9. Le retour de l'ange

Keith aurait voulu se frapper.

Il avait su, il savait, il se doutait que quelque chose n'allait pas ! Il avait eu cette impression bizarre dès lors que Nyma avait proposé le rendez-vous à Lance. Alors pourquoi l'avait-il laisser y aller ? Au fond de lui, il savait pourquoi. Il avait tenté de l'avertir, mais l'humain ne l'avait pas écouté, alors Keith s'était vexé, et il avait décidé de voir comment les choses allaient se passer pour prouver qu'il avait eu raison !

Il avait laissé passer son rôle d'ange gardien pour préserver sa stupide fierté. Et comme il s'en voulait à présent ! Il aurait voulu hurler à s'en écorcher la voix, s'enfoncer ses ongles dans la peau jusqu'à saigner, juste pour se punir d'une manière ou d'une autre, souffrir physiquement pour tenter de compenser l'horrible sensation qui lui tordait les entrailles.

Lance était en danger. Lance, l'humain qu'il était censé protéger, l'humain qu'il était censé guider, était en danger par sa faute ! Parce qu'il avait préférer conserver sa dignité plutôt que de le supplier de rester. Parce qu'il avait voulu donner une leçon à Lance, lui montrer que c'était lui qui avait raison.

Et quelle leçon ! Maintenant, le jeune homme était attaché sur une chaise, prisonnier d'une dérangée et de son complice. Keith avait assisté à toute la scène, depuis son endormissement forcé au chloroforme jusqu'à l'arrivé d'une deuxième personne, un homme, à la barbe mal rasée et aux yeux cernés, qui avait félicité Nyma pour son travail. La blonde avait souri d'un air mal assuré, et elle avait laissé l'homme attacher Lance avec des menottes, se postant en retrait.

Il voulait se frapper. Il savait. Il aurait dû savoir. Il aurait même dû s'en douter bien avant la proposition de Nyma. Comment avait-il fait pour ne pas se souvenir de Nina dès la vue de la photo dans la chambre de Lance ? La ressemblance entre les deux filles était plus que frappante, il était évident qu'elles avaient un lien de parenté. Et quand ça lui était revenu, il était déjà trop tard : Lance était endormi dans les bras de la blonde. Tout ça à cause de sa fichue amnésie ! La majorité de ses souvenirs d'ange était revenue à Keith quand il avait rencontré Lance, mais pas l'histoire de Nina, qui s'était rappelé à sa mémoire seulement lorsqu'il avait lu les deux noms associés au dos de la photo. Si seulement il s'en était souvenu dès le début ! Il aurait été capable de prédire tout cela. Car lors de leur connexion indésirée dans la piscine ce fameux jour où le paradis avait cessé d'en être un, ils avaient échangé inconsciemment bien plus que leur nom : les causes de leur mort. Et celles de la mort de Nina étaient revenus à lui de plein fouet en même temps que Lance s'était évanoui sur le parquet. Il avait revu, aussi clairement que si ce souvenir ne lui avait jamais été enlevé, la petite fille endormie dans son lit, l'homme qui faisait irruption dans sa chambre, qui l'achevait d'une balle dans la tête sous les yeux horrifiés d'une autre personne cachée dans le placard, une jeune fille blonde qui ressemblait un peu trop au petit corps recroquevillé sous la couette.

Il avait déjà vu Nyma auparavant. Voilà pourquoi elle lui avait semblé si familière. Il avait déjà vu Nyma dans le flashback de la mort de Nina. Nyma avait vu sa soeur mourir sous ses yeux, assassinée de sang-froid par un homme.

Et maintenant, cette même Nyma était en train de menacer celui qu'il devait protéger. Inversion des rôles ? Cruel tour du destin ? Pourquoi la protectrice qui avait failli à sa tâche devenait maintenant la menace, jouant le rôle du meurtrier de sa soeur en s'en prenant à une personne sans défense sous les yeux de quelqu'un qui y tenait énormément ? Pourquoi celle qui avait dû assister à la mort de quelqu'un d'important pour Keith lui prenait maintenant un autre qui comptait pour lui ?

