Assis sur une des chaises grinçantes de la bibliothèque, Lance poussa un énième soupir devant l'écran d'ordinateur. Il était physiquement et émotionnellement fatigué, et sa tête lui faisait l'effet d'un essaim d'abeilles en colère. Depuis deux heures qu'il était là, il n'avait pas avancé d'un iota dans son travail scolaire, et s'était contenté de traîner vaguement de page web en page web, cliquant au hasard sur les liens qu'on lui proposait et lisant sans conviction les informations données, pour les oublier la seconde d'après. Plus il s'enfonçait dans cet automatisme et plus la culpabilité grandissait en lui, mais la flemme et la fatigue l'empêchaient de se mettre au travail. C'était plus fort que lui ; tout son corps était faible et engourdi, jusqu'à ses paupières, qui se fermaient par intermittences et sur lesquelles il devait maintenir tout ce qui lui restait d'énergie. Son index semblait être le seul membre de son corps encore valide, et il s'accrochait au petit clic de la souris pour ne pas sombrer complètement dans le sommeil.

Il avait pris soin de les camoufler sous des couches de fond de teint et d'auto-correcteur, mais il pouvait presque sentir les cernes qui s'étalaient sous ses yeux. Ça faisait déjà plusieurs nuits qu'il ne parvenait plus à dormir. Ça n'avait jamais été un problème pour lui auparavant : habitué à partager une chambre avec ses frères et soeurs depuis sa naissance, il avait dû s'adapter aux cris du bébé Luis, à la lumière de Veronica qui travaillait tard, aux ronflements de Marco, à Esperanza qui se réveillait en pleine nuit pour aller aux toilettes et qui butaient dans les petites voitures étalées sur le sol. Et c'était pire quand ses cousins s'invitaient : ils s'entassaient tous sur les matelas étalés au sol et il était impossible de passer une nuit complète sans se retrouver le matin avec un coude dans l'oeil ou une jambe en travers du ventre. De ces années de colocation, en plus d'un souvenir que Lance chérissait du plus profond de son coeur, il y avait acquis une capacité à s'endormir rapidement et un sommeil lourd.

Mais depuis quelques jours, ce talent semblait lui avoir fait faux-bond. Dès qu'il s'allongeait, son esprit partait dans milles directions différentes, et il était bien incapable de faire le vide dans sa tête. C'était comme si des fourmis s'étaient données rendez-vous là-haut et parcouraient ses neurones à la recherche de quelque chose de bien précis, mais qu'il ne savait pas quoi. Il restait les yeux fixés sur le plafond, incapable de s'endormir, et il se retournait dans son lit jusqu'au matin. Parfois, il parvenait à stopper les rouages enflammés de son cerveau et à prendre un peu de sommeil, mais ces moments de répits étaient rares et le fatiguaient encore plus. Il avait tenté les tisanes de sa grand-mère, les méthodes de sa mère, en vain : il ne dormait plus.

Ça lui avait pris du jour au lendemain. Le responsable était sans aucun doute cet étrange garçon qu'il avait rencontré la nuit du théâtre. Il était apparu à Lance par intervalles réguliers après ça, et uniquement pour critiquer son mode de vie comme "mange moins de tacos et plus de légumes" ou "fais tes devoirs". Pire que son abuela. Il le maudissait pour lui avoir fait perdre ses capacités au moment même où il avait le plus besoin, pour prouver à Iverson qu'il avait tort de le considérer comme un mauvais élève. Depuis cette fameuse journée au théâtre, l'étrange situation du garçon lui tournait dans la tête. Or, ses insomnies avaient démarré à peu près à la même période. Il ne fallait pas être un génie pour additionner deux et deux et comprendre que s'il ne parvenait plus à dormir, c'était parce que son cerveau luttait pour analyser la situation. Pourquoi ce garçon pouvait-il se balader impunément sans que personne ne lui dise rien, alors qu'il n'était pas élève du lycée ? Pourquoi brillait-il de l'intérieur ? Était-il vraiment un ange ? Lance n'y croyait pas. Il savait que sa famille était superstitieuse et aurait probablement adulé ce prétendu envoyé du ciel, mais il ne pouvait se défaire de l'impression d'être juste la victime d'un coup monté.

