Lettre 1. Parce que tu n'étais pas là.
Cher George,
je t'écris doucement, lentement. En vérité, ma lettre est pour l'instant aussi vide que mon cœur. Mais tu verras, à la fin de cette lettre, ton cœur saignera. Il brûlera parce que tu n'étais pas là. Tu es parti, comme un lâche. C'est sûrement ironique que je t'en veuille alors que c'est moi qui suis responsable. Mais tu verras, à la fin de cette lettre, tu te consumeras, tu te réduiras en poussière et tu reprendras vie. Mais tu ne seras toujours pas là, près de moi, au creux de mes bras, au creux de mon cœur. Alors c'est l'heure des aveux, un peu teigneux. Sans queue ni tête.
Romain venait de partir à l'Université et ce soir là, quand je me suis décidé à sortir, il faisait froid. J'étais au fond du trou parce qu'il était partit et que sans lui, la maison serait bien vide. C'était mon frère chéri et il représentait tout pour moi, car je n'avais plus que lui.
Je me rappelle encore, la neige se déversait doucement du ciel et je me rappelle m'être dis que je trouvais cela grisant, de sentir les petits flocons sur mon visage, sur ma peau. Cela devait faire environ une heure que j'étais dehors et je refusais de rentrer même si j'étais frigorifié. Je trouvais la plage si belle quand il neigeait. Je la trouvais envoutante et je m'imaginais la peindre ensuite, à l'atelier. Ce serait si beau, si peu coloré, mais si peu fade en même temps. Il faudrait que je combine si peu de couleurs sur une toile, que je rende cela si éclatant. Dans ma tête, cela semblait si beau. Tu trouveras cela ironique, mais à la place, c'est toi que j'ai peint ce soir là.
À ce moment là, je me suis arrêté et j'ai observé longuement la mer, emmitouflé dans mon manteau et mon écharpe. J'avais sacrément froid aux pieds, parce que j'avais seulement pris des converses jaunes. Et à nouveau, je l'ai trouvé si belle cette mer. Si belle. Son immensité m'a fasciné, m'a envouté et je me suis senti si fort. Tout à coup, je me suis pris pour le soleil et me suis demandé pourquoi je n'étais pas à sa place. C'est vrai ça, pourquoi n'étais-je pas à sa place, au soleil ? Sûrement le destin m'avait-il réservé meilleur avenir, me suis-je dis.
Je me suis assis sur le sable blanc et j'ai attendu que le temps passe, qu'il me fatigue, m'effiloche, jusqu'à que moi aussi je ne sois plus que brume et vent. Mais avant que cela ne se produise, tu t'es assis à mes côtés. Je ne t'avais pas entendu arriver, avec ta démarche pimpante, fluide comme l'eau, puissante comme la Terre. Même si je ne t'avais pas entendu arriver, je n'ai pas sursauté quand, un peu après, tu as dis :
- Toutes les petites puces de sable vont être congelées.
Un fou rire m'a pris quand j'ai imaginé les puces congelées et après quelques secondes à écouter mon rire, tu y as joint les tiens. À mon oreille, ils étaient joueurs, dansants et je crois qu'ils n'avaient pas envie de s'arrêter. Pas envie de s'arrêter parce que, dans nos rires, j'ai quand même entendu de la douleur. Pas envie de s'arrêter, parce que nous savions tellement que la réalité allait nous rattraper. C'est tout con, mais à ce moment là, je me suis senti tellement mieux. J'étais léger, et je crois que c'est pour ça que mon rire reprenait à chaque fois, là ou il s'arrêtait. Mais bon, je crois que nos rires ne pouvaient pas naviguer sur la neige très longtemps, parce qu'à un moment, ils se sont arrêtés de ramer et se sont éteins. À la place quelques larmes silencieuses sont sorties toutes seules de nos yeux. J'ai dis :
- C'est vrai. On aura même plus besoin de les mettre au congelo, la neige fait tout le boulot. D'ailleurs, y'aura pas qu'elles qui vont êtres congelées.
- Ouais, c'est sûr. Pauv' puces.
J'ai entendus un sourire dans ta voie et, pour la première fois, je me suis risqué à jeter un regard vers toi. J'ai été étonné de voir des cheveux blonds platines naturels. Tu avais de beaux yeux bleus et une peau aussi blanche que la neige. Tu avais de beaux cheveux, en bataille sans vraiment l'être, contrastaient avec les miens que je n'avais pas coiffés depuis la veille. Quelques taches de rousseurs constellaient doucement tes pommettes saillantes et ta mâchoire carrée, qui te donnaient quelque chose en plus, que même maintenant, je ne saurais expliquer. Le plus drôle, c'était que tu étais en t-shirt. Tu n'avais même pas l'air d'avoir froid, et moi, avec mon nez sûrement rouge, mes mains presque bleues et mes joues rougies par le froid, je faisais peine à voir.
J'ai alors pris mon écharpe et je te l'ai mise autour du cou. Elle te donnait quelque chose de malicieux et je me suis promis de te peindre en rentrant à la maison. Elle était faite de laine rouge et c'était la dernière que ma mère m'avait offerte avant sa mort. Je ne sais pas vraiment pourquoi je te l'ai donné, mais une chose était sûre, je ne l'ai pas regretté par la suite. J'y tenais à cette écharpe, j'y tenais tellement que j'aurais donné ma vie pour elle, mais je te l'ai donné à toi. C'était un geste qui ne s'expliquait pas, spontané. Je pense qu'elle t'allait mieux qu'à moi et que si ma mère l'avait faite, ce n'était en vérité pas pour moi. Elle m'avait dit d'en faire bon usage, et j'avais l'infime conviction que tu ne finirais pas par la jeter. J'avais raison.
J'ai finis par me lever et mes jambes étaient raides, mes doigts me faisaient souffrir et j'avais mal au nez et aux oreilles. En fait, je crois qu'à ce moment-là, j'ai éternué et ça a attiré ton attention. J'ai épousseté mon pantalon et mon imper' plein de neige. J'ai tendu ma main frigorifiée vers toi. Tu ne l'as pas prise et tu l'as laissée en plan, pantelante. J'ai fini par la baisser et tu as fais pareil que moi avec ton pantalon, mais tu n'as pas touché à ton t-shirt intact.
À ce moment là, je ne sais pas ce qui m'a pris, mais je t'ai souris largement et je me suis présenté :
- Moi c'est Nathan.
Cette fois, c'est toi qui m'a tendu la main et dis, un mini sourire au coin des lèvres :
- George.
- Cool, bon je vais y aller avant qu'autre chose que les puces de sable soit vraiment congelé.
Là en revanche, c'est moi qui t'ai foutu un vent phénoménal, et je suis parti sans me retourner. Je ne t'ai même pas demandé ton numéro. Quel con.
Ton âme sœur passionnée,
Nathan.
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Corrigé par @ Yammai-chan
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