[PART. II] Those who are recovering




PART II

THOSE WHO ARE RECOVERING





18 décembre 1998 ; Grande Salle



Des milliers de chandelles suspendues dans les airs par un complexe sortilège dansaient sous le ciel nuageux du plafond magique. La lueur chaude de leur flamme éclairait les visages des jeunes adultes qui se pressaient dans la Grande Salle. Tous les élèves entre la cinquième et la septième année avaient été conviés à rejoindre cette longue pièce qui se terminait par l'estrade sur lequel les professeurs se retrouvaient. Drago Malefoy avait songé à s'éclipser pour préparer ses affaires. Ses pensées moroses l'empêchaient de se mêler aux autres étudiants. Les voix hurlaient dans son esprit avec une désagréable constance. Il ne souhaitait pas ajouter à leurs reproches ceux des sorciers qui ne comprenaient pas sa présence hors de la prison d'Askaban. Théodore et Blaise l'avaient intercepté avant qu'il ne s'échappe. Ils l'avaient tiré par les pans de sa robe et lui avaient ordonné de se fondre dans la foule.

Traînant des pieds au milieu des jeunes adultes, Drago se mélangea à la masse. Les autres s'évertuèrent à ignorer son existence. Les hurlements s'insinuèrent dans ses oreilles pour lui transmettre les pensées que tous taisaient. Ses yeux céruléens naviguèrent sur les traits de ses camarades de promotion. Pansy Parkinson camoufla un bâillement derrière sa main aux ongles manucurés. Hannah Abbot adressa des œillades curieuses aux élèves comme s'ils connaissaient la raison pour laquelle ils avaient été invités dans la Grande Salle. Londubat frotta ses paupières pour chasser la fatigue qui les alourdissait. Granger, Weasley et Potter chuchotèrent des interrogations sans fin que tous partageaient. Debout au milieu de toutes ces personnes, la présence de Drago s'effaça.


« Vous connaissez la personne qui se trouve aux côtés de McGonagall ? »


La voix rauque de sommeil de Terry Boot cueillit l'attention des jeunes adultes dont les prunelles se portèrent vers l'estrade où deux silhouettes adressaient des sourires pincés aux élèves. Le regard bienveillant de la directrice courut sur les corps de ceux qui arpentaient les couloirs de Poudlard depuis plusieurs années. Une petite sorcière que Drago n'avait jamais vue se tenait à sa gauche. Sa blouse blanche affichait un symbole camouflé dans les plis de son vêtement. Ses boucles blondes encadraient un visage rond. Ses prunelles plus vertes qu'une émeraude détaillèrent avec attention chaque silhouette ayant eu le courage de s'extirper hors de son lit à quelques heures des vacances de Noël.


« Elle est habillée comme une médicomage. »


Les mots de Londubat enflammèrent les murmures comme une étincelle tombant sur du phosphore. Ceux-ci se mélangèrent. Ils s'accumulèrent pour se transformer en un vacarme à peine soutenable. Les sourcils froncés et les paumes vissées sur ses oreilles pour atténuer le brouhaha, Drago analysa la sorcière accompagnant la directrice de Poudlard. Elle lui sembla moins sympathique. Ses prunelles vertes sondaient leurs âmes, étudiaient chacun de leurs mouvements pour prendre note de leurs réactions. Les muscles de Drago se tendirent alors que les corps s'animèrent autour de lui. Emprisonné dans cette marée humaine, il resta figé, incapable de fuir cet endroit qui l'oppressait. Dans sa boîte crânienne, les voix doublèrent de volume. Elles cherchèrent à lui rappeler leur présence, à se dévoiler encore plus pour le torturer. Une grimace déforma ses traits. Ses cordes vocales se nouèrent. Ses jambes faiblirent. Il vacilla. Les bras de Théodore s'enroulèrent autour de sa taille pour l'empêcher de s'effondrer au milieu de ces personnes qui le méprisaient.