Car Keith tenait à Lance, bien sûr qu'il tenait à lui ! Il avait beau être bruyant, inconscient, exaspérant, un peu trop flirteur pour le goût de l'ange, il n'en restait pas moins un être humain qui avait des rêves, des amis et une famille. Nyma se rendait-elle compte qu'en l'attaquant comme ça, elle ne valait pas plus que l'homme qui lui avait enlevé sa soeur ? Réalisait-elle qu'elle reproduisait le même schéma, qu'elle causait à son tour de la douleur à quelqu'un ?

Keith comprenait maintenant plus que jamais ce qu'elle avait dû subir en assistant à la scène, cachée dans le placard, les mains sur la bouche pour s'empêcher de se faire remarquer, les larmes de son impuissance roulant sur ses joues. 

Excepté que Keith pouvait hurler autant qu'il le voulait, personne n'allait faire attention à lui. Il avait bien essayé de frapper, pousser, n'importe quoi pour libérer son protégé, mais il ne pouvait rien faire, étant aussi immatériel qu'un souffle de vent. Personne ne l'entendait, personne ne le voyait. La seule personne qui avait été capable de le faire était maintenant en grand danger par sa faute.

Assis sur la chaise, encore plongé dans un sommeil profond, Lance était aussi magnifique que d'habitude, même avec le bleu qui commençait à se former sur sa joue gauche, le reste d'une mauvaise manipulation de Nyma quand elle avait essayé de le changer de position. Ses yeux étaient fermés et ses paupières tressautaient imperceptiblement, comme s'il était en train de rêver, ce qui n'aurait normalement pas dû être possible sous l'effet de l'anesthésique. Sa bouche était légèrement entrouverte, et ses sourcils complètement relâchés. Keith se fit brièvement la réflexion qu'on avait jamais l'air plus innocent que lorsqu'on était en train de dormir. Aussitôt, son ventre se tordit à nouveau. Ce n'était pas le moment d'admirer la beauté de Lance. Il y avait plus urgent à faire : trouver le moyen de le sortir de cette situation au plus vite.

Ses options restaient limités. Il était incapable de toucher quelque chose ou se faire entendre, donc aller chercher quelqu'un ou se charger des ravisseurs étaient déjà hors de sa portée. Réfléchis, Keith, réfléchis ! Jusque là, les ravisseurs n'avaient pas semblé disposer à faire de mal à Lance, mais ils étaient imprévisibles. En ce moment, assis sur deux chaises en face du cubain, ils semblaient attendre son réveil. Nyma avait la mâchoire serrée et tout son corps tremblait, tandis que l'homme à côté était bien plus relaxé, un verre de whisky à la main.

-Rolo, est-ce que tu es sûr que ça va fonctionner ? finit-elle par dire, n'y tenant plus.

Le dénommé Rolo soupira.

-Ils ont dit ce qu'ils ont dit. Les pierres Löwe contre le corps d'H.J. Jusqu'à présent, c'est la seul piste qu'on a.

Keith ne comprenait rien à ce qu'il se passait. «Löwe» ? H.J. ? À quoi correspondaient ces initiales ? Il arrêta un instant d'essayer d'enlever les liens de Lance pour s'approcher des deux autres, dans une tentative de mieux comprendre ce qui les avait conduit à capturer le jeune homme.

-Comment ils vont faire pour le retrouver ? murmura Nyma d'une voix éteinte. On a ratissé toute la région après ce qui est arrivé à Nina, il n'y avait plus aucune trace de lui. Comment tu peux être sûr que ce n'était pas qu'un leurre pour avoir des pierres de Löwe ? Et qu'est-ce qu'on va faire s'il prennent Lance mais ne nous donnent pas H.J.?

-Fais leur confiance, c'est des professionnels, bien plus doué que nous. Et ne t'inquiète pas, tant que je n'aurais pas vu le cadavre de cette pourriture devant moi, ils ne toucheront pas à un cheveu de ton petit camarade, et ils ne verront pas l'ombre d'une pierre Löwe non plus.

Lance n'était donc qu'une parti d'un troc, et pas la cible principale visée par les deux criminels ? Keith ne comprenait plus rien à rien. Il se rejouait sans cesse la scène de la mort de Nina dans la tête pour tenter de comprendre quel lien possible pouvait-il exister entre son assassin et cette affaire. Comment diable le cubain s'était-il retrouvé fourré dans un tel imbroglio ?

-Ah ! Il se réveille ! s'exclama soudain Nyma.

