

bien qu'il n'y eût pas le moindre souffle de vent. À travers le parc qui semblait lui-même se soulever

en signe de rébellion, il courut comme jamais il n'avait couru dans sa vie et fut le premier à


apercevoir le grand arbre, le saule qui protégeait le secret caché sous ses racines en faisant claquer

ses branches comme des fouets.

Haletant, pantelant, Harry ralentit
le pas. Il contourna le saule dont les branches fendaient l'air autour


de lui et examina dans l'obscurité son tronc épais, essayant de repérer dans l'écorce du vieil arbre le

nœud qui permettait de l'immobiliser. Ron, Aria et Harry le rattrapèrent.

Hermione était si essoufflée


qu'elle n'arrivait plus à parler.


- Comment... Comment allons-nous entrer ? demanda Ron, hors d'haleine. Je vois... l'endroit... si


seulement... Pattenrond était là...


- Pattenrond ? s'indigna Hermione, la respiration sifflante, courbée en deux, se tenant la poitrine à


deux mains. Tu es un sorcier, ou quoi ?


- Hein oui... c'est vrai...

Ron jeta un coup d'œil alentour puis dirigea sa baguette vers une brindille, sur le sol, et prononça la


formule :


- Wingardium Leviosa !

La brindille décolla de terre, tournoya dans les airs comme si elle était emportée par une rafale de vent, puis fila droit vers le tronc, à travers les branches menaçantes qui s'agitaient en tous sens. Elle heurta un point précis, tout près des racines et l'arbre cessa aussitôt de se contorsionner, devenant soudain immobile.

- Parfait ! haleta Hermione.


- Attendez.


Pendant une seconde d'incertitude, alors que les détonations et les crépitements de la bataille


emplissaient l'atmosphère, Harry hésita. Voldemort voulait qu'il agisse ainsi, il voulait qu'il vienne à

lui... Était-il en train de mener ses plus chers amis dans un piège ?

Mais la réalité sembla se refermer sur lui, simple et cruelle : le seul moyen de progresser était de tuer le serpent. Or, le serpent se trouvait là où était Voldemort et Voldemort était au bout de ce tunnel...


- Harry, nous te suivons, entre là-dedans ! dit Ron en le poussant en avant.


Harry se tortilla pour se glisser dans le passage qui s'enfonçait sous terre, caché par les racines de

l'arbre. Il se sentit beaucoup plus à l'étroit que la dernière fois qu'il s'y était faufilé. Le tunnel avait

un plafond bas. Ils avaient dû se courber pour le parcourir, près de quatre ansauparavant, mais

maintenant, ils étaient obligés d'avancer à quatre pattes. Sirius, métamorphosé, était passé le premier, Harry le suivait, sa baguette

allumée, s'attendant à tout moment à rencontrer un obstacle, mais il n'y en avait pas. Ils se déplaçaient

en silence, les yeux de Harry fixés sur le rayon oscillant de sa baguette qu'il serrait dans son poing.

Enfin, le tunnel commença à remonter vers la surface et Sirius vit un peu plus loin un mince rai de


lumière. Hermione tira la cheville de Harry.


- La cape ! murmura-t-elle. Mets la cape !

Il tâtonna derrière lui et elle posa dans sa main libre l'étoffe glissante qu'elle avait roulée en boule.


Avec difficulté, il s'en enveloppa, murmura : « Nox » pour éteindre sa baguette et continua d'avancer


à quatre pattes en faisant le moins de bruit possible. Tous ses sens en éveil, il s'attendait à chaque

instant à être découvert, à entendre la voix nette et glacée, à voir jaillir un éclair de lumière verte.

Des voix lui parvinrent, en provenance de la pièce qui se trouvait devant eux, légèrement étouffées


par une vieille caisse placée à l'extrémité du tunnel pour en interdire l'accès. Osant à peine respirer,

Harry rampa jusqu'à l'entrée du passage et regarda à travers une fente minuscule, entre la caisse et le

mur.