« Ça va aller, lui murmura son camarade de chambre. Tu peux le faire. »


Cette certitude sonna faux aux oreilles du sorcier. Son corps se liquéfia un peu plus à chaque seconde qui s'écoulait. Ses muscles se figèrent comme ceux d'une proie rencontrant son prédateur. Il abaissa ses paupières, espérant que la cécité le rapprocherait de la lucidité. Peine perdue. Les hurlements s'amusèrent de sa faiblesse. Ils lui rappelèrent ses nombreuses failles. Ils remuèrent le couteau dans ses plaies béantes.


« S'il vous plaît ! la voix amplifiée par un sortilège de la directrice recouvrit le brouhaha et calma les murmures qui agitaient la foule d'étudiants. Vous avez tous connu des traumatismes que nul être humain ne devrait rencontrer de son vivant au cours des dernières années, commença-t-elle avec ces intonations empathiques et solennelles. Vous avez plusieurs fois frôlé le chemin de la Grande Faucheuse. Elle a pu emporter des êtres aimés. Vous avez été blessés par ces dernières années. Vos connaissances, vos croyances et vos vies se sont retrouvées confrontées à une réalité peu agréable. »


Ses prunelles aiguisées glissèrent sur les silhouettes des jeunes adultes pour s'arrêter sur celle de Drago. A chaque mot quittant ses lèvres, il sentait son corps flancher. La directrice s'adressait directement à lui. Il s'en était persuadé. Elle lui intimait de ne pas sombrer dans ce désespoir qui l'enveloppait. Ses iris bleus abandonnèrent l'estrade pour se diriger vers Granger. Cette dernière l'examina sans émotion. Derrière ses sourcils froncés et ses yeux inexpressifs, ses pensées s'orientèrent vers le sens des paroles que Minerva McGonagall camouflait. Sa présence dans son champ de vision était au pur hasard. Le cœur de Drago s'alourdit dans sa poitrine lorsque la voix de la directrice combla le silence.


« Il est de mon devoir de directrice de vous aider à terminer vos études dans les meilleures conditions possibles, continua-t-elle avec autorité. Nombreux sont ceux qui n'ont plus la tête aux études, car elle est occupée à se perdre dans des souvenirs si mauvais qu'ils maintiennent éveillés. Nombreux sont ceux qui s'attachent à leurs études comme une bouée de secours pour ne pas sombrer dans un océan de désespoir. Vos réactions sont humaines et je les comprends. J'en partage même certaines, ajouta-t-elle en esquissant un sourire discret. Il est cependant de mon devoir de vous aider à retrouver un semblant de normalité. C'est pourquoi j'ai demandé à l'hôpital de Ste Mangouste d'envoyer une psychomage à Poudlard pour les prochains mois. »


Un frisson parcourut la foule. La petite sorcière en blouse blanche marcha jusqu'au rebord de l'estrade. La pointe de sa baguette en bois claire dirigée vers sa nuque, elle se racla la gorge pour s'assurer que le sortilège fonctionnait. Les murmures moururent sur les lèvres des étudiants avant qu'ils ne se propagent.


« Bonjour à tous, amorça-t-elle d'une voix calme. Je suis Angie Powder, psychomage de Ste Mangouste. Mon but est de vous accompagner pour le reste de cette année et de vous aider à panser vos plaies. »


Les chuchotements s'embrasèrent. Le vacarme reprit comme s'il ne s'était jamais arrêté, amplifiant les hurlements qui assénaient des reproches à Drago. Ses jambes flanchèrent. Seuls les bras de Théodore le maintinrent debout. Dans la périphérie de son champ de vision, les doigts nerveux de Potter suivirent le tracé de la cicatrice sur son front. Londubat murmura quelque chose d'inintelligible à l'oreille de la plus jeune des Weasley qui acquiesçait en silence.


« Je comprends vos inquiétudes ! les coupa la directrice d'une voix sèche. Mais il est important de parler à une personne capable de comprendre les événements des dernières années. Vous aurez tous une entrevue avec Mrs Powder para mois, des contestations interrompirent Minerva McGonagall dont les sourcils se froncèrent de mécontentement. Je sais que cela n'enchante aucun de vous, s'agaça-t-elle. Cette décision a été prise pour le bien de tous.