Keith fit volte-face. En effet, les paupières du jeune homme papillonnaient alors qu'il tentait de sortir de son sommeil forcé. Le soulagement qui l'envahit alors valait tout. Jamais il n'avait eu l'impression d'avoir été aussi heureux de toute sa vie. Il aurait voulu se jeter dans les bras du jeune homme et le serrer jusqu'à l'étouffer. Enfin, peut-être pas quand même. Disons le serrer jusqu'à ce qu'il promette de ne plus jamais recommencer des bêtises pareilles et de toujours écouter Keith.

-Lance, dit Nyma d'un ton froid qui ne lui ressemblait pas.

Les brumes du médicament qui l'avait contraint à s'endormir disparaissaient peu à peu, et il cligna des yeux, visiblement inconscient de la situation dans laquelle il se trouvait. Le premier regard qu'il croisa fut celui de Keith, et aussitôt, il ouvrit la bouche comme pour parler, mais l'ange lui intima de se taire avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit pour révéler son existence. La vie lui était assez difficile comme ça, il n'avait pas non plus envie qu'on croit qu'il ait des hallucinations. Son état allait déjà bien vite se compliquer...

Nyma s'avança vers lui et tira violemment sur son tee-shirt.

-Le pendentif de ta grand-mère ! Où est-ce que tu l'as mis ?

Le pauvre paraissait ne rien comprendre à l'affaire. Pas étonnant quand on savait qu'il venait d'être endormi de force, traîné et attaché à une chaise alors qu'il pensait simplement se rendre à un rendez-vous amoureux avec la fille de ses rêves. Le choc devait être dur à tenir.

-N-nyma ? Mais de quoi tu parles ?

-J'ai pas le temps pour ça, Lance, le pendentif, où est-il ?!

-Tu n'arriveras à rien en le brusquant comme ça, intervint l'homme en se levant, déposant au passage son verre de whisky à terre. Il faut être patient.

Se postant à la place de la jeune fille devant Lance, il fit craquer ses jointures de main dans un geste très impressionnant et s'adressa à lui de sa voix la plus grave :

-Écoute, on te veut pas de mal, je te connais même pas, mais on a besoin de toi pour un petit service. Vois-tu, ma fille Nina a été tuée il y a quelques années par quelqu'un de mal intentionné, les répercussions d'une guerre qui dure depuis trop longtemps entre certains d'entre nous. Il se trouve que un des types qui faisait autrefois parti du camp d'en face serait disposé à balancer les informations qu'il a sur l'assassin, et même à nous ramener son corps. Tout ce qu'il veut en échange, c'est une pierre de Löwe. Je sais pas si t'en a déjà entendu parler. C'est un cristal très rare qui n'existe qu'en cinq exemplaires dans le monde. Ce gars-là en possède déjà deux. C'est un collectionneur affirmé, et il ne rêve rien de plus que d'avoir les cinq en sa possession. Autrement, il nous demandait trop d'argent pour qu'on puisse le payer. On savait pas quoi faire, jusqu'à ce que ma fille aînée, Nyma, remarque ce pendentif, que tu lui avais ramené pour lui montrer je-ne-sais-quoi.

Keith se souvenait du jour où Lance avait ramené l'héritage de sa grand-mère, un collier sertie d'une pierre bleue qui paraissait avoir une grande valeur. Il lui avait déconseillé de se balader avec au lycée, mais la tentation d'impressionner Nyma avait été la plus forte.

-Ma fille a essayé de te le demander gentiment, mais tu as refusé de t'en séparer. On avait pas d'autre choix que de te le prendre par la force.

Il tendit sa main fine sans aucune hésitation. Il savait que Lance n'aurait pas le choix. Keith lui-même se remuait les méninges pour trouver un échappatoire. La situation semblait inextricable. Donner ce qu'il voulait à son ravisseur n'était sûrement pas la bonne façon d'agir, mais comment faire autrement ? Son incapacité à toucher quoi que ce soit le rendait aussi inoffensif qu'un souffle d'air.

Un souffle d'air... Keith eut brusquement un éclair de génie. S'il parvenait à réutiliser ses pouvoirs, il pourrait peut-être réussir à créer un souffle d'air assez puissant pour perturber Nyma et l'homme. Les liens de Lance n'étaient pas très serrés, il lui suffirait d'une poignée de secondes d'inattention de la part de ses ravisseurs et il serait libre. Aucun des deux n'ayant l'air d'avoir d'armes, il pourrait alors courir jusqu'au dehors.

