CHAPITRE 39. GRINGOTT

Leur plan était prêt, les préparatifs achevés. Dans la plus petite des trois chambres, un long cheveu
noir et épais (arraché du pull qu’Hermione avait porté au manoir des Malefoy) était enroulé dans une
petite fiole de verre posée sur la cheminée.

— Et en plus, tu te serviras de sa véritable baguette, dit Harry en montrant d’un signe de tête la
baguette de noyer. Tu seras donc d’autant plus convaincante.
Hermione prit la baguette en ayant l’air de craindre qu’elle la pique ou la morde.
— J’ai horreur de cette chose, dit-elle à voix basse. Je la déteste vraiment. Elle ne me va pas du tout,
elle ne marche pas bien avec moi… C’est comme un morceau d’elle.

Harry ne put s’empêcher de repenser à la façon dont Hermione avait minimisé sa propre répugnance
à l’égard de la baguette de prunellier, affirmant qu’il s’imaginait des choses lorsqu’elle ne fonctionnait pas aussi bien que la sienne, lui recommandant simplement de s’entraîner. Il préféra
cependant ne pas lui retourner ses conseils. À la veille de leur tentative d’effraction de Gringotts, ce n’était pas le moment de la contrarier.
— Elle t’aidera sans doute à mieux entrer dans la peau du personnage, dit Ron. Pense à ce que cette
baguette a fait !

— Mais justement ! s’exclama Hermione. C’est la baguette qui a torturé les parents de Neville et Dieu
sait combien d’autres personnes. C’est celle qui a tué Sirius !

Harry n’y avait pas pensé. Il regarda la baguette et éprouva soudain une envie violente de la casser, de
la couper en deux avec l’épée de Gryffondor, posée contre le mur à côté de lui.

Sirius soupira.
- Hermione, la baguette n'est qu'un outil. Elle n'est pas, responsable de l'utilisation que le sorcier en fait.
- Je sais. Mais...Ma baguette me manque, dit Hermione d’un ton malheureux. J’aurais bien aimé que Mr Ollivander puisse m’en faire une autre à moi aussi. Mr Ollivander avait envoyé ce matin-là une nouvelle baguette à Luna. En ce moment même, elle était sortie sur la pelouse, à l’arrière de la maison, pour en tester les capacités, sous le soleil de cette fin d’après-midi. Dean, qui s’était fait voler la sienne par les Rafleurs, la regardait d’un air plutôt mélancolique.

Harry jeta un coup d’œil à la baguette d’aubépine qui avait appartenu à Drago Malefoy. Il avait été surpris, mais content, de s’apercevoir qu’elle lui obéissait aussi bien que celle d’Hermione.
Se rappelant ce qu’Ollivander leur avait dit sur le fonctionnement secret des baguettes, Harry crut deviner le problème d’Hermione : elle n’avait pas pris elle-même la baguette de noyer à Bellatrix et n’avait donc pas obtenu sa soumission.

La porte de la chambre s’ouvrit et Gripsec entra. Harry saisit instinctivement la poignée de l’épée
pour la rapprocher de lui mais il regretta aussitôt son geste : il vit que le gobelin l’avait remarqué.
Pour essayer de faire oublier ce moment un peu gênant, il dit :

— Nous avons mis au point les détails de dernière minute, Gripsec. Nous avons prévenu Bill et Fleur
que nous partions demain et nous leur avons demandé de ne pas se lever pour nous dire au revoir.
Ils avaient été fermes sur ce point car Hermione devait se transformer en Bellatrix avant leur départ et
moins Bill et Fleur savaient ou soupçonnaient de choses sur leur projet, mieux cela valait. Ils leur
avaient également précisé qu’ils ne reviendraient pas. Comme ils avaient perdu les tentes de Perkins et d'Aria, Bill leur en avait prêté une. Elle était à présent rangée dans le sac en perles qu’Hermione avait réussi à soustraire aux Rafleurs – Harry, Sirius et Ron en furent très impressionné lorsqu’elle le leur  raconta – en le cachant tout  simplement dans sa chaussette.

