Il Pleut

"Mince... Il pleut"

Assis au centre de la classe, je marquais les informations que donnait notre professeur d'histoire-géographie.

C'était l'une de mes matières préférées. Mais malheureusement elle était enseignée par un homme d'une cinquantaine d'années dont la voix avait un effet soporifique sur plus de la moitié de la classe. C'était dommage, surtout avec un thème comme la seconde guerre mondiale, un sujet très intéressant.

J'essayais de rester concentré, mais moi-même je commençais lentement à somnoler. Et mon camarade assis en face de moi ne m'aidait absolument pas : Hayashi Ryohei alias Peyan.

C'était non seulement mon camarade de classe, mais aussi mon voisin.

On ne pouvait pas faire pire.

C'était un jeune homme au visage plutôt banale avec un air colérique qui faisait fuir certaines filles. Il venait de temps en temps en cours, mais jamais pour travailler. En général c'était pour parler à l'un de ses amis, Mitsuya Takashi, ou alors c'était juste pour dormir.

Pathétique.

Il venait au lycée uniquement parce que ses parents l'avaient menacé de jeter sa belle collection de jeux vidéo par la fenêtre si il continuait.

Ridicule.

Le plus étonnant dans tout ça était que nos parents s'entendaient vraiment bien, d'ailleurs ils espéraient que je puisse aider Hayashi-kun à s'améliorer. J'ai essayé.
Ça n'avait rien donné. Et en plus ça m'avait mit dans des états pas possible...

Désespérant.

Malgré ses facultés pire que médiocre et son manque de bonnes manières, je n'arrivais pas à comprendre pourquoi tout le monde l'appréciait. Il était toujours plein d'énergie quand il s'agissait de se faire des amis ou d'aider quelqu'un. Même certains professeurs s'étaient pris d'affection pour lui.

Mais le pire d'en tout ça.

C'était moi. J'étais amoureux de lui. Follement amoureux de lui.

Je ne savais même pas pourquoi.

J'étais irrécupérable.

La sonnerie retentit me faisait légèrement sursauter. Notre enseignant soupira, probablement soulager de finir ce cours il rangea ses affaires dans son vieux sac brun puis quitta la salle en nous saluant poliment.

Il nous restait cinq minutes avant notre prochain et dernier cours. Certains allèrent voir leur camarade à l'autre bout de la salle, d'autres profitaient pour faire rapidement les exercices de sciences qui étaient demandés pour aujourd'hui.

Moi j'observais de loin la fenêtre qui laissait apercevoir une belle vue sur la ville de Tokyo. Le ciel semblait légèrement mitigé, rien de bien alarmant. Mon inspection faite je me remis correctement sur ma chaise et interchangeai mes cours d'histoire avec mes cours de sciences.

J'avais fait tous les exercices. Mais je n'étais pas très fier, j'étais à peine au dessus de la moyenne de la classe. Mon but étant d'être le meilleur de partout pour entrer dans une université prestigieuse, je devais tout faire pour y arriver.

Je lâchai un bref soupire. J'étais fatigué, et Hayashi-kun me donnait envie de faire une sieste. Il ne se souciait pas des cours ou des exercices à faire, ni même des réprimandes qu'il recevait à cause des séances de repos dans de nombreux cours.

Je l'enviais.

Moi aussi j'aurais voulu vivre sans me soucier de mes problèmes. J'avais bien trop de choses à faire, c'était impossible malheureusement.

La porte s'ouvrit soudainement obligeant une partie des élèves à reprendre leur place d'origine.

M.Ishihara venait d'entrer avec énergie dans la salle. C'était un homme très sympathique et plein de bonne volonté, mais qu'est-ce qu'il était bruyant et maladroit. Je ne comptais plus le nombre de fois où il avait fait tomber ses craies ou ses cahiers.

Je n'aime pas la science. Et il n'arrange pas les choses.

Le cours avança lentement, j'avais même arrêté d'écouter, de toute façon il faisait la correction des exercices en faisant passer les élèves au tableau. Si j'étais interrogé, me suffisait juste de regarder quel exercice restait-il à corriger.