Tout ce que nous échangerons restera confidentiel, tenta de les rassurer la psychomage. La Professeur McGonagall n'aura connaissance d'aucune conversation entretenue dans mon bureau. »


L'estomac de Drago se noua avec tant de force qu'il crut vomir une bile acide au milieu des autres étudiants. Sous la manche de sa chemise, la marque des ténèbres ondulait et brûlait son épiderme plus que jamais. Un hurlement silencieux s'échappa de ses lèvres. Ses mains s'agitèrent sous le coup de la panique. Il ne pouvait pas parler de la guerre. Il ne pouvait pas supporter ce jugement dans le regard des sorciers qui comprenaient ses affiliations avec le Seigneur des Ténèbres. Incapable de se soumettre au jugement et à la crainte de ses semblables, Drago préférait se complaire dans ce désespoir familier. Les lèvres de la directrice s'animèrent, articulèrent des mots qu'il n'entendit pas. Les événements s'embuèrent dans son esprit.


La salle commune des Serpentards.

Les élèves partageant leurs inquiétudes, les mains plongées dans leur valise.

Le philtre de paix coulant le long de son œsophage.

La gare de Pré-au-Lard.

Les élèves pressés de rejoindre leur foyer.

Le Manoir aux hurlements.

Sa mère et son accolade d'une froide chaleur.

Sa rancœur et ses craintes ressassées au creux de son lit.

Le sourire bienveillant d'Angie Powder annonçant avec certitude les aider à aller mieux.

Les hurlements résonnant dans son esprit tant que ses sanglots ne les recouvrirent pas.




25 décembre 1998 ; Londres



Des bibliothèques surchargées de livres divers et de décorations colorées se dressaient contre les murs clairs d'une maison londonienne. Elles créaient un cocon confortable à quiconque franchissait le seuil du salon. Face à l'écran cathodique diffusant une émission en fond sonore, canapé et fauteuils croulaient sous une montagne de plaids doux. Aucune oreille ne prêtait la moindre attention au présentateur, habillé d'un costume de lutin pour ces fêtes de fin d'année. Sa voix et celles des participants se mêlaient dans un ensemble chaleureux qui ne parvenait pas à raviver l'animation de la maison. Logé contre les bibliothèques, à quelques pas de la télévision, un sapin en plastique richement décoré subissait les attaques constantes d'un chat roux. L'animal slalomait entre les paquets cadeaux de toutes les formes pour jouer avec cette boule usée et brillante. Personne n'avait eu le courage de déchirer le papier camouflant les présents. Ils restaient figés au pied du sapin, dans ce tableau typique de Noël, comme un souvenir de ce temps où tout était plus simple.

Assise sur un fauteuil près de l'être crépitant de la cheminée, les genoux remontés contre sa poitrine et les orteils dépassant de la protection du plaid, Hermione Granger se perdit dans l'observation des paquets bariolés. Ses yeux sombres tracèrent leurs contours sans jamais s'arrêter. Ses pensées se dirigèrent vers les événements de l'année précédente avec une facilité inquiétante. La guerre avait retiré aux fêtes de fin d'année leur chaleur. Le cimetière de Godric's Hollow, ces pierres tombales recouvertes d'une épaisse couche de neige, ces larmes roulant sur ses pommettes alors que ses espoirs s'amenuisaient. Tout s'était enchaîné si rapidement. Leur fuite perpétuelle des mangemorts, leur interminable recherche des horcruxes, les disputes entre les membres de leur trio et la peur constante de perdre un proche ou la vie. La morosité de l'hiver ne se cachait plus derrière les paillettes des fêtes. Le monde ne se cachait plus derrière les sourires et l'optimisme depuis la fin de la guerre.