Retenant un grognement, il lâcha la souris et se frotta vigoureusement les yeux dans l'espoir de regagner un peu de concentration. L'écran affichait la page Wikipédia d'une série télévisée appelé Lucifer. Il n'avait pas la moindre idée de comment il avait atterri là, mais cette vision lui fit prendre conscience à quel point il était dans les nuages.

Dans un brusque regain d'énergie et en y mettant tout ce qui lui restait de volonté, il s'obligea à se concentrer sur les consignes que son prof lui avait donné il y a plus d'un mois. La feuille avait été placardé juste au dessus de l'ordinateur par Hunk quand ils étaient arrivés ensemble à la bibliothèque en début d'après midi.

"Tu verras, ça te motivera !" avait assuré son ami avec son légendaire enthousiasme.

Lance cherchait encore la motivation quelque part au fond de lui, mais il avait du mal à la trouver. Le pire, c'est que cet état de végétatisme le révoltait, et à chaque fois qu'il constatait l'heure, il sentait le stress monter en lui, mais malgré tout, il n'arrivait pas à faire quelque chose de productif, et il se haïssait pour ça.

Pourtant, en soit, le projet n'était pas si compliqué.

Pour votre projet technique annuel, vous devrez conceptualiser, programmer et construire un robot capable d'effectuer les fonctions suivantes :

-avancer, reculer, virer à droite ou à gauche
- éviter les obstacles
-tirer dans un ballon
-reconnaître de simples ordres donnés à la voix

La forme et les matériaux du robot sont au choix de l'élève. Un budget est alloué pour chaque projet et les salles de technologie ainsi que tout le matériel de la Garnison sont à leur disposition. Le projet est à rendre au plus tard pour le 23 janvier.

Quand Mr Coran, le professeur de technologie, lui avait remis cette feuille en début d'année, il pensait avoir largement le temps. Il avait laissé les semaines passer sans s'en préoccuper plus que ça. Mais voilà, maintenant, Coran demandait qu'on lui remette les premiers plans des robots pour les noter et les conseiller, et Lance n'avait encore rien fait. Il aurait bien aimé pouvoir se mettre en groupe avec Pidge ou Hunk, mais ils étaient dans un cours au niveau beaucoup plus avancé. Lui, sa spécialité, c'était l'astrophysique, pas la technologie. Quel intérêt y avait-il à savoir construire des robots quand on voulait aller dans l'espace ?

Repoussant sa chaise d'un coup de pied dans le mur, il pencha la tête en arrière, espérant que cela lui donne des idées. Peut-être un nouveau point de vue sur les choses autour de lui l'aiderait à se concentrer et à lui faire trouver l'inspiration ? Tout ce qu'il voyait, c'était la bibliothèque à l'envers. Pas vraiment utile, donc. Sans compter que le sang commençait à lui monter au cerveau, et il doutait que cela l'aide à trouver brusquement des idées.

-Lance ? Qu'est-ce que tu essayes de faire exactement ?

Il aurait reconnu cette voix entre mille : elle appartenait à une personne qu'il appréciait tout particulièrement. Son coeur fit un triple tour dans sa poitrine en reconnaissant la silhouette inversée de Nyma se pencher vers lui. Il se redressa d'un bond, manqua d'éborgner la jeune femme au passage. Ses joues étaient rouges, et il aurait parié que ce n'était pas seulement la faute de sa brève expérience à l'envers.

Comme d'habitude, elle était superbe. Aujourd'hui, elle avait ramené ses longs cheveux blonds en deux couettes, nouées par des élastiques violets assortis à ses yeux ensorcelants. Loin de lui donner l'air petite fille, cette coiffure la faisait paraître encore plus mature en contraste avec ses amies. Elle portait une robe vert bouteille qui découvrait bien trop pour un mois de décembre et des talons hauts de dix centimètres qui lui permettaient de regarder Lance de haut. Son maquillage était impeccable et sa bouche se tordait en un petit sourire en coin qui fit fondre le coeur du cubain dès lors qu'il posa les yeux dessus. Nyma n'était pas seulement belle : elle avait un charme monstre et l'aplomb en béton qui lui permettait de l'utiliser pour parvenir à ses fins.

-Je... Euh... Je...