-Lance, je vais t'expliquer mon plan, mais ne me répond pas et fais comme si tu ne m'entendais pas. Je vais essayer de créer une diversion avec mes pouvoirs, et pendant ce temps-là, tu fuiras, ok ?

Lance secoua la tête, les yeux rivés dans ceux de l'ange, ce qui eut pour effet d'énerver celui-ci.

-Mais t'es encore dans les vapes ou quoi ? Ils vont te prendre le pendentif si tu réagis pas !

Il secoua à nouveau la tête, déterminé. Keith leva les bras au ciel, toute trace de son soulagement disparu. Lance redevenait le sale gosse qu'il était, à toujours n'en faire qu'à sa tête. On aurait pu croire que se faire enlever lui remettrait un peu de bon sens dans sa tête, mais non.

-Pourquoi tu dis non ? Tu nous le fileras pas ? rétorqua l'homme en ramenant son poing.

-Je vous le donnerais quand je pourrais sortir, cracha-il en réponse.

Nyma regarda son père, les bras croisés sur sa poitrine.

-Est-ce qu'on ne ferait pas mieux d'aller chercher le collier nous-mêmes ? Il risque de...

D'un geste de la main, l'homme lui intima le silence. Puis il s'agenouilla devant le cubain et soupira.

-Écoute petit, on a pas envie de faire ça, ok ? Mais on risque d'y être obligé. Si t'as pas le collier, il faut que quelqu'un nous l'apporte. Tu comprends, on attend qu'une chose, c'est de venger Nina. Le reste nous importe peu. Une fois qu'on a le collier, on lève les voiles et tu ne nous revois plus jamais.

-Je vais vous donner ce fichu collier, déclara Lance en serrant les dents. Je n'en ai aucune utilité de toute manière. Mais je ne veux pas mêler ma famille à ça ! Mes parents travaillent dur pour qu'on puisse avoir accès à l'éducation. Ils vont être effondrés s'ils apprennent que j'ai donné le pendentif d'Abuela au premier venu, alors qu'il a une valeur marchande aussi importante que sentimentale.

Rolo sembla réfléchir quelques minutes. Keith ne tenait plus en place. Pourquoi Lance avait-il refusé son aide ? Doutait-il de ses capacités ? Il est vrai que jusque-là, il avait été un piètre ange gardien. Était-ce pour autant une raison de le rejeter ? À moins que Lance n'ai un plan ? Avec espoir, Keith se recula pour le laisser se débrouiller.

Mais Lance n'avait pas l'air d'avoir la moindre idée en tête. Il répéta ce qu'il avait déjà dit, comme quoi il refusait qu'un membre de sa famille soit impliqué. Rolo était perturbé. Il ne semblait pas si méchant que ça : c'était surtout les circonstances qui l'avaient conduit à se comporter ainsi. Keith pouvait presque le comprendre : perdre un être cher dans des conditions aussi horribles, ce devait briser une vie. Il ne savait pas lui-même jusqu'où il aurait pu aller si jamais il avait eu l'occasion de se venger du meurtre de quelqu'un à qui il tenait.

Quelqu'un à qui il tenait... Dans sa vie mortelle, est-ce que quelqu'un avait tenu à Keith ? Avait-on pleuré sa mort ? Sa perte avait-elle conduit quelqu'un à recourir à de telles extrémités, ou au contraire était-il mort seul et pitoyable ? L'ange divin qui l'avait accueilli au paradis l'avait prévenu que retrouver sa mémoire pourrait lui être destructeur.  L'échange avec Nina lui avait seulement rappelé sa condition d'ange, et non pas ses souvenirs humains, même s'il avait eu conscience d'être mort à partir de ce moment. Rien que cela lui avait coûté sa place au paradis et des jours entiers à se tourmenter l'esprit. Il n'osait penser à ce qui pourrait lui arriver s'il se rappelait de son temps passé sur Terre, or, il brûlait d'envie de le savoir quand même.

-Vous avez de la chance que je sois là, n'empêche, commença Lance. Je suis un peu votre ange gardien.