De l'autre côté, la pièce était faiblement éclairée mais il voyait Nagini onduler et s'enrouler comme


un serpent d'eau, à l'abri de sa sphère ensorcelée, parsemée d'étoiles, qui flottait en l'air sans le moindre support. Il apercevait également le bord d'une table et une main blanche aux longs doigts qui

jouait avec une baguette. La voix de Rogue s'éleva alors et Harry sentit son cœur faire un bond :

Rogue se trouvait à quelques centimètres de l'endroit où il était tapi, hors de vue.


- ... Maître, leur résistance s'effondre...


- ... Et cela se produit sans ton aide, répliqua Voldemort de sa voix claire et aiguë. Si habile sorcier que tu sois, Severus, je ne pense pas que tu puisses changer grand-chose, maintenant. Nous sommes

presque au but... presque.

- Laissez-moi retrouver ce garçon. Laissez-moi vous livrer Potter. Je sais que je peux le capturer, Maître. S'il vous plaît.


Rogue passa devant l'interstice, entre la caisse et le mur, et Harry recula un peu, gardant les yeux

fixés sur Nagini. Il se demandait s'il existait un sortilège qui puisse transpercer la protection qui

l'entourait, mais il eut beau réfléchir, il ne trouva rien. Une tentative manquée trahirait sa présence.

Voldemort se leva. Harry le voyait à présent, il voyait ses yeux rouges, son visage aplati, reptilien, dont la pâleur luisait légèrement dans la pénombre.


- J'ai un problème, Severus, déclara Voldemort d'une voix douce.


- Maître ? dit Rogue.


Voldemort leva la Baguette de Sureau, la tenant avec délicatesse et précision comme un chef

d'orchestre.


- Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas avec moi, Severus ?

Dans le silence qui suivit, Harry crut entendre le serpent siffler légèrement tandis qu'il enroulait et

déroulait ses anneaux, ou peut-être était-ce le soupir chuintant de Voldemort qui se prolongeait dans l'air ?


- M... Maître ? reprit Rogue d'une voix neutre. Je ne comprends pas. Vous... Vous avez accompli avec cette baguette de véritables prouesses magiques.

- Non, répliqua Voldemort. J'ai accompli ma magie habituelle. Il est vrai que je suis extraordinaire,


mais cette baguette ne l'est... pas. Elle n'a pas produit les merveilles qu'elle promettait. Je n'ai remarqué aucune différence entre cette baguette et celle que je me suis procurée chez Ollivander il y a

bien des années.

Le ton de Voldemort était calme, songeur, mais la cicatrice de Harry avait commencé à palpiter, des


élancements la traversaient. La douleur naissait sur son front en même temps qu'il sentait s'élever en


Voldemort une fureur contrôlée.


- Aucune différence, répéta Voldemort.

Rogue resta silencieux. Harry ne parvenait pas à voir son visage. Il se demanda si Rogue sentait le danger, s'il essayait de trouver les mots justes, de rassurer son maître.


Voldemort se mit à faire les cent pas autour de la pièce. Il le perdit de vue quelques secondes pendant

qu'il marchait ainsi, parlant de la même voix mesurée alors que Harry sentait la douleur et la colère

monter en lui.

- J'ai réfléchi longtemps,
profondément, Severus... Sais-tu pourquoi je t'ai fait rappeler en pleine

bataille ?
L'espace d'un instant, Harry vit le profil de Rogue : ses yeux étaient rivés sur le serpent lové dans sa

cage ensorcelée.


- Non, Maître, mais je vous supplie de me laisser y retourner. Laissez-moi retrouver Potter.


- On croirait entendre Lucius. Ni l'un ni l'autre vous ne comprenez Potter comme je le comprends.


Il est inutile de le chercher. Potter viendra à moi. Je connais sa faiblesse, vois-tu, son plus grand

défaut. Il ne supportera pas de voir les autres tomber autour de lui en sachant que c'est pour lui qu'ils

meurent. Il voudra arrêter cela à tout prix. Il viendra.

