Chapitre 7 : Poupée réveillée

Chapitre 7-3 : Poupée réveillée.


Angely venait d'arriver au restaurant, après avoir passé sa journée avec l'un des jumeaux. Elle en avait appris plus sur son passé, mais à chaque détail, à chaque récit qu'elle avait droit, elle revoyait son opinion à son sujet.

Elle commençait peu à peu à se considérer comme un monstre, mais elle n'osait pas en parler à ceux qui l'entouraient, et encore moins à sa mère adoptive qui s'inquiéterait de son état mental, et qui ferait surement en sorte qu'elle ne voit plus ses personnes qui appartenaient à son passé. Et qui étaient maintenant, ceux qui faisaient de son présent.

Ils tentaient de s'imposer d'eux même.

Sauf un.

Elle se demandait pourquoi elle ne l'avait pas vu depuis ce fameux jour où elle s'était endormie dans sa voiture. Avait-elle fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? Avait-il pris peur en la voyant proférer des menaces avec des poeles alors qu'ils se hurlaient l'un sur l'autre au milieu du salon, alors qu'elle s'était réveillée à cause d'eux ?

Elle grimaça tout en mettant la chemise blanche, puis elle lissa sa jupe noire, avant de jeter un coup d'oeil à sa jambe qu'elle trainait toujours un peu derrière elle, au moindre pas qu'elle faisait. Elle avait beau avoir appris à remarcher après son réveil à l'hôpital, elle n'avait jamais récupérer toutes ses capacités. Elle passa sa main droite sur le sparadrap qui recouvrait la cicatrice sur son visage, et elle soupira.

Théo ne voulait pas qu'elle l'enlève, et lui avait dit un jour à quel point cette cicatrice était hideuse et gâchait la beauté de son visage. Elle avait été blessée par ses propos, mais n'avait fait comme si de rien n'était. Peu sure d'elle à ce moment-là,sur la manière dont elle devait se comporter.

Elle rejeta un peu ses cheveux en arrière, caressant son cache oeil par la même occasion. Ca non plus, elle n'avait pas le droit de le montrer...

Elle risquait de faire peur à la clientèle.


C'était comme s'il la traitait de monstre, mais indirectement. Il n'avait jamais osé dire ce mot de vive voix. Peut-être avait-il eu peur qu'elle ne réagisse à ce mot.

Après tout, par le passé, elle avait été conditionnée à l'être. Un monstre sans pitié, qui tuait tous ceux qui se mettaient en travers de son chemin. Mais ça, elle n'était pas au courant. Ses anciens coéquipiers et son frère n'avaient pas pris le risque de lui parler de ce passé si sombre. Ils n'avaient fait que discuter des bons souvenirs qu'ils avaient eu ensemble. Ils avaient conscience qu'ils ne feraient surement que la tortuter mentalement en lui ressassant ces actions.

Suite à son réveil à l'hôpital, Angely ne savait absolument rien. Elle était comme une coquille vide qu'une famille avait décidé d'aider et de combler cet espace par des souvenirs, et des idéaux qu'ils nourrissaient tous. Les parents avaient enfin une fille qu'ils pouvaient élever et le fils avait enfin trouvé une fille qu'il trouvait intéressante malgré son vide, et son passé inexistant à ses yeux. Il avait passé son temps auprès d'elle, à prendre soin de cette inconnue et à lui raconter quelques bribes de sa vie. Mais voyant son état stagner, il avait pris l'avantage sur la situation. Se disant qu'il le faisait pour le bien d'Angely et rien d'autre.

Théo avait alors insisté pour qu'elle marche et agisse de manière féminine pour combler ses cicatrices, et ses blessures qu'elle devait cacher. Mais elle ne comprenait pas pourquoi.

En quoi serait-ce mal de se montrer telle qu'elle est ?

- Kait' ! T'es prête ?

Elle regarda sa montre, apercevant qu'il était déjà 19h45, et qu'elle était en retard pour son service.

- Oui ! J'arrive !

Elle vérifia que tout était bon pour son apparence, et sortit du vestiaire, attrapant le bloc note près du comptoir, et saluant les employés qu'elle n'avait pas vu en arrivant. Elle se dirigea ensuite vers la partie gauche du restaurant, où les tables étaient totalement occupées, et se dirigea vers les clients qui discutaient.