La seule chose un minimum intéressant était Hayashi-kun qui dormait à point fermé. De la où j'étais je ne pouvais que voir son dos se relever de manière régulière à chaque inspiration. Il bougeait de temps en temps pour tourner la tête et trouver une meilleure position avant de rester immobile pour de nombreuses minutes.

C'était les rares moments où il était calme et qu'il ne venait pas m'embêter en me demandant les cours qu'il avait loupé à cause de ses sieste ou absences... Dans tous les cas c'était la même chose.

Il était si grand que de la où j'étais il ressemblait à un ours.

Cette pensée me fit esquisser un petit sourire.

~~~~~

Les cours avaient pris fin, mais j'étais quand-même resté parce que je voulais terminer les derniers exercices donnés par le professeur de physique. Je n'aimais pas les faire à la maison, j'étais moins performant. Ici je pouvais garder mon esprit assez éveillé pour ne pas faire des erreurs stupide.

J'étais tellement concentré que lorsque j'avais terminé, je n'avais pas remarqué le ciel couvert par de gros nuages gris, et encore moins Hayashi-kun toujours endormi sur son bureau.

Paniqué, je rangeai mes affaires dans mon sac avant de me lever, je ne voulais pas rentrer sous la pluie. Je traversai la pièce mais avant d'en sortir je m'arrêtai.

Je n'allais quand-même pas laisser cet imbécile tout seul ici ? En plus j'étais pratiquement sûr qu'il n'avait pas de parapluie pour le trajet.

Je soupirai.

"Hayashi-kun, fis-je en m'approchant de lui, lève toi il va bientôt pleuvoir."

Je lui secouai légèrement la tête, c'était largement suffisant pour le réveiller.

Avant qu'il n'ai compris ce qu'il se passait, je quittai la salle sans me retourner courant à toute vitesse jusqu'au casier situé à l'entrée du lycée.

Je m'arrêtai devant mon petit casier et l'ouvrir sans grande difficulté... Ce qui m'avait d'ailleurs inquiété.

Je craignais déjà le pire.

Lorsque que la petite boîte en fer fût complètement ouverte un nombre incalculable de papier déchiqueté tombèrent sur le sol. Mes chaussures étaient elles aussi dans le même état.

Je soupirai.

C'était l'une des raisons pour laquelle je n'avais pas d'ami. J'étais harcelé. Ça ne me faisait pas vraiment réagir en soi, j'étais protégé par mon statut de délégué alors on ne m'embêtait pas trop mais si j'avais le malheur de me détendre ne serait-ce qu'un peu je recevais les mépris de Ozawa-chan et son groupe de copine. Elle me faisait ça parce que j'étais justement devenu délégué, ridicule.

Elle pensait sûrement qu'en étant fille du proviseur elle pourrait tout se permettre... Pathétique.

Je ramassais les morceaux de papier pour les jeter dans la poubelle la plus proche. Je fis rapidement marche arrière et pris mes pauvres chaussures mutilées pour les ranger dans mon sac. Elles n'avaient plus aucune utilité à présent, mais au moins je pourrais montrer ça à mes parents pour régler ce stupide problème de harcèlement.

Je me dirigeai vers la sortie de l'établissement.

Un terrible pluie m'accueillit avec enthousiasme.

J'étais sorti trop tardivement. Je commençai à fouiller dans mon sac pour récupérer mon parapluie... Qui n'était pas là.

Est-ce que l'univers m'en veut pour quoique ce soit ?

J'étais complètement dépité. Il était hors de question de me balader sous cette pluie horrible. Me protéger avec mon sac au-dessus de ma tête serait inutile, ce genre de chose ne fonctionnait que dans les animés.

"Mince... Il pleut"

Je sursautai. Hayashi-kun se tenait à côté de moi, je ne l'avais pas remarqué malgré son immense taille. Son visage n'exprimait pas tant d'ennui que ça. Il semblait indifférent de la situation.