Son cœur se serra dans sa poitrine alors que la vision des pierres tombales de Lily et James Potter se dessina dans sa mémoire. La couronne de fleurs ternes et les mots douloureux de Harry lui revinrent. Une larme solitaire coula le long de sa joue. Hermione la chassa du dos de sa main avant qu'elle ne disparaisse entre les lignes de son livre. Elle se rappela le vide constant qui habitait son âme alors qu'elle cherchait à survivre à cette réalité dans laquelle ses parents ne possédaient pas le moindre souvenir de son existence.

Le calme habitant la maison londonienne dans laquelle Hermione avait passé toute son enfance parut surréaliste aux yeux de la jeune femme. Ses pensées avaient tant réfuté l'idée d'arpenter ce salon. Son existence effacée de la mémoire de ses parents, son esprit lui refusait de nouveaux souvenirs heureux. Derrière le comptoir de la cuisine, ses géniteurs discutaient. La sorcière perçut quelques bribes de conversations. Elle crut entendre les noms de patients réguliers qui se perdaient dans le cabinet dentaire à la moindre douleur. Les fêtes de son enfance s'accompagnaient toujours de ces discussions anodines sur le travail. Rien n'avait changé. Cet instant restait figé ; il ne souffrait pas des malices du temps.


« Qu'est-ce que c'est votre travail ? leur avait un demandé une petite Hermione alors qu'ils analysaient les causes de la dernière carie de Miss Carlton.

Papa et maman réparent les sourires des gens, lui avait répondu sa mère. »


Réparer les sourires.

Cette phrase résonnait dans l'esprit de Hermione depuis ce jour. Elle s'était souvent imaginée des milliers de patients aux sourires détruits se précipiter dans la clinique à quelques rues de leur maison. Des sourires tordus par la douleur, brisés par des cauchemars récurrents, tombants par les pleurs disparaissaient après quelques heures dans la salle blanche à l'odeur de désinfectant. Dans leurs outils se camouflaient des pouvoirs dont les sorciers les plus brillants ignoraient tout. Seraient-ils capables de réparer son sourire à elle ? Pâle copie de l'adolescente heureuse qu'elle avait jadis été, Hermione se sentait comme une inconnue dans son propre corps.

Angie Powder parviendrait-elle à réparer son sourire ? Possédait-elle entre ses mains des capacités miraculeuses qui combleraient les brisures de son âme ? Les prunelles chaleureuses de la sorcière lui revinrent alors que les rires de ses parents résonnaient dans son dos. Ses dents mordirent sa lèvre inférieure et ses yeux perdirent dans les danses des flammes dans la cheminée. Angie Powder possédait-elle le pouvoir de calmer les maux et les angoisses qui subsistaient dans son esprit ? Hermione en doutait. Comment le pourrait-elle ? Comment pourrait-elle parvenir à quelque chose que personne ne semblait apte à réaliser ?


« Promets-moi qu'on ira mieux. »


Ces mots avaient franchi la barrière de ses lèvres lors des premières neiges sur le parc de Poudlard. Ils s'étaient promis de se battre contre leurs démons. Ils s'étaient promis de remonter la pente. Ils s'étaient promis de rechercher ce sourire qui les avait abandonnés et de panser les plaies de leurs cœurs. Hermione refusait de se laisser abattre. Elle ne supportait plus la douleur qui accompagnait chaque minute de son existence depuis que Voldemort avait perdu la vie.


« Hermione ? l'appela sa mère depuis la cuisine. On va manger. »


Habillant son visage d'un sourire factice que ses parents ne répareraient pas, la jeune femme se redressa. Elle franchit la distance la séparant de la table de ses pas lourds et traînants. La fatigue de ses traits dévoila ses tourments. Si ses parents remarquèrent ses cernes et sa peau terne, ils n'en dirent rien. Des assiettes de ses plats favoris s'alignaient au centre de la table. Un vin blanc pétillant crépitait dans son verre. Son estomac cria famine avant qu'elle ne s'installe sur le coussin à fleurs de sa chaise.


« Je meurs de faim.

On peut entendre ça, la taquina son père en la servant. Comment se passent tes cours ? lui demanda-t-il.

Plus compliqué que je ne l'imaginais, admit-elle. Je pensais que ça serait plus simple après... »


Les mots moururent sur ses lèvres.

