Chapitre VI
À ma pause du midi, qui est plutôt à quatorze heure, je reçois toute une flopée de messages d'un inconnu, enfin non, d'une inconnue. D'ailleurs, son pseudo est un peu laid, mais qui suis-je pour juger ?
De knackit_kat :
Jun ? C'est bien toi non ?
De knackit_kat :
Moi c'est Kat' faut qu'on parle
De knackit_kat :
On dirait un peu une rupture, donc je reformule, on a beaucoup à se dire :)
De knackit_kat :
Allez réponds >.< je veux trop te parler
De knackit_kat :
J'ai entendu tellement de bien de toi en plus
Moi :
?
De knackit_kat :
Ouiii ! Enfin je te parle !
Moi :
Qui a bien pu te parler de moi ?
Surtout que je n'ai aucun ami, qui ça pourrait bien être ?
De knackit_kat :
Indice : il est pas comme les autres
Personne excentrique que je côtoie ? Il n'y en a qu'une et ça m'étonnerait qu'il ai parlé de moi.
Moi :
Akihito ?
De knackit_kat :
Ouiii, il m'a tellement parlé de toi
Akihito ? Parler de moi ? En mal alors.
Moi :
Il a du te dire que je suis un vieux coincé qui passe ses journées à gueuler sur ce qui n'est pas en ordre je suppose
De knackit_kat :
Bien au contraire, askip t'es le père rêvé
Pardon ? Il a vraiment dit ça ? Cette fille m'intéresse de plus en plus.
Moi :
Il a dit quoi d'autre ?
De knackit_kat :
Que tu le faisais rire à toujours stresser, que le temps passait plus vite à tes côtés, que ta fille était très bien élevée, par contre, il m'a dit une chose, j'étais... choquée...
Il n'a pas parlé de son vieux marché de nul ?!
Moi :
Ah euh comment ça ?
De knackit_kat :
Tu aimes la pizza avec de l'ananas il paraît...
Mais c'est un enfant !
Moi :
C'est délicieux.
De knackit_kat :
Avec le point et tout, ça rigole pas :') après je compte pas te faire changer d'avis, il m'a dit que t'étais très têtu, t'as même pu le ramener chez lui
Moi :
Il faisait nuit noire aussi
De knackit_kat :
En 10 ans d'amitié je ne suis jamais allée chez lui, t'es vraiment un chanceux, d'ailleurs c'est comment là bas ? T'as pu voir son "coloc", il est chelou hein, il me fait peur perso, mais après j'ai raison de l'être
Moi :
Je n'y suis pas allé, je l'ai déposé dans son quartier, j'ai vu son coloc mais dans d'autres circonstances, il a quoi de spécial ? Il m'intrigue
De knackit_kat :
T'es pas au courant ?! Je pense que c'est à Aki de t'en parler, pas à moi ^^' mais méfie toi de ce type, il est dangereux
Moi :
Justement, s'il est en danger je préfère savoir...
De knackit_kat :
Tu t'inquiètes pour lui, moooowh
Moi :
Je ne le déteste pas quoi... Mais il compte un peu pour moi, et ça me rendrait triste qu'il lui arrive quelque chose...
De knackit_kat :
Je te donne juste un conseil alors, tiens le le plus loin de chez lui possible, si tu peux le faire rester dormir c'est encore mieux
Moi :
Son coloc est violent ? Il s'en prend à Akihito ?
De knackit_kat :
Je ne peux rien te dire, vous en parlerez tous les deux
- Jun ! Tu reprends ton service dans dix minutes !
Je n'ai même pas eu le temps de manger... À contre coeur, je me sers un bol de ramen udon que je mange à toute vitesse, je n'en peux plus de manger des ramen tous les midis, mais bon, c'est gratuit... Je préfère acheter un bon repas à ma fille et mettre légèrement le prix quitte à manger le même plat tous les midis plutôt que l'inverse.
À cette heure-ci, il y a bien moins de monde qu'à midi, je suis tranquille jusqu'à dix-huit heures là. Il faudrait d'ailleurs que je pense sérieusement à chercher un autre travail. Certes, dans la restauration, dix-neuf heures c'est tôt pour finir, mais quand on a une vie de famille c'est tard.
L'histoire d'Akihito a trotté dans ma tête toute l'après-midi. Je me suis même enfuis une demi-heure plus tôt, je veux absolument savoir. Je vais me faire réprimander, mais ce n'est pas grave, je compte m'en aller. Lorsque j'arrive chez moi, je sens une douce odeur émaner de la cuisine. Ça sent les épices à curry, il ne me semble pas en avoir acheté pourtant.
- Je suis rentré.
- Papa !
Ma fille court vers moi comme à son habitude et je l'attrape pour la faire tourner, comme à mon habitude.
- Tu rentres tôt, lâche Akihito.
- Comme tu le vois.
Je ne lui dirai certainement pas que c'est pour lui.
- On est en train de faire du curry avec Akki !