Sirius  regretterait Bill, Fleur, Luna et Dean, sans parler du confort domestique dont ils avaient
bénéficié au cours de ces dernières semaines. Pourtant, il avait hâte d’échapper à l’atmosphère
confinée de la Chaumière aux Coquillages. Il était fatigué d’avoir à s’assurer sans cesse qu’ils n’étaient pas entendus, fatigué d’être enfermé dans la chambre sombre, minuscule. Et surtout, il avait envie d’être débarrassé de Gripsec. Mais savoir précisément comment et quand ils pourraient se séparer du gobelin sans lui donner l’épée de Gryffondor demeurait une question à laquelle Harry était bien incapable de répondre. Ils n’avaient pas pu décider comment s’y prendre car le gobelin avait rarement laissé Harry, Ron, Sirius, Aria et Hermione seuls ensemble plus de cinq minutes d’affilée.

— Il pourrait donner des leçons à ma mère, grognait Ron en voyant les longs doigts du gobelin apparaître sans cesse derrière les portes.
Ayant en tête les avertissements de Bill, Harry soupçonnait Gripsec d’être à l’affût d’une possible trahison.

Hermione désapprouvait avec tant de vigueur la ruse qu’ils avaient projetée que Harry avait dû renoncer à lui demander des idées pour la mettre en œuvre. Ron, quant à lui, lors des rares
moments où Gripsec les laissait libres, se contentait de répondre :
— On n’aura qu’à improviser, mon vieux.
Ni Sirius ni Aria n'avaient pu lui trouver une bonne stratégie.

Sirius dormit mal, cette nuit-là. Étendu les yeux ouverts, en attendant l’aube, il repensa à la nuit qui
avait précédé leur expédition au ministère de la Magie et se souvint qu’il se sentait alors résolu,
presque enthousiaste. À présent, il avait des accès d’angoisse, des doutes le harcelaient : il ne pouvait
se débarrasser de la peur que tout se passe mal. Il ne cessait de se répéter que leur plan était bon, que
Gripsec savait ce qu’ils devraient affronter, qu’ils étaient bien préparés à toutes les difficultés qui les
attendaient, pourtant, il se sentait mal à l’aise. Une ou deux fois, il entendit Harry  remuer. Il était sûr que lui aussi était réveillé mais ils partageaient le living-room avec Dean, il préféra donc ne pas
essayer de lui parler.

Et puis Hermione lui manquait. Il avait pris l'habitude de dormir contre elle, bercé par sa respiration regulière, mais par respect pour Bill et Fleur. Elle dormait avec Luna et Aria. Il se demanda si elle arrivait à dormir, privée de sa présence.

À six heures du matin, ce fut un soulagement de pouvoir se glisser hors des sacs de couchage,
s’habiller dans une semi-obscurité puis sortir silencieusement dans le jardin où Hermione, Aria et Gripsec
devaient les retrouver. L’aube était fraîche mais il n’y avait plus beaucoup de vent, maintenant que le
mois de mai était arrivé. Sirius  leva les yeux vers les étoiles qui continuaient de scintiller faiblement
dans le ciel sombre et écouta le flux et le reflux de la mer contre la falaise : ce bruit lui manquerait.

De petites pousses vertes avaient percé la terre rouge qui marquait la tombe de Dobby. Dans un an, le
tertre serait couvert de fleurs. La pierre blanche sur laquelle était gravé le nom de l’elfe avait déjà l’air patinée.

Harry songea qu’il aurait été difficile de trouver plus bel endroit pour que Dobby repose en paix, mais il éprouvait une tristesse douloureuse à l’idée de le laisser derrière lui. En regardant la tombe, il se demanda une fois de plus comment l’elfe avait pu savoir où il devait aller pour leur
porter secours.

Le bruit d’une porte qui s’ouvrait le fit alors se retourner.
Bellatrix se dirigea vers eux en traversant la pelouse à grands pas, accompagnée de Gripsec. Tout en
marchant, elle rangea le petit sac en perles dans la poche intérieure de l’une des vieilles robes qu’ils
avaient emportées du square Grimmaurd. Bien que Harry sût parfaitement que c’était en réalité
Hermione, il ne put réprimer un frisson de dégoût. Elle était plus grande que lui, ses longs cheveux
noirs tombant en cascade dans son dos, ses yeux aux lourdes paupières le regardant avec une expression dédaigneuse. Mais lorsqu’elle parla, c’était Hermione qui s’exprimait par la voix basse de Bellatrix :

-  Elle avait un goût répugnant, pire que la Ravegourde ! Ron, viens là que je m’occupe de toi…
— D’accord, mais souviens-toi, je ne veux pas une barbe trop longue…
— Pour l’amour du ciel ! On ne te demande pas d’avoir l’air séduisant…
— Ce n’est pas ça, simplement, on se prend toujours dedans ! Mais j’aimerais bien un nez un peu plus
court, essaye de faire comme la dernière fois.

