Chapitre XIV

Je suis complètement paniqué de l'intérieur mais je ne dois rien laisser passer. J'aurais du retourner travailler.

- Tu aurais dû me dire que tu avais invité un ami, sourit gentiment son colocataire. Ravi de vous rencontrer en tout cas.

Je dois rentrer dans son jeu bien qu'il soit hypocrite.

- Moi aussi, on peut se tutoyer je pense, dis-je en lui tendant la main.

Il me la serre amicalement. Il semble être une personne comme les autres mais avec ce que m'a dit Akihito, je me méfie.

- Yuzuriha, se présente-t-il.
- Fujihara, mais je ne vais pas déranger plus longtemps, il faudrait que je retourne travailler.
- À cette heure là ?
- Je travaille dans un restaurant, ma pause est en décalée.
- Oh je savais bien que je t'avais déjà vu quelque part.
- Vraiment ? dis-je inquiet.
- Oui, j'aime beaucoup venir manger dans l'izakaya où tu travailles. Je ne savais pas si c'était bien toi mais je suis fixé désormais.

C'est vrai que c'est là bas que je l'ai vu pour la première fois. Mon cerveau me crie de m'en aller, mais mon coeur me crie rester pour ne pas laisser Akihito seul avec ce psychopathe.

- J'aurais aimé mieux te connaître, lâche-t-il.

Autant que je reste et qu'il voit que je ne suis pas une menace, qu'Akihito s'en moque de moi.

- Je peux faire entorse au règlement et rester un peu ici, dis-je finalement. J'ai déjà du retard.
- C'est génial ça, n'est-ce pas Aki ?

"Aki" regarde les draps et ne dit rien.

- Après ce qu'il lui est arrivé il n'est pas vraiment bavard, rit son colocataire.
- J'ai cru voir ça.
- Mais dis-moi Aki, vous vous êtes rencontrés comment avec Fujihara ?
- Sur les réseaux sociaux, marmonne le principal concerné.
- C'est à dire ?
- J'avais cru l'avoir déjà croisé auparavant, du coup je l'avais un peu fait chier, ris-je.

C'est un mensonge blanc, ce n'est qu'une partie de la vérité, mais ce n'est pas vraiment un mensonge non plus.

- J'aimerais dormir, si vous pouviez vous en aller, soupire le décoloré.

Yuzuriha hausse un sourcil.

- Tu peux rester si t'as envie, souffle le décoloré.

Son colocataire semble exercer une réelle pression sur lui, c'est clairement malsain. Je ne me sens pas à l'aise ici. Je commence à transpirer de stress. C'est comme si le moindre de mes actes pourrait mettre Akihito dans la merde.

- Je vais vraiment vous laisser, dis-je mal à l'aise.
- C'est vraiment dommage qu'Aki soit aussi mal luné aujourd'hui. Au revoir Fujihara. Je sens que l'on va se revoir dans un futur proche.

Je les salue de ma main et pars rapidement. Je me suis rarement senti aussi mal à l'aise. Cet homme dégage quelque chose que je n'aime pas. Puis, avec tout ce que m'a confié Akihito, je ne peux tout simplement pas l'apprécier.

Je n'ai pas la tête à retourner travailler, je pense que je vais juste rentrer chez moi tranquillement, histoire de me remettre de toutes ces émotions.

Quand j'y pense, quel bon menteur je suis. Dire à Akihito que je compte l'oublier alors que je n'y avais pas réellement songé auparavant... Mais ce mensonge va devenir une réalité, je ne veux plus souffrir comme je souffre actuellement, je ne veux plus ressentir cette sensation de cavité dans mon coeur.

Une fois chez moi, un message de mon collègue arrive sur mon téléphone. J'espère qu'il ne va pas me poser trop de questions...

Koizumi :
Tout va bien ?

Moi :
Je suppose

Koizumi :
Alors pourquoi tu n'es pas revenu ?

Moi :
...

Koizumi :
Je te fais ton cours de cuisine chez toi ce soir ? ;)

Je n'en ai clairement pas envie. Mais il faut bien que je me change les idées je suppose.

Moi :
Si tu veux

Koizumi :
Va me falloir ton adresse par contre

Bon, après ça, plus de retour en arrière... Je lui envoie donc, malgré mon envie de passer la soirée seul.

Le temps passe bien trop vite, j'ai presque l'impression qu'une heure après il est déjà là alors que cinq bonnes heures ont dû passer. Actuellement, Koizumi est en train de toquer à ma porte mais j'ai très clairement la flemme de lui ouvrir.

- Je sais que t'es à l'intérieur ! J'entends le son de ta télé d'ici !