- J'ai hâte de goûter ça alors.
Nous partons tous dans la cuisine, ils m'ont déjà donné faim. Il s'occupe vraiment bien de Hana, je ne peux pas dire le contraire. Elle l'adore, mais c'est complètement légitime, ils font pleins d'activités ensemble, il l'aide à faire ses devoirs, il joue avec elle et bien plus encore.
Une dizaine de minutes après, j'ai pu manger ce délicieux curry. Akihito se débrouille vraiment bien en cuisine, je devrais le payer plus quand j'y pense.
- T'as eu sport aujourd'hui non ? dis-je à Hana.
- Oui pourquoi ?
- Tu sais ce que ça veut dire non ?
- Que je dois me doucher !
Je lui fais un sourire. J'essaye de lui donner un maximum d'autonomie mais j'ai toujours peur de la laisser se doucher seule. Un toussotement me sort de mes pensées, Akihito semble mal à l'aise.
- Je vais vous laisser du coup, je vais pas t'aider à la doucher.
Je jette un regard à Hana qui m'en rend un bien plus suppliant, elle ne veut apparemment pas qu'il la douche.
- Fais-toi une tisane en attendant, je veux te parler après.
Il hausse un sourcil et sourit en coin, s'il pense que c'est pour son deal il peut rêver.
- "Une tisane", rit-il.
- Où est le problème ?
- T'es vraiment un vieux Jun, continue-t-il à rire.
Je lève les yeux au ciel et pars vers la salle de bain tandis qu'Hana va chercher son pyjama. Une fois revenue, on fait comme d'habitude, je la savonne, elle se rince, bien que je vérifie toujours derrière elle.
- Tu ne veux pas que Akihito t'aide pour la douche, ris-je.
- C'est toi qui l'a dit, y a que papa qui a le droit de me voir sans vêtements !
- Et c'est entièrement vrai.
Aucune autre personne n'a le droit de la voir ainsi. Même plus tard, je ne veux pas que n'importe quel garçon vole son innocence. Lorsqu'elle est enfin douchée, je la porte dans son lit et lui dis bonne nuit. Dans le salon, Akihito est concentré sur son téléphone.
- Tu voulais me dire quoi ? demande-t-il en posant son cellulaire.
- J'ai parlé à une certaine personne.
Il devient blême.
- Qui ça ? questionne-t-il d'une voix étranglée.
- Elle s'appelle Kat' il me semble.
Le soulagement est empreint sur son visage.
- Elle t'a dit quoi encore ? Elle est venue te parler où ?
- Sur Instagram. Et elle m'a dit beaucoup de choses.
- Kat' parle beaucoup, ne crois pas tout ce qu'elle te dit.
- Et ce qu'elle ne m'a pas dit ?
- Comment ça ?
Je vais essayer d'aborder le sujet doucement, il risquerait de se braquer.
- Il paraît que tu lui as dit beaucoup de bien sur moi d'ailleurs, dis-je dans un rire.
- Elle raconte de la merde, grogne-t-il légèrement rouge. Mais change pas de sujet !
- Je me demandais, tu me fais confiance ?
- Viens-en aux faits.
- J'y viens, mais réponds-moi.
- Ça dépend, pas vraiment.
Ça me fait mal un peu, je lui fais confiance moi.
- On a un peu parlé de ton coloc.
- Elle t'en a parlé ?! s'énerve-t-il en se levant brusquement.
- Eh calme toi !
- Non bordel ! Je lui faisais confiance et maintenant t'es au courant !
Mais que cache-t-il à la fin.
- Akihito, détends-toi !
Il se laisse tomber sur le canapé.
- Je suis sale hein ?
- Bah tu sens pas spécialement mauvais.
- Pas ça bordel ! Tu voulais me parler parce que tu veux plus que je m'occupe de Hana ?...
- Mais de quoi tu parles ? Elle ne m'a rien dit !
Ses yeux s'ouvrent en grand. Je peux voir mille et une émotions traverser son visage. Puis vient le soulagement. Il se lève en direction de ma fenêtre et sors son briquet.
- Pas de ça chez moi !
Il ne m'écoute pas et sors une cigarette de son paquet. Ça va, ça aurait pu être pire... Je ne peux pas le voir, il est dos à moi, mais le nuage de fumée m'indique qu'il a commencé à fumer. Je me décale de sorte à le voir légèrement.
- Tu veux que je t'explique je suppose, soupire-t-il en regardant la nuit étoilée.
- J'aimerais, mais je ne te force en rien.
- Promets moi une chose.
- Laquelle ?
- Ne me juge pas.
- Je n'en avais pas l'intention.
- Et ça va de soi que tu ne me coupes pas.
- Je ne comptais pas non plus.
Une minute s'écoule sans qu'il ne dise rien.