Hermione soupira et se mit au travail, marmonnant des formules tandis qu’elle transformait divers aspects de l’apparence de Ron. Il devait prendre une identité inventée de toutes pièces et ils comptaient sur l’aura malfaisante de Bellatrix pour le protéger. Harry et Gripsec, eux, se cacheraient sous la cape
d’invisibilité.
Sirius avait modifié l'apparence d'Aria. Elle était blonde, à présent, ses cheveux étaient courts, son nez était droits, et son visage était arrondi. Sa poitrine plus imposante, ce qui avait beaucoup plus à Ron, qui avait demandé si les, effets, seraient permanant.

Quand à lui, il avait également modifié ses traits.. Une grosse moustache et une barbe épaisse lui mangeait le visage, ses, cheveux étaient roux, son nez était épaté, et sa tenue vestimentaires ressemblait à celle des mangemorts.

— Et voilà, dit Hermione. Qu’est-ce que tu en penses, Harry ?
Il lui était possible de deviner Ron sous son déguisement mais seulement, pensa-t-il, parce qu’il le
connaissait si bien. Ses cheveux étaient à présent longs et ondulés, il avait une épaisse barbe brune
assortie d’une moustache, ses taches de rousseur avaient disparu, son nez était court et large, ses
sourcils broussailleux.

— Ce n’est pas vraiment mon genre, mais ça ira, répondit Harry. Bon, on y va ?
Tous  les cinq jetèrent un regard à la Chaumière aux Coquillages, sombre et silencieuse sous les étoiles pâlissantes, puis se dirigèrent vers le mur qui marquait la limite du jardin et au-delà duquel ils pourraient transplaner, le sortilège de Fidelitas cessant d’être actif. Lorsqu’ils eurent franchi le
portail, Gripsec parla :

— Je pense que je devrais monter, maintenant, Harry Potter.
Harry se baissa et il grimpa sur son dos, ses mains jointes sur sa gorge. Il n’était pas lourd, mais Harry n’aimait pas le contact du gobelin, ni la force surprenante avec laquelle il s’accrochait à lui.

Hermione sortit la cape d’invisibilité du sac en perles et la déploya sur eux.
— Parfait, dit-elle en se penchant jusqu’au sol pour vérifier que les pieds de Harry ne dépassaient pas.
On ne voit rien du tout. Allons-y.,

pivota sur place, et se  concentra de toutes ses forces sur le Chaudron
Baveur, l’auberge qui marquait l’entrée du Chemin de Traverse.

Les pieds de Sirius atterrirent sur un trottoir et il ouvrit les yeux sur Charing Cross Road. Des Moldus
passaient d’un air affairé, avec les airs de chien battu des petits matins, sans se douter de l'existence de la minuscule auberge.

Le bar du Chaudron Baveur était presque désert. Tom, le patron édenté aux épaules voûtées, essuyait
des verres derrière le comptoir. Deux sorciers qui parlaient à voix basse dans le coin opposé jetèrent
un coup d’œil à Hermione et reculèrent dans l’ombre.

— Madame Lestrange, murmura Tom.
Au passage d’Hermione, il inclina la tête avec servilité.
— Bonjour, dit Hermione.
Quand Harry se glissa silencieusement devant le bar, portant toujours Gripsec sous la cape, il vit une expression de surprise sur le visage de Tom.
— Trop polie, murmura Harry à l’oreille d’Hermione lorsqu’ils sortirent dans la petite cour de
l’auberge. Il faut traiter les gens comme des détritus.

— D’accord, d’accord !
Hermione prit la baguette de Bellatrix et tapota une brique dans le mur d’apparence banale devant
lequel ils s’étaient arrêtés. Aussitôt, les autres briques se mirent à tournoyer et à pivoter, laissant
apparaître une ouverture qui s’agrandit pour former une arcade donnant sur l’étroite rue pavée qu’onappelait le Chemin de Traverse.