- Mais, Maître, il se peut qu'il soit tué accidentellement par quelqu'un d'autre que vous...


- Les instructions que j'ai données aux Mangemorts ont été parfaitement claires. Capturez Potter.


Tuez ses amis - tuez-en le plus possible - mais ne le tuez pas, lui.


« C'est de toi cependant que je veux te parler, Severus, et non pas de Harry Potter. Tu m'as été

précieux. Très précieux.


- Mon Maître sait que je cherche seulement à le servir. Laissez-moi partir pour retrouver ce garçon,


Maître. Laissez-moi vous le livrer. Je sais que je peux...


- Je t'ai déjà dit non ! trancha Voldemort.

Il se tourna à nouveau et Harry perçut l'éclat rouge de ses yeux. Le bruissement de sa cape évoquait le


glissement d'un serpent sur le sol et il sentit l'impatience de Voldemort dans la brûlure de sa cicatrice.


- Ma préoccupation, en ce moment, Severus, c'est ce qui se passera quand j'affronterai enfin ce

garçon !


- Maître, la question ne se pose sûrement pas...


- Mais si, la question se pose, Severus. Elle se pose.

Voldemort s'arrêta et, à nouveau, Harry le vit nettement. Il glissait la Baguette de Sureau entre ses


doigts blancs, le regard fixé sur Rogue.


- Pourquoi les deux baguettes que j'ai utilisées ont-elles échoué lorsque je les ai dirigées contre


Harry Potter ?


- Je... Je l'ignore, Maître.


- Tu l'ignores ?

Son accès de rage donna à Harry l'impression qu'on lui avait planté un clou dans la tête. Il enfonça


son poing dans sa bouche pour s'empêcher de crier de douleur puis ferma les yeux. Il devint alors


Voldemort, qui observait le visage blafard de Rogue.

- Ma baguette en bois d'if a toujours accompli ce que je lui demandais, Severus, sauf quand il s'est


agi de tuer Harry Potter. Par deux fois, elle a raté. Sous la torture, Ollivander m'a parlé des deux cœurs jumeaux et il m'a conseillé de prendre une autre baguette. C'est ce que j'ai fait, mais la baguette de Lucius s'est brisée face à Potter.


- Je... Je n'ai pas d'explication, Maître.

Rogue ne regardait plus Voldemort. Ses yeux sombres fixaient toujours le serpent lové dans sa sphère protectrice.


- J'ai cherché une troisième baguette, Severus. La Baguette de Sureau, la Baguette de la Destinée, le


Bâton de la Mort. Je l'ai prise à son ancien maître. Je l'ai prise dans la tombe d'Albus Dumbledore.

Rogue s'était maintenant tourné vers Voldemort, et son visage ressemblait à un masque mortuaire. Il

était blanc comme du marbre et ses traits avaient une telle immobilité que lorsqu'il parla à nouveau,

ce fut comme un choc de voir que quelqu'un vivait encore derrière ces yeux vides.

- Maître... Laissez-moi aller chercher ce garçon...


- Tout au long de cette nuit, alors que je suis au bord de la victoire, je suis resté assis dans cette

pièce, reprit Voldemort, la voix guère plus haute qu'un murmure, à me demander, encore et encore,

pourquoi la Baguette de Sureau refusait d'être ce qu'elle devrait être, refusait d'agir comme la

légende dit qu'elle doit agir entre les mains de son possesseur légitime... Et je crois que j'ai trouvé la

réponse.

Rogue resta muet.


- Peut-être la connais-tu déjà ? Après tout, tu es un homme intelligent, Severus. Tu as été un bon et


fidèle serviteur et je regrette ce qui doit malheureusement arriver.


- Maître...


- La Baguette de Sureau ne peut m'obéir pleinement, Severus, parce que je ne suis pas son vrai

maître. Elle appartient au sorcier qui a tué son ancien propriétaire. C'est toi qui as tué Albus

Dumbledore et tant que tu vivras, la Baguette de Sureau ne pourra m'appartenir véritablement.