Las, je mets en pause ma série Netflix et ouvre à Koizumi. À peine ai-je ouvert la porte qu'il me prend dans ses bras malgré un sac de course dans sa main droite. Il s'éloigne enfin de moi et me fait un sourire timide.

- Je sais pas si t'en avais besoin, mais moi, c'était le cas.

Oui, la réponse est oui, j'en avais terriblement besoin.

Je le fais entrer et découvre avec effroi l'état de mon appartement. Pourquoi je ne vois que maintenant le désastre qu'il s'est produit ici ?

- Désolé...
- Pourquoi tu t'excuses ?
- C'est vraiment sale...

Il rit légèrement.

- On va se rapprocher en faisant le ménage alors, sourit-il.
- J'ai la flemme...
- Dis-toi que t'auras pas d'autre occasion de le faire à deux. C'est à dire deux fois plus vite.
- Mhh d'accord...

Je ne suis pas dur à convaincre, en même temps, c'était convainquant ! Enfin non, pas vraiment, mais j'ai la flemme de trouver un contre argument.

Nous commençons à faire le ménage à deux. Je ne sais pas vraiment quoi dire, c'est gênant.

- Sinon, pourquoi t'es parti ce midi ?

J'aurais préféré que le silence reste en fin de compte.

- C'est compliqué.
- Tu me penses si bête ?
- Pardon ?
- Tu me penses incapable de comprendre ?
- Si... J'ai juste pas envie d'en parler...
- C'est encore à cause du gars de l'autre fois ? Il ne t'a rien fait rassure moi ?!
- Non... Pas vraiment... C'est juste moi qui suis idiot...
- C'est à dire ?
- Je l'ai vu coucher avec une autre fille, de mes propres yeux, mais non, il a fallu que je lui dise que je l'aime, pour bien qu'il me déteste tu vois. Je suis vraiment con putain... Je réfléchis jamais...
- Eh calme toi... Je... je sais même pas quoi te dire...
- Alors ne dis rien, je n'attends pas spécialement de réponse.

Un blanc.

- Je suis blessant, je le sais. Mais ce soir, non, tout le temps en fait, je n'ai plus envie d'être Jun, le père de famille sympathique qui fait attention aux autres. Je veux être Jun l'égoïste, qui pense un peu à lui au lieu de perdre son temps avec des gens inutiles.
- C'est ce deuxième Jun que je veux apprendre à connaître moi. C'est pas égoïste, juste humain, et, jusqu'à preuve du contraire, tu l'es.

Je soupire, finissant de jeter le dernier sac poubelle.

- On va cuisiner du coup ?

Désireux de me changer les idées, j'accepte. Au final, ça m'a bien changé les idées. Puis, sa présence ne m'est pas désagréable.

- Merci beaucoup, dis-je entre deux bouchées de sukiyaki.
- Tu sais, c'est mon métier de faire à manger, rit-il, ce n'est pas la peine de me remercier pour ça.
- Non, je veux dire, pour être venu, alors que tu savais que je serai profondément casse couilles.
- Ta présence m'est toujours agréable.

Je rougis et pose les yeux sur mes baguettes entre mes doigts.

- Désolé, je suis gênant, lâche-t-il dans un léger rire.
- Je préfère quelqu'un de gênant et sincère plutôt que... je ne sais même pas quel est le contraire de gênant.

Nous rions. Avec lui, je ne me sens pas jugé. C'est si agréable.

- Je t'adore Jun, rit-il.

Il m'a vraiment appelé par mon prénom ? J'aimerais bien faire de même mais je ne connais même pas le sien.

- Euh moi aussi...
- Pas la peine de mentir pour me faire plaisir tu sais, répond-il avec un sourire.
- Non, c'est sincère.

C'est à son tour de rougir, je ne le connaissais pas ainsi.

- Je peux te poser une question ? demande-t-il. Si c'est trop indiscret tu me le dis hein...
- Tu viens de le faire.

Il me lance un regard blasé. Je lui souris, signe qu'il peut.

- Tu as su comment que tu étais gay ?
- Je ne sais même pas si je le suis. J'avais juste des rapports avec "lui".
- Lui ?
- Akihito, celui qui a malmené ma vie sentimentale récemment, ris-je.

Ses yeux s'écarquillent.

- Tout va bien ? dis-je inquiet.
- Oh euh oui oui... C'est juste que je connais moi aussi un Akihito, mais on ne doit probablement pas parler du même.
- Oh tu sais, le monde est petit.
- Je ne te souhaite pas de connaître celui dont je parle.
- Pourquoi ça ?
- Il est fondamentalement mauvais. Toujours prêt à se servir des autres pour parvenir à ses fins. Ses pratiques douteuses lui rapportent beaucoup d'ailleurs.

Ça m'intéresse tout à coup.

