CHAPITRE 30. LA CORNE D'ERUPTIF

Luna avait décoré le plafond de sa chambre de cinq portraits magnifiques, ceux de Harry, Ron,
Hermione, Ginny et Neville. Ils n’étaient pas animés comme les tableaux de Poudlard mais il y avait
quand même en eux une certaine magie. Harry avait l’impression qu’ils respiraient. De fines chaînes d’or s’entrelaçaient entre les portraits, en les reliant les uns aux autres, mais après les avoir observées pendant un certain temps, il s’aperçut que les chaînes étaient en fait constituées du même mot mille fois répété, tracé à l’encre dorée : « amis… amis… amis…»

Harry ressentit pour Luna un profond élan d’affection. Il regarda autour de la pièce. À côté du lit, une grande photo représentait Luna, plus jeune, en compagnie d’une femme qui lui ressemblait beaucoup.

Toutes deux s’étreignaient. Harry n’avait jamais vu Luna aussi soignée que sur cette image. Le cadre
de la photo était poussiéreux, ce qu’il trouva un peu étrange. Il continua d’examiner la chambre.
Quelque chose paraissait bizarre. Le tapis bleu pâle était lui aussi recouvert d’une épaisse couche de
poussière. Il n’y avait aucun vêtement dans l’armoire dont les portes étaient entrouvertes et le lit semblait froid, peu accueillant, comme si personne n’y avait dormi depuis des semaines.

Une unique toile d'araignée s’étendait d’un bord à l’autre de la fenêtre la plus proche, sur un fond de ciel rouge sang.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Hermione alors que Harry redescendait l’escalier.
Mais avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, Xenophilius remonta de la cuisine, portant à présent un
plateau chargé de bols.
— Mr Lovegood, où est Luna ? demanda Harry.
— Pardon ?
— Où est Luna ?
Xenophilius s’immobilisa sur la dernière marche.
— Je… je vous l’ai déjà dit. Elle est descendue à Bottom Bridge pour pêcher des Boullus.
— Alors pourquoi n’y a-t-il que quatre bols sur ce plateau ?

Xenophilius essaya de répondre, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. On n’entendait que le battement continu de la presse à imprimer et le léger tintement que produisait à présent le plateau, entre les mains tremblantes de Xenophilius.

— Je crois que Luna est absente depuis plusieurs semaines, poursuivit Harry. Ses vêtements ont disparu et elle n’a pas dormi dans son lit. Où est-elle ? Et pourquoi regardez-vous tout le temps par la fenêtre ?

Xenophilius lâcha le plateau. Les bols tombèrent, rebondirent, se fracassèrent. Harry, Ron, Sirius, Aria et Hermione tirèrent leurs baguettes. Xenophilius se figea, la main prête à plonger dans sa poche. Au même moment, une forte détonation s’éleva de la presse à imprimer et une impressionnante quantité de Chicaneur jaillit de sous la nappe en se répandant sur le sol. Puis la machine devint enfin silencieuse.
Hermione se pencha et ramassa l’un des magazines, sa baguette toujours pointée sur Mr Lovegood.
— Harry, regarde ça.
Il s’avança vers elle aussi vite qu’il le put à travers le désordre de la pièce.

La couverture du Chicaneur montrait une photo de lui, barrée de la mention « Indésirable n°1 », avec en légende le montant de la récompense promise pour sa capture.
— Le Chicaneur a révisé sa position ? demanda froidement Harry en réfléchissant très vite. C'est donc ça que vous avez fait lorsque vous êtes descendu dans le jardin, Mr Lovegood ? Vous avez envoyé un hibou au ministère ?
Xenophilius se passa la langue sur les lèvres.

— Ils ont pris ma Luna, murmura-t-il. À cause de ce que j’écrivais dans mon journal. Ils ont pris maLuna et je ne sais pas où elle est, je ne sais pas ce qu’ils lui ont fait. Mais peut-être qu’ils me la rendront si je… si je…
— Si vous livrez Harry ? acheva Hermione à sa place.
— Pas question, dit sèchement Ron. Écartez-vous, on s’en va.