- Maître ! protesta Rogue en levant sa propre baguette magique.


- Il ne peut en être autrement, répliqua Voldemort. Je dois maîtriser cette baguette, Severus. Maîtriser la baguette pour maîtriser enfin Potter.

D'un mouvement du bras, Voldemort donna un grand coup dans le vide avec la Baguette de Sureau.


Ce geste n'eut aucun effet sur Rogue qui, pendant une fraction de seconde, sembla penser qu'il avait

été épargné. Mais l'intention du Seigneur des Ténèbres devint très vite manifeste. La cage du serpent


tournoya dans les airs et avant que Rogue ait pu faire autre chose que pousser un cri, elle lui avait


entouré la tête et les épaules. Voldemort s'exprima alors en Fourchelang :


- Tue.

Il y eut un horrible hurlement. Harry vit le visage de Rogue perdre ses dernières traces de couleur. Il


blêmit, ses yeux noirs s'écarquillèrent et les crochets du serpent s'enfoncèrent dans son cou, tandis qu'il essayait vainement de se dégager de la cage ensorcelée. Bientôt, ses genoux se dérobèrent et il

s'effondra sur le sol.


- Je regrette, dit froidement Voldemort.

Et il se détourna. Il n'y avait aucune tristesse en lui, aucun remords. Le moment était venu de quitter la


cabane et de prendre le commandement des opérations, avec une baguette qui, à présent, lui obéirait

pleinement. Il la pointa vers la cage étoilée qui s'éleva et libéra le corps de Rogue.
Celui-ci s'affaissa

sur le côté, un flot de sang se déversant des blessures de son cou. Voldemort sortit de la pièce dans un grand mouvement de cape, sans un regard en arrière, et le grand serpent le suivit, flottant derrière lui


dans son immense sphère protectrice.

De retour dans le tunnel et dans sa propre tête, Harry rouvrit les yeux. Dans son effort pour ne pas

crier, il avait mordu jusqu'au sang les jointures de son poing. Il regarda à nouveau à travers la fente

minuscule, entre la caisse et le mur, et vit un pied chaussé d'une botte noire, qui tremblait par terre.

- Harry ! murmura Hermione derrière lui.


Mais il avait déjà pointé sa baguette sur la caisse qui lui bouchait la vue. Elle se souleva à deux

centimètres du sol et s'écarta sans bruit. Le plus silencieusement possible, il se faufila à l'intérieur de

la pièce.

Il ne savait pas pourquoi il agissait ainsi, pourquoi il s'approchait du mourant. Il ne savait même pas


très bien ce qu'il ressentait en voyant le visage livide de Rogue et ses doigts qui essayaient d'étancher la plaie sanglante de son cou. Il enleva la cape d'invisibilité et baissa le regard vers l'homme qu'il

haïssait. Les yeux de Rogue se posèrent sur Harry. Il essaya de parler. Lorsque Harry se pencha,


Rogue saisit le devant de sa robe et l'attira vers lui.

Un râle, un gargouillement abominable sortit de sa gorge.


- Prenez-... les... Prenez-... les...


Quelque chose d'autre que du sang ruisselait du visage de Rogue. D'un bleu argenté, ni gaz, ni

liquide, la substance jaillissait de sa bouche, de ses oreilles, de ses yeux. Harry savait ce que c'était,

mais ne savait que faire...

Hermione glissa alors dans ses mains tremblantes une flasque, surgie de nulle part. À l'aide de sa

baguette, Harry y versa la substance argentée. Lorsque la flasque fut pleine et que Rogue sembla ne

plus avoir en lui une goutte de sang, l'étreinte de sa main sur la robe de Harry se desserra.

- Regardez-... moi, murmura-t-il.


Les yeux verts de Harry croisèrent les yeux noirs de Rogue mais un instant plus tard, quelque chose

sembla s'éteindre au fond du regard sombre qui devint fixe, terne, vide. La main qui tenait encore Harry retomba avec un bruit sourd et Rogue ne bougea plus.

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