L’endroit était calme, l’heure n’était pas tout à fait venue d’ouvrir les magasins et on ne voyait guère
de passants. La rue tortueuse au sol recouvert de petits pavés avait beaucoup changé. Ce n’était plus
l’artère animée qu’avait connue Harry avant de commencer sa première année à Poudlard, de
nombreuses années auparavant. De plus en plus de magasins étaient condamnés par des planches, bien
que de nouveaux établissements consacrés à la magie noire aient été installés depuis sa dernière visite.
Son propre visage le regardait d’un œil noir sur des affiches placardées à la devanture de nombreuses boutiques, toujours accompagné de la légende : « Indésirable n°1 ».

Des gens en haillons étaient assis, serrés les uns contre les autres devant des portes de maison. Il les
entendait demander d’un ton gémissant un peu d’or aux rares passants, insistant sur le fait qu’ils
étaient de véritables sorciers. Un homme portait sur l’œil un bandage ensanglanté.

Lorsqu’ils avancèrent le long de la rue, les mendiants aperçurent Hermione et semblèrent disparaître
devant elle, tirant leur capuchon sur leur visage, fuyant aussi vite qu’ils le pouvaient. Hermione les regarda avec curiosité, jusqu’à ce que l’homme au bandage ensanglanté vienne d’un pas chancelant
lui barrer le chemin.
— Mes enfants ! mugit-il en pointant le doigt sur elle.

ll y avait un accent de détresse dans sa voix éraillée, haut perchée.
— Où sont mes enfants ? Qu’a-t-il fait d’eux ? Vous le savez, vous le savez !
— Je… en fait, je…, balbutia Hermione.

L’homme se jeta sur elle, essayant de la prendre à la gorge. Un éclair rouge jaillit aussitôt,accompagné d’un bang !, et il fut projeté à terre, inconscient. Sirius resta figé, sa baguette toujourstendue devant lui, une expression de dégoût  perceptible derrière sa barbe.

Des visages apparurent auxfenêtres, de chaque côté de la rue, tandis qu’un petit groupe de passants d’allure prospère resserrent les pans de leurs robes et s’éloignaient en trottinant, pressés de quitter les lieux.

Leur entrée sur le Chemin de Traverse pouvait difficilement être plus voyante. Pendant un instant,
Harry se demanda s’il ne vaudrait pas mieux repartir tout de suite pour essayer de réfléchir à un nouveau plan. Mais avant qu’ils aient pu bouger ou se consulter, ils entendirent un cri derrière eux.
— Tiens, madame Lestrange !

Harry fit volte-face et Gripsec resserra son étreinte autour de son cou. Un grand sorcier mince avec une couronne de cheveux gris en broussaille et un long nez pointu s’avançait vers eux à grands pas.
— C’est Travers, siffla le gobelin à l’oreille de Harry, mais celui-ci, en cet instant tout au moins, aurait été incapable de dire qui était Travers.

Hermione se redressa de toute sa hauteur puis lança, avec autant de mépris qu’elle le pouvait :
— Et que me voulez-vous ?
Travers s’immobilisa, manifestement offensé.
— C’est un Mangemort ! souffla Gripsec.
Harry fit un pas de côté pour répéter l’information à l’oreille d’Hermione.
— Je voulais simplement vous saluer, dit froidement Travers, mais si ma présence n’est pas la bienvenue…
Harry reconnaissait sa voix, à présent. Travers était l’un des Mangemorts qui avaient été appelés chez Xenophilius.

— Si, si, Travers, répondit précipitamment Hermione, essayant de rattraper son erreur. Comment
allez-vous ?
— Eh bien, je dois avouer que je suis surpris de vous voir dehors, Bellatrix.
— Vraiment ? Et pourquoi ? demanda Hermione.
— Eh bien, parce que… – Travers toussota – j’ai entendu dire que les résidants du manoir des Malefoy
n’avaient plus le droit de sortir depuis la… heu… l’évasion.

Harry forma des vœux pour qu’Hermione garde son sang-froid. Si c’était vrai et que Bellatrix n'était
pas censée apparaître en public…
— Le Seigneur des Ténèbres pardonne à ceux qui l’ont fidèlement servi dans le passé, répliqua
Hermione dans une magnifique imitation du ton le plus hautain de Bellatrix. Vous n’avez peut-être pas
auprès de lui autant de crédit que moi, Travers.