Après la guerre.

Hermione avait acquis de nouvelles capacités au cours de l'année passée. Elle se souvenait encore des sorts manqués ; ceux qui avaient failli leur couter la vie. Elle ne pouvait cependant pas partager ces instants avec ses parents. Pas après la modification de leur mémoire et l'empreinte du sortilège d'amnésie sur leur psyché. Sa gorge se serra. Les sons se bloquèrent dans ses cordes vocales. Les mains de sa mère massèrent ses épaules avec une tendresse infinie. Des larmes bouillantes roulèrent sur sa joue et s'échouèrent sur la nappe. Ses barrières mentales cédèrent une à une.


« Je suis tellement désolée, sanglota-t-elle. Je... je vous ai retiré votre mémoire sans vous demander votre avis. Je vous l'ai rendu parce que je suis égoïste. Je ne m'imaginais pas pouvoir vivre sans vous. Et je...

Hermione, la coupa sa mère dont les doigts serrèrent ses épaules. Tu as agi pour nous protéger. Tu as tout mis en œuvre pour nous mettre en sécurité.

On ne t'en veut pas, compléta son père en posant une main sur sa jambe. On ne t'en a jamais voulu. »


Le nœud dans sa gorge se relâcha. Les larmes continuèrent leur brûlant périple sur ses pommettes. Les caresses maternelles ne cessèrent pas tant que ses yeux ne s'asséchèrent pas. Elles s'éloignèrent et emportèrent avec elles cet insupportable fardeau qui courbait son échine. Ils ne lui en voulaient pas. Ils ne lui en avaient jamais voulu. Le fantôme d'un sourire étira ses lèvres. Ses parents possédaient bien le pouvoir de les réparer.




31 décembre 1998 ; Le Terrier



Pour la dernière nuit de l'année, le ciel de Loutry-Ste-Chapoule se parsemait d'étoiles. Le manteau blanc de la neige s'étendait à travers les champs et alourdissait les branches des arbres nus. Séparée du village par une minuscule forêt que les moldus considéraient comme maudite, la maison de la famille Weasley se dressait dans son agencement défiant les lois de la gravité. Les nombreux sortilèges maintenant la bâtisse debout impressionnaient toujours ceux qui parvenaient à rejoindre ce terrain reculé. Un feu de camp brûlait à quelques mètres de son entrée. Sa chaleur irradiait partout et dévoilait un cercle irrégulier dans lequel la neige avait fondu. La danse des flammes éclairait les traits d'un jeune adulte dont les yeux n'abandonnaient pas le ciel. Les mains enfoncées dans les poches de son épais blouson pour les protéger de la froideur nocturne, le sorcier contemplait les astres. Dix étoiles se rejoignaient au-dessus de sa tête, formant la constellation du grand chien. Sirius.

Le cœur de Harry se serra dans sa poitrine. Ses lèvres se déformèrent dans une grimace hideuse qui dévoilait sa peine immense. Il s'était naïvement promis de ne pas souffrir pour la nouvelle année, de ne pas se sentir comme si le monde autour de lui avait perdu sa saveur. Il chassa les pensées moroses de sa tête par des mouvements rageurs. Il refusait de s'emporter dans cette spirale qui l'entraînait dans ce malheur nouant sa gorge. La noirceur s'immisça dans son esprit, gagnant un peu plus d'espace chaque seconde.

Une main se posa sur son épaule et l'éloigna de ce désespoir dévorant. Le surplombant de plusieurs centimètres, son meilleur ami capta son attention. La fraîcheur de l'air s'engouffra dans ses cheveux roux dont quelques mèches tombaient devant ses yeux bleus où brillait cette inquiétude mature. Il paraissait étrangement adulte. Ils avaient tous vécu tant d'épreuves que la candeur de ses prunelles malicieuses ressemblait à un lointain souvenir. Ronald Weasley semblait changé. Le Survivant lui adressa un sourire qui s'espérait rassurant. Il n'obtint qu'un froncement de sourcils. Harry grimaça. Ses rictus ne convainquaient plus personne.