Ça ne m'étonnerai pas. Il se ficherait de rentrer sans parapluie et de tomber malade.

Je m'attendais à ce qu'il commence à partir les mains dans les poches, mais au lieu de ça, il ouvrit un grand parapluie noir.

L'univers qu'est-ce que je vous ai fait ?

"Sasaki-kun, tu fais un sale tête, ça va pas ?"

Sa voix roque me fit l'effet d'un électrochoc. Il me fixait de ses grands yeux bruns, j'ai cru que j'allais m'y noyer.

"Hé oh ! Reprit-il un sourcil levé, Tu réponds pas, t'a pas l'air bien...
-Je vais bien... L'ai-je rassuré."

Il fronça légèrement les sourcils puis haussa les épaules. Son parapluie à la main, le brun commença et se diriger vers la cours.

Je serrais les dents.

J'aurais voulu partir avec lui, mais j'arrivais pas à lui dire. À chaque fois je lui parlais d'un ton froid et indifférent, j'aurais été incapable de lui demander de bien vouloir partager son abris.

J'allais rester là comme un abruti. Je m'en voulais d'être aussi réservé. Hayashi-kun me dépassait de loin quand il s'agissait de socialiser.

Je baissait la tête, une envie de pleurer me prit soudaine. Sans ami, harcelé, et probablement un amour à sens unique. Et pour couronner le tout, je n'avais pas de parapluie.

Je déteste la pluie
Je déteste le monde.
Je déteste les gens.
Je déteste les gamines comme Ozawa-chan
Je me détes-...

"T'a pas d'parapluie ?"

Mon cœur rata un battement. Je relevait la tête pour voir le visage de Hayashi-kun.

Il était revenu.

"Sasaki tu pleures ?!"

J'avais oublié ce détail, j'essuyais rapidement mon visage.

"Nan c'est juste de la pluie.
-Tu me prends pour un con ?"

Un peu.

"Si c'est parce que t'a pas d'parapluie on peut partager l'mien hein !"

Qu'est-ce que je disais...
Attendez une minute-

"Quoi ?
-Quoi quoi ?
-Toi quoi ?! Tu me proposes de partager ton parapluie là ?
-Bah... Oui? On est voisin en plus, c'est pratique comme ça, en plus j'sais q't'aime pas la pluie ca t'arrange non ?"

J'étais resté bouche ouverte. Un rêve que je croyais possible uniquement dans les films venait de se réaliser.

"Je... Je veux bien, merci Hayashi-kun
-Appelle moi Peyan, je te l'ai déjà dit...
-On est pas assez proche pour ça...
-Si t'étais plus ouvert aussi..."

Il n'avait pas tord.

Sans perdre de temps, nous quittions l'établissement côte à côte. Son parapluie était vraiment immense, pas une goutte ne me tombait dessus.

Sans dire un mot nous marchions dans un silence assez gênant, je sentais bien qu'il voulait discuter avec moi. Il me lançait des regards furtifs dans ma direction, et lorsque nos yeux se croisaient  il les détournait à toute vitesse.

Au fond ça me faisait rire. Je m'amusais à le fixer longuement juste pour le voir réagir comme ça.

Un léger sourire m'échappa.

"Hum... Sasaki-kun, commença-T-il avec hésitation"

Cette fois-ci je le regardais vraiment.

"Pourquoi tu pleurais tout à l'heure ?"

Mon mensonge bidon n'avait visiblement pas fonctionné.

"Je suis assez fatigué ces derniers temps... Ça m'arrive. Ai-je répondu en détournant le regard"

Il eut un silence, puis d'un coup il s'exclama :

"J'aime pas quand tu mens !"

J'avais sursauté, je ne pensais pas qu'il réagirait de la sorte. Le brun s'était arrêté dans sa marche pour se tourner vers moi. Une expression sévère était dessinée sur son visage habituellement joyeux.

"Je... Je suis inquiet pour toi"

Pour moi ?

"J'avais bien vu que l'autre garce te faisait chier... Mais j'peux pas frapper les filles c'est pas mon genre."

Ah il avait remarqué lui aussi...

"Ne t'inquiète pas, ça ira pour moi, je vais régler ça moi même.
-Arrête de mentir."