- Bonjour, que puis-je pour vous ?

- Hééé, mate-moi ces jambes, fit l'un des garçons qui étaient à la table.

Il avait des cheveux noirs courts, et des yeux gris perçants. A son annonce, tous les mecs la regardèrent de la tête aux pieds, ce qui la fit frissonner de dégout. Elle eut un geste de recul, mais un bras se posa autour de sa taille pour la rapprocher de la table, alors que les sourires s'élargissaient sur leur visage.Son coeur se mit à battre plus vite, alors qu'ils l'obligeaient à s'asseoir entre eux. Elle n'arrivait pas à émettre le moindre son, comme si sa voix était restée coincée dans sa gorge.

Paralysée, elle jeta un coup d'oeil autour d'elle pour chercher de l'aide, mais les autres employés étaient occupés aux tables, et n'avaient pas le temps d'observer les clients.

- Alors... ma jolie, quel âge est-ce que tu as ?

Une main se posa sur son genou, et elle commença à paniquer. Elle voulut se dégager de leur emprise, mais ils l'immobilisèrent comme si de rien n'était.

- Ton âge ? demanda un des hommes en la regardant, une lueur vicieuse dans les yeux.

- On en a rien à foutre de son âge, grogna l'un d'eux.

- J'aime pas les meufs trop jeunes, et tu le sais !

- Non, monsieur préfère les cougars !

- Tu comprendras une fois que t'y gouteras.

La peur s'immiscait en elle, et elle ne savait pas quoi faire. Elle sentit quelque chose vers son cou, et tourna la tête pour apercevoir que l'homme qui avait sa main sur son genou, avait fourré son nez dans ses cheveux, et inspirait profondément son odeur.

- Bordel, tu sens bon.

- J-Je v-vais crier !

- Chhhhhut, fit celui qui se trouvait sur sa gauche en posant sa main sur sa bouche, pour la faire taire.

- Tu vas seulement crier de plaisir, murmura celui qui avait gardé son nez près de son cou.

Elle déglutit péniblement, alors que ses mains tremblaient de plus en plus. Son coeur battait dans ses tempes, et tout ce qu'elle voulait, c'était s'éloigner d'eux, mais quelque chose au fond d'elle l'empêchait d'appeler à l'aide.

Comme si elle devait se débrouiller seule pour se débarrasser d'eux.

Oui, elle pouvait bien faire ça elle-même, non ? Elle avait bien menacé son frère adoptif et ses invités avec deux poeles, alors pourquoi n'y arrivait-elle pas maintenant ? Qu'est-ce qui la bloquait d'autres ?

- ...les formes... perçut-elle dans la conversation des jeunes hommes qui étaient à table.

Est-ce que Théo remarquerait son absence en cuisine ? Ou Phil ? Peut-être pas. Elle avait passé les semaines précédentes avec Seth, Anthony et les jumeaux. Elle avait eu peu de temps à consacrer à sa famille adoptive...

Que devait-elle faire alors ?

La main qui se trouvait sur son genou remonta le long de sa jambe, et elle se figea. Oserait-il monter encore plus haut alors qu'ils étaient devant tant de monde ? Elle ne voulait pas savoir la réponse, alors elle fit la seule chose qui lui vint à l'esprit.

Elle attaqua. 

Elle planta ses talons dans les pieds des deux hommes qui l'entouraient, puis, alors qu'ils avaient gémi de douleur, elle frappa de son coude, leur bijou de famille, les faisant crier, et recroqueviller sur eux-même, face à la douleur qu'elle venait de leur procurer. Elle en profita pour se remettre debout, alors que tous les regards étaient rivés, et ressentit une bouffée de courage lui parcourir le corps.

Elle ne s'était jamais sentie aussi bien depuis longtemps. Comme si les avoir frappé avait relâché ses nerfs. Comme si elle s'était enfin libérée.

- Sale garce !

Les injures proliférèrent sous son nez, alors qu'elle voulait s'éloigner d'eux, mais les jeunes hommes qui se trouvaient en face d'elle, l'attrapèrent, sous les yeux des clients.

- Tu vas payer !