Bien que le Mangemort eût l’air insulté, il sembla également moins soupçonneux. Il jeta un regard à
l’homme que Ron venait de stupéfixer.
— Que vous avait-il fait ?
— Peu importe, il ne recommencera pas, assura Hermione d’une voix glaciale.
— Certains de ces sans-baguette sont parfois très pénibles, commenta Travers. Tant qu’ils secontentent de mendier, je n’y vois pas d’inconvénient mais figurez-vous que, la semaine dernière, il y en a une qui m’a demandé de plaider sa cause auprès du ministère. « Je suis une sorcière, je suis une sorcière, dit-il en imitant une petite voix couinante, laissez-moi une chance de vous le prouver. »

Comme si j’allais lui prêter ma baguette. Mais, au fait, ajouta Travers avec curiosité, de quelle baguette vous servez-vous en ce moment, Bellatrix ? J’ai entendu raconter que la vôtre…
— Je l’ai toujours avec moi, coupa Hermione de son ton glacé en levant la baguette de Bellatrix. Je ne sais pas quelles sont ces rumeurs dont vous parlez, Travers, mais vous semblez bien mal informé.

Travers parut quelque peu interloqué et préféra se tourner vers Ron.
— Quels sont vos amis ? Je ne les reconnais pas.
— il s'agit de Dragomir Despard, dit Hermione.
Ils avaient décidé que la meilleure couverture pour Ron consisterait à apparaître comme un étranger
au nom imaginaire.
— Il parle très mal l’anglais mais c’est un sympathisant du Seigneur des Ténèbres. Il est venu deTransylvanie pour voir notre nouveau régime.
Son épouse, Lorelai et leur garde du corps, vladimir Ieslinn.
— Vraiment ? Heureux de faire votre connaissance, Dragomir, madame.
— Très enchanté, répondit Ron en tendant la main.

Travers lui présenta deux doigts et serra négligemment la main de Ron comme s’il avait peur de se
salir.
— Alors ? Qu’est-ce qui vous amène si tôt sur le Chemin de Traverse, vous et votre ami… heu…
sympathisant ? demanda Travers.
— Je dois aller chez Gringotts, répondit Hermione.

— Moi aussi, hélas, dit Travers. L’or, cet or exécrable ! On ne peut pas vivre sans lui, mais j'avoue que je déplore la nécessité d’avoir à fréquenter nos amis aux longs doigts.

Harry sentit les mains de Gripsec lui serrer brièvement le cou.
— Voulez-vous que nous y allions ensemble ? proposa Travers en faisant un geste pour inviter
Hermione à l’accompagner.
Hermione n’eut d’autre choix que de marcher à côté de lui, le long de la rue tortueuse et pavée, en direction de la banque Gringotts qui dressait sa façade d’une blancheur de neige au-dessus des petites boutiques alentour. Ron les suivit d’un pas nonchalant, Harry et Gripsec derrière eux. Sirius et Aria les suivaient.

Ils se seraient volontiers passés de la compagnie d’un Mangemort trop curieux. Mais le pire était qu’en présence de Travers – au côté de celle qu’il croyait être Bellatrix –, Harry ne pouvait plus communiquer avec Hermione ni avec Ron.

Un peu trop tôt à son goût, ils arrivèrent au pied del’escalier en marbre qui menait au grand portail de bronze. Ainsi que Gripsec les en avait avertis, les gobelins en livrée habituellement postés de chaque côté de l’entrée avaient été remplacés par deux sorciers qui tenaient à la main une canne d’or longue et fine.
— Ah, les Sondes de Sincérité, soupira Travers d’un ton théâtral. Très rudimentaires… maisefficaces !

Il monta les marches, saluant d’un petit signe de tête, à gauche et à droite, les deux sorciers qui
brandirent leurs cannes d’or et les lui passèrent sur le corps, de la tête aux pieds. Harry savait que les
sondes détectaient les sortilèges de Camouflage et les objets magiques dissimulés. Conscient de
n’avoir que quelques secondes pour agir, Harry pointa la baguette de Drago tour à tour sur chacun
des gardes et murmura à deux reprises :
— Confundo.

Travers, qui regardait au-delà des portes de bronze le hall de la banque, ne remarqua pas le
tressaillement des deux gardes au moment où les sortilèges les frappèrent.
Les longs cheveux noirs d’Hermione ondulèrent derrière elle lorsqu’elle monta les marches.
— Un instant, madame, dit l’un des gardes en levant sa sonde.
— Mais vous venez de le faire ! protesta Hermione, du ton arrogant, impérieux  de Bellatrix.
Travers se retourna en haussant les sourcils. Le garde ne savait plus très bien où il en était. Il regarda
la fine sonde d’or puis leva les yeux vers son collègue qui lui dit d’une voix légèrement éteinte :
— Mais oui, tu viens de les fouiller, Marius.