Il avait dit ça d'un ton sec et froid.

"Quand tu vas bien tu participes grave pendant les cours, quand t'es fatigué t'écoute pas trop mais tu participe un peu quand-même, mais quand ça va vraiment pas du tout... Tu tires grave la gueule, tu regardes tout le monde de travers, et tu réponds toujours froidement..."

Je ne savais pas quoi dire. Il dormait pas pendant les cours ?! Il m'observait depuis tout ce temps ?!

J'étais dans un certain sens ému qu'il s'intéresse autant à moi, mais d'un autre côté j'avais l'impression qu'on venait d'ouvrir une porte que j'avais laissé fermé à clé. J'avais honte d'avoir été découvert comme ça.

Je ne voulais pas le mettre dans mes problèmes... D'autant plus qu'il faisait partie de l'un de mes soucis, il était hors de question qu'il sache que je l'aimais.

"Ça ne te regarde pas Hayashi-kun, je peux me débrouiller... ai-je soufflé
-Non tu peux pas. Répondit-il sèchement, Tu peux pas rester comme ça Sasaki-kun.
-Hayashi-kun écoute, je-
-Nan toi écoute ! J'en ai marre de te voir comme ça, je supporte plus !
-Mais qu'est-ce que ça peut bien te faire ?! Pourquoi tu veux entrer dans ma vie comme ça ?!
-PARCE QUE JE T'AIME."

Il avait hurlé ses mots qui se répétèrent sans fin dans mon esprit. Sa voix avait eut l'effet d'un écho.

Tout semblait se figer. La pluie n'avait plus d'importance pour moi. Ses mots s'étaient gravés dans mon être tout entier.

Il m'aimait.

"Tu...tu me plais grave Sasaki-kun...t'es intelligent, raisonnable, et grave mignon... Mais je suis trop débile pour sortir avec toi... Et en plus je fais partie d'un gang... Les gars comme moi c-
-Je t'aime aussi."

Ses yeux, déjà très grand, s'écarquillèrent. Il resta la bouche ouverte, incapable d'émettre le moindre son.

"Hayashi-kun ? Tentais-je timidement."

Ma voix le réveilla et d'un seul il se rapprocha plus prêt de moi, manquant de faire tomber le parapluie.

"Tu m'aimes vraiment ? Genre vraiment vraiment ? Pour de vrai ?"

Sans vraiment pouvoir le prévoir, un léger rire m'échappa.

"Oui je t'aime vraiment, genre vraiment vraiment, pour de vrai"

Un énorme sourire s'afficha sur son visage mais très vite il s'attrista me faisant légèrement paniqué.

"On ne peut pas sortir ensemble pour l'instant, fit-il, je suis dans un gang... C'est trop dangereux on pourrait s'en prendre à toi... Surtout en ce moment..."

Il avait raison, je risquais d'avoir des soucis. J'en avais déjà actuellement, ce n'était pas le moment de m'en rajouter.

"Je t'attendrais. Dis-je avec assurance, je serais là quand tout ira mieux."

Son regard s'adoucit et un petit sourire gêné apparue, il semblait soulager.

"Tu es sûr ?
-J'en suis sûr."

Un silence s'installa entre nous. C'était agréable, c'était comme si nous profitions pour assimiler ce que se passait entre nous deux.
Quelques choses de nouveau venais de naître.

Peyan m'offrit l'un de ses sourire radieux dont je ne me lassai jamais, puis se rapprocha un peu, nos visages se retrouvant l'un en face de l'autre.

J'avais le cœur qui battait à grande vitesse. Les joues brûlantes comme si j'avais de la fièvre.

Ce fut presque automatique. Nos lèvres se rencontrèrent naturellement. Le parapluie tomba au sol mais ça m'importait peu.

Les gouttes d'eau s'écrasèrent sur nos corps brûlant. Mon esprit était embrouillé, je n'arrivais plus à réfléchir correctement. Je voulais juste rester avec lui.

Mes bras s'enroulèrent autour de sa nuque pour approfondir notre baiser. Ça allait être notre premier mais aussi dernier avant un bon moment.

Nous nous séparions, tout deux le souffle court.

J'aimais la pluie.

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