1

La limousine s'inséra dans la file de voitures, dans la rue longeant la salle O2 Aréna de Londres, où devait se dérouler la quarantième cérémonie des Brits Awards. Elle se stoppa non loin du tapis rouge, derrière un autre véhicule qui, comme elle, attendait patiemment son tour pour laisser descendre une célébrité invitée pour l'occasion.

De là où il se trouvait, Harry ne pouvait que deviner ce qu'il se passait.

Il ne percevait pas encore la clameur de la foule en délire, même s'il savait que bientôt il serait enveloppé par sa frénésie hystérique. Il n'entendait pas encore le cliquetis des appareils photo ni la musique jouant en fond pour accompagner la traversée jusqu'à l'entrée de la salle... il était beaucoup trop loin, mais il connaissait tout ça par cœur.

C'était comme une vieille routine qu'il répétait encore et encore. Depuis ses seize ans, il en avait fait des soirées de ce type, il avait assisté à tellement de cérémonies qu'il en avait oublié la moitié. Ce n'était ni nouveau ni inconnu, pourtant il ne pouvait empêcher cette angoisse sourde et inexplicable de couler dans ses veines et de le garder en son pouvoir.

- Tu es prêt ? lui demanda gentiment Jeff, son manager et ami, assis juste en face de lui, le sortant de ses pensées.

Harry acquiesça sans un mot, trop stressé à l'idée de devoir bientôt sortir du cocon rassurant de la voiture pour affronter la foule, les cris et les flashs, pour réussir à parler.

Pourquoi se sentait-il aussi mal ? Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait aujourd'hui. Il n'avait rien à craindre pourtant et il le savait. Bientôt, il redeviendrait cet autre dont il endossait à chaque fois le rôle face aux médias ou lorsqu'il montait sur scène. Il le connaissait sur le bout des doigts. Il devenait Harry Styles, la star planétaire, l'homme charmeur et intimidant au sourire éblouissant qui faisait fondre tout le monde.

En réalité, il n'était pas cet homme fier et sûr de lui. Il le savait, tout comme ses proches le savaient et certains de ses fans qui le suivaient depuis ses débuts, mais c'était le jeu du succès et ça ne le dérangeait pas. Dans ce rôle-là, il se sentait protégé.

Il n'y avait donc aucune raison pour qu'il soit si troublé. Malheureusement, il ne parvenait pas à se défaire de ce malaise latent. Il avait cette impression bizarre chevillée au corps, cette sensation désagréable que quelque chose d'inattendu allait lui arriver. C'était totalement irrationnel, il en avait conscience, mais lorsque son inconscient prenait ainsi le dessus, c'était difficile de se raisonner. C'était plus fort que lui, incontrôlable.

Il réajusta nerveusement son costume en soufflant discrètement. Pas assez visiblement, car il sentit aussitôt le regard de ses accompagnateurs se poser sur lui.

- Ça va bien se passer, Harry, murmura Gemma, installée à ses côtés en lui attrapant la main pour la lui serrer doucement.

Il esquissa un fin sourire qu'il espérait rassurant. Il ne voulait pas inquiéter sa sœur inutilement, mais vu la grimace qu'elle lui fit en retour, il sut qu'il avait lamentablement échoué.

- Tu vas tout déchirer, tu vas voir ! l'encouragea-t-elle encore, sentant son désarroi sans vraiment le comprendre.

Harry ne se comprenait pas lui-même, il ne pouvait donc pas lui en vouloir.

- Tu es bien trop nerveux, remarqua Jeff en se penchant vers lui, en veillant toutefois à ne pas empiéter sur son espace personnel. Tu veux en parler ? Quelque chose te tracasse ?

Le jeune homme hésita. Parler de ce qu'il ressentait pourrait peut-être lui faire du bien ? Le problème, c'est qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il se passait en lui, pourquoi ce pressentiment idiot le taraudait-il de cette manière ? Il n'avait mal nulle part, sa voix se portait bien, il s'était suffisamment reposé... rien ne semblait pouvoir entacher cette soirée. Il n'avait donc aucune raison de stresser.

- Je ne me sens pas super bien depuis ce matin, avoua-t-il finalement en gigotant sur son siège, mal à l'aise.

- Tu es malade ? s'inquiéta son ami. Tu as mal quelque part ? À la gorge ?

- Non, non, ce n'est pas ça... mais ça va aller. Je suis bêtement nerveux, c'est tout.