« Tu vas prendre froid, remarqua Ron dont la main abandonna son épaule pour rejoindre la poche de son jean.

Peut-être, répondit le brun. J'avais besoin de prendre l'air.

L'atmosphère est un peu trop lourde à l'intérieur, devina son meilleur ami. »


Un acquiescement silencieux valida les propos de Ronald dont les mains quittèrent ses poches pour s'approcher des flammes crépitantes. Un sourire satisfait étira ses lippes alors que la chaleur se répandit dans ses doigts congelés. Harry l'imita. Tout paraissait presque normal. S'il ne portait pas ses yeux vers l'intérieur de la maison où George déambulait sans la moitié de son âme, il aurait pu croire que personne n'avait souffert. L'absence de Fred pesait comme une enclume dans cette maison. Son prénom planait sous toutes les lèvres sans jamais les franchir.


« C'est bizarre de passer les fêtes avec deux personnes en moins, risqua Ron. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose.

Les places de Fred et Hermione paraissent vides, souffla Harry dont les yeux verts n'osaient pas quitter les mouvements hypnotiques des flammes.

Je ne pensais pas que ça me manquerait autant. L'absence de Hermione, ajouta-t-il. Je sais qu'elle a besoin de temps pour elle et de partager des moments avec ses parents. Mais c'est plus fort que moi, elle me manque. La dernière fois que je l'ai vu, elle donnait l'impression de ne pas avoir dormi pendant plusieurs jours. »


Les traits de Hermione se précisèrent dans son esprit. Ils témoignèrent toujours de cette fatigue lourde. Ses nuits s'accompagnaient des réminiscences du Manoir Malefoy et de la silhouette de Bellatrix penchée au-dessus d'elle. L'angoisse se peignait sur son visage tous les matins et elle la chassait par ce sourire crispé. Mais Hermione allait un peu mieux. Ses prunelles pétillaient de cette combativité abandonnée. Lui allait un peu mieux.


« Elle se remet. Pas aussi rapidement qu'elle le souhaiterait, mais elle va un peu mieux.

Elle est impatiente, sourit Ron à l'évocation de son amante. Elle l'a toujours été.

On s'est promis d'aller mieux, avoua Harry. On s'est promis de se battre pour aller mieux.

Je peux rejoindre votre promesse ? l'interrogea le rouquin.

Évidemment. »


Harry devina le sourire de son meilleur ami sans avoir à tourner la tête dans sa direction. Ses épaules et ses muscles se détendirent. Ils passèrent de longues minutes sous la chaleur du feu de camp. Les pensées s'agitèrent dans son esprit et suivirent les mouvements irréguliers des flammes.


« McGonagall a fait venir une psychomage à Poudlard, lâcha-t-il pour combler le silence.

Je sais. Ginny a parlé lorsque tu étais encore au Square Grimaud. Tu penses que ça va vous aider ?

Aucune idée. »


Les mots disparurent de ses lèvres. Ils ne souhaitèrent pas le rompre et se contentèrent de la chanson crépitante du feu de camp. Les minutes s'étirèrent. Harry s'abandonna à ses pensées et à ses espoirs idiots. Angie Powder possédait-elle le pouvoir de panser ses plaies ? Poserait-elle des réponses à leurs maux ? Comprendrait-elle toutes ces choses qu'ils avaient vécues au cours des années ? Expliquerait-elle les traumatismes qui se bousculaient dans les esprits des sorciers ? Harry n'en savait rien. Il ne savait même pas si McGonagall avait pris une bonne décision.