Xenophilius, le teint blême, paraissait avoir cent ans, ses lèvres étirées en un effroyable rictus.
— Ils vont arriver d’un moment à l’autre. Je dois sauver Luna. Je ne veux pas perdre Luna. Vous allez
rester.
Il écarta les bras devant l’escalier et Harry eut la vision soudaine de sa mère faisant le même geste
devant son lit d’enfant.
— Ne nous obligez pas à vous faire mal, dit Harry. Écartez-vous, Mr Lovegood.
— HARRY ! hurla Hermione.

Des silhouettes volant sur des balais passèrent devant les fenêtres. Lorsque tous trois tournèrent la tête
pour les regarder, Xenophilius tira sa baguette. Harry se rendit compte de leur erreur juste à temps : il
se jeta sur le côté, poussant Ron et Hermione hors d’atteinte du sortilège de Stupéfixion que Xenophilius venait de jeter. L’éclair traversa la pièce et frappa de plein fouet la corne d’Éruptif.

Il y eut une gigantesque explosion. La déflagration sembla pulvériser la pièce. Des morceaux de bois, de papier, de plâtre volèrent en tous sens. Sirius  fut projeté dans les airs puis s’écrasa par terre, se
protégeant la tête de ses bras, incapable de voir quoi que ce soit à travers la pluie de débris qui
s’abattait sur lui. Il entendit les cris, les hurlements d’Hermione et de Ron et une série de bruits sourds, métalliques, à donner la nausée : soulevé par l’onde de choc, Xenophilius était tombé en arrière, dans l’escalier en colimaçon.

À moitié enterré sous les gravats, Harry essaya de se relever. À cause de la poussière, il ne voyait plus rien et parvenait à peine à respirer. La moitié du plafond s’était écroulée et l’extrémité du lit de Luna pendait dans le vide. Le buste de Rowena Serdaigle gisait à côté de lui, la moitié de la tête arrachée, des fragments de parchemins déchirés flottaient dans les airs et la presse à imprimer était
couchée sur le côté, interdisant l’accès à l’escalier de la cuisine.

Une autre silhouette blanche
s’approcha et Hermione, couverte de poussière comme une deuxième statue, pressa l’index contre ses
lèvres.
Au rez-de-chaussée, la porte d’entrée s’ouvrit à la volée.
— Je t’avais bien dit qu’il était inutile de se presser, Travers, grommela une voix rauque. Je t’avais dit que ce cinglé délirait, comme d’habitude.
Il y eut un bang ! et Xenophilius lança un cri de douleur.
— Non… Non… Là-haut… Potter !
— Je t’ai déjà averti, Lovegood, que si tu nous faisais revenir, il nous faudrait des informations solides. Tu te souviens, la semaine dernière ? Quand tu as voulu nous échanger ta fille contre le stupide chapeau de ta statue ? Et la semaine d’avant – nouveau bang ! et nouveau cri –, quand tu croyais qu’on allait te la rendre si tu nous apportais la preuve de l’existence – bang ! – des Ronflaks – bang ! – Cornus ?
— Non, non, je vous en supplie ! sanglota Xenophilius. C’est vraiment Potter ! Vraiment !
— Et maintenant, on s’aperçoit que tu nous as appelés pour essayer de nous faire sauter ! rugit le Mangemort.