Keith tressaillit à ses mots. Lance n'avait donc pas abandonné tout espoir ! Il lui demandait indirectement de l'aide ! Vite, il fallait qu'il soit à la hauteur de ses attentes.  Que voulait-il ?

-Je vais vous donner le collier maintenant. Je l'ai justement amené aujourd'hui. Ainsi, vous pourrez me laisser partir et je ne vous reverrais plus jamais.

Les yeux de Rolo et Nyma s'illuminèrent soudain. Il était clair que séquestrer un adolescent n'avait pas dû être la décision la plus facile à prendre, et en être délivré ainsi devait les soulager énormément. Keith, quand à lui, se figea. Il savait très bien que Lance n'avait pas le collier sur lui, alors quoi ?

Soudain, l'évidence lui traversa l'esprit. Évidemment ! Lance comptait sur lui pour aller le chercher et le ramener. Dans un de leurs brefs moments de paix, Keith avait plusieurs fois manifesté l'envie de voler à nouveau de ses propres ailes. Lance s'était montré très intéressé par la question et l'ange s'était fait une joie de décrire leur vitesse supersonique, leur douceur et les sensations incroyables que lui procurait le vol. Mais ses ailes, il ne les avait pas !

Lance le regardait d'un air confiant, pas affolé pour deux sous alors qu'il était ligoté face à deux individus prêt à tout pour venger leur fille et soeur. Keith ne pouvait se permettre de le décevoir. Il n'avait aucune idée de la façon dont il pouvait récupérer ses ailes, mais les paroles de l'Archange lui revinrent en tête : ses ailes et ses pouvoirs lui seraient rendus s'il s'en montrait digne. Que signifiait se montrer digne de ses ailes et ses pouvoirs ? C'était les mériter, avoir fait quelque chose qui justifierait d'avoir de telles capacités offertes. Keith voulait s'en servir pour sauver Lance, sauver son protégé, et pas parce qu'il en avait le devoir. Parce que pour la première fois, il en avait réellement l'envie.

Une fois qu'il eut constaté cela, une lumière blanche provenant de son dos l'aveugla soudain, et il sentit un titillement familier au niveau de ses omoplates. La joie qui l'envahit alors fut indescriptible. Retrouvant instantanément ses réflexes, il battit de ses ailes nouvellement restaurées une première fois, puis sans plus hésiter fonça par la fenêtre ouverte pour se rendre jusque chez Lance.

Euphorique, il éclata d'un rire franc au milieu du ciel. C'était comme si toute la tension accumulée au cours de ces dernières semaines était resté au sol sans lui. Enfin, il se sentait lui-même, il se sentait libre, il était capable de tout. Il écarta les bras, se laissant planer un petit peu afin de sentir la caresse du vent et la douce chaleur du soleil contre sa peau. Puis il tourbillonna, repartit en avant, en arrière, fit la course avec quelques oiseaux avant de descendre en piqué et d'atterrir devant l'internat de Lance.

Encore tout frémissant de sa course, il lui semblait que rien désormais ne serait plus capable de l'atteindre. Lui ôter le plaisir de voler avait été la punition la plus cruelle des juges, et maintenant qu'il pouvait le faire à sa guise, rien ne lui semblait plus insurmontable. Passer un an sur Terre ? Une blague ! Qu'on lui dise d'y rester cinquante ans, il l'aurait fait avec plaisir tant qu'on lui laissait ses ailes ! Il n'y avait pas de mots pour décrire le fait de voler. C'était juste un pur moment de bonheur qui s'éternisait autant qu'on le voulait, et qui donnait l'impression d'être intouchable.

En parlant d'intouchable... Revenant à la réalité, Keith se rappela qu'il arrivait parfois à saisir des objets, comme quand il avait voulu remettre la brique le soir où Lance l'avait vu, mais parfois non, comme les liens de Lance qu'il avait tenté de détacher tout à l'heure. Arriverait-il à prendre le pendentif ? Sa course jusqu'ici n'avait pas du prendre plus de quelques secondes étant donné la vitesse incroyable de ses ailes, mais s'il tardait trop, Lance serait en danger. S'introduisant dans la chambre par la fenêtre, dont Hunk laissait toujours la poignée vers le haut, sans craindre un quelconque cambriolage étant donné la position de la chambre, Keith se rendit jusqu'au bureau du cubain et farfouilla dedans. Il constata avec plaisir qu'il parvenait à déplacer les feuilles de papier, et fut encore plus heureux quand il découvrit qu'il était aussi capable de porter le pendentif. La pierre dont il était serti, d'un joli bleu ciel aux mille reflets, n'était pas aussi lourde qu'il l'aurait cru.