- Personne n'est fondamentalement mauvais, lui dis-je dans l'espoir qu'il en dise plus.
- Alors tu ne dois probablement pas le connaître, rit-il. Il pourrait vendre son âme pour de l'argent.

Je ne veux pas croire qu'il parle du Akihito que je connais.

- Tu as l'air de bien le connaître.
- Pour tout te dire, répond-il d'une petite voix, on est sortis ensemble...
- Vraiment ?!
- Oui, mais je n'ai pas vraiment envie d'y repenser... Parlons d'autre chose !

J'essaierai de lui tirer les vers du nez une autre fois, il ne m'a pas l'air décidé à parler.

Ne sachant pas vraiment sur quoi rebondir, je joue timidement avec mes baguettes.

- Désolé, je suis vraiment pas doué, j'instaure toujours une sorte de malaise.
- Non, c'est plutôt moi, je suis pas du genre bavard, enfin surtout pas en ce moment.
- Alors si on continuait sans parler ?
- Sans parler ? Ça va vite devenir long.
- Je n'ai pas dit sans communiquer.
- C'est à dire ?
- Le langage corporel, susurre-t-il.

Mes joues deviennent instantanément rouges. J'ai du mal comprendre, ce n'est pas possible autrement. Je lâche un rire nerveux et débarrasse la table tandis que lui rit. J'espère vraiment que c'était une blague de mauvais goût.

Il m'aide à débarrasser, c'est encore plus gênant qu'avant. J'ai l'impression que peu importe ce que je vais dire ça va être gênant.

Sauf qu'à peine suis-je dos à lui afin de faire la vaisselle qu'il vient m'enlacer.

- T-tu me mets mal à l'aise, dis-je finalement.
- Un mal pour un bien je suppose ? susurre-t-il à mon oreille.

Mes joues se teintent d'une couleur écarlate. Je suis figé, ne sachant quoi faire.

- Je sais que t'en as envie, Jun.

Je ne sais même pas ce que je ressens, alors je serais encore plus incapable de déchiffrer mes envies.

- Pas vrai ?
- Koizumi, s'il-te-plaît...
- Au stade où on en est, on peut s'appeler pour nos prénoms non ?

Comment lui dire que je ne m'en souviens pas...

- Ah euh oui...

Il se détache de moi, pour rire, je me retourne gêné. Ce qui ne semble absolument pas être son cas.

- Allez on reprend depuis le début, rit-il. Moi, c'est Koizumi Yukio, je suis cuisinier et toi ?
- Moi c'est Fujihara Jun, je suis serveur, dis-je en riant légèrement.

Yukio, comment ai-je pu oublier... Je suis vraiment étourdi.

- Donc maintenant on peut reprendre là où on en était ? demande-t-il avec un sourire en coin.
- Ce n'est pas la peine non...

Son regard change complètement, il semble gêné à son tour. Je ne m'attendais absolument pas à ça.

- Je ne veux pas te forcer alors... Je sais que je n'ai jamais été doué sur le point sentimal c'est juste que... que j'espérais qu'on soit sur la même longueur d'ondes. Mais ce n'est pas grave hein ! Ne culpabilise pas ! Je me suis juste emporté. Je t'aide à débarrasser et je te laisse tranquille.

Il me fait vraiment de la peine... Une part de moi, égoïste, en manque d'amour et surtout avec le coeur brisé veut lui dire oui, dans l'espoir d'aller mieux, d'oublier la personne que j'aimais auparavant ; mais une autre part trouve ça irrespectueux.

- Tu sais, Yukio, j'ai envie de te dire oui, que je veux que ça aille plus loin, mais je ne veux pas te voir comme un... pansement, pour mon coeur meurtri.
- Ça m'est égal, je veux être là pour panser chacune de tes plaies. Peu importe le temps que cela prendra... Je ne veux plus jamais te voir dans l'état dans lequel je t'ai vu ces derniers jours.

C'est un peu niais.

- Je suppose qu'on peut essayer alors...
- Essayer ? Jun... je n'ai plus treize ans, si on continue, c'est pour du concret.

Mon rythme cardiaque commence à s'accélérer. J'ai l'impression de faire un choix important. Mais je dois me détendre, mon seul objectif est d'aller mieux, peu importe les moyens et d'enfin oublier Akihito.

- Ça me va.

Il sourit et s'approche de moi, venant poser ses lèvres sur les miennes. J'y réponds, presque avec dégoût. J'attendais un baiser depuis si longtemps mais c'était mieux dans mes souvenirs.

~~~
BOUH (pourquoi ce bouh ? Je ne sais pas)

J'espère que ça vous a plu ^^ que votre confinement se passe bien aussi

Kargisa~

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