Hermione s’avança d’un pas vif, Ron à côté d’elle, Harry et Gripsec, invisibles, trottant derrière eux.
Lorsqu’ils franchirent le seuil, Sirius  jeta un coup d’œil par-dessus son épaule : les deux sorciers se
grattaient la tête.

Deux gobelins se tenaient devant les portes intérieures, en argent celles-ci, sur lesquelles était gravé le poème promettant un terrible châtiment aux éventuels voleurs. Harry leva la tête et, tout à coup, un souvenir lui revint en mémoire avec une extraordinaire acuité. Le jour de ses onze ans, le plus merveilleux anniversaire de sa vie, il s’était trouvé à cet endroit même en compagnie de Hagrid dont il entendait encore les paroles : «Comme je te l’ai dit, il faudrait être fou pour essayer de voler
quelque chose ici. » Gringotts lui était alors apparu comme un lieu de merveille, la demeure enchantée d’un trésor qu’il possédait sans l’avoir jamais su, et pas un seul instant l’idée ne lui serait venue qu’il puisse y revenir un jour comme un voleur…

Quelques secondes plus tard, ils avaient pénétré dans le vaste hall de marbre de la banque.
Derrière le long comptoir, des gobelins assis sur de hauts tabourets servaient les premiers clients de
la journée. Hermione, Ron et Travers se dirigèrent vers un vieux gobelin qui examinait une grosse pièce d’or à l’aide d’une loupe. Hermione laissa passer Travers devant elle en prétextant qu’elle voulait expliquer à Ron certains détails architecturaux du grand hall.

Le gobelin jeta de côté la pièce qu’il tenait entre ses doigts et murmura, sans s’adresser à personne en
particulier :
— Farfadet.
Puis il salua Travers qui lui donna une minuscule clé d’or. Le gobelin en vérifia l’authenticité et la lui
rendit. Hermione s’avança à son tour.
— Madame Lestrange ! s’exclama le gobelin, visiblement surpris. Ça, alors ! Que… Que puis-je faire
pour vous ?

— Je voudrais descendre dans ma chambre forte, répondit Hermione.
Le vieux gobelin eut comme un mouvement de recul. Harry jeta un coup d’œil derrière lui. Non
seulement Travers restait là, en retrait, à la regarder, mais d’autres gobelins avaient levé le nez de
leur travail pour observer Hermione.
— Vous avez… un document d’identité ? demanda le gobelin.
— D’identité ? On… On ne m’avait encore jamais demandé de document d’identité ! répliqua
Hermione.
— Ils savent, murmura Gripsec à l’oreille de Harry. Ils ont dû être avertis qu’il y avait un risque
d’imposture !

— Votre baguette fera l’affaire, madame, assura le gobelin.
Il tendit une main légèrement tremblante et Harry comprit soudain avec horreur que les gobelins de
Gringotts étaient au courant du vol de la baguette de Bellatrix.
— Intervenez maintenant, chuchota Gripsec. Le sortilège de l’Imperium !

Sous la cape, Harry leva la baguette d’aubépine, la dirigea sur le vieux gobelin et murmura, pour la
première fois de sa vie :
-  Impero !
Il éprouva une étrange sensation le long du bras, une sorte de fourmillement tiède qui semblait jaillirde son cerveau et parcourir les veines, les tendons le reliant à la baguette et au sortilège qu’il venait
de lancer. Le gobelin prit la baguette magique de Bellatrix, l’examina attentivement, puis déclara :

— Ah, vous avez fait fabriquer une nouvelle baguette, madame Lestrange !
— Quoi ? dit Hermione. Non, non, c’est la mienne…
— Une nouvelle baguette ? s’étonna Travers qui s’approcha à nouveau du comptoir.
Tout autour, les gobelins continuaient d’observer la scène.
— Mais comment est-ce possible ? À quel fabricant vous êtes-vous adressée ?
Harry réagit sans réfléchir : il pointa sa baguette sur Travers et marmonna une fois de plus :
— Impero !
— Ah, oui, je vois, dit alors Travers en regardant la baguette de Bellatrix. Oui, très élégante. Et elle
marche bien ? J’ai toujours pensé que les baguettes nécessitaient un certain temps de rodage, vous ne croyez pas ?