Il n'avait aucune idée de pourquoi il pouvait s'emparer de certains objets mais pas de tous. Si après cette histoire Lance et lui parvenaient à s'entendre, peut-être pourrait-il lui demander de se renseigner. En tout cas, il n'avait pas de temps à perdre. Rapidement, il ressorti, et sans prendre le temps le temps de refermer correctement la fenêtre, se dépêcha de rejoindre les banlieues où habitait Nyma. Quand il atterrit, seulement une dizaine de secondes avaient dû s'écouler, et Lance le regarda, surpris et fasciné à la fois. Keith comprenait : la vue des immenses ailes blanches dans son dos devait faire son petit effet, et il n'avait pas menti sur leur vitesse. Il déposa le collier dans une des poches intérieures du sac de Lance, se doutant qu'il avait déjà dû être fouillé et que le mettre en évidence attirerait des soupçons. Puis il se recula, laissant au jeune homme le soin de s'expliquer.

Quelques instants plus tard, Rolo brandit triomphalement le collier, et Nyma détacha Lance. Elle paraissait plus embarrassée que jamais, probablement honteuse d'avoir dû user de ses charmes pour une action aussi basse. Mais ils étaient honnêtes : ce n'était pas des assassins. Le jeune homme se dépêcha de récupérer ses affaires avant de se diriger vers la porte. Déjà, Nyma et Rolo se serraient dans les bras, heureux d'avoir enfin de quoi venger Nina. Lance s'apprêtait à sortir sans un regard pour eux, mais Nyma l'arrêta avant.

-Lance ? Merci.

Elle sourit doucement. Lance lui sourit en retour, mais il y avait quelque chose de brisé dans son sourire. Il avait été trompé, abusé, endormi de force, et tout cela fait par une personne qu'il admirait plus que tout. Il allait lui falloir du temps pour se reconstruire et réapprendre à faire confiance. Mais Keith était prêt à l'aider. Il n'avait pas l'intention de laisser le jeune homme seul avec ses démons comme lui l'avait été.

Dès qu'ils sortirent, Lance se jeta sur lui pour lui faire un câlin. La sensation de toucher quelque chose de bien concret ému Keith aux larmes. Ça plus ses ailes de retour, il se sentait plus vivant que jamais, et sentir la douleur partir était si bon.

-Merci, merci, merci, murmura Lance dans le creux de son oreille. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si tu n'avais pas été là. J'aurais été sûrement mort de peur... Et je me rends compte que je ne connais même pas ton  nom.

Keith sourit.

-T'en fais pas pour ça. Je m'appelle Keith.

Lance le dévisagea, un sourire au coin des lèvres, ce qui lui fit froncer les sourcils.

-Keith ? C'est pas très angélique, comme nom.

L'intéressé leva les yeux au ciel.

-Pardon, c'est quoi un nom angélique pour toi ? Gabriel ? Michael ? Désolé de ne pas correspondre à tes standards clichés !

Mais alors qu'il aurait pu se lancer dans une énième séance de chamailleries, Lance calma le jeu d'office en levant les mains.

-Hey, t'affole pas, je rigolais. Keef, c'est parfait.

-C'est Keith, grommela l'autre, mais il sentait bien que le ton n'était plus moqueur mais juste amusé. Enfin bref, je t'offre une petite balade aérienne ?

L'expression du visage de Lance valait tout à cet instant.

-Avec plaisir !

*
[NDA]
jvous avoue que je suis pas bien convaincue par ce chapitre qui me paraît un peu trop irréaliste, vous trouvez pas ?
'fin bon, j'espère que ça vous a plu quand même ! Comme je fais le Nanowrimo, qui m'incite a écrire au moins 1000 mots/jour, vous risquez d'avoir les prochains chapitres assez rapidement, yeah! On va essayer d'en avoir un tous les dimanches, ça vous dit ?
Comme d'hab, hésitez pas à voter et à commenter, ça me fait trop trop plaisir !!
biz',
caly

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