Il y eut une rafale de bang ! ponctuée des cris de douleur de Xenophilius.
— La maison ne va pas tarder à s’effondrer, Selwyn, dit avec froideur une deuxième voix qui résonna
dans l’escalier à demi démoli. L’escalier est complètement bloqué. Si on essaye de le dégager, tout
risque de s’écrouler.
— Sale petit menteur, s’écria le dénommé Selwyn. Tu n’as jamais vu Potter de ta vie, hein ? Tu croyais pouvoir nous attirer ici pour nous tuer ? Et tu penses que c’est en t’y prenant comme ça que tu vas récupérer ta fille ?
— Je vous jure… je vous jure… Potter est là-haut !
— Hominum revelio, dit la voix au pied de l’escalier.
Harry entendit Hermione étouffer une exclamation et eut l’étrange sensation que quelque chose
fondait sur lui, le submergeant de son ombre.
— Il y a quelqu’un, là-haut, c’est vrai, Selwyn, dit le deuxième homme d’un ton sec.
— C’est Potter, je vous répète que c’est Potter ! sanglota Xenophilius. S’il vous plaît… S’il vous plaît… Rendez-moi Luna, laissez-moi ma Luna…
- Tu pourras avoir ta fille chérie, Lovegood, si tu montes là-haut et que tu me ramènes Harry Potter,
promit Selwyn. Mais si c’est une ruse, si c’est un piège, si tu as un complice qui nous attend pour nous tomber dessus, on verra alors si on peut te garder un petit morceau de ta fille pour que tu aies quelque chose à enterrer.

Xenophilius poussa un gémissement de terreur, de désespoir. Il y eut des bruits de pas précipités, des
raclements : il essayait de se frayer un chemin parmi les débris qui obstruaient l’escalier.
— Venez, chuchota Harry, il faut que nous sortions d’ici.
Profitant du vacarme que faisait Xenophilius, il entreprit de se dégager. Ron était enseveli sous une
masse de décombres. Harry et Hermione enjambèrent les gravats le plus silencieusement possible pour arriver jusqu’à lui et essayèrent de soulever une lourde commode qui coinçait ses jambes.
Hermione parvint à le libérer à l’aide d’un sortilège de Lévitation alors que des coups sonores et des raclements de plus en plus proches annonçaient l’arrivée de Xenophilius.
— Très bien, murmura Hermione.
La presse disloquée qui bloquait le haut de l’escalier commença à trembler. Xenophilius n’était plus
qu’à deux ou trois mètres d’eux. Hermione était toujours blanche de poussière.
— Tu as confiance en moi, Harry ? lui demanda-t-elle.
Harry acquiesça d’un signe de tête.
— OK, murmura Hermione, donne-moi la cape d’invisibilité. Ron, tu vas la mettre.
— Moi ? Mais Harry…
— S’il te plaît, Ron ! Harry, tiens-moi bien la main, Ron, accroche-toi à mon épaule.

Harry tendit sa main gauche. Ron disparut sous la cape. La presse qui interdisait l’accès à l’escalier
s’était mise à trépider : Xenophilius essayait de la déplacer en utilisant à son tour un sortilège de Lévitation. Harry ne savait pas ce qu’Hermione attendait.

— Tenez-vous bien, murmura-t-elle. Tenez-vous bien… Attention…
La tête de Xenophilius, d’une blancheur de papier, apparut au-dessus du buffet renversé.
— Oubliettes ! s’écria aussitôt Hermione en pointant sa baguette sur le visage de Xenophilius. Puis, la
dirigeant vers le sol, juste au-dessous d’eux, elle ajouta : Deprimo !
Le sortilège fit exploser le plancher du salon en creusant un grand trou. Ils tombèrent comme des rocs, Harry toujours cramponné à la main d’Hermione. Un cri s’éleva au-dessous de lui et il vit deux hommes courir pour essayer d’échapper au déluge de gravats et de meubles brisés qui s’abattaient autour d’eux, à travers le plafond défoncé. Hermione tournoya dans le vide et le fracas de la maison
qui s’effondrait retentit aux oreilles de Harry, tandis qu’elle l’entraînait une fois de plus dans les ténèbres.

Sirius et Aria furent entraînés dans l'effondrement du plancher. Sirius tomba lourdement sur le sol, il poussa un cri de douleur lorsque son dos rencontra les débris qui le jonchait.
Il abrita son visage de ses bras, pour éviter les gravats qui tombaient du plafond. Mais à sa grande surprise, aucun d'eux ne le toucha.