- Ça arrive, même au meilleur ! plaisanta Jeff pour le détendre un peu. Plus sérieusement, tu n'as pas à t'inquiéter. Tu as répété ton morceau, repéré la salle ce matin, tu ne dois penser qu'à une seule chose, passer un bon moment et surtout, le plus important, t'amuser.

- Je sais tout ça, ce n'est pas... je n'arrive pas à me convaincre, soupira Harry en haussant les épaules. Je n'arrive pas à le contrôler.

- Ta musique est excellente tout comme ton album, les fans et les journalistes t'adorent... tout va bien se passer ! le rassura Gemma avec conviction.

- Tout à fait, confirma son manager. Tu nous as créé une pépite et tout le monde s'accorde à dire que tu vas cartonner. Relax...

Harry sentit ses joues se colorer doucement. Malgré les années passées au sommet des charts que ce soit avec son ancien groupe ou en solo, malgré les succès qui ne cessaient de s'accumuler, malgré les critiques dithyrambiques sur ses compositions toujours plus personnelles les unes que les autres, il ne s'habituait toujours pas aux compliments, surtout lorsqu'ils venaient de ses proches.

Même si Jeff avait pris sa carrière solo en main, il n'en restait pas moins l'un de ses meilleurs amis et son avis comptait beaucoup pour le jeune homme. Le voir si enthousiaste le touchait. Tout comme les mots de sa sœur.

- Tout va marcher comme sur des roulettes, continua l'homme en tapotant son genou.

- Tout va marcher comme sur des roulettes, répéta le bouclé avec conviction, tentant de se persuader lui-même.

Gemma et Jeff avaient raison. Le but de cette soirée était avant tout de s'amuser, de passer un bon moment, de s'éclater tout en récoltant de l'argent pour une œuvre de charité, tout ce qu'il aimait faire en somme. Gagner l'un des prix en jeu était secondaire finalement. Il venait surtout chanter, promouvoir son nouvel album et manger un bon repas tout en riant avec ses amis et sa sœur. C'était un programme plutôt alléchant.

C'était ça, la vie qu'il avait choisie, celle qu'il aimait plus que tout, celle dont il voulait profiter le plus possible. Il s'était battu pour l'avoir, pour que sa carrière perdure malgré la fin du groupe qui l'avait lancé sur le devant de la scène et il avait beaucoup sacrifié pour y parvenir. Il se savait privilégié de connaître ces moments uniques et il en était heureux.

Il ne lui manquait qu'une seule chose... ou, du moins, quelqu'un pour être parfaitement bien, pour être entier et comblé, mais c'était ce qu'il ne pouvait pas avoir. Il avait dû se faire une raison et passer à autre chose. C'était du moins ce qu'il tentait de faire depuis plusieurs années maintenant et si, parfois, il n'y parvenait pas toujours, perdu la nuit dans le creux de ses draps frais, ses joues ruisselantes de larmes silencieuses et brûlantes, personne n'avait à le savoir.

Il se sentit un peu mieux. Il passa par automatisme sa main dans ses cheveux et les décoiffa un peu. Ce n'était pas très important, il aimait bien l'effet que ça donnait à ses boucles désormais plus courtes. Lorsqu'il sentit la limousine se déplacer, il ferma les yeux pour se concentrer sur les battements de son cœur et sur le rythme de sa respiration qu'il se força à ralentir. Les dernières pointes d'angoisse qui le torturaient encore disparurent peu à peu vers le néant.

Avec les années et l'expérience, il avait appris à dominer son trac et même si ce n'était pas tout à fait la même chose qu'il ressentait ce soir, le résultat fut le même et c'est ce qui comptait. Son malaise s'était dissipé. En tout cas, pour le moment.

La voiture se stoppa devant le tapis rouge. C'était maintenant à son tour de sortir pour faire son show. Il prit une longue inspiration et se tourna vers sa sœur et Jeff qui le regardaient avec bienveillance, l'encourageant silencieusement. Il se pencha pour embrasser le front de Gemma, pressa le bras de son manager puis il sortit du véhicule.

Il fut aussitôt happé par les cris stridents de la foule présente. Il entendit son prénom retentir puis les premiers flashs exploser. Il prit quelques secondes pour se réajuster puis s'avança enfin, un immense sourire aux lèvres, laissant « Harry » derrière lui et devenant peu à peu Harry Styles.