Des voix l'arrachèrent à ses pensées. Harry risqua un coup d'œil par-dessus son épaule. Les autres têtes rousses des Weasley s'engagèrent hors de la maison. George arbora un sourire crispé que la tristesse de ses prunelles réfutait. Il échangea quelques mots avec Bill et Charlie de cette voix morne qui accompagnait ses journées. Il redevenait par instant ce garçon qu'il avait été avant la disparition de son jumeau. Les deux aînés étaient parvenus à se libérer un peu de temps pour passer les fêtes en famille. Le dragonologiste avait imposé à ses patrons en Roumanie quelques semaines de repos. Ils n'avaient pas osé lui refuser. Percy les suivit, le visage tiré par la fatigue et la culpabilité. Arthur et Molly terminèrent la marche. Emmitouflés dans d'épaisses couches de vêtements, ils camouflèrent leurs cheveux roux sous des bonnets. Son amante encercla sa taille avant qu'il ne la remarque dans la marée de mèches flamboyantes. Elle se lova contre lui et posa son oreille contre son torse pour écouter les battements de son cœur. Ron émit un geignement plaintif. Il grommela quelque chose par rapport aux marques d'affection en sa présence qu'ils décidèrent d'ignorer.


« Vous n'avez pas froid ? s'inquiéta Molly en resserrant l'écharpe autour de la nuque de son fils.

Ça peut aller, répondit Harry en esquissant un sourire. Pourquoi vous êtes sortis ?

Il va bientôt être minuit, murmura Ginny contre son torse.

On va commencer la nouvelle année tous ensemble, ajouta George en tendant les mains vers les flammes. »


Dix.

Toutes ces choses qui marquaient son quotidien se dessinèrent dans son esprit. La routine douloureuse l'embrassait tous les jours à la place de Ginny. Les nuits interminables, les pensées sombres, les cicatrices béantes de son cœur.

Neuf. 

Cette douleur lancinante accompagnait ses journées comme une vieille amie. Elle lui offrait ses bras épineux et ses sourires empoisonnés sans jamais parvenir à lui échapper.

Huit. 

Cette peine dévorante saisissait sa gorge à chaque fois que ses prunelles vertes se posaient sur un sorcier en deuil. Elle rongeait son âme de son acidité.

Sept. 

Les fantômes s'invitaient dans son champ de vision. Professeurs, amis, famille et inconnus se dévoilaient dans ses journées. Ils lui rappelaient leur absence et sa culpabilité.

Six. 

Les sourires factices étiraient ses lèvres à chaque fois qu'une personne posait sur lui ce regard admiratif. Harry Potter n'était pas un héros. Il n'en avait jamais été un. Il était simplement un adolescent que les circonstances avaient poussé à la survie.

Cinq. 

La rage qui le consumait un peu plus chaque seconde. La rage de souffrir. La rage de pleurer. La rage de regarder s'éteindre les étincelles de vie dans les yeux des personnes qui l'aimaient.

Quatre. 

La promesse prononcée sur le bout des lèvres.

Trois. 

Hermione et lui s'étaient juré d'aller mieux, de tout mettre en œuvre pour aller mieux.

Deux. 

L'envie de se battre se répandit dans ses veines comme un élixir de courage. Le malheur ne lui correspondait pas. Il le transformait en une version de lui qu'il ne connaissait pas et qu'il haïssait. Il refusait de céder.

Un. 

Des personnes aimantes l'entouraient chaque jour. Il n'était plus ce garçon de onze ans qui n'avait personne. Ils avaient tous perdu quelqu'un dans la guerre. Ils pouvaient tous faire un pas dans la direction d'un jour meilleur.


« Bonne année ! »


Ils crièrent tous ces deux mots dans une embrassade chaleureuse. Ils les crièrent comme si la puissance de leur voix possédait la capacité de tout rendre réel. Ils les crièrent pour s'assurer que l'univers entier prenait conscience de cette combativité que la tristesse ne lui enlèverait jamais. L'année serait belle. Harry s'en fit la promesse. Elle serait belle. Elle serait pleine de nouveaux souvenirs gommant la douleur des traumatismes. Elle serait le début d'une vie où l'existence de Voldemort disparaitrait de son esprit.





je ne suis pas convaincue par cette interlude mais elle est nécessaire pour la suite de l'histoire. sachez que les choses vont commencer à aller mieux. l'histoire va être un peu moins triste. pour l'instant je tiens mon rythme de publication une fois par mois.

j'espère que vous avez aimé ce chapitre.

à bientôt ! 

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