Il chercha à en découvrir la raison, et aperçut Aria. Elle se tenait debout, sa baguette braquée sur lui. Elle avait déployé un bouclier au dessus, de lui.
Du sang coulait de la tempe de la  jeune fille. Elle avait un genou à terre.
Elle se redressa à la vitesse de l'éclair, bondit souplement par dessus les débris, attrapa Sirius par l'épaule, encore sonné par sa chute, et  transplana.

Harry, pantelant, tomba dans l’herbe et se releva aussitôt. Apparemment, ils avaient atterri au coin d’un champ, à la lueur du crépuscule. Hermione courait déjà en décrivant un cercle autour d’eux, sa baguette brandie.
— Protego totalum… Salveo maleficia…
— Cette vieille crapule, ce traître ! haleta Ron.
Il émergea de la cape d’invisibilité et la jeta à Harry.
— Hermione, tu es un génie, un génie absolu, je n’arrive pas à croire que nous nous en soyons sortis !
— Cave inimicum… N’avais-je pas dit qu’il s’agissait d’une corne d’Éruptif ? Ne l’ai-je pas averti ?
Maintenant, sa maison a explosé !
— Bien fait pour lui, répliqua Ron en examinant son jean déchiré et les écorchures qu’il avait aux jambes. À ton avis, qu’est-ce qu’ils vont lui faire ?
— J’espère qu’ils ne le tueront pas ! gémit Hermione. C’est pour ça que je voulais que les Mangemorts aperçoivent Harry avant que nous ne disparaissions, pour qu’ils sachent que Xenophilius ne mentait pas !
— Mais pourquoi me cacher sous la cape ? s’étonna Ron.
— Ron, tu es censé être cloué au lit par une éclabouille ! Ils ont kidnappé Luna parce que son père soutenait Harry ! Qu’arriverait-il à ta famille s’ils savaient que tu es avec lui ?
— Mais tes parents à toi ?
— Ils sont en Australie, répondit Hermione. Ils devraient être en sécurité. Ils ne sont au courant de
rien.
- Tu es un génie, répéta Ron, impressionné.
-  C’est vrai, Hermione, approuva Harry avec ferveur. Je ne sais pas ce que nous ferions sans toi.
Elle eut un sourire rayonnant mais redevint grave.
— Et Luna ?
— S’ils disent la vérité et qu’elle est toujours en vie…, commença Ron.
— Ne dis pas ça, surtout pas ça ! couina Hermione. Elle est forcément en vie, forcément !
— Alors, j’imagine qu’elle doit être à Azkaban, poursuivit Ron. Mais est-ce qu’elle y survivra… ? Il y a des tas de gens qui n’y arrivent pas…
— Elle, elle y arrivera, affirma Harry.
Envisager le contraire lui était insupportable.
— Elle est coriace, Luna, beaucoup plus coriace qu’on ne pourrait le croire. Elle doit sans doute
apprendre des tas de choses aux autres prisonniers sur les Joncheruines et les Nargoles.
— J’espère que tu as raison, dit Hermione.
Elle se passa une main sur les yeux.
— Je serais tellement triste pour Xenophilius, si…
— S’il n’avait pas essayé de nous vendre aux Mangemorts, acheva Ron. Oui, c’est vrai.

- Et Sirius ? Et Aria ? Demanda Harry.
Hermione retint les larmes qui lui brûlaient les yeux.
- Je... Ils étaient trop loin. Je.. Je pouvais rien faire.
- Ça veut dire qu'ils...
- Je ne sais pas. Dit Hermione. Et elle fondit en larmes.
Ron déglutit. L'image d'Aria, lui souriant, le hanta.
-  Ils ont de la ressource tous les deux. Affirma t'il, plus pour se convaincre, que pour rassurer les autres. Ils s'en sont sortis. J'en suis, sûr.
- Mais.. Dit Harry, en serrant Hermione contre lui. Comment vont ils faire pour nous retrouver ?

Hermione sanglota de plus belle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top