Maintenant qu'il était en piste, il se sentait bien, à sa place. Le froid mordant de ce mois de février ne le touchait même pas, trop pris par le bonheur d'être là. Il était fait pour ça, pour le strass et les paillettes, pour chanter et se donner au public corps et âme. C'était sa folie douce, sa raison d'exister. Il ne s'en lasserait jamais. C'était comme une drogue. Une fois qu'on y avait goûté, on ne pouvait plus s'en passer. Même si certains aspects de son métier, comme la célébrité, lui pesaient parfois, il ne renoncerait pour rien au monde à ces instants magiques.

Il se dirigea d'abord vers les barrières de sécurité pour saluer ses fans, talonné de près par les agents de sécurité de l'O2 Arena. Il les entendit râler un peu, mais il s'en moquait totalement. Son garde du corps personnel se chargea d'ailleurs de les remettre à leur place. Lui avait l'habitude, il savait qu'Harry ne pouvait décemment pas passer devant ses fans sans s'arrêter. Il se devait de remercier toutes ces personnes qui avaient fait le chemin jusqu'ici pour le voir et qui avaient patienté et piétiné dans le froid pendant des heures.

Sans ses fans, il ne serait pas là où il en est aujourd'hui. Il n'aurait pas non plus eu une telle carrière et un tel succès et il en était tout à fait conscient. Il leur en était reconnaissant et n'était pas de ceux qui crachaient dans la soupe en oubliant d'où ils venaient et grâce à qui. C'était même tout le contraire.

Depuis ses tout débuts dans cette émission de téléréalité, ses fans le portaient à bout de bras, croyaient en lui et en son talent, le défendaient contre vents et marées, envers et contre tous. Ils avaient applaudi à chacun de ses choix audacieux que ce soit vestimentaire ou de style, s'étaient rués dans les salles obscures pour le voir débuter sur grand écran même s'il s'agissait d'un sujet difficile et mettaient en avant son excentricité comme fer de lance de la tolérance.

Ses fans faisaient parfois un meilleur travail de promotion que sa propre équipe, c'est dire. Même si quelquefois ils pouvaient se montrer envahissants, notamment lorsqu'il s'agissait de sa vie privée, il les aimait. Tous. Ou presque.

Il y avait une petite partie d'entre eux qui prenaient un malin plaisir à détester les autres membres du groupe, à détruire leur image via les réseaux sociaux, à saccager les albums sortis jusque dans les bacs des magasins et à les critiquer ouvertement en les comparant entre eux, mettant sans cesse Harry en avant. Tout ce qu'il abhorrait en somme. Ces fans-là refusaient de le voir tel qu'il était vraiment, ils refusaient de reconnaître ses liens avec le groupe et avec ses partenaires alors que quoi qu'il advienne, ils auraient toujours une place particulière dans son cœur.

Ce qui était le pire à ses yeux, c'est que ces personnes ne soutenaient pas les valeurs qui lui tenaient le plus à cœur, à savoir aimer et respecter les autres, quels qu'ils soient, d'où qu'ils viennent, qu'elle que soit leur couleur de peau, leur croyance ou leur orientation sexuelle. Harry prônait le respect, l'ouverture d'esprit et l'acceptation de tous.

« Treat People With Kindness ». Il en avait fait sa devise, sa marque de fabrique et même une chanson. Or, ces fans-là criaient sur tous les toits porter haut et fort ces idéaux, alors qu'ils ne les mettaient pas en pratique, voire même faisaient tout l'inverse. Ces personnes-là, il ne les appréciait définitivement pas et c'était en partie à cause d'eux qu'il désertait les réseaux sociaux.

Ce soir, la question ne se posait pas. Il n'y avait que des personnes adorables et courtoises qui lui faisaient face, arborant pour certaines des hoodies du groupe. Il fut touché par les larmes et les sourires qu'on lui tendit, par l'amour qu'il pouvait ressentir autour de lui et qui étreignait son cœur. Il serra quelques mains, posa avec un mélange de plaisir et de timidité pour des selfies, signa quelques autographes et échangea quelques mots. Il se sentait bien désormais, prêt à conquérir le monde grâce à l'énergie qu'on venait de lui transmettre.

---

Voici la première partie de cet os 🙈

J'espère que ça vous a plu, que j'ai réussi à vous plonger dans cet univers 😊😊

C'est écrit d'un point de vue omniscient, assez rare pour moi, j'espère que je parviendrai tout de même à vous faire ressentir les émotions 🙈🙈

J'attends avec impatience vos réactions 🙈🙈

Je vous embrasse fort 😘😘

💙💚

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top