Elle grimaça de douleur en sentant le poing de l'homme entrer en contact avec sa joue.

- Pxtain, j'pourrai pas l'utiliser avant quelques heures.

- Elle t'a pas loupé, mec.

Elle sentit un début de rire lui chatouiller la gorge, malgré la situation.

- Ca te fait rire, en plus ?!

Elle attendit le prochain coup qui n'arriva pas. Elle ouvrit doucement l'oeil pour voir qu'un homme était intervenu, et des employés finirent par arriver, avec Phil et Théo sur leurs basques. Son frère adoptif intervint en frappant celui qui la tenait, alors que Phil soutenait la jeune femme.

- Tu vas bien ?

- J'ai... j'ai connu mieux.

Il grinça des dents en voyant sa joue gauche qui avait pris du volume suite au coup de poing.

- Qui t'a fait ça ?! Montre moi !!

Elle désigna du doigt l'homme qui se faisait tabasser par Théo, alors que les autres employés entouraient les hommes de la table, pour éviter qu'ils ne s'enfuient.

- Irène, occupe-toi de Kait'.

Une jeune blonde acquiesça et passa un bras autour de la taille d'Angely pour la soutenir. Cette dernière voulut marcher d'elle-même, mais se rendit vite compte qu'elle ne pouvait pas tenir debout. Ses jambes tremblaient trop, et ses dents claquaient.

Elle était en état de choc.

- Tout va bien, lui murmurait Irène en l'emmenant au fond du restaurant, sous les regards des clients.

Elle se retrouva assise, un sac de glaçon contre la joue, une couverture autour d'elle, l'oeil dans le vide, avec un début de migraine.

Comment en était-elle arrivée à là ? Comment pouvait-elle être aussi faible ? Comment pouvait-elle être si différente de ce qu'elle était avant ?

A chaque fois que ses amis parlaient d'elle, elle avait l'impression que celle qu'elle était, était invincible, que rien ne pouvait l'atteindre.

Elle était forte, courageuse, fière, intrépide, et prête à tout pour ses amis.

Et maintenant ? Elle n'était rien de tout ça. Non, elle était complètement le contraire.

Faible, peureuse, incapable, inutile.

Elle prenait conscience de son état. Que tout ça, ce n'était pas elle. Cette fille qui se cherchait depuis son réveil à l'hôpital, qui a appris à être féminine, ouverte, souriante, malgré les blessures et cicatrices qu'elle s'était découverte, ce n'était pas elle.

- Ca va ?

Elle leva la tête pour voir Théo la regarder avec inquiétude. Il voulut passer un bras autour de ses épaules, mais elle le repoussa, en le toisant. Puis, elle se leva, balançant le sac de glaçon sur le sol, laissant glisser la couverture par terre.

- Ne me touche pas.

Il la regarda d'un air confus, ne comprenant pas son attitude envers lui.

- Tout ça, c'est pas moi. Ce qui vient d'arriver, c'est à cause de ça. Cette féminité. Cette jupe, cette chemise, et ces fichus talons !

Elle enleva ses talons pour se retrouver pieds nus sur le carrelage glacial, et retira d'un geste le sparadrap qui recouvrait sa cicatrice. Elle tira sur la mèche de cheveux qui cachait son oeil, et l'attacha en arrière, laissant visible son cache-oeil aux yeux de tous.

- Ca, ça aurait empêché ses hommes de me toucher. Pas ce que tu m'as forcé à mettre, ni tout ce que tu m'as dit de faire !

Elle déboutonna le haut de son chemisier qui lui faisait une poitrine plus grosse qu'elle ne l'était, et le retira pour laisser place à un débardeur. Elle se baissa pour prendre la couverture qu'elle enroula autour de son corps, et regarda Théo d'un air froid qui le fit frissonner de peur.

- Tout ça, ce n'était pas moi.

Elle passa devant lui, sans qu'il ne fasse le moindre geste pour l'arrêter. Il avait bien trop peur de ce changement radical qui venait de s'opérer devant lui. Il était bien trop choqué de faire face à une autre femme que celle dont il s'était occupé.

- Maintenant, ça, c'est moi.

Elle n'était plus une poupée que tout le monde pouvait contrôler.

Non. Cette période était terminée.

La poupée était réveillée.


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