- Ça a commencé à ma majorité. Je n'avais nulle part où vivre, je me voyais mal squatter chez Kat' comme elle vivait encore chez ses parents. J'ai longtemps cherché, puis je suis tombé sur une annonce. Pour une misère, je pouvais vivre en colocation avec un jeune homme d'à peine dix ans de plus que moi. J'étais naïf, je me suis jeté sur l'occasion. Au début, tout se passait très bien, il était sympa, certes particulier mais je l'adorais, il me comprenait et m'acceptait. On a vite fini par sortir ensemble, je l'aimais plus que tout, je me sentais en sécurité avec lui. Au fil du temps, il m'a proposé un marché ; je ne payais plus le loyer mais je bossais pour lui. J'ai accepté sans même savoir quel était l'emploi en question. Je me suis retrouvé à dealer pour lui. Je savais qu'il se droguait, on le faisait souvent ensemble, mais j'étais pas au courant pour ça. À partir de ce moment là, il est devenu une autre personne. Il est devenu violent, méchant, j'ai mis un certain temps à comprendre, j'étais plus son employé que son copain. Son employé avec qui il pouvait coucher quand il voulait, même sans son accord. Mais je m'en foutais, je l'aimais, je pensais que j'arriverais à le changer. Au fil du temps, il était de plus en plus violent, de plus en plus exigeant, de moins en moins amoureux... C'était plus un désir malsain de me posséder. Mais moi, je l'aimais toujours, alors je suis resté. Il me torturait mentalement, me faisant croire que si notre couple allait mal, c'était de ma faute. J'ai tenté de me suicider, plus d'une fois, mais il est toujours arrivé avant, me battant presque jusqu'à la mort. Mais récemment, j'ai su me réveiller, j'ai compris, je dois m'en aller loin de lui, le plus vite possible. Je n'en peux plus d'être impuissant face à lui, de me laisser me faire battre, violer, abuser.
Aucun mot n'est échangé. Mon souffle est coupé, ma poitrine est comprimée, mes yeux brillent. Il se retourne, les yeux et le nez rougis.
- Je vais te laisser Jun, lâche-t-il d'une voix cassé.
- Non, hors de question ! Impossible que je te laisse quitter cet endroit !
- J'y gagne quoi ?
- Ici il n'y a personne pour te faire du mal ! Je ne veux plus qu'il te touche, je ne peux pas te laisser partir en sachant ce qu'il t'attend !
Il me regarde sans rien dire. Comment a-t-il fait pour prendre tout ça sur lui ? J'aurais craqué bien vite. Je l'admire, il a du avoir une force mentale inimaginable.
- Je ne te dégoute pas ? brise-t-il le silence.
- Jamais, c'est toi la victime dans l'histoire, pourquoi tu me dégouterais ? C'est cet homme qui me donne la nausée, il n'a aucun sens moral, il t'a utilisé, il ne te mérite pas. Ça me met hors de moi, j'ai tellement mal pour toi... Je ferai de mon mieux pour que ça ne se reproduise pas, même si je ne sers pas à grand chose, je peux au moins t'aider en te demandant de rester ici...
- Je ne t'avais jamais vu aussi déterminé, sourit-il tristement.
Je ne sais pas quoi répondre, j'ai toujours mal pour lui. Il ne mérite pas ça. La vie est vraiment injuste.
- Mais bon, je reste, tu m'as convaincu.
Il s'approche de moi, l'air sérieux.
- Merci beaucoup Jun, j'espère que tu tiendras ta parole et que tu m'aideras.
- C'est une promesse même.
Dans un élan de compassion mais surtout de folie, je le prends dans mes bras. J'ai envie de le protéger, autant que je peux. Même si ça peut compromettre ma sécurité. Un petit sourire pointe son nez sur le visage du décoloré.
- Ça te dérange de dormir dans mes draps ou tu veux que je les change ? Je les ai lavés il y a tout juste trois jours.
Il hausse un sourcil.
- Et toi ?
- Je dormirai sur le canapé, dis-je.
- Hors de question, on va tous les deux dans ton lit. On a des choses à faire, sourit-il vicieusement.
Je rougis une nouvelle fois. Je pensais qu'on allait passer une soirée à se faire des câlins en se réconfortant...
- Viens dormir avec moi, mais on ne fera rien...
Nous partons dans ma chambre. Une fois changés et passés par la salle de bain, nous allons nous coucher. C'est gênant, nous sommes dos à dos, sans rien dire.
- Je suis là tu sais, dis-je timidement.
- Je sais.
- On se parle pas trop mais je... je t'apprécie et je veux t'aider.
...
- Tu veux pas m'aider à dormir ? change-t-il de sujet.
- Comment ça ?
- Je dors mieux après avoir baisé.
J'enfonce ma tête dans l'oreiller. Il me gêne tellement.
- Allez Juuun !
- C'est non !
- T'es pas drôle.
- Allez arrête de raconter des conneries, bonne nuit.
~~~
Comme apparemment y a des gens qui lisent, je poste la suite 😭 vegetablue01
Kargisa~
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