Hermione parut abasourdie mais, au grand soulagement de Harry, elle s’adapta sans commentaire à
ce bizarre retournement de situation.
Derrière le comptoir, le vieux gobelin frappa dans ses mains et un gobelin plus jeune s’approcha.
— Je vais avoir besoin des Tintamars, dit-il au jeune gobelin.

Celui-ci fila aussitôt puis revint un instant plus tard avec un sac de cuir apparemment rempli d’objets
en métal – à en juger par les tintements qu’on entendait – et le donna à son supérieur.

— Parfait, parfait ! Si vous voulez bien me suivre, madame Lestrange, reprit le vieux gobelin, je vais vous conduire à votre chambre forte.
Il sauta du tabouret, disparut derrière le comptoir, et réapparut après en avoir fait le tour, s’avançant
vers eux d’un pas joyeux, le contenu de son sac continuant de tinter. Travers, à présent, se tenait
immobile, la bouche grande ouverte. Le regard perplexe que Ron posait sur lui attira l’attention surcet étrange phénomène.
— Bogrod… attends !
Un autre gobelin sortit précipitamment de derrière le comptoir.
— Nous avons des instructions, annonça-t-il en s’inclinant devant Hermione. Pardonnez-moi,
madame, mais nous avons reçu des ordres particuliers concernant la chambre forte des Lestrange.

Il murmura quelques mots d’un ton pressant à l’oreille de Bogrod mais le gobelin, soumis àl’Imperium, l’écarta d’un geste.
— Je connais les instructions. Madame Lestrange veut descendre dans sa chambre forte… très vieille
famille… vieux clients… par ici, s’il vous plaît…

Accompagné du tintement de son sac, il se hâta vers l’une des portes du hall. Harry jeta un coup d’œil à Travers qui était toujours figé sur place, l’air anormalement absent, et prit alors une décision : d’un petit coup de baguette, il obligea le Mangemort à venir avec eux. Celui-ci les suivit docilement lorsqu’ils franchirent la porte et pénétrèrent dans un couloir de pierre brute, éclairé par des torches enflammées.

— Ça va mal, ils ont des soupçons, dit Harry après que la porte eut claqué derrière eux.
Il ôta sa cape d’invisibilité et Gripsec sauta de ses épaules. Ni Travers, ni Bogrod ne manifestèrent lamoindre surprise en voyant brusquement apparaître Harry Potter devant eux.

— Ils sont sous Imperium, ajouta Harry en réponse aux interrogations d’Hermione, Ron, et Aria, Sirius ayant  comprit tout de suite, au sujet
de Travers et de Bogrod qui restaient là, le visage dépourvu d’expression. Je crois que je n’y suis pas allé assez fort, je ne sais pas…

Un autre souvenir resurgit alors dans sa mémoire, celui de la véritable Bellatrix Lestrange hurlant à
ses oreilles, la première fois qu’il avait essayé de jeter un Sortilège Impardonnable : « Il fautvraiment vouloir la souffrance de l’autre, Potter ! »

— Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Ron. On essaye de sortir maintenant, pendant qu’on peut encore ?
— Si on le peut vraiment, dit Hermione en jetant un coup d’œil vers la porte du hall derrière laquelleils ignoraient ce qui était en train de se passer.
— Nous sommes arrivés jusqu’ici, on continue, décida Harry.
- Oui. Répondit Sirius, on est allé trop loin pour reculer maintenant, et puis, on aura pas une seconde chance.

— Très bien ! approuva Gripsec. Dans ce cas, nous avons besoin de Bogrod pour conduire le wagonnet. Je n’ai plus l’autorité nécessaire. Mais il n’y aura pas assez de place pour emmener lesorcier.
Harry dirigea sa baguette sur Travers.
— Impero !
Le sorcier se tourna et avança d’un pas vif le long du passage.
— Qu’est-ce que tu lui fais faire ? Demanda Sirius.
— Je l’envoie se cacher, répondit Harry, sa baguette pointée à présent sur Bogrod.

Celui-ci siffla pour appeler un wagonnet qui surgit de l’obscurité en roulant vers eux sur ses rails.
Lorsqu’ils grimpèrent à bord, Bogrod et Gripsec à l’avant, Harry, Ron, Aria Sirius et Hermione serrés à
l’arrière, Harry aurait juré entendre des cris derrière eux, dans le grand hall.

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