Il déglutit péniblement. Elle lui faisait toujours l'effet d'être pris au piège, comme une biche dans les phares d'une voiture. Il se retrouvait comme un idiot, incapable d'articuler deux phrases, lui qui d'habitude ne perdait jamais une occasion de déblatérer sur n'importe quoi. C'était comme si ses cordes vocales avaient cessé de fonctionner. Mais s'il ne lui répondait pas dans les dix prochaines secondes, elle se détournerait et partirait. Il avait sa chance pour apparaître comme quelqu'un d'amusant et de cool, après, ce serait trop tard.

-J'essayais de voir les choses sous un nouvel angle de vue, finit-il par conclure piteusement.

Nyma haussa un sourcil. Pour une fois, elle n'était pas accompagné de toute sa clique d'amies gloussantes. Sans son fan-club, malgré sa beauté surnaturelle, elle semblait plus humaine. Plus... accessible. Peut-être Lance pourrait-il enfin tenter sa chance sans essuyer une volée de moqueries ? À compter qu'il sorte quelque chose de plus intelligent qu'une de ses pickup lines habituelles. Lui étaler un peu sa science ?

-Tu savais que quand on regarde quelque chose à l'envers, et bien... Il est inversé ? tenta-il, souriant jusqu'aux oreilles.

OK, peut-être oublier la science. L'humour ?

-Attends, j'en ai une bonne! C'est un gars qui entre dans un bar et il dit "c'est moi!" sauf qu'en fait, c'était pas lui !

Le second sourcil partit rejoindre le premier. Lance paniquait franchement maintenant. S'il ne trouvait pas quelque chose à dire rapidement, Nyma partirait.

-Je... Tu savais que je travaillais au club théâtre maintenant ? On prépare une pièce pour la fin de l'année !

Cette dernière tentative sembla retenir l'attention de la blonde, puisqu'elle attrapa la chaise voisine et s'assit dessus, jambes croisées, s'approchant de telle manière que ses cils papillonnaient maintenant tout près du visage de Lance, qui sentit la chaleur de ses joues s'accroître irrésistiblement.

-Oh, vraiment ? Dis m'en plus !

Sa voix paraissait sincèrement enjouée. Il n'en fallait pas plus à Lance pour partir dans des explications grandiloquentes :

-Au début, on était trois, et je t'avoue qu'on ne savait pas trop par où commencer. Ils avaient prévu une pièce, ouhlala... Pas le genre que les gens ont envie de voir, tu vois ? Donc pour relancer le club, c'était pas terrible. Heureusement j'en ai trouvé une autre, alors c'est arrangé, mais ils n'ont pas été facile à convaincre ! Sinon, ils sont super sympa, donc ce serait cool que tu viennes faire un tour. On va bientôt poser des affiches pour recruter de toute manière, parce que à trois, on ne risque pas d'aller loin !

Durant la dernière semaine, Lance avait eut le temps de mieux connaître Shay et Ray. Sa proposition de pièce leur avait plus, même s'il avait fallu insister pour que Ray renonce à l'autre. Maintenant que le nombre et le type des rôles étaient définis, ils avaient besoin de l'élément le plus important pour un club de théâtre : des comédiens. Il n'avait pas encore eu le temps de proposer à Hunk et Pidge, mais il était sûr qu'au moins l'un des deux serait intéressé. Pour le reste, il allait falloir recruter parmi les élèves de la Garnison. Ils s'étaient mis d'accord sur le fait que la méthode la plus simple allait être de mettre des affiches partout dans le lycée, et de convenir d'une date pour des auditions. Shay s'était proposé pour réaliser les affiches et Ray pour les imprimer et les distribuer. Lance ignorait comment il allait faire pour utiliser autant de fois la photocopieuse sans qu'Iverson le remarque et s'énerve, mais apparement, il gérait. Avec un peu de chance, d'ici la fin du mois, ils auraient constitué une troupe de théâtre assez nombreuse pour commencer à répéter.

-Oh, je suis sûre que ça doit être passionnant ! s'exclama Nyma, s'attirant un regard foudroyant de la bibliothécaire et une vague de chuchotement de la part des élèves qui travaillaient autour.

Sans en tenir compte, elle se pencha encore plus sur Lance, qui déglutit péniblement.

-Et en dehors de ces petites activités... Tu as quelque chose de prévu ce week-end ?

La question était tellement inattendue qu'il lui fallut une bonne dizaine de secondes avant que les mots parviennent jusqu'à son cerveau et y prennent un sens. Quand il comprit enfin ce qu'elle avait dit, ses yeux s'agrandirent sous le coup de la surprise et il manqua de tomber de sa chaise.

-Quelque chose de... Oh, et bien je devais aller au concours de cuisine de Hunk, mais...

L'air de déception qui se peignit sur le visage de la blonde lui serra le coeur. Il fronça les sourcils et agita sa main, balayant l'air pour signifier que ce n'était pas important.

-En fait, tu sais quoi, je suis libre tout le week-end. Même à partir de maintenant, si tu veux, ajouta -il rapidement, assortissant ses propos d'un sourire éclatant.

-Je ne t'en demande pas tant, répliqua-elle sur le même ton joueur. Et bien puisque tu es disponible, on se revoit demain chez moi ?

Elle sortit de sa poche un petit bout de papier sur lequel était griffonné une adresse dans la ville voisine. Elle avait dû prévoir son coup à l'avance, sûr qu'il accepterait. Bien loin de s'en offusquer, Lance l'empocha et la minute d'après, la blonde était déjà partie, souple et légère comme si elle ne pesait pas plus qu'une plume. Il resta quelques instants, les yeux dans le vague, perdu dans ses rêveries de déclarations enflammés, puis poussa un soupir et se reconcentra sur l'ordinateur. Cette histoire de robot à fabriquer lui paraissait encore moins intéressante qu'avant. Il préférait de loin se mettre à penser au lendemain.

Étant interne, il n'était normalement pas autorisé à sortir de l'établissement excepté pendant les vacances, mais il y avait toujours un moyen de contourner le règlement. Il était déjà sorti en douce des dizaines de fois, et il n'avait encore jamais été pincé, ce qui relevait du miracle étant donné sa propension à s'attirer des ennuis. Bon, il fallait l'avouer, c'était en parti dû au laxisme des surveillants, qui avaient d'autres choses à faire que de s'occuper d'une bande de gamins tout un week-end. Ils savaient bien qu'être enfermé au lycée était contraignant et que les internes ne voulaient qu'une chose : sortir. Alors disons qu'ils n'étaient pas trop regardant, sauf s'il y avait des débordements.
Lance aurait préféré être demi-pensionnaire et s'acheter un appartement en ville, ce qui lui aurait permis de sortir à sa guise, mais sa mère avait été intransigeante sur ce point : il devait être encadré. Il ne pouvait pas vraiment la blâmer pour ce choix : au bout de dix-huit ans d'existence, il avait appris à se connaître, et il savait pertinemment que dans un appartement tout seul, il aurait passé plus de temps à s'amuser qu'à travailler. Les distractions auraient été trop nombreuses et il aurait risqué de lâcher définitivement les études. À l'internat au moins, ils avaient des heures d'études obligatoires, et aussi ennuyant que cela puisse paraître, c'était ça qui le maintenait à un niveau correct. En plus, s'il avait eu son appartement, il n'aurait jamais rencontré Hunk et Pidge, puisqu'ils s'étaient parlés pour la première fois à la journée d'intégration d'internat et n'avaient quasiment aucun cours en commun. On pouvait donc dire que c'était un mal pour un bien.

Après une rapide recherche sur Internet, Lance visualisa où se situait la maison de Nyma. Il lui faudrait probablement prendre le bus, car c'était en dehors de la ville, mais rien d'impossible. Un petit tour sur les lignes de bus et son trajet était planifié. Fier de lui, il transmis les informations à son portable et se prépara à éteindre l'ordinateur, tout guilleret. Il ne savait pas pourquoi Nyma s'était soudain décidée à l'inviter chez elle, elle qui avait toujours refusé ses avances, mais le principal, c'était qu'elle l'avait fait et qu'il allait chez elle demain. Il ressentit une petite pointe de déception quand il se rendit compte qu'il allait devoir annoncer à Hunk qu'il ne l'accompagnerait pas à son concours de cuisine, mais l'image de la jeune fille tournait dans son esprit, obsédante, enchanteresse, et il poussa bien vite ses regrets dans un coin de sa tête.

Il n'avait aucune idée d'à quoi pouvait ressembler la famille de Nyma. Avait-elle des frères et soeurs ? Vivait-elle avec ses parents ? En fait, à part qu'elle était en section d'ingénierie aéronautique, il ne savait pas grand chose sur elle, sinon qu'elle devait probablement vouloir travailler dans ce domaine. C'était une fille par laquelle il avait toujours été plus ou moins attiré physiquement, mais il ne la connaissait pas vraiment. Il songea à toutes ces petites choses qui faisaient une personne, tous ces petits détails que seul un proche pouvait connaître. Et qu'il voulait connaître, lui aussi. Quelle chanson avait-elle comme réveil? Dormait-elle les volets ouverts ou fermés? Quand elle prenait une grenadine, était-elle du genre à mettre beaucoup de sirop ou pas du tout ? Il y avait tant à découvrir sur Nyma, et il voulait tout savoir. Il voulait être de ces personnes proches d'elles. C'était une simple attraction physique, mais parfois -il avait déjà vu le cas- cette attraction conduisait à plus. Et c'est ce qu'il espérait. Il espérait que Nyma serait à la hauteur de ses attentes, aussi belle à l'intérieur qu'à l'extérieur, aussi intéressante que charmante.

-Bon, et bien je suppose qu'on verra ça demain, chantonna-il en éteignant définitivement l'ordinateur.

-Il ne faut pas que tu y ailles.

Lance leva les yeux au ciel avant même de voir qui avait prononcé la phrase. Le ton sec, agressif. Ça ne pouvait être que l'Autre.

À vrai dire, il ne lui avait pas demandé comment il s'appelait (est-ce que les anges ont des prénoms?) donc il l'appelait juste "l'Autre" pour simplifier. Priant pour qu'il s'en aille vite, il se retourna et lui fit face. Le soi-disant ange se tenait debout derrière lui, sourcils froncés et bras croisés sur son tee-shirt. Comme à chaque fois qu'il le voyait, Lance ressentait un petit pincement au coeur, parce que par Saturne, il était vraiment magnifique. Dans le genre emo/dark/fan de My Chemical Romance. Mais magnifique quand même.

-Je veux pas me battre avec toi, annonça-il en levant les mains, paumes tournées vers lui. Quoi que tu puisses dire, tu ne m'empêcheras pas d'aller à ce rendez-vous.

L'autre sembla se contenir pour ne pas lui lancer à la tête le premier objet à porté de main. Sachant que ce dernier était une souris d'ordinateur, Lance ne se considéra pas en danger immédiat. Même s'il ignorait ce que le garçon pouvait réellement faire. Il avait mentionné des pouvoirs, mais lui avait également dit ne plus y avoir accès.

-Tu es insupportable, tu le sais, ça ? finit par souffler l'autre, visiblement irrité. Je suis là pour quoi, à ton avis ? Te suivre partout comme un petit chien ? J'ai un boulot, Lance, et j'essaye de le mener à bien. Peut-être que je pourrais y arriver si tu écoutais ce que je te disais !

-Je vais juste à un rendez-vous, pas à un lancer de couteaux, fit remarquer Lance. Il n'y a pas besoin de flipper. Ça arriver souvent, tu sais, que quand deux personne s'apprécient, elles décident de sortir ensemble...

-Là n'est pas la question. Je refuse que tu ailles chez cette fille.

-Tu ne peux pas me dire ce que je dois faire !

-En fait si, je peux !

-Lance ? Tout va bien ?

Ce n'est qu'en voyant la silhouette rassurante de Hunk poser une main sur son épaule que Lance prit conscience de sa position. Il s'était levé, et il avait l'air de crier dans le vide, les mains sur les hanches. Évidemment, l'autre n'était plus là. Un bref instant, Lance se demanda s'il ne l'avait pas simplement imaginé. Puis sa silhouette réapparut juste à côté de Hunk, et il dû mettre toute sa volonté pour garder un air neutre.

-Tu m'as l'air fatigué, déclara ce dernier, inconscient du drame qui se jouait à côté de lui. Tu devrais arrêter de bosser quelques heures et prendre une pause. Viens avec moi, Pidge a ramené des copains, et on comptait faire un jeu de cartes.

-Oui, je pense que j'ai bien besoin d'une pause, grogna Lance en suivant son ami, non sans lâcher un regard noir en passant près de l'autre.

Juste avant de quitter la bibliothèque, il jeta un dernier coup d'oeil en arrière. L'ange se tenait toujours à sa place, irradiant de l'intérieur comme s'il avait avalé un soleil miniature. Lance vit plus qu'il n'entendit les mots qu'il formula.

N'y va pas.

Il claqua